Étiquette : Alain Boyer

  • Distinction entre responsabilité et conviction

    Quelques temps avant l’élection présidentielle, Alain Boyer (professeur de philosophie politique à  l’université de Paris-IV – Sorbonne), avait écrit un excellent article dans le Figaro. Son titre ? « Si vous êtes vraiment de gauche, votez Sarkozy! ». Cet article est vraiment excellent, clair et concis à  la fois. Je ne peux que vous conseiller de le lire !
    Je reviens dessus simplement parce que la distinction qu’il fait dès le début entre « morale de conviction » et « morale de responsabilité » est essentielle, et me parle beaucoup. On retrouve partout, en politique comme au travail, cette ligne de scission entre convictions et responsabilités.
    Max Weber et Raymond Aron ont in­sisté sur deux atti­tudes possibles : la morale de la conviction, qui ne s’intéresse pas aux effets de l’ac­tion mais seulement à  ses intentions, et la morale de la responsabilité, qui cherche à  anticiper les conséquences d’une action avant d’arbitrer, parfois dans la douleur, en sa faveur. Cette morale n’a rien à  voir avec le « réalisme » amoral. Mais elle tient qu’il est immoral de poser au moraliste intègre sans s’interroger sur le bilan prévisible de ses actes. On peut opposer, comme le philosophe « républicain » Philip Pettit, le fait de vouloir « honorer » une valeur et celui de chercher à  la « promouvoir ». Seule cette atti­tude-ci est responsable.
    Il décrit ensuite, à  l’aide d’exemple concrets, la différence entre ces deux attitudes. Vraiment, il faut lire cet article magistral !
    Pour finir, la conclusion de l’article :
    Aujourd’hui, vu l’état du pays, il faut avoir le courage de pro­poser certaines réformes dites « libérales », incitatives, et ­né­gociées avec ceux qui, comme la CFDT, acceptent de ne plus considérer la politique en démocratie comme une guerre, un conflit à  somme nulle, mais comme une délibération commune suivie de compromis.
    Quiconque veut promouvoir les valeurs sociales devra en passer à  l’heure qu’il est par des réformes dites « libérales », conditions sine qua non de la sauvegarde des retraites et de la Sécurité Sociale. La justice doit prendre en compte les générations futures. Les hommes et les femmes politiques de progrès sont ceux qui ont cessé de prendre les électeurs pour des idiots économiques – cessant de faire comme s’il suffisait de « faire payer les riches », de s’endetter et de moins travailler – et se donnent les moyens de promouvoir réellement la liberté, l’égalité et la solidarité.
    Quant aux émotifs qui méprisent les « calculs » et la « rentabi­lité », rappelons cette phrase de l’économiste marxiste Charles Bettelheim, citée naguère par Michel Rocard : « Quand on cesse de compter, c’est la peine des hommes que l’on cesse de compter ». Même si l’on peut en critiquer certains aspects, seul le programme économique de Nicolas Sar­kozy, comme l’était celui, très proche, de François Bayrou, semble en mesure de promouvoir à  long terme les valeurs du progrès social, de la protection et de la liberté. La démarche d’hommes de gauche comme Christian Blanc et Eric Besson n’est donc pas une trahison de leurs valeurs. Français, encore une effort pour promouvoir les valeurs de gauche !