Conseil Constitutionnel : les 9 singes ?

Le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel du projet de loi travail, emploi, pouvoir d’achat (Tepa). Il a toutefois censuré le bénéfice du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt immobilier pour les prêts déjà  conclus. Au motif que cela rompt l’égalité des contribuables devant l’impôt. Argument débile, puisque les contribuables ne sont pas égaux devant l’impôt !

Le projet de loi du gouvernement portant sur le Travail, l’Emploi et le Pouvoir d’Achat (TEPA) a été a validé pour l’essentiel par le Conseil Constitutionnel. Celui-ci a toutefois censuré le bénéfice du crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt immobilier pour les prêts déjà  conclus. (voir, par exemple, Les Echos ou Le Nouvel Observateur). Motif ? « Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition pour rupture de l’égalité entre contribuables », dit l’institution.

Contribuables égaux devant l’impôt ?

En entendant cette nouvelle, qui ne casse pas trois pattes à  un canard, je me suis fait deux remarques :

  • Effectivement, on peut considérer que les contribuables qui ont déjà  acheté ne seraient pas traités également puisque certains ont acheté et d’autres non, et que l’information n’était pas disponible. Mais en quoi cela diffère-t-il pour ceux qui vont acheter à  partir de maintenant ? Dans un cas, personne n’avait l’information (puisque la Loi n’existait pas encore), dans un autre, tout le monde l’aura ! Le traitement « égal » des contribuables n’est donc pas plus remis en cause pour l’effet rétroactif que pour la prise d’effet à  partir de maintenant…
  • Pourquoi le Conseil Constitutionnel ne rejette-t-il pas en bloc l’impôt sur le revenu lui-même, puisque celui-ci est progressif ? Les contribuables sont de facto traités inégalement : le taux d’imposition est variable selon le niveau de revenu ; certainement pour des raisons justifiables de redistribution (ce n’est pas le sujet ici)…mais enfin, quelles qu’en soient les raisons, les contribuables ne sont pas traités également. Je trouve un peu gros de rejeter une mesure pour cette raison. Cela tient plus de l’idéologie égalitariste de conviction, que d’une réelle volonté de traiter avec justice les citoyens/contribuables.

Les 9 singes

Un minimum de cohérence serait souhaitable. Les contribuables sont censés être traité avec justice, pas avec égalité. Et si on considère que l’égalité devant l’impôt est la justice, alors que l’on rétablisse l’impôt non-progressif (taux fixe).
La conclusion, c’est que le Conseil Constitutionnel a certainement voulu éviter qu’on le taxe de laxisme avec le gouvernement, et qu’il a donc choisi un point relativement peu important pour pouvoir dire qu’il n’était pas d’accord sur tout, en utilisant des arguments choquants le bon sens…Le moins que l’on puisse dire, c’est que ça laisse songeur sur l’utilité et sur la compétence de ce comité des 9 « singes ».


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Commentaires

  1. Avatar de Oli

    Tu attaques fort, Lomig, je vois que tes vacances ont été profitables !
    Merki, pour ce billet qui correspond à ce que je pensais sur le sujet. Le conseil constitutionnel donne, à priori, son avis mais le législateur (le parlement) peut passer outre. Effectivement, on peut se poser légitimement la question de son utilité.
    Quant à cette loi, je suis vraiment content qu'elle soit enfin inscrite au JO. Pour résumer ma pensée, je citerais la première phrase d'orientation de la loi.
    "La relance de l’économie passe en priorité par la réhabilitation du travail comme valeur, comme outil d’amélioration du pouvoir d’achat et comme instrument de lutte contre le chômage."

  2. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Désolé de vous contredire, mais "l'égalité" entendue au sens du taux fixe, n'est pas "l'égalité" comme valeur en france, et n'a absolument pas le même sens.

    Il me semble, et vous me corrigerez si nécessaire, que cela fait partie des caricatures les plus absurdes de ceux qui revendiquent "l'égalité" sur de nombreux sujets: Vous confondez ce terme avec "l'uniformisation", et pensez que l'égalité recherchée par certains est une forme "d'unicisation" des sujets.

    Il me semble bon de vous rappeler, à toutes fins utiles, les quelques définitions de l'égalité que l'on retrouve dans certaines idéologies:

    • La première, c'est l'égalité juridique: les mêmes lois pour tous. Pas de notion de caste, etc. Quelles sont les inégalités flagrantes à ce niveau là? On peut penser à Chirac qui en tant que Président, échappe aux lois. On peut aussi penser au fait que l'on arrête beaucoup plus les drogués dans les quartiers pauvres que dans les quartiers riches…

    • La deuxième, c'est l'égalité sociale: il s'agit d'une égalité d'estime et de statut. Les classes sociales continuent d'exister, mais n'impliquent pas d'inégalités. Tout le monde a droit à une égale considération. Bien entendu, star system, discriminations, stigmates, tout cela entrave l'égalité sociale.

    • La troisième, c'est l'égalité économique: la plus radicale, on ne peut l'obtenir qu'en expropriant:on dépossède les gens de leurs biens privés, et comme ça, tous égaux! et ce sont des systèmes de redistribution qui font le reste. Très utopique et non souhaitable.

    • La dernière, c'est l'égalité d'opportunités. Elle se distingue en deux types: opportunités d'accès (1), opportunités de départ (2).

    L'égalité de conditions de départ a pour but de permettre a chacun l'égalité d'accès. Mais elle requiert l'égalité des conditions matérielles.

    Ainsi, vous confondez "égalité" avec "l'égalité économique", qui est la plus totalitaire, un peu parce que vous avez tendance à tout économiciser. Mais l'impôt est dit "républicain" quand il s'adapte en fonction des revenus et des capacités de chacun. C'est pourquoi un smicard ne peut pas payer 2.000€ d'impôts par mois.

    L'égalié ici concerne surtout "l'équité" qui est le véritable sens de notre tryptique de valeurs. Ainsi, plus le système vous permet de vous enrichir, plus celui-ci décide qu'une part importante mérite d'ête redistribuée pour ceux envers qui le système est moins favorable.

    Voilà pour le "sens" de l'impôt.

    Néanmoins, dans cette histoire purement juridique, l'égalité devant l'impôt est en quelque sorte un simulacre purement juridique: l'égalité devant l'impôt signifie que, c'est la loi qui fixe dans le temps et l'espace à partir de son intervention les règles. quand elle décide d'être rétroactive, c'est donc qu'elle est inégalitaire avec ceux qui ont pris leur emprunt AVANT le 6 mai, et il n'y a là aucune raison, ou alors, il faudrait l'étendre à tous les prêts en cours.

  3. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    orienté vers la lutte contre le chômage? de quel texte parlez-vous? Le travail n'a jamais été autant valorisé, sauf au XIXe que ces 20 dernières années. réhabiliter la valeur travail consisterait, vus la part du PIB que s'accordent le capital, de le réguler afin qu'une part plus importante revienne au travail. Il faudrait aussi pour cela abaisser le temps de travail à 32h, car c'est structurel, il n'y a pas de travail pour tout le monde (tous les rapports économiques le disent…). La loi sur les heures sup' ne règlera aucun problème: les employeurs préféreront faire faire des heures sup plutôt qu'embaucher, les heures sup' rapporteront pas énormément, et ne relanceront pas la consommation, la croissance continuera à stagner (0.8%/an de 2008 à 2012) et c'est la précarité et les sous-emplois qui vont progresser… Je vous conseille de lire les rapports de l'INSEE ou de la fondation copernic… Surtout que l'on sait que les cadeaux fiscaux favorisent l'épargne et non la consommation…

  4. Avatar de BLOmiG

    salut,

    merci pour ton commentaire….tu lance le débat sur un sujet annexe (et qui était bien sûr en filigrane de mon article) : qu'est-ce que l'égalité ? qu'est-ce que la justice ?

    J'essayerai de faire un article là-dessus bientôt pour en discuter.

    Le seul point que je soulignais ici, était que l'argument utilisé par le CC pour virer un point était tout bonnement ridicule…si c'est pour entendre des arguments comme ça, merci ! Les contribuables sont égaux devant l'impôt, certes : ils en payent tous ! Le reste (progressivité de l'impôt, distinction suivant le statut de propriétaire, suivant les revenus, etc…), ce sont des inégalités devant l'impôt, justifiables moralement et politiquement, mais des inégalités tout de même…Il n'y a pas de mal à ce qu'on soit inégaux devant les impôts : il suffit d'en être conscient, et de ne pas vouloir faire croire (comme l'a fait le CC) que ce n'est pas le cas…

    à bientôt !

  5. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    c'est dommage que tu ne m'aies pas lu: il y a plusieurs définitions de l'égalité, et l'idée de progressivité de l'impôt rentre dans une définition de l'égalité qui est celle de la mesure de chacun par rapport à ses capacités, ce que l'on appelle l'équité! L'inégalité serait justement un taux fixe puisque nous ne sommes pas égaux devant les revenus: elle correspnd donc à l'égalité par opportunité d'accès.

  6. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Salut,

    merci pour ta précision. Tu as certainement raison.

    Ce qui m'avait choqué ici, c'était un argument que je trouve oiseux : ce qui est vrai pour les emprunts contracté à partir du début de l'application de la loi, l'est aussi de ce qui se serait appliqué avant la date…ça ne change rien vis-à-vis de l'égalité des citoyens devant l'impôt…

    c'était le premier point de mes deux points dans l'article initial.

    Cet article était un peu polémique de toute façon, et pas forcément utilement.

    Je referrais un article pour discuter posément des rapports entre Justice et Egalité. Ce que tu affirmes concernant le caractère juste d'un impôt progressif n'est qu'un avis personnel, et se discute. On le fera ensemble sur le billet que j'y consacrerai. ok ?

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