Étiquette : Soumission

  • La désobéissance civile

    La désobéissance civile

    Henry David Thoreau (1817-1862) a écrit ce court et magistral essai, « La désobéissance civile », suite à son emprisonnement : il avait volontairement arrêté de payer son impôt pour protester contre les actions du gouvernement américain (esclavagisme et guerre avec le Mexique). Il faut aller lire sa biographie, car l’homme est original ; poète, naturaliste, paisible amoureux de la nature et prisant de hautes valeurs morales, son passage en prison n’est que la mise en pratique simple, lumineuse, de ce qu’il pense. Le gouvernement agit mal, contre la morale, il n’y a donc aucune raison de lui prêter allégeance. C’est simple comme bonjour, et, dans les faits, très courageux. A la lecture, on ne peut s’empêcher de penser au Discours de la servitude volontaire d’Etienne de la Boétie (qu’il va falloir que je relise, car le souvenir de cette lecture s’est effacé avec le temps).

    La résistance pacifique

    J’ai trouvé ce livre absolument fascinant, et facile à lire : Thoreau décrit simplement les raisons qui l’ont conduit à résister, et la manière dont il décrit tout cela, et sa vie, montrent que c’est une personnalité très paisible, calme, n’aspirant qu’à vivre dans son coin11. Il est connu pour son livre majeur Walden ou la vie dans les bois, décrivant sa vie dans une cabane isolé dans la nature, en bonne intelligence avec ses semblables, et en faisant le Bien. C’est tout le contraire du profil de rebelle ; c’est simplement quelqu’un de cohérent et solide, qui met en pratique sa pensée. Il est difficile également à la lecture, de ne pas faire le rapprochement avec les récentes péripéties liées à la gestion du Covid. Je me rappelle très bien que la question de la désobéissance s’était posée, de manière très concrète, au moment de la « vaccination » presque forcée. Je laisse le mot de la fin à l’auteur, pour vous donner envie de lire22. Le texte intégral est disponible sur Wikisource : La désobéissance civile cet incontournable de la pensée politique.

    Mais pour parler en homme pratique et en citoyen, au contraire de ceux qui se disent anarchistes, je ne demande pas d’emblée « point de gouvernement », mais d’emblée un meilleur gouvernement. Que chacun fasse connaître le genre de gouvernement qui commande son respect et ce sera le premier pas pour l’obtenir. Après tout, la raison pratique pour laquelle, le pouvoir une fois aux mains du peuple, on permet à une majorité de régner continûment sur une longue période ne tient pas tant aux chances qu’elle a d’être dans le vrai, ni à l’apparence de justice offerte à la minorité, qu’à la prééminence de sa force physique. Or un gouvernement, où la majorité règne dans tous les cas, ne peut être fondé sur la justice, même telle que les hommes l’entendent. Ne peut-il exister de gouvernement où ce ne seraient pas les majorités qui trancheraient du bien ou du mal, mais la conscience ? Où les majorités ne trancheraient que des questions justiciables de la règle d’opportunité ? Le citoyen doit-il jamais un instant abdiquer sa conscience au législateur ? À quoi bon la conscience individuelle alors ? Je crois que nous devrions être hommes d’abord et sujets ensuite. Il n’est pas souhaitable de cultiver le même respect pour la loi et pour le bien. La seule obligation qui m’incombe est de faire bien. On a dit assez justement qu’un groupement d’hommes n’a pas de conscience, mais un groupement d’hommes consciencieux devient un groupement doué de conscience. La loi n’a jamais rendu les hommes un brin plus justes, et par l’effet du respect qu’ils lui témoignent les gens les mieux intentionnés se font chaque jour les commis de l’injustice.
  • Soumission

    Soumission

    Le dernier roman de Michel Houellebecq, Soumission, raconte l’histoire d’un enseignant chercheur en lettre qui assiste, impuissant, à  l’évolution de la société française. Présentation de l’éditeur :
    Dans une France assez proche de la nôtre, un homme s’engage dans la carrière universitaire. Peu motivé par l’enseignement, il s’attend à  une vie ennuyeuse mais calme, protégée des grands drames historiques. Cependant les forces en jeu dans le pays ont fissuré le système politique jusqu’à  provoquer son effondrement. Cette implosion sans soubresauts, sans vraie révolution, se développe comme un mauvais rêve.
    Les élections, décrites de manière très réaliste, avec des vrais noms de vraies personnes, et de vraies réflexions sur les jeux de forces entre partis politiques, conduisent à  l’arrivée au pouvoir d’un parti « musulman ».

    Triple parcours habilement tissé

    Houellebecq pourrait paraitre un peu tiède sur le sujet, car le roman est en creux : pas de cristallisation sur l’islam, progression très factuelle et réaliste, presqu’en douceur. Un triple parcours structure le roman : un parcours de la société vers cette victoire électorale puis la mise en place des changements, un parcours spirituel du personnage principal, achevant un long chemin en compagnie d’un auteur peu connu, Huysmanns, et la propre évolution psychologique et artistique de cet auteur. Triple évolution, donc : la société, le personnage, et le « héros » du personnage. Je n’en dis pas plus, mais tout cela est superbement bien écrit, fluide, et tissé simplement. Houellebecq est un auteur honnête, direct.

    Soumission ou réaction ?

    Le roman n’est ni immoral, ni moral ou moralisateur, il est amoral en fait. C’est ce qui choque et qui provoque, d’ailleurs. Et en cela, le roman est diablement malin et malicieux. Que provoque la lecture exactement ? à‡a provoque une réaction intéressante : on est choqué par le manque de réaction du personnage (Houellebecq, soumission ?), mais aussi de la société. Par leur soumission. à‡a ne parait pas très réaliste que tout puisse changer aussi vite, et pourtant c’est dit et raconté de manière réaliste. Cela questionne notre identité, et notre perception de la réalité. Serions-nous aussi lâches, soumis, et capables de nous renier nous-mêmes aussi facilement ?
    Qu’est-ce qui, en douceur, changerait dans notre culture avec l’arrivée de l’islam politique au pouvoir ? Ce serait la fin de la liberté de conscience, et aussi et surtout la fin de la liberté pour les femmes. Finalement le personnage, assez répugnant et veule, et qui considère les femmes presque comme des objets (soit sexuels, soit culinaires), et qui n’a pas vraiment envie de se battre pour quoi que ce soit, nous renvoie – et Houellebecq par son entremise – simplement un miroir de ce que nous sommes, collectivement : une société globalement assez passive, qui n’ose plus affirmer sa morale propre, et qui devient de fait très perméable à  l’action de ceux qui affirment une morale.
    Quelle est cette morale occidentale que nous avons tant de mal à  assumer simplement ? Nous sommes des sociétés tolérantes, ouvertes, attachées à  la liberté, à  l’égalité des droits de tous les individus. Nous portons un attachement particulier à  la laïcité (qui disparait avec l’Islam), au doute et à  la libre pensée, ainsi qu’au progrès. Renier ces choses-là , et c’est exactement ce que montre le roman, ce serait se renier nous-mêmes, et favoriser le désastre presque tranquille décrit par Houellebecq. Qu’il soit porté par l’islam ou par autre chose, d’ailleurs. Soumission, de Houellebecq, à  lire absolument !