Étiquette : Reflexions

  • Etes-vous heureux ?

    Etes-vous heureux ?

    L’erreur avec le bonheur, c’est de vouloir le penser comme un état. Pour répondre à  la question du titre, il faut définir le bonheur (qui n’est pas la joie). J’aime la définition suivante (je ne parviens pas à  me rappeler si c’est de Laborit ou Comte-sponville, peu importe) très biologique et très dynamique (de mémoire) : « Etre heureux, c’est être capable d’avoir des projets, être capable de les mener à  bien, être capable de jouir de leur accomplissement, et être capable d’en avoir à  nouveau ». Cela définit le bonheur par son contraire, le malheur (qui n’est pas la souffrance). Est malheureux, celui qui n’est pas capable de faire des projets, celui qui n’est pas capable d’accomplir ses projets, celui qui ne peut pas en jouir une fois accomplis, et celui qui ne sait pas rebondir pour faire d’autre projets ensuite, ou qui n’a plus l’envie. Le bonheur serait donc plus un élan, une dynamique, plus qu’un état. Ca me parait sensé ; par ailleurs, cette description rejoint une autre image que j’aime bien : celle proposée par Camus, de Sisyphe poussant son rocher inlassablement, et y trouvant son bonheur.

    Il faut imaginer Sisyphe heureux.

    Pour finir petite citation d’Alain (ça fait toujours du bien par où ça passe) – expert en bonheur – :

    Le bonheur est une récompense qui vient à  ceux qui ne l’ont pas cherché.

  • Partance

    Partance

    Souvent le matin, en partant de chez moi pour aller travailler, je vois un couple avenue du Maine. Il est 06h30, je ne sais pas s’ils sortent d’un immeuble voisin, ou s’ils se sont rejoint ici. Entre 50 et 60 ans, la femme semble attaquée par l’alcool, lui semble plus sain. A chaque fois que je les ai vu (souvent), ils semblent sur le point de se quitter (pour la journée ? pour la vie ?). Ils se prennent souvent dans les bras l’un de l’autre, se parlent, avec entre eux comme une tendresse excluant toute sensualité.

    Je ne connais pas leur histoire. La scène rituelle montre qu’ils partagent au moins de la tendresse, sinon de l’amour. Lui semble loin, en retrait. Il porte sur le visage une sorte de tristesse de fond sereine, elle porte sur le visage une détresse un peu hagarde. Elle est plus agitée, s’écarte de lui souvent, revient dans ses bras. Comme si elle voulait l’emmener avec elle, mais sans savoir où…On dirait une enfant ; peut-être la manière – protectrice – qu’il a de la prendre dans ses bras. Selon mon humeur, mon imagination, j’imagine leur histoire sous des angles différents. Ce pourrait être simplement un couple très soudé. Le mari ou la femme partant travailler tôt, et ils se disent au revoir pour la journée.

    Mais l’au revoir est trop long pour une journée, et l’air qu’ils ont de vouloir se cacher, l’espèce d’urgence sourde qui semble animer la femme, laissent entrevoir une histoire plus compliquée. Peut-être une histoire de séparation rendue impossible par le temps passé. Lui, ayant refait sa vie ailleurs, avec femme et enfants, et Elle toujours amoureuse. Et Lui, ayant gardé de la tendresse et n’ayant jamais pu écarter l’ancienne amante, par peur de faire mal à  un être déjà  diminué. Peut être une histoire sordide, complétant la première, d’homme marié faisant croire à  son amante qu’il va quitter sa femme depuis 30 ans. Et l’amante docile qui attend une bouteille à  la main l’évènement salvateur qui ne viendra jamais.

    Je ne sais pas. Je ne saurais probablement jamais. Ce qui est sûr, c’est que quand je les vois, j’ai toujours une sensation étrange, une émotion un peu mélancolique : on ne voit pas souvent des couples qui restent au même endroit sur le trottoir plus de trente secondes, encore moins à  6H30 du matin. Cette situation rappelle un quai de gare. Peut-être est-ce ça d’ailleurs, leur histoire : une éternelle partance recommencée chaque jour au petit matin.

  • Desperate Housewives

    Desperate Housewives

    Comme quoi une série peut être un bon divertissement, ET une source de réflexion : l’autre jour, j’ai vu un épisode de cette super série américaine, et il se terminait par cette prière (de mémoire) :

    Donne nous la force d’accepter ce qui ne peut être changé, le courage de changer ce qui peut l’être, et la sagesse de faire la différence entre les deux.

    Belle prière, non ? Même si on pense qu’elle ne s’adresse à  personne d’autre qu’à  nous.

  • Raison et Croyance

    Raison et Croyance

    Comment éviter le pire ?

    La montée en puissance de l’islam, comme l’indolence résignée des nihilistes, ne présagent rien de bon pour l’avenir de l’humanité. Pour qui est attaché à  la raison et au doute, pour qui a peur de l’aveuglement des convictions et des croyances, et de la violence qui en résulte, cette situation est difficilement tenable. S’il n’y avait pas le danger, je pourrais me contenter du doute. Je vis assez bien avec. On peut facilement douter de tout, mais difficilement croire en n’importe quoi.
    Mais la force est du côté de ceux qui croient. La force est du côté de celui qui s’abîme dans l’absolu. Celui qui se perd et s’oublie, est capable de tout. Du pire bien souvent. Comment éviter le pire ?

    Doute et Foi

    Le doute est le point de départ de la philosophie : la réflexion commence avec la mise en question. La croyance est le point de départ de la foi : l’abandon dans quelque chose de plus grand que nous, la confiance absolue dans la vérité d’un objet inconnu. Comment marier le doute — indispensable pour qui aime la vérité — avec les croyances — indispensables pour qui veut espérer, aimer et vivre ? Comment croire sans abandonner la vérité, comment penser sans perdre espoir ? Comment, pour celui qui pratique le doute, prendre exemple sur ceux qui croient et prendre cette force ?

    Acte de croyance et objets de croyances

    Le seul moyen de ne pas abandonner la vérité, c’est de conserver le doute sur ce qui est incertain, et d’admettre ce qui est sûr. En se laissant la marge de manoeuvre pour en douter, au besoin. Le doute aura toujours la raison pour lui.
    Croire en quelque chose. Il y a là  un acte (croire), et un objet (quelque chose). La force du croyant, c’est dans l’acte de croire qu’il la puise, pas dans l’objet de la croyance, ni dans la véracité de cet objet. Il faut donc garder ce qui donne la force (l’acte), et forger des objets de croyances moins excessifs que ceux qui ne croient en rien, ou en Dieu.

    Nihilistes et Religieux

    Ceux qui pensent ne croire en rien se mentent à  eux-mêmes et affichent seulement un manque de lucidité sur leur fonctionnement. C’est un « non » lancé à  la cantonade, de même que la Foi est un « oui » lancé au monde. Quoi qu’il en soit, « Rien » (pour les nihilistes) ou « Tout/Dieu » (pour les religieux) sont des objets de croyances hors de la portée de la raison. Proposons donc cet exercice à  la raison : identifier ses croyances, les expliciter pour les forger et les partager, et garder l’acte de croire pour celles que la raison aura validées. Nous pourrons alors — avec un risque moindre — nous abandonner raisonnablement dans une croyance, non nocive. Les grands thèmes de la philosophie sont d’ailleurs résumés à  cela : les concepts pour lesquels l’éclairage de la science n’a pas suffit à  tout résoudre, et qui impliquent toujours, pour avancer, un mariage de raison et de croyance.

    Mes croyances

    Je propose ici quatre croyances que j’ai, et dans lesquels je peux puiser une certaine force, quand le doute se calme. Ce n’est pas exhaustif, c’est valable maintenant et pour moi, et discutable, bien sûr (doute oblige).
    Deux croyances individuelles, et deux croyances collectives.

    Amour et Liberté

    Au niveau individuel, je crois à  l’existence de l’amour et de la liberté. Ce sont deux choses dont l’existence même peut être mise en doute, mais dans lesquelles je crois, et qui me sont indispensables. Je pense que l’amour vécu et partagé peut apporter du bonheur. L’acte d’aimer est la quintessence de la croyance. Dieu est amour, parait-il. L’amour c’est le don et la confiance, aussi.
    Je pense que la liberté individuelle, vécue et assumée, peut apporter du bonheur. Toujours accorder à  l’autre une part de liberté n’est pas si facile, mais tellement profitable pour tout le monde quand on le pratique. Tellement indispensable, que ce soit en pensée ou en acte. C’est garder à  chaque être humain sa dignité. Il est important de savoir ce que l’on aime, qui l’on aime, et où notre liberté nous porte.

    Progrès et Vérité

    Au niveau collectif, je crois à  l’existence du progrès et de la vérité. Ce sont deux choses dont l’existence même peut être mise en doute, mais dans lesquelles je crois, et qui me sont indispensables. La vérité est le lieu d’échange de l’intellect (comme les sens sont les lieux d’échanges des corps), et le progrès est ce but commun regroupant tous les humains de bonne volonté. La croyance dans le progrès est la croyance dans la possibilité d’un progrès : non pas que tout ira forcément mieux demain qu’aujourd’hui, mais qu’avec beaucoup d’efforts, de chance et de bonne volonté, les choses peuvent aller mieux demain qu’aujourd’hui, que le pire n’est jamais sûr. Toujours identifier ce qui fait régresser ou progresser l’humanité, et choisir le progrès à  long terme est souvent une bonne politique. En tout cas, refuser ce qui fait clairement régresser.

    Suite …

    Bien d’autres croyances existent, dans ma tête comme dans la vôtre. Je disais plus haut que tout cela était discutable, et heureusement : on en discute ?