Étiquette : Jésus Christ

  • Soif

    Soif

    C’est toujours difficile de faire une critique d’un livre que l’on nous a conseillé (en l’occurrence, famille et amis me l’ont recommandé, et offert). N’en dire que du bien, ou n’en dire que du mal, ne sont pas des options : il s’agit de de réellement préciser ce que l’on a apprécié, ou moins, dans le livre.

    Osé et bien écrit…

    Commençons par les compliments. « Soif », d’Amélie Nothomb, est un roman très bien écrit, et audacieux : faire parler Jésus à  la première personne, il fallait oser, tout de même. C’est risqué, parce que l’auteur est à  peu près sûr, dans ce cas, de se mettre tout le monde à  dos : les dogmatiques qui vont souligner toutes les divergences entre ce récit et les Évangiles (ou le dogme accepté), les athées qui pensent que Jésus ne pouvait être qu’une sorte d’illuminé, ceux qui auraient prêté une autre personnalité à  Jésus, ceux qui ne pensent pas que l’on puisse lui en prêter une, etc. Osé, donc, et très bien écrit. Le style est vif, direct, et rappelle, dans une certaine mesure, l’extrême simplicité de parole qui est rapportée dans les Évangiles. Le roman se lit vite, et l’absence de suspens, n’empêche pas une certaine tension dans la narration. La seule critique de style est l’utilisation inutile de « flashs-forward » (ou prolepses) qui donnent l’impression d’un Jésus omniscient, alors qu’à  d’autres moments ses propos contredisent ce fait (notamment quand il affirme qu’il n’aura fait changer au final que 3 ou 4 personnes).

    …mais mal ficelé spirituellement

    Les critiques maintenant. J’ai trouvé que l’approche initiale, dans laquelle Jésus explique ce qu’est Dieu en terme d’élan, d’émotion, en lien justement avec le titre était très intéressante (bien qu’à  mon sens totalement vouée à  l’échec comme « explication » de Dieu, puisque limitée à  la dimension vécue, faite de sensation, et faisant de Dieu et de l’amour pour toute chose une forme d’ataraxie, ou de retour à  l’absence de manque).
    Tentez cette expérience : après avoir durablement crevé de soif, ne buvez pas le gobelet d’eau d’un trait. Prenez une seule gorgée, gardez-la en bouche quelques secondes avant de l’avaler. Mesurez cet émerveillement. Cet éblouissement, c’est Dieu. Ce n’est pas la métaphore de Dieu, je le répète. L’amour que vous éprouvez à  cet instant précis pour la gorgée d’eau, c’est Dieu. Je suis celui qui arrive à  éprouver cet amour pour tout ce qui existe. C’est cela être le Christ.
    Pourquoi donc par la suite Amélie Nothomb revient-elle à  d’autres explications – contradictoires avec cette première approche, où la notion de « père » revient, avec une volonté personnelle ? Les habituelles béquilles. Contradiction interne, à  nouveau, mais qui n’est pas utilisée pour enrichir la personnalité de Jésus, mais perturbent plutôt la compréhension.
    J’ai regretté le focus excessif mis sur les sensations immédiates de Jésus, comme si sa pensée ne pouvait être qu’une pensée incarnée, au sens le plus physique du terme. Pour avoir lu les Évangiles, je n’arrive pas à  imaginer Jésus pensant le monde centré sur son nombril, et sans aucune dimension politique ou sociale dans sa pensée. A nouveau, en plus, en contradiction avec les prolepses (p 150) :  » […] je croyais à  la possibilité de changer l’homme. On a vu ce que cela a donné. Si j’en ai modifié trois, c’est le bout du monde. »
    Bref, ce Jésus me semble être une construction artificielle mêlant de la philosophie d’Amélie Nothomb et des éléments de ce qu’on a pu avoir comme traces de Jésus. C’est légitime : chacun a bien le droit de s’approprier ce personnage comme il l’entend. Et tant mieux s’il résonne avec chacun, en nuances. Mais tout de même : un Jésus qui pense que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue ? (p46 : « Si on se rendait compte, on choisirait de ne pas vivre. »). Tout en faisant l’apologie de l’amour charnel, comme platonique ? Au final, j’ai le sentiment d’un livre bien écrit, malin, mais qui maltraite un peu son sujet. Au lieu d’embrasser le mystère, Amélie Nothomb a tenté de le rendre tangible, voire de le résoudre. C’est là  que se situe son erreur, à  mon sens. Et vous ? Qu’en avez-vous pensé ?

  • Le Royaume

    Le Royaume

    Je viens de lire « Le Royaume« , d’Emmanuel Carrère.

    L’histoire des premiers chrétiens à  travers les Evangiles

    C’est un livre racontant dans un style très original l’histoire des premiers chrétiens, à  savoir les apôtres et leurs proches. Le style est original parce qu’il mêle habilement des évènements se passant il y a plus de deux mille ans, et des éléments autobiographiques, des réflexions de l’auteur, concernant sa propre relation à  la foi.
    J’ai vraiment beaucoup apprécié ce livre. L’éclairage apporté par Emmanuel Carrère sur les évangiles, et l’histoire des premiers chrétiens est extraordinaire. A la fois historique (très documenté), et aussi très personnel. Luc, particulièrement, est mis au centre de la narration, parce qu’Emmanuel pense, avec d’autres, que c’est le plus « neutre » des observateurs (à  la différence de Paul, qu’il a accompagné sur de longue période, et qui était beaucoup plus engagé dans un combat presque politique, et beaucoup moins intéressé par le véritable Jésus).

    Rapport à  la Foi

    Ce qui donne une saveur particulière au livre pour terminer, c’est le rapport très particulier d’Emmanuel Carrère à  la foi : d’abord non croyant, il a connu une sorte de « révélation » il y a plus de dix ans, pour finalement ne plus croire en Dieu, tout en restant sensible au message des Evangiles. Pendant ces années où il était croyant, il a travaillé, énormément, sur les textes des Evangiles, sur des documents historiques, des livres, et son rapport aux Evangiles est extraordinairement riche. Tous les jours, Emmanuel Carrère, lisait des passages des Evangiles, et les commentait dans des carnets. Pas de Foi sans Travail ?

    Bref, je vous recommande ce livre chaudement. Pour moi qui ne connaissait rien aux Evangiles (j’ai un peu honte), j’avoue que ça été passionnant, enrichissant, et vraiment fort. Et c’est à  mon goût très bien écrit, puissant et drôle par moment. Et très touchant dans le chapitre de conclusion où Emmanuel Carrère partage avec nous une expérience très particulière, de manière simple et émouvante.