Jour : 26 août 2023

  • Gorgias

    Gorgias

    Gorgias est un classique de la philosophie, dense, compact, écrit par Platon, et qui raconte une discussion entre Gorgias, sophiste et maître de rhétorique, et Socrate qui on le sait, critiquait beaucoup les sophistes car, manipulant les mots et les idées pour être efficaces, ils n’avaient pas pour but la vérité et la justice.

    Dialogue à trois

    Le dialogue est en fait à trois : Gorgias, qui ne parle pas tant que cela, Socrate bien sûr, et Calliclès qui est un jeune politicien et qui utilise l’art de Gorgias. Ce n’est donc pas à proprement parler un ouvrage sur la rhétorique et ses techniques, mais plutôt un ouvrage sur la valeur morale de la rhétorique. Peut-on influencer les gens ? Si oui, quels moyens sont légitimes ?
    Socrate est sans pitié : il force, avec sa manière habituelle de conduire les échanges, en toute logique, ses interlocuteurs à reconnaitre que la rhétorique est un art oratoire qui sert à manipuler les gens, à jouer sur les croyances, quitte à travestir la vérité, ou à n’être pas juste. Donc à servir des intérêts particuliers et non des idéaux.
    « Socrate : Veux-tu alors que nous posions qu’il existe deux formes de convictions : l’une qui permet de croire sans savoir, et l’autre qui fait connaître ?
    Gorgias. – Oui, tout à fait.
    Socrate. – Alors, de ces deux formes de convictions, quelle est celle que la rhétorique exerce, « dans les tribunaux, ou sur toute autre assemblée », lorsqu’elle parle de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas ? Est-ce la conviction qui permet de croire sans savoir ? ou est-ce la conviction propre à la connaissance ?
    Gorgias. – Il est bien évident, Socrate, que c’est une conviction qui tient à la croyance. »

    A lire et à relire

    Si vous voulez en avoir un excellent résumé, complet, je vous invite à lire ce billet de blog superbement bien structuré et complet de Beaudoin Le Roux : Gorgias. Je pense pour ma part que c’est un livre majeur et que je le relirai : sa densité, l’ampleur des questions qu’il aborde, le rendent incroyablement puissant. La force de la logique et du raisonnement de Socrate est implacable. Il y a des arguments à opposer à l’idéalisme d’un Socrate : mais vu la branlée que se prennent Gorgias et Polos son disciple, il vaut mieux travailler un peu avant de s’y risquer !

  • L’anneau du pêcheur

    L’anneau du pêcheur

    Jean Raspail était décidément un auteur hors du commun : Le Camp des Saints, bien sûr, que tout le monde connaît, mais aussi Septentrion, m’avaient beaucoup plus. Et je n’ai pas été déçu par L’anneau du pêcheur, dans lequel je me suis donc plongé avec bonheur et où j’ai pu savourer son écriture si vive et si directe. Et cette histoire !

    Une histoire de dingue : les antipapes

    L’histoire s’appuie sur ce qui s’est passé au moment du Grand Schisme d’Occident : en 1378 à la mort du pape Grégoire XI, qui résidait à Avignon : son successeur, Urbain VI, n’est pas accepté par les cardinaux français, qui élisent un autre pape, Clément VII. Celui-ci revient s’installer à Avignon tandis qu’Urbain VI reste à Rome.
    Cette période de l’histoire est passionnante (je la découvrais) : il y a eu pendant plus de 50 ans, deux papes « officiels », l’un en Avignon, l’autre à Rome. Après de nombreux rebondissements (dont certains sont racontés dans le livre), Benoît XIII (Pedro de Luna, cardinal aragonais) est élu Pape en Avignon en 1394. Il finira par devoir s’exiler dans une place forte, Peniscola, et finira presque seul. Mais il réunira un conclave pour nommer un successeur avant de mourir, et l’un des cardinaux, prolongera à Rodez cette lignée d’antipapes, avec la nomination d’un Benoît XIV. Le roman pose comme thèse de départ que cette lignée de papes parallèles, les Benoît, s’est prolongée jusqu’à notre époque. C’est le deuxième récit parallèle dans le roman, où l’on suit un responsable du Vatican, parti à la recherche du dernier Benoît. Ce roman est donc l’histoire d’une lignée de Papes secrets qui se perpétue au cours des siècles.

    L’anneau du pêcheur : passionnant mélange de fiction et de réalité

    Le livre se dévore facilement, car il est bien écrit, rythmé et passionnant. Car avec quelques recherches, on se rend compte que la plupart des éléments de l’histoire sont vrais. Tous les personnages de l’époque du Schisme sont réels : Pedro de Luna, bien sûr, mais aussi le dominicain Vincent Ferrier, ou encore Jean Carrier. Et dans l’époque moderne on entend parler d’un certain Cardinal R, central dans la recherche du dernier Benoît. Comment ne pas faire le rapprochement avec celui qui deviendra … Benoît XVI ?
    Bref, vous l’aurez compris : superbe roman, historique et mystique, passionnant et intriguant.