Evidence based journalisme

Manipulation par les médiasLa fiabilité des démarches médicales ou scientifiques s’appuie sur des études, fondamentales ou cliniques, dont les données, les méthodes et les résultats sont validés : c’est le coeur de la démarche « evidence based » et c’est l’avenir de la recherche et du système de santé qui sont en jeu.


Le journalisme professionnel, dans sa recherche du sensationnel ou du raccourci est aux antipodes de cette démarche. Le Figaro du 11 janvier propose cette brève :

Un véhicule de plus de 8 ans multiplie par deux le risque d’accident mortel, selon le bilan 2007 du contrôle technique.

De telles affirmations, si fréquentes dans la presse française, et touchant tous les domaines (politique, social, économique…) ne sont-elles pas des insultes à  l’esprit critique, d’analyse, et à  l’intelligence tout simplement ? Le lecteur est-il si bête qu’il ne sache pas que l’utilisation des véhicules les plus âgés est sans doute corrélée avec des tas de paramètres qui peuvent être liés à  la notion d’accident : la jeunesse du conducteur, son niveau d’éducation, de revenus, les addictions et autres éléments psycho-sociaux péjoratifs… ? Qui peut croire à  une causalité directe entre l’âge d’un véhicule et la mortalité de l’utilisateur, ainsi que nous le dit clairement le texte journalistique ? Et qu’on ne nous dise pas que la plume du journaliste a dépassée sa pensée puisqu’il a le culot de s’abriter derrière le « contrôle technique ».

Affirmation abusive, paramètres non contrôlés, référence bibliographique non adaptée…c’est de la manipulation de lecteur. Le même esprit critique s’impose pour tout texte : qu’il soit journalistique ou scientifique, lu sur internet ou relevé dans n’importe quelle revue. Combien de fois ai je entendu à  la télé ou la radio: « cette nuit, X voitures ont brûlé »; comme on aurait dit qu’elles avaient démarré? Une voiture ne brûle pas sauf si quelqu’un y met le feu! Elle ne démarre que si quelqu’un la démarre! Mais ça arracherait la langue du journaliste de dire « cette nuit on a mis le feu à  X voitures »; Pourquoi le journaliste, celui qui est la voix de la société, n’est-il pas soumis au même effort de réflexion que les scientifiques avant de balancer ses infos? Pourquoi s’autorise-t-il à  manipuler sans vergogne ses auditeurs ou lecteurs? Ne voit-il pas qu’il tue le journalisme en même temps qu’il cultive la connerie humaine? A moins qu’il n’en vive!


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Commentaires

  1. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    salut Zorro,

    merci beaucoup pour cet article, avec lequel je me sens complètement en phase ! ce n'est pas pour rien que tu as initié cette catégorie d'articles "Bas les masques" !

    Pour rester dans la même lignée "automobile", cela me fait penser à un autre exemple typique. Les pouvoirs publics, soutenus par des médias peu enclins au doute et à la vérification, ont fait passer l'idée que "la vitesse tue" (Pascal Salin y consacre un chapitre de son bouquin). Or, chacun sait que ce n'est pas la vitesse qui tue (elle peut être un facteur aggravant en cas d'accident), ce sont les erreurs de conduite (changement de file intempestif, non respect de distances de sécurité)…seulement, c'est LE paramètre de contrôle qui est facilement gérable (par des interdictions, des radars). Du coup les pouvoirs publics friment avec la diminution du nombre de victimes d'accidents de la route, soi-disant corrélé aux limitations de vitesses. C'est aussi nous prendre pour des cons : quel impact ont-eu les systèmes de sécurité des bagnoles (air-bag, ABS, ceinture de sécurité, etc…) ? Certaines études (citées par Salin) montrent par ailleurs qu'il est quasiment impossible de corréler nombre de tués et limitation de vitesse.

    à bientôt, et merci encore pour ton article !

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