Lunettes gauchisantes et déni du centre

Les lunettes gauchisantes des journalistes et des élites nous cachent une partie du réel. Il convient de les enlever pour mieux comprendre les futures élections présidentielles. Le centre existe, à  gauche comme à  droite, et notre analyse doit les prendre en compte.

Le déni du centre à  gauche

Dans un article très intéressant sur Telos « Les socialistes et le déni du centre« , le politologue Gérard Grunberg montre que les dirigeants du PS ont une lecture partielle de ce que représente Macron et La République en marche : loin d’être à  droite, LREM est une force centriste qui sur certains sujets est proche du PS, et sur d’autres proches des Républicains. La démonstration est implacable, et s’appuie des sources intéressantes (notamment l’enquête Cevipof / Ipsos, Fractures Françaises, intéressante quand on gratte les titres parfois honteusement orientés).

Il me semble que Grunberg manque une partie du raisonnement et de l’analyse : la droite me semble également être dans un déni du centre. La raison de cet aveuglement partiel : le positionnement très à  gauche des médias généralistes et des élites, donc du politiquement correct. Le bras armé de cette propagande : étiqueter tout ce qui est un peu trop à  droite avec le terme infamant d’ »extrême-droite ». Cela a déjà  été analysé en long, en large et en travers : je ne reviens pas là -dessus. Sauf pour mentionner que l’utilisation du terme « extrême », que ce soit pour la gauche ou la droite, mobilise un imaginaire de violence, d’anti-parlementarisme, qui n’est d’aucune utilité pour décrire et comprendre Zemmour ou le Rassemblement National.

Le déni du centre à  droite

En découpant la droite en « Les Républicains » et Extrême-droite, le réel nous échappe. Reconquête et le RN sont des partis de droite, et en accord sur la plupart des sujets. Aucun des deux n’est d’extrême-droite. En allant fouiller dans le dernier sondage Elabe, on peut constater le fait suivant : dans la perspective d’un second tour Macron / Le Pen, une majorité (46%) des électeurs de Pécresse se reporterait sur Macron, tandis qu’une majorité des électeurs de Zemmour (69%) se reporterait sur Le Pen. Je crois pouvoir dire sans me tromper que Pécresse représente le centre droit, de la même manière que Macron représente le centre gauche. L’analyse éclairante du bord gauche par Grunberg doit donc être complétée/amendée pour le bord droit. Le système politique français est structuré autour de 4 éléments : un grand ensemble fracturé regroupant gauche (PS) et extrême-gauche (LFI, EELV), un centre gauche (LREM), un centre droit fragile (LR), et une droite fracturée (Reconquête et RN). Les lunettes gauchisantes cachent la réalité du centre, à  gauche, comme à  droite.

De la même manière que les responsables du PS gagneraient à  prendre en compte l’existence du centre gauche de Macron, les acteurs à  droite gagneraient à  bien comprendre ce qu’est le centre droit. Il est clair qu’il y a une porosité entre les deux centres, et c’est logique. Nombre de membres des LR sont passés chez Macron, et il était parfois difficile, avant l’arrivée de Zemmour, de comprendre la différence entre LR et LREM. La campagne à  venir montrera comment ces ensembles évolueront et quelles alliances éventuelles pourront se faire.

A titre personnel, J’ai une confiance toute limitée dans la parole de Valérie Pécresse. Je crois que les idées de Zemmour sont celles dont nous avons besoin, et qu’elles sont majoritaires. Je vous invite à  lire de manière neutre les résultats de l’enquête Cevipof/Ipsos citée plus haut pour vous en convaincre. Et je crois, surtout, que c’est le seul à  avoir le courage de les appliquer. Les belles paroles, en politique, sont légions. Les actes courageux, beaucoup moins.


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10 réponses à “Lunettes gauchisantes et déni du centre”

  1. Avatar de unger françois
    unger françois

    J’avais lu l’article de Gérard Grunberg et je l’ai aussi trouvé très instructif; fondé sur des enquêtes modestes mais parfaitement analysables. Ta réflexion est également fort juste: le raisonnement appliqué à  la gauche s’applique aussi à  la droite. A commencer par l’idée princeps de Grunberg: tant que la gauche refusera de prendre en compte l’existence du centre elle n’a aucune chance de revenir au pouvoir. C’est la même chose à  droite: si les stratèges de la Reconquête ou du RN ne veulent pas assumer le centre droit (Pécresse) ils ont toutes les chances de perdre la prochaine élection.
    Il y a un moment de la réflexion politique o๠il faut savoir composer, transiger avec les plus proches si l’on veut gouverner. C’est d’ailleurs ce mouvement qui met en condition de gouverner. Mais, comme on connait tous les risques de grenouillages, compromissions, mensonges, trahisons liés à  l’exercice (en France), alors les électeurs fantasment des partis chimiquement purs qui pourraient gouverner sur la base de leurs seules propositions. Impossible; sauf à  mettre notre démocratie en danger. Ou à  moins que le pays soit tellement en danger que ce parti chimiquement pur, révolutionnaire ou nationaliste, surgisse brutalement. On connait l’histoire.
    La raison pousse donc à  ce que les citoyens, bien mieux que les médias, poussent à  ce que toutes les sensibilités politiques soient respectées, décrites et entendues.

    1. Avatar de BLOmiG
      BLOmiG

      salut, merci pour ton commentaire (tu me diras si tu as été notifié de ma réponse).
      Merci de m’avoir partagé l’article de Grunberg ! Bien sà»r qu’il faut savoir composer et trouver les compromis en politique. Je ne comprends pas trop ta notion de partis chimiquement purs : auxquels fais-tu référence ?
      Le débat se pose un peu différemment à  mes yeux. Je souscris au constat d’urgence de Zemmour. Je le crois capable d’assumer de diminuer radicalement l’immigration et d’essayer de remettre de l’ordre dans les esprits en combattant les idéologues qui gangrènent le pouvoir et nos institutions. La politique ça doit être aussi une capacité collective à  se dire la vérité, à  en débattre, et à  voter à  l’issue des confrontations de points de vue et de programme.
      Tu parles de la gauche qui ne peut gagner que si elle accepte l’existence du centre. Je crois de mon cà´té, que la gauche EST au pouvoir. le centre gauche est puissant. sa grande porosité avec le centre droit, normale, me pousse à  penser que leurs actions et leurs programmes seront très proches (au delà  des discours). C’est pourquoi je pense que la droite est maintenant représentée par Zemmour et Le Pen bien plus que par Pécresse. Son suivisme de Zemmour, ces jours-ci, est pathétique.

      1. Avatar de Francois Unger
        Francois Unger

        oui j’ai été notifié de ta réponse par un mail.
        Ce que j’appelle un parti chimiquement pur c’est un parti qui peut gouverner seul, sans partenaires associés, sans coalition. L’exemple démocratique typique c’est l’assemblée nationale élue après la guerre de 14-18 (la chambre bleu horizon) ou celle élue après Mai 1968. Les exemples antidémocratiques sont le parti bolchevique ou le parti nazi. Ce genre d’éclosion est toujours le résultat de crises profondes. Je peux comprendre que la situation actuelle, caractérisée par le déni médiatique des réalités et la contradiction permanente de Macron érigée en système de gouvernement, puisse être assimilée par beaucoup d’électeurs comme une situation de crise. Et qu’en conséquence ils rêvent d’un grand soir. Mais au fond, comme la gauche de gouvernement n’a aucune chance de revenir au pouvoir si elle n’accepte pas l’idée que LREM est sa composante la plus forte, je pense que la droite de gouvernement (j’y inclus la Reconquête et le RN) ne sera jamais en mesure de gouverner si elle n’accepte pas l’idée que les Républicains sont leur meilleure chance d’accéder au pouvoir. La politique c’est la science du possible.

        1. Avatar de BLOmiG
          BLOmiG

          hello. ok je comprends mieux. Et pour le reformuler avec les mots de Bock-Cà´té (excellente interview chez Livre Noir récemment https://youtu.be/4ab7cZ2ZDrY) : un parti chimiquement pur c’est celui qui ne reconnait pas aux autres de légitimité dans le débat public et démocratique. nous sommes tous les deux, comme Bock-Cà´té, convaincu qu’il faut des pà´les différents, des oppositions, des conflits pour que le débat politique permette une réinvention permanente de notre société.
          J’avoue ne pas rêver de grand soir. Par contre je n’ai pas la même lecture que toi : je ne crois pas du tout à  la symétrie que tu sembles faire entre droite et gauche par rapport au jeu avec le parti central. Pour deux raisons. La première c’est que Pécresse est à  mon sens beaucoup plus faible sur ses bases que Macron. Elle a le cul entre deux chaises, là  o๠Macron règne comme un borgne sur un monde d’aveugles. La seconde plus importante à  mes yeux, c’est que la gauche, les idées de gauche, le « pà´le progressiste » domine la vie intellectuelle et publique depuis plus de 30 ans. La chappe de plomb du politiquement correct biaise totalement les débats. Pour sortir de cet hémiplégie, il va bien falloir taper du poing sur la table. c’est ce que fait Zemmour. Au delà  de l’impact sur le débat public, il a sonné à  mon avis une fin de partie à  gauche comme à  droite. Il va falloir parler des sujets qui fà¢chent, en vrai. C’est tout ce que j’attends comme grand soir : après les électeurs se décideront. mais au moins on se sera foutu sur la gueule, démocratiquement, intellectuellement, sur les bons sujets. Savoir comment on réduit drastiquement l’immigration, et pourquoi, est un bon sujet politique. Savoir pourquoi Rama Yade se sent micro-agressée par la statue de Colbert est non seulement un mauvais sujet, mais également une insulte à  notre intelligence. Voilà  pourquoi je crois que le jeu ne se jouera peut-être pas à  droite (la victoire passe par les LR) de la même manière qu’à  gauche… Par ailleurs, je n’ai pas senti une volonté très affirmée chez les LR de parler avec Zemmour ou le RN. Tout ce petit monde est englué dans un politiquement correct ridicule (ils avaient parlé d’exclure les LR qui avaient diné avec Marion Maréchal!)

        2. Avatar de Francois Unger
          Francois Unger

          Il y a le problème des états majors des partis politiques et les problèmes du citoyen électeur. Même si je comprends bien l’intérêt de la cuisine électorale des états majors qui doivent montrer les muscles pour se faire valoir comme les plus ceci ou les plus cela (sans que jamais on ne puisse savoir leur degré de sincérité ni leur volonté de mettre en oeuvre ce qu’ils annoncent), je préfère m’en tenir à  mon dilemme personnel d’électeur: jusqu’o๠suis-je prêt à  transiger pour éviter le pire? 
          Sachant que la gauche est vraisemblablement incapable de proposer un autre candidat crédible que Macron, je considère que je dois voter pour éviter sa réélection qui serait catastrophique pour les raisons que tu dis, à  commencer par l’entretien de tous ces gauchistes qui tiennent les médias, les universités, le monde de la culture et affichent sans vergogne un politiquement correct digne des pires menteurs. 
          Si je pose mon objectif premier, me débarrasser de Macron, je dois ensuite, compte tenu des 3 tiers actuellement comparables de droite (RN, La reconquête, LR) me poser la question: vaut-il mieux que Macron repasse plutà´t que n’importe lequel des 3 de droite? 
          Je réponds que je préfère que n’importe lequel de droite sera préférable à  Macron. 
          Actuellement je ne peux donc pas choisir parce que je vois bien que si La reconquête ou le RN arrive en second au premier tour Macron sera réélu, et que je ne connais pas le rapport de force exact des 3 forces de droite. 
          On peut imaginer que vers Février Mars Pécresse puisse dépasser dans les sondages les deux autres représentants de la droite. Ou Zemmour. Mais pas Marine le Pen je pense qui est usée par son positionnement ancien et perdant. 
          Si Pécrese est franchement en avance il faudra voter pour elle, pour qu’elle soit au second tour. Car, quels que soient ses défauts, ses allers retours idéologiques, ses atermoiements, elle sera plus efficace que Macron pour les questions régaliennes. Et mieux entourée. 
          Si Zemmour est vraiment en tête dans les sondages il faudra prendre le risque de voter pour lui. Je dis le risque parce qu’il aura peu de chances d’être élu au second. Et on repartira pour 5 ans de merde Macron. 
          Je crains que les médias, la coalition des politiciens professionnels, l’isolement de Zemmour et son amateurisme constituent beaucoup d’obstacles pour qu’il puisse s’imposer franchement au premier tour. Nous verrons bien un mois avant l’élection. 
          Il faut virer Macron. 

        3. Avatar de BLOmiG

          Je comprends mieux du coup, un partie de nos désaccords. Mon objectif premier n’est pas de virer Macron, mais d’éviter les deux écueils majeurs que sont l’islamisation progressive par l’immigration, et le recul de la liberté par extension sans fin du domaine d’intervention de l’état.
          Le seul candidat qui me parait adresser le premier est Zemmour. Je ne fais aucune confiance ni à  Macron ni à  Pecresse pour cela. Joachim Veliocas vient de signer un papier pour rappeler à  quel point fricoter avec les islamistes ne pose aucun problème à  Pécresse (extraits articles). Quant à  Macron il a déjà  eu 5 ans et rien ou pas grand-chose n’a été fait. Sur l’étatisme gallopant, je pense que Pécresse et Zemmour seront peu différents.
          Mais comme toi je priorise les enjeux. Le premier me semble le plus urgent. Je ne vois que Zemmour pour l’adresser…

  2. Avatar de Johnathan R. Razorback

    Salut LOmiG,

    Je ne sais pas si tu suis la chaîne du Cercle Aristote sur Youtube, c’est l’un de mes principaux moyens d’information politique.

    Il me semble que Pierre-Yves Rougeyron a bien fait ressortir les faiblesses électorales de Zemmour (par exemple ici: Le Grand Entretien avec Pierre-Yves Rougeyron : Souveraineté, Immigration, Boomers – YouTube ). Zemmour ne parviendra pas à  mobiliser pour lui les millions d’abstentionnistes qui pourraient renverser la vie politique française, parce qu’ils proviennent essentiellement des classes populaires, et qu’il n’est pas possible d’attirer cet électorat en lui promettant un « Etat minimal » et une « régression sociale en creux » (Zemmour ayant une ligne comparable à  Pécresse ou Macron sur les retraites, la fiscalité, l’ « assistanat », etc., ligne que je qualifierais de droite bourgeoise / sarkozyste).

    Problème que n’avait d’ailleurs pas le FN en 2017 à  cause de la ligne souverainiste-sociale de Phillipot.

    Zemmour n’attira pas plus l’électorat souverainiste que l’électorat « gilets jaunes ».

    De plus crois-tu vraiment que Zemmour pourrait modifier significativement la politique migratoire française en restant dans le cadre juridique de l’Union européenne ? C’est ce qu’a prétendu faire Salvini lorsqu’il était au pouvoir en Italie, sans résultats réels.

    Je pense donc que la candidature Zemmour est largement illusoire voire dangereuse, même s’il a le mérite d’être un des seuls à  parler de retour à  la Nation et d’assimilation culturelle des étrangers.

    Bonne année 2022 par ailleurs ;)

    1. Avatar de BLOmiG
      BLOmiG

      salut Jonathan ! merci pour ton commentaire et tous mes voeux également pour 2022. Je vais aller découvrir avec plaisir l’analyse que tu mets en lien.
      J’avoue n’avoir pas de raisons concrètes de penser que Zemmour, pour le moment, a montré son incapacité à  mobiliser tel ou tel électorat. L’avenir n’est pas écrit et nous verrons bien. Beaucoup de choses vont changer dans les quelques mois qui viennent : pour une simple et bonne raison, celle que la vérité, par la voix de Zemmour, a refait son apparition dans les débats, sans les faux-semblants habituellement utilisés pour la rendre moins violente, et plus policée.
      Je constate par ailleurs une chose très curieuse. a droite, la plupart des commentateurs appelaient de leurs voeux l’émergence d’une personnalité capable de porter leurs idées, et de refaire le pont entre LR et RN. Maintenant que nous l’avons sous les yeux, les commentateurs trouvent toutes les bonnes raisons de penser que finalement, non, ce n’est pas exactement ça, qu’il n’a pas les bonnes chances, etc. etc. Pour du coup faire quoi ? Voter Marine Le Pen (déjà  échoué au 2nd tour) ou Pécresse (Macron en bis à  mes yeux). Je suis un praticien avant d’être un théoricien. Le candidat idéal, c’est bien, mais le candidat réel, concret, c’est mieux. Zemmour est une grande opportunité à  mon sens. Je voterai sans hésiter pour lui. Je ne vois pas en quoi sa candidature est « dangereuse » ? ta réponse m’intéresse, au plaisir d’échanger !

  3. Avatar de Gontran
    Gontran

    Merci pour vos échanges très intéressants ! 👍

    1. Avatar de BLOmiG
      BLOmiG

      Hello Gontran, merci pour ton commentaire. Comment vois-tu les choses de ton cà´té ? Zemmour vote utile ou non ? quels sont les enjeux à  tes yeux sur cette élection ?

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