[…] Ce n’est pas être provocateur de dire que si les autorités bancaires internationales n’avaient pas fixé à deux reprises des règles prudentielles ayatollesques, les banques n’au¬raient pas eu besoin d’avoir recours à la titrisation et à une quantité de produits dérivés, aujourd’hui pointés du doigt comme les principaux coupables de cette crise financière. Ce n’est pas être un fou furieux du laisser-faire que de dire que les normes comptables adoptées pour tirer les leçons de la bulle Internet ont apporté plus de problèmes que de solutions. Il est heureux de les voir aujourd’hui mises en pièce avec la bénédiction des grands prêtres qui les imposaient il y a cinq ans.
Il est question aujourd’hui d’en finir avec les paradis fiscaux, les rémunérations des banquiers d’affaires, les ventes à découvert, les hedge funds ou ce formidable bouc émissaire qu’est «la spéculation». Mais ce ne sont pas des règles simples ou simplistes qui mettront fin à tous ces os que l’on donne à ronger à l’opinion. Arrêtons de faire croire que l’on peut réguler des capitaux qui font le tour du monde à la vitesse de la lumière, et sans lesquels la croissance mondiale exceptionnelle de ce début de siècle n’aurait pu avoir lieu.
En revanche il n’est pas superflu de rappeler au monde entier que le capitalisme ne peut pas scier constamment la branche sur laquelle il est assis. Le capitalisme, c’est d’abord un humanisme. À condition de replacer l’homme au centre du système, plutôt que de s’en méfier avec des règles aussi excessives qu’insignifiantes. Là devrait être l’enjeu d’un nouveau Bretton Woods.
Yves de Kerdrel, Nécessité et contraintes d’un nouveau Bretton Woods
Jour : 21 octobre 2008
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Quelques mots que j'aurais aimé écrire
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DLL – Les limitations permanentes de notre connaissance des faits
Chapitre premier : « Raison et évolution »
Les limitations permanentes de notre connaissance des faits
La façon de voir constructiviste conduit à des conclusions fausses parce que les actions de l’homme réussissent largement — non pas seulement au stade primitif mais plus encore sans doute au stade de la civilisation – grâce au fait qu’elles sont adaptées à la fois aux faits particuliers que l’homme connaît et à un grand nombre d’autres faits qu’il ne connaît ni ne peut connaître. […] cette inéluctable ignorance de la plupart des données qui entrent dans l’ordre de la Grande Société[1. D’après ce que j’ai compris, la « grande société » d’Hayek est proche de la société ouverte décrite par Popper dans « La société ouverte et ses ennemis »] est la racine du problème central de tout ordre social ; la fiction par laquelle cette ignorance est provisoirement mise de côté n’est la plupart du temps jamais explicitement abandonnée, on se contente de la passer sous silence. Après quoi, le raisonnement suit son chemin comme si cette ignorance n’avait aucune importance.[…]
Ce sera l’une de nos thèses principales, que la plupart des règles de conduite qui gouvernent nos actions, et la plupart des institutions qui se dégagent de cette régularité sont autant d’adaptations à l’impossibilité pour quiconque de prendre consciemment en compte tous les faits distincts qui composent l’ordre d’une société. Nous verrons en particulier que la possibilité de la justice repose sur cette limitation inéluctable de notre connaissance des faits et que, par conséquent, la compréhension profonde de la nature de la justice est refusée à tous les constructivistes qui raisonnent habituellement à partir d’une présomption d’omniscience. […] L’erreur caractéristique des rationalistes constructivistes est, à cet égard, qu’ils ont tendance à fonder leur raisonnement sur ce qui a été appelé l’illusion synoptique, c’est-à -dire sur cette fiction que tous les faits à prendre en considération sont présents à l’esprit d’un même individu et qu’il est possible d’édifier, à partir de cette connaissance des données réelles de détail, un ordre social désirable.