Pourquoi l’Etat ne peut que grossir

La fiscalité, en France, est utilisée comme un moyen d’incitation et d’orientation des choix des contribuables. En taxant telle ou telle action, en supprimant les taxes sur telle ou telle autre, le gouvernement et l’Etat ont un moyen d’inciter les gens à  agir d’une manière ou d’une autre.
Un gouvernement donné, les hommes et les femmes qui le constituent, comme le rappelle très justement un article de Pascal Salin paru dans les Echos :

[…] ne sont pas motivé par la recherche d’un hypothétique « intérêt général », qui conduirait à  n’édicter que des règles applicables à  tous. Ils ne sont pas différents des autres êtres humains et recherchent d’abord les moyens de réaliser leur propre intérêt personnel. Leur objectif est d’être élus ou réélus. Ainsi que l’a démontré l’économiste américain Mancur Olson, l’idéal est donc pour eux de trouver des mesures avec des bénéficiaires ciblés et repérables, alors que le coût de ces mesures est supporté de manière diluée par un grand nombre de contribuables inconscients du cadeau que l’Etat les oblige à  faire aux autres.

Le problème, c’est que nous vivons dans un pays où on ne retire pas un avantage acquis (le mot « acquis » suffit d’ailleurs à  exprimer le fait qu’on ne revient pas en arrière). Comme par ailleurs la majorité au pouvoir change régulièrement, les cibles de redistribution changent également. Elles s’empilent, en fait. L’arbitraire règne dans ce domaine, et chaque nouveau gouvernement vient donc ajouter aux avantages acquis des nouveaux avantages acquis, financés par des taxes qui vont venir s’ajouter aux nouvelles taxes.
Il faut beaucoup de fonctionnaires pour évaluer, gérer, organiser cet empilement abracadabrantesque. Cela coûte ; le jeu de la redistribution ne se fait pas en flux tendu : il y a ce qu’on prélève à  certains, il y a ce qu’on donne à  d’autres, et il y a ce qui est prélevé au passage pour faire tourner la machine.
Tout cela mène à  un Etat qui grossit sans cesse, et qui a dévié de son rôle initial : il devient une machine à  créer de l’injustice. La redistribution fiscale, par son côté arbitraire, est à  l’opposé de l’idée de justice (basée sur l’idée d’une règle applicable à  tous de la même manière).
Il faut pour sortir de cette spirale, un homme ou une femme politique capable de dire : STOP ! J’ai cru un moment que Sarkozy et Fillon en serait capable. Force m’est de reconnaitre que je me suis trompé. En grand. Sarkozy n’est effectivement ni Thatcher, ni Reagan. C’est bien dommage.


Commentaires

  1. Avatar de Raveline

    Des prémisses intéressantes, mais probablement trop théoriques pour saisir de façon satisfaisantes la réalité, à  mon sens.

    1°) D’une part, au crédit de Sarkozy, la RPGP n’est-elle pas une manière de dire « stop », avec ou sans majuscules ?

    2°) D’autre part, contre Reagan et Thatcher, vous pensez vraiment qu’ils sont parvenus à  enrayer complètement la machine étatique ? Jetez un coup d’oeil à  l’histoire des libertés municipales londoniennes sous Thatcher et de leur réduction. Vous aurez un bel exemple d’hyper-étatisation et centralisation – dans un pays dont ce n’est pourtant pas la tradition.

    3°) Votre présentation des choses donne l’impression que la mission des fonctionnaires est toute entière tournée vers une gestion des lacunes d’une politique clientéliste (je pense ici à  votre cinquième paragraphe).

    4°) Par ailleurs, cette vision de la politique vous amène à  traiter, par exemple, toute externalité, en clientélisme.

    Je peux tout à  fait comprendre qu’on critique l’Etat ; qu’on estime qu’il occupe une trop grande place ; qu’on s’en prenne à  une politique globalement clientéliste.
    Mais d’une part, je crois que vos critiques ne sont pas les plus fondées, parce qu’elles décrivent un mécanisme presque automatique, sans finesse (comment une Thatcher ou un Reagan – tel que vous les percevez – s’inscrivent-ils dans le discours d’un Pascal Salin ?).
    D’autre part, tout ce propos finit par buter sur un obstacle : si une majorité d’individus adhèrent à  ce type d’Etat – quand bien même ils courent à  leur perte – que pouvez-vous, dans un contexte démocratique, contre cela ?

  2. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Salut Raveline,
    merci beaucoup pour ce commentaire détaillé, et pertinent, qui vient souligner tous les traits un peu grossier d’un billet certainement écrit un peu vite, et beaucoup plus d’humeur que de réflexion profonde. J’ai lu l’article de Rubin Sfadj, tout en écoutant à  la télé un débat sur LCP entre deux gars (UMP et PS) qui tous deux ne pensaient qu’en terme d’ »intervention étatique »…leur différence était très faible en ce qui concernait la place qu’il voulait voir jouer à  l’Etat.

    Pour revenir sur les différents points :

    1) oui la RPGP comme la LOLF sont des moyens qui rendent possible un contrà´le un peu plus serré et de continuer comme nous le faisons. Mais ça ne remplacera jamais une vraie volonté de réformes libérales. Si ?

    2) le but n’est pas d’enrayer la machine étatique, mais de la remettre à  sa juste place, et de redonner la liberté d’actions aux individus. Sans rentrer dans le détail que je ne connais pas forcément, je sais tout de même que Thatcher, comme Reagan, ont jugé bon de réduire fortement les impà´ts ainsi que la taille de l’Etat. Je ne prétends pas qu’ils ont tout fait comme il faut, dans tous les secteurs. Simplement qu’ils resteront dans leur pays connus comme ceux qui ont remis un souffle de liberté et qui ont permis, grà¢ce à  cela, en route l’économie.

    3) la mission des fonctionnaires n’est évidemment pas entièrement dédiée à  la gestion (je ne parlais pas des lacunes, mais à  la gestion tout court : il faut bien des fonctionnaires pour collecter et redistribuer l’argent des impà´ts)

    4) n’est ce pas ce que c’est, dans la réalité, et à  partir du moment o๠l’argent que les politiques utilisent pour venir agir a d’abord été pris à  d’autres…?

    Je veux bien reconnaitre que mes arguments sont sans finesses : je ne prétends pas être fin. THatcher et Reagan sont cités tous deux (ainsi que leur politique) par Pascal Salin dans « Français n’ayez pas peur du libéralisme » (2007). Cela montre que la difficulté à  inscrire leur politique dans le discours de Salin est bien plus le fruit de mon incapacité à  retranscrire la pensée de Salin, qu’à  une quelconque incompatibilité de fond.

    Ta dernière question est tout à  fait pertinente : il me semble urgent (je le pense) qu’un homme ou une femme politique VRAIMENT libérale soit au pouvoir en France ; je crains que plus nous attendrons cela, et plus les chances de conflits sont grands (conflits ou fuite des plus riches).

    La liberté ne mérite pas qu’on la dévoie pour des raisons électoralistes, c’est mon avis. Ce n’est pas fin ; mais c’est ce que je pense…

    à  bientà´t, et merci encore pour ton commentaire ! Reviens souvent pour contredire et discuter …

  3. Avatar de Benoît

    D’accord avec vous sur un point, c’est qu’en France, la politique appartient à  une caste et cette caste vise aujourd’hui sa pérénité plutà´t que la réalisation d’un bien général.

    Il me semble assez incroyable de voir que certains députés ou maires sont en poste depuis plusieurs dizaines d’années. Comme dit l’autre : le pouvoir corromp, le pouvoir absolu corromp absolument. Comment ne pas s’étonner qu’après 20 ou 30 ans de mandat certains considèrent que leur poste leur « appartient ». C’est la raison pour laquelle, je suis pour une limitation du nombre de mandat. D’une part, cela permettrait de réduire les dérives népotiques qui ne manquent pas de survenir après un certains nombres d’années au pouvoir (Monsieur Mitterand en savait quelque chose). D’autre part, cela permettrait de créer une grande bouffée d’air dans la politique. De nouvelles têtes apparaitraient, les citoyens serait mieux associés à  la vie politique. La politique ne devrait pas être un métier. Car quand on fait un métier, on vise à  le garder. Or rester en poste ca demande une energie qui n’est pas utilisée pour la réalisation des promesses faites en campagnes.

  4. Avatar de Raveline

    Cher Lomig,

    D’abord, merci beaucoup pour cet accueil. Je suis depuis un petit mois vos réflexions. Je ne suis pas aussi libéral que vous, notamment parce que je pense que redistribution et libéralisme ne sont pas exclusif l’un de l’autre. Surtout, ce qui m’intéresse, c’est la viabilité des systèmes. Les inégalités générées par le libéralisme (qui me paraissent, hélas, assez inévitables) risquent de créer un climat social intolérable, et une situation trop instable n’est bonne ni pour la démocratie, ni pour l’économie.

    L’Etat et les fonctionnaires, en ce sens, jouent un rà´le extrêmement stabilisateur. Je suis conscient que ce raisonnement m’éloigne beaucoup des présupposés libéraux, mais mon principe essentiel est que la paix sociale n’a pas de prix. La liberté me paraît une notion trop vague en comparaison.

    Ceci étant, pour revenir sur les points particuliers :

    1°) (LOFL et RGPP : vraies réformes libérales ou non ?) La LOLF est, comme vous le dites, un moyen de contrà´le ; du reste, c’est un dispositif juridique, rien de plus. La RGPP me paraît bien plus un programme volontariste de réduction de la masse des fonctionnaires.

    2°) (Thatcher et Reagan) Encore une fois, l’imprécision de la notion de liberté me paraît ici problématique. Après tout, prendre un Ronald Reagan, chasseur de sorcière sous le Maccarthysme, comme icà´ne de la liberté, c’est un petit peu discutable. Le fait est que ces personnages traînent malgré tout une légende noire avec eux. L’attitude anti-dévolution de Margaret Thatcher, là  encore, offre un exemple de refus de la liberté des individus. Au nom de l’Etat.
    Ce que je veux dire, c’est que votre raisonnement tend à  figer des figures (l’Etat, le Fonctionnaire, la Liberté) qui s’imbriquent fort bien dans votre raisonnement, mais qui me paraissent, dans la réalité, moins net. Thatcher est d’un point de vue économique une libérale, c’est entendue. En matière de place de l’Etat… ça se discute déjà  plus, au vu de la manière dont elle a écrasé les collectivités territoriales.

    3°) (Les fonctionnaires font autre chose que de la gestion). Je vous taquinais un peu. Mais comprenez que des pompiers, des infirmiers, des policiers, des enseignants, parmi lesquels on trouve des individus forts dévoués à  la chose publique, puissent être agacé de cette vision des fonctionnaires comme suppuration du système, quand bien même je sais bien que c’est plus une rapidité de langage qu’autre chose.

    4°) (La politique est-elle essentiellement du clientélisme ?) C’est bien pour cela que j’ai pris l’exemple des externalités, o๠votre argument fonctionne moins bien – en tout cas ce me semble.

    Bien sà»r, nous avons un désaccord de fond : je crois qu’une politique libérale, et surtout, qui ne serait pas « finement » (pour reprendre vos mots) libérales seraient la première cause des conflits sociaux. Je crois aussi que la fuite des plus riches n’est pas tant à  craindre, parce que la pression fiscale s’est malgré tout réduite. Et qu’on a beau être riche, on n’en est pas moins membre d’une communauté. Alors, je suis d’accord avec vous sur un point : je préfère la vision anglo-saxonne, notamment celle d’un Carnegie (car je répondrais à  votre cher Hayek par le très simple Gospel of Wealth, que vous trouverez sans mal sur Wikisource), o๠les individus prennent en charge la paix sociale, et ne remettent pas à  un Etat la gestion de cette activité.

    C’est la société qui élit ses dirigeants. Ce n’est pas l’Etat qu’il faut changer, mais la société. Ce qu’on ne peut, en théorie, guère faire dans un schéma libéral (ou alors qu’à  très long terme). A mon sens, l’Etat français n’est pas le problème : il correspond à  une certaine vision des choses de la société qui est associée à  cet Etat.

    Car après tout, il faut quand même bien poser la question : Thatcher et Reagan ont-ils été si méritoires d’être libéraux dans des pays o๠le libéralisme est pratiquement né (je sais, je caricature un peu) ? O๠trouvez vous des victoires des libéraux français dans notre histoire ? Vous avez là  une très belle plante, mais gare au sol o๠vous voulez l’exporter, de peur d’en ruiner le développement.

    Ceci étant, pardon d’être si long, et merci encore pour votre accueil. Excusez mon recours au vouvoiement : il m’est plus familier dans les premiers échanges.

  5. Avatar de Ben

    C’est sans doute la grande difficulté du libéralisme, à  savoir : peut-il y avoir de libéralisme partiel ? ou en d’autre terme, comme vous le notiez au début de votre commentaire, Raveline, Libéralisme et redistribution (cad solidarité?)

    Le libéralisme est-ce tout ou rien ? Pour ma part, je me demande souvent si les deux sont pas antagonistes ou non. Peut être pourrez-vous me répondre, mais ne peut-on pas imaginer un système dans lequel un Etat de type libéral organise une forme de redistribution permettant à  ceux qui ne peuvent accéder au marché d’obtenir une aide minimum et qui n’incite pas à  l’assistanat ?

  6. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Salut à  tous,
    je commence par vous remercier pour vos commentaires tous passionnants et qui relancent la discussion de manière intelligente, modérée et ouverte. Je suis recompensé de mes efforts à  un point que vous n’imaginez pas : attirer ici des gens intelligents pour des discussions ouvertes est mon but numéro 1 en tenant ce blog…j’ai lu vos 3 commentaires avec joie. Merci à  tous ! :grin:

    @ Benoit / Ben : Complètement d’accord avec le fait de limiter le nombre de mandats possibles. Dans le système actuel, ce serait effectivement un très bon moyen d’inciter les politiciens à  oeuvrer pour rester dans l’histoire, plutà´t que pour se faire réélire (une intelligence moyenne devrait normalement suffire à  comprendre que l’un ne peut pas aller sans l’autre, mais bon…).
    La question de l’articulation du libéralisme (qui permet à  chacun de vivre sa vie librement) et de la redistribution (qui permet aux moins aptes, à  ceux qui ont souffert, ou qui chutent) est effectivement centrale.

    Je voudrais revenir sur ce point, et j’y répond – partiellement – dans ma réponse à  Raveline…à  bientà´t, et merci encore pour ton commentaire !

    @ Raveline : Pour revenir sur le début de ton commentaire : tu dis :

    Je ne suis pas aussi libéral que vous, notamment parce que je pense que redistribution et libéralisme ne sont pas exclusif l’un de l’autre.

    Moi non plus, je te rassures ! Simplement redistribution n’est pas forcément synonyme de redistribution forcée, non ? Il me semble que si les impà´ts sont la forme de redistribution de richesses la plus commune en France, il ne faut pas oublier que le don est une forme de redistribution, non ? Par ailleurs, plus on met en place une solidarité « forcée » et moins on incite à  la « charité », au « mécénat » ou au « don ». Transfert de richesses peut être synonyme d’acte volontaire. Il suffit de regarder ceux qui donnent du temps et de l’argent aux autres sans attendre de contrepartie. Bill Gates et sa fondation donnent plus chaque année pour le sort des enfants que l’OMS. Quelle solidarité est la plus souhaitable ?

    Par ailleurs, une des propositions des partis libéraux (en france, par exemple) est la mise en place d’une revenu minimum universel, ne dépendant pas de la situation des gens, et leur permettant de s’en sortir. Et de supprimer tout le reste. C’est une manière – à  réfléchir – de rétablir une règle identique pour tous, ne laissant personne sur le carreau, et ne présentant pas de caractère désincitatif (on conserve sur RMU quelle que soit la situation).

    Tu dis aussi :

    Surtout, ce qui m’intéresse, c’est la viabilité des systèmes. Les inégalités générées par le libéralisme (qui me paraissent, hélas, assez inévitables) risquent de créer un climat social intolérable, et une situation trop instable n’est bonne ni pour la démocratie, ni pour l’économie.

    Attention à  la confusion : inégalité n’est en aucun cas synonyme de climat social détestable, ou d’instabilité. Les excès, oui, mais tout excès a des conséquences déstabilisantes, non ? La création de richesses s’accompagne d’une augmentation des inégalités : est-ce dommage ? si tout le monde s’enrichit ? J’avais écrit un article pour parler de cela, je t’y renvoie (Inégalités et Richesses : synonymes ?).

    Enfin (désolé d’être si long), je reviens sur tes points :

    1. la RGPP est certainement plus ambitieuse que ce que j’en connais ; il faut que j’aille voir ça dans le détail. ce que je vois, jusqu’à  présent ce sont les chiffres de baisse du nombre de fonctionnaires : de l’ordre de quelques % en 5 ans, là  o๠les autres pays qui ont réformé leur fonction publique l’ont fait dans des proportions bien plus importantes (de l’ordre de 20-30%)

    2. Bien entendu que la grande majorité des fonctionnaires sont dévoués et compétents. Mais là  n’est pas la question : la question est de savoir s’il est légitime de faire payer au contribuable un service qu’il pourrait avoir d’une autre manière sans lui laisser le choix ? Je suis pour une ouverture à  la concurrence de la plupart des services publics : nous verrons alors rapidement si les services proposés par le privé tiennent le coup face aux services publics. Précision nécessaire sur les mots : un service dit « public » peut être rendu par une entreprise privée : exemple, le ramassage d’ordures.

    2-4. Thatcher et Reagan ne sont pas Pascal Salin, c’est entendu. Et la réalité est plus complexe, toujours, que les modèles que nous pouvons en faire. Ce n’est pas à  mes yeux un argument pour cesser de faire des modèles, nécessairement simplistes. Un modèle est une simplification du réel en vue de l’action.

    Le libéralisme, contrairement à  ce que tu sembles penser, a une vraie et profonde histoire en France : Montesquieu, Bastiat, Turgot, Say, Tocqueville….ce n’est pas rien tout de même.

    Alors oui, je te rejoint sur un point : c’est que le manque de crédit du libéralisme en France est lié à  l’état d’esprit des français. Il faut dire qu’ils sont bien incultes en économie, et que les idées marxistes y ont pénétré assez profondément dans les esprits. Mais cela ne fait pas non plus à  mes yeux un argument contre le libéralisme. Encore une fois, je cherche simplement à  comprendre la réalité, et à  rendre justice aux idées en fonction de leur degré de vérité, pas forcément d’efficacité. Je ne suis pas politicien. Il se peut que dans un souci d’efficacité électorale ou politique, un libéral ait intérêt à  mà¢tiner son libéralisme d’une touche de « collectivisme » pour ne pas effrayer les « braves gens »…Ce n’est pas mon point de vue : je pense que les gens – contrairement à  ce que pensent nos élites – sont tout à  fait capables d’entendre la vérité. Ca prendre du temps (cf. inculture ci-dessus), mais comment faire bouger les choses si on doit travestir la réalité sans cesse.

    Bon je suis trop long déjà . C’est difficile de répondre brièvement.

    à  très bientà´t,

    merci à  vous deux pour vos commentaires. L’accueil que je réserve aux commentateurs n’est que le reflet du plaisir que j’ai à  vous lire.

  7. Avatar de Raveline

    @Ben : La question est vaste ! Il me semble que Lomig donne des éléments de réponse. C’est sans doute possible, mais à  mon avis jusqu’à  un certain point seulement : passé un moment, la compétition joue contre le système de solidarité. Disons que si le libéralisme fonctionnait à  100 %, et si la théorie était parfaitement en phase avec la réalité, il n’y aurait pas besoin de système de solidarité.

    @Lomig: En effet, redistribution n’est pas synonyme d’expropriation. Maintenant, les initiatives privées de charité me paraissent, en France, très loin du niveau anglais.
    Le RMU, qu’on connaît aussi sous le nom d’allocation universelle, est une proposition très intéressante, notamment philosophiquement. Mais elle se heurte à  mon sens à  de gros problèmes de réalisation. Non qu’elle soit complètement impossible. Je crois qu’en Alaska, par exemple, il y a un système équivalent ; mais c’est l’Alaska… en France, je ne vois pas trop comment on organiserait ça.

    Sur les inégalités, je ne fais pas de confusion. Je n’ai rien contre les inégalités. Le problème est double : il y a d’une part, l’ampleur réelle des inégalités, qui peut parfois atteindre des degrés problématiques ; d’autre part, la perception de ces inégalités. Tu écris notamment : « si tout le monde s’enrichit », ce qui est le grand argument du capitalisme face au communisme à  la fin de la guerre froide. C’est vrai globalement, mais cela dépend des circonstances. L’obsession contemporaine du pouvoir d’achat montre bien que les gens n’ont pas vraiment l’impression de s’enrichir ! Le fait que les Anglais, bien plus libéraux et moins égalitaristes que nous le sommes, commencent à  regarder de travers leurs « fat cat » de la City montre bien qu’il y a un degré d’accumulation de richesse individuelle qui n’est pas toléré par la société. On peut le déplorer ; mais si c’est un fait, il est imprudent de le nier complètement.

    Sur la privatisation : oui, je suis plutà´t d’accord. Pour ma part, je suis même, sur le principe, tout à  fait pour. Maintenant, j’attends de voir si cela profite au consommateur (et aux employés !).

    Je sais fort bien que le libéralisme français a des grands noms. Je n’ai pas parlé de leur nombre, mais de leurs victoires. Turgot ? Il échoue à  réformer l’Ancien Régime. Montesquieu ? La Révolution s’en inspire, mais prend ensuite une inclination plus rousseauiste. Bastiat ? Il a été pratiquement oublié en France. Say ? Ni l’Empire, ni la première restauration n’ont retenu ses idées. Tocqueville ? Il a été pratiquement oublié pendant cinquante ans. Et on pourrait aussi parler de Gournay, Constant, Coquelin, Chevalier, Royer-Collard…

    Pour conclure et résumer : le désaccord fondamental, je crois, porte sur l’idée de modèle. Vous dites : simplification du réel en vue de l’action. Economiquement, cela peut peut-être fonctionner (je ne sais pas, je ne suis pas économiste). Politiquement, je n’y crois pas. Dans votre conclusion, vous dites que « les gens sont capables d’entendre la vérité ». C’est que vous présentez le libéralisme comme le résultat d’une espèce d’opération mathématique, à  laquelle on parvient rationnellement. Ce type d’argument, qui a considérablement contribué à  me détacher de la gauche, ne me convainc guère. Ce n’est pas ainsi que les gens fonctionnent. Je préfère l’efficacité à  la vérité : cela rabaisse peut-être la politique par cynisme. Mais, et je vous ai dit que c’était mon principe premier, c’est un pas de plus vers la paix sociale.

  8. Avatar de daniel sachet
    daniel sachet

    et vous raveline que proposez vous?
    cordialement

  9. Avatar de Arnaud

    Pour nourrir un peu les debats sur les inegalites. Sont-elles inevitables dans le liberalisme, faut-il les eviter.

    D’abords prenont un exemple:

    Paul est employe, il valorise son temp libre et ne travaille que 35heures par semaine. Il gagne X euro net apres impot par mois.

    Jacques a la meme education mais est accros au boulot, il travail 60 heure par semaine et gagne 1.5 X euro net apres impot par mois.

    Jacques gagne 50% de plus que Paul. c’est pas egal, mais comme tous le monde est heureux c’est souhaitable.

    Alors de quel inegalite nous parlons? comme identifie les differentes inegalites?

  10. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    salut à  tous,
    merci pour vos commentaires…!

    @ Raveline : on est finalement d’accord sur beaucoup de choses. Tu dis que le RMU est difficilement réalisable, pourquoi ? Par ailleurs, tu sembles d’accord pour dire que le capitalisme mène à  un enrichissement global de la population. Je t’avoue que je n’ai aucune obsession d’ordre « pouvoir d’achat » ou financière ou monétaire. Je donnais cet exemple uniquement parce que si le capitalisme menait à  l’enrichissement de certains au détriment des autres, alors ce serait un argument de poids contre le capitalisme, y compris s’il avait pour « objectif » de faire progresser la société (ce qui n’est pas le cas, c’est un résultat, pas un objectif). Mais ce n’est pas le cas : dans le commerce, les uns ne s’enrichissent pas sur le dos des autres. C’est le contraire qui est vrai. l’échange créé de la richesse. C’était la seule raison de ma remarque là -dessus.
    TU dis :

    Je préfère l’efficacité à  la vérité : cela rabaisse peut-être la politique par cynisme. Mais, et je vous ai dit que c’était mon principe premier, c’est un pas de plus vers la paix sociale.

    La paix sociale est mon « souci » numéro 1. Quel meilleur moyen de l’atteindre que d’empêcher par la loi (garantie par un état de droit) quiconque de venir empiéter sur la liberté des autres ?

    @ Daniel Sachet : merci pour ton passage. ET bonne question, d’ailleurs ! Raveline ? :wink:

    @ Arnaud : c’est bien LA question centrale posée par les réflexions sur le « justice sociale » et l’égalité : quelle inégalité peut-être juste ? Une inégalité peut-elle être injuste ? Pour ma part, une grande distinction doit être faite entre inégalités de droit, et inégalités de fait. Les premières sont toujours injustes. Les deuxièmes pas nécessairement.

    Sur les inégalités de droit, et toute forme de législation qui tend à  se « particulariser » ou à  se rapprocher du « privilège » (loi privée, destinée à  une catégorie particulière de personnes), je pense qu’il est grand temps de revenir à  une logique du droit visant à  établir des règles « universalisables ». Quelle justice est possible, si les régles ne s’appliquent pas de la même manière à  tous les citoyens ?

    SUr les inégalités de fait, comme tu le soulignes avec ton exemple, elles sont autant le fruit de la libre action des individus que des inégalités de départ, et en cela il est dangereux et illusoire de vouloir les corriger…C’est mon avis, et je trouve que Hayek a résumé cette idée en une magnifique phrase :

    Il y a toutes les différences du monde entre traiter les gens de façon égale et tenter de les rendre égaux. Si le premier est la condition d’une société libre, le second n’est qu’une forme de servitude. (Hayek)

    à  bientà´t,

    et encore merci pour vos commentaires !

  11. Avatar de René

    Bonjour à  tous,

    L’article de Lomig est de nature à  donner à  réfléchir, comme souvent, et bien que concis, il pose le problème de l’interventionnisme de l’Etat de manière claire.

    J’arrive dans la discussion un peu tard, mais ça vous a donné le temps de la rendre extrêment intéressante à  mes yeux. Je voudrais juste dire deux ou trois petites choses sur ce sujet qui me tient à  coeur :

    • Un état interventionniste, comme celui que nous connaissons depuis hélas trop longtemps, et sans doute malheureusement pour pas mal de temps encore, est par nature une machine à  produire de l’injustice, et par conséquent à  mécontenter et donc à  détériorer la paix sociale si chère à  Raveline. En effet, la redistribution d’une partie des richesses produites se fait sur la base de choix qui sont faits arbitrairement, et qui ne peuvent donc pas atteindre leur objectif de « justice sociale ». En tout cas cette justice n’est pas ressentie par tous les individus, certains se sentant forcément défavorisés par rapport à  d’autres.

    • La notion « d’intérêt général » qui sous-tend naturellement toute action interventionniste est une notion extrêmement floue, à  supposer qu’elle ait un sens. L’intérêt général dont on parle n’est en fait que l’addition d’intérêts particuliers qui se contredisent, et vouloir agir dans l’intérêt commun est donc un leurre. En fait, on en arrive, dans le meilleur des cas, à  agir dans l’intérêt du plus grand nombre, c’est à  dire contre l’intérêt d’un nombre plus restreint mais non négligeable.

    • La bonne attitude consiste donc à  garantir la liberté individuelle de tous les citoyens, et de leur permettre ainsi d’agir selon ce qu’ils considèrent eux-mêmes être de leur intérêt. Bien sà»r, il faut dans le même temps s’assurer que l’action des uns ne nuit pas à  la liberté d’action des autres. Et c’est là  le principal rà´le de l’Etat. Voire le seul : garantir à  chacun le plein exercice de sa liberté, et garantir dans le même temps sa sécurité. Garantir à  tous les citoyens l’égalité de droits. L’égalité de fait est également un leurre : elle supposerait une égalité des moyens naturels qui n’existe pas.

    • Ce que je viens de dire se heurte « dans la vraie vie » à  un obstacle majeur : que les inégalités naturelles entre les individus conduisent à  l’inégalité des performances et des situations de chacun est une chose, pas forcément négative en elle-même. Que certains individus se retrouvent dans une situation vitale critique en est une autre, inacceptable celle-là  dans une société organisée dont le but est justement de permettre à  chacun de vivre comme il l’entend. Dire que le rà´le de l’état est de garantir les libertés de chacun, c’est dire par définition qu’il a en charge la première d’entre elles : celle de survivre.

    • Donc, quand on évoque « libéralisme et redistribution », je resterai assez nuancé. D’un point de vue purement philosophique, les deux notions s’affrontent. D’un point de vue politique, c’est à  dire dans la pratique, et même si le mot de « redistribution » ne s’applique pas stricto sensu, qu’une partie de l’impà´t, dont le rà´le premier n’est que de financer le fonctionnement de l’état et de ses administrations, soit affecté à  la ganrantie d’un « minimum vital », pour employer un terme simple, ne me choque pas vraiment. Encore faut-il que cette prestation soit suffisamment contenue pour ne pas inciter à  la passivité, ce qui serait l’institutionnalisation de l’assistanat, et que les conditions de son attribution soit très précises, très restrictives, et très contrà´lées. Ce que certains d’entre vous ont appelé « RMU » doit rester une aide aux sinistrés de la vie, pas un revenu minimum garanti à  quiconque. Il doit s’agir d’une indemnité, pas d’une rente publique. Il serait profondément choquant, de mon point de vue, de contraindre l’ensemble des citoyens actifs à  financer ceux qui ne le sont pas par choix personnel…

    Pardon pour ce commentaire trop long. Et merci à  Lomig d’avoir suscité le débat sur le sujet.

  12. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Salut René,
    aucun souci pour le commentaire long : il est clair et précise bien ta position. Je suis entièrement d’accord avec tes 4 premiers points. Sur le RMU, le principe n’est pas de faire financer quelque chose par certains, mais pas par tous. Le principe est que tout le monde le touche, que l’on travaille ou pas, que l’on soit millionnaire ou pas. Et que chacun participe à  son financement.

    Cela s’associe à  mes yeux d’un taux fixe d’imposition (ce qu’on appelle impot proportionnel).

    à  bientà´t, René, et merci beaucoup pour ce commentaire !

  13. Avatar de René

    Je n’avais pas compris le principe du RMU. En effet, s’il est financé par tous et qu’il profite à  tous, systématiquement et sans condition de ressource, cela exclue toute notion d’opportunisme et cela diminue le caractère d’assistanat du dispositif. Surtout si, comme tu le préconises, le taux d’imposition est fixe pour tout le monde.

    Mais sur un plan purement pratique, ne penses-tu pas que le financement d’une telle mesure soit difficile à  mettre en oeuvre ? Si on prend à  tous pour donner à  tous, la charge ne risque-t-elle pas d’être élevée individuellement ?

    En tout cas, sur le principe, l’idée est séduisante.

    A bientà´t.

  14. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    salut René, et les autres !

    je suis allé rechercher cette histoire de salaire universel. Les modalités pratiques de mise en oeuvre sont explicité sur le site d’Alternative Libérale : Nouvelle donne sociale

    Il vaut mieux ne pas appeler cela le RMU, je ne sais pas o๠j’ai lu cette appelation…non contrà´lée ! :mrgreen:

    à  bientà´t

  15. Avatar de René

    Merci pour le lien. Je suis allé lire le projet complet, pas seulement le revenu généralisé. Je souscris totalement à  l’idée générale, qui est tout à  fait dans l’esprit libéral que je (nous) défend(on)s.

    Mais il faut avoir conscience que faire passer une telle réforme, à  supposer que quelque élu le veuille vraiment, est une tà¢che énorme : les pressions des corporatismes et de tous ceux qui profitent aujourd’hui des niches fiscales, par exemple, sera titanesque !

    Ca n’empêche pas de se battre pour l’idée, qui est bonne.

    A bientà´t.

  16. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Oui, on imagine bien le remue-ménage…

    En même temps, on ne voit pas trop au nom de quoi tous ceux qui bêlent à  longueur de journée des « démocratie » par-ci, et des « citoyens » par-là , ne se plieraient pas, au final, au décision légitime d’un élu du peuple.

    à  bientà´t !

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