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  • Jour du dépassement ?

    Jour du dépassement ?

    J’ai entendu parler à  nouveau, il y a peu, du concept fumeux de « jour du dépassement ». Mis en avant par l’ONG FootPrintNetwork, repris en choeur par toutes les associations et mouvements écolo à  tendances décroissants, ce concept n’a pourtant aucun fondement d’aucune sorte.

    L’idée est simple : les ressources n’étant pas infinies, on peut calculer ce que l’humanité consomme chaque année, ce que la Terre est en mesure de « régénérer », et par un savant calcul on peut voir ce qu’on consomme de trop, c’est-à -dire le nombre de planètes qu’il faudrait pour pouvoir continuer comme cela. Ou, dit en d’autres termes, le moment de l’année où l’on a déjà  « consommé une planète ». L’image est forte, marque les esprits, et résonne avec les imaginaires eschatologiques des décroissants, anti-capitalistes, anti-techno, pro-retour à  la nature. On n’est jamais loin du mythe de l’âge d’or.

    Concept logiquement sans fondement…

    Cette idée a m’a toujours énervé. Si à  la mi-année on a déjà  consommé ce qu’on pouvait, et qu’on tape dans les ressources trop fortement, cela signifie que l’année d’après, les ressources sont encore plus faibles. Et ainsi de suite. Quand je regarde les chiffres de ce « jour du dépassement », nous devrions déjà  avoir consommé 25 ou 30 fois la planète ! Or, il me semble, mais je peux me tromper, que la Terre est toujours là , et que nous continuons à  trouver de l’énergie. C’est donc une entourloupe logique.

    …et même pas bien réalisé

    Même les écolos le disent : additionner des choux et des carottes n’a aucun sens (des tonnes de CO2 avec des nombres d’animaux tués, plus des ressources énergétiques consommées, etc). C’est réellement une pure fumisterie rhétorique, pour influencer, coûte que coûte, les décisions politiques. A commencer par la première chose mesurée, les émissions de CO2, classés comme un … polluant. Non, le CO2 n’est pas un polluant. Il faut revenir à  la raison.

    Un peu de vraie science ?

    Je conseille par exemple d’aller découvrir les excellentes pages scientifiques du CEA sur le climat et l’environnement. Je me suis fait encore avoir : je suis tombé sur Etienne Klein présentant le concept d’énergie, et je suis resté regarder la vidéo en entier. J’ai eu la surprise d’apprendre que l’excellente explication du concept d’énergie donnée par Feynmann dans ses fameux cours, venait en fait d’une clarification apportée notamment par Emmy Noether, mathématicienne allemande. Voilà  de la science, de la vraie.
    Pour le reste, je crois que le vrai dépassement c’est le 1er janvier : c’est la date à  laquelle les militants décroissants ont dépassé la quantité de conneries que l’on devrait s’autoriser à  dire chaque année.

  • Citation #108

    Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde.

    Albert Camus (1913-1960)
    Ecrivain, philosophe, dramaturge et journaliste français

  • Ce que la crise révèle

    Ce que la crise révèle

    Il est bien connu qu’une manière de tester un système, c’est de le mettre « sous stress » : cela révèle les failles, les problèmes – structurels ou non. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la crise sanitaire liée au Corona Virus (COVID-19) a bien révélé les failles du système de soin et de la société française. Voici quelques problèmes, quelques choses positives aussi, et quelques enseignements.

    Les problèmes (re)révélés

    Crise des élites

    La crise des élites françaises, d’abord, si bien décrite par Pierre Mari, a été flagrante : gesticulation médiatique du pouvoir, navigation à  vue, discours plats du président. Chacun a pu observer cela. J’en reparlerai en conclusion.

    Territoires pas perdus pour tout le monde

    Il n’y avait pas de raisons que pour que cela change, mais dès le début du confinement on a pu vérifier qu’il y a désormais plusieurs sortes de territoires en France, séparés, et n’obéissant pas aux mêmes règles (qui ne sont pas imposés par l’Etat). Cette réalité, montrée timidement, a vite été oubliée (heureusement certains médias continuent à  parler du réel et il y a des sources alternatives partout sur Twitter).

    Politisation de la société

    La politisation de la justice, manipulée par des lobbys anticapitalistes et multiculturalistes a également été bien visible (affaire Amazon, qui n’a fait que confirmer ce que l’on avait pu voir au moment de l’affaire du mur des cons, des cabales contre Zemmour, ou de l’affaire Fillon. Cette politisation est également perceptible dans le domaine scientifique avec l’affaire Raoult : mélanger science et politique est monnaie courante et devrait toujours alerter les esprits critiques. Raoult n’est pas certainement pas le sauveur que certains ont voulu voir, mais ses arguments tiennent la route, et la mise en place de tests massifs dans son IHU devraient à  minima imposer une forme de respect de la personne.

    Inflation administrative et bureaucratique

    Les deux problèmes mentionnés ci-dessus, ressortant d’une extension de la « politisation » de tous le sujets, me semble avoir une cause commune : l’inflation permanente du champ d’action de l’Etat. Cette inflation administrative, normative, bureaucratique, conduit à  une « soviétisation » de l’économie française, et à  beaucoup d’inepties.
    Notamment, visible en ces temps de crises, des éléments de manque de réactivité et de compréhension des priorités. Scandaleux. Et comme les couches du mille-feuille sont multiples, on aboutit forcément à  des décisions arbitraires, sans vision d’ensemble : pourquoi les hyper-marchés peuvent être ouvert, et pas les petits commerces ?

    Classe politique globalement indigente

    Les membres de la classe politique ont montré, dans leur grand majorité, qu’ils n’incarnaient plus aucune forme de « stratégie », ou de hauteur de vue. Globalement incapables de s’inspirer de ce qui marche dans les autres pays, ou d’appeler au refus des actions idiotes (élections régionales, avec confinement le lendemain). Je ne parle même pas des réactions du monde syndical, tant il nous avait déjà  montré à  quel point ils étaient hors de la réalité vécue par les français.

    Idéologisation des esprits et utopie

    La difficulté à  être dans le réel, justement, et à  résoudre les problèmes qui se posent à  nous, ici et maintenant, fait partie de ce qui est ressorti de plus pénible. Obsession de l’idéal, et de l’après, très bien décrite et analysée par Philippe Silberzahn. Cette forme d’obsession utopique, et de préférence pour les idéaux, me semble être dans le même registre passif que la « vénération/détestation » des dirigeants : on a passé plus de temps à  commenter les discours de Macron, dans la sphère médiatique, qu’à  réfléchir aux moyens qui pourraient être mis en oeuvre pour pallier à  nos manques.
    Dans ce monde hors-sol, il est logique que les constructivistes aux manettes continuent à  utiliser les mêmes leviers, addictifs, que d’habitude : l’argent sort de terre (ou plutôt de la planche à  billet), pourquoi ne pas en distribuer à  tout le monde ? Nous continuons de préparer la prochaine crise financière.

    Quelques sources d’espoir

    Solidarité et entraide spontanées

    Il y a malgré tout, quelques signes encourageants. La capacité des gens à  spontanément s’organiser a été remarquable. J’applaudis à  ma fenêtre, et je suis content de voir mes voisins et les saluer. Je n’applaudis pas les soignants, mais l’ensemble des gens qui sont en première ligne, sans masques, depuis plusieurs semaines (livreurs, policiers, vendeurs, etc.). J’ai également trouvé salutaire l’effervescence de production et de partage de blagues sur le confinement, extraordinaire soupape, et moyen de prise de recul par rapport à  des nouvelles très anxiogènes. Les forces d’entraide et de solidarités ont joué à  tous les niveaux (y compris au niveau des si décriées et honnies entreprises).

    Emergence de nouvelles figures ?

    Il est trop tôt pour le dire, mais j’aime à  penser que certaines voix qui se sont confirmées ou qui ont émergées dans ces temps de crises comme étant porteuses de vision structurées pour la France, prendront de l’importance dans l’après.

    Enseignements : retour aux principes de base

    Deux principes me paraissent essentiels à  mettre en avant pour garder une forme de lucidité. La responsabilité, et l’esprit critique.

    Et la responsabilité, bordel ?

    Il est grand temps de redonner sa place à  la responsabilité, indispensable composante de la liberté. Seuls des individus peuvent être responsable. On est responsable de quelque chose, devant quelqu’un. Il me semble qu’un certain nombre des maux décrits ci-dessus sont en partie causé par un manque généralisé d’esprit de responsabilité. Il ne s’agit pas de chercher des coupables, simplement de remettre cette logique d’action au coeur de l’organisation sociale. Devant qui sont responsables les juges ? Devant qui le gouvernement est-il responsable ? Devant qui l’obscur fonctionnaire qui interdit à  un entrepreneur de vendre des masques est-il responsable ? Devant qui sont responsables ceux qui n’envoient pas les malades en surnombre vers les cliniques privées ? Tous ces fonctionnaires, ou membres de l’appareil d’Etat, ou de la sphère publique, devraient être responsables devant les contribuables, et devant le peuple. L’Etat doit être au service du peuple, et pas l’inverse. Quelles procédures allons-nous mettre en place pour éviter les dysfonctionnement et les décisions absurdes ? Les élites ne pourront être réhabilités dans l’esprit des français que s’ils endossent, en même temps que le pouvoir, des responsabilités.

    Esprit critique

    A titre personnel, je traverse cette crise étant plus convaincu que jamais qu’il est indispensable d’apprendre à  penser par soi-même. Les experts de l’OMS ont donné, sur le port des masques, des avis contradictoires à  une semaine d’intervalle. Personne ne peut penser, ou évaluer à  notre place. Si les français apprennent à  nouveau à  penser par eux mêmes, à  sortir des carcans idéologiques qui empêchent de voir le réel, alors cette crise aura peut-être apporté une bonne chose. Espérons que peu à  peu cela permette de sortir de la double impasse dans laquelle nous sommes : socialiste, et multiculturaliste.

    Quelques règles d’hygiène de pensée, pour compléter l’hygiène du langage, sont toujours utiles à  rappeler ou à  intégrer dans nos habitudes.

    • Ne pas accepter les arguments d’autorité, tout en écoutant les experts
    • Laisser une place au doute, et comparer plusieurs points de vue avant de se faire une opinion
    • Distinguer ce qui est de l’ordre des faits / énoncés sur la réalité, et ce qui est de l’ordre des représentations / interprétations de cette réalité
    • Se méfier de ceux qui cherchent à  éviter le réel

    Il y en certainement plein d’autres : vous les partagez en commentaire ?

  • Innovation pour les nuls

    Innovation pour les nuls

    Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’innovation, la créativité, et leur place dans les entreprises. Il manquait un index à  cette série d’articles consacrées à  l’innovation, et je publie donc ce post pour regrouper les différents articles « Innovation pour les nuls ». En voici la liste :

    Bien entendu, je ne me présente pas comme un expert : n’hésitez pas à  challenger, questionner, discuter, tous ces contenus ! Je les publies ici pour garder une trace, même peu construite, des réflexions qui sont les miennes, ou des connaissances qui me paraissent utiles. Vous pouvez également commenter pour demander un article sur tel ou tel sujet (en lien avec innovation et créativité bien sûr) : si je le maîtrise suffisamment je le produirai avec plaisir. C’est ça aussi, l’innovation pour les nuls ! Bonne lecture !

  • L’hygiène du langage d’Orwell

    L’hygiène du langage d’Orwell

    Je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous un très beau texte de George Orwell, datant de 1946, et consacré aux liens entre langage et pensée. On connait la réflexion d’Orwell dans 1984 sur le langage, avec la « novlangue« . Pour penser juste, il faut utiliser correctement le langage. Mode d’emploi.

    Parler bien pour bien penser

    Si vous lisez ce blog, vous savez qu’il correspond à  un effort que j’essaye de faire pour penser correctement.

    Travaillons donc à  bien penser : voilà  le principe de la morale.

    Blaise Pascal (1623 – 1662)mathématicien, physicien, inventeur, philosophe, moraliste et théologien français

    Penser correctement, cela veut dire, bien sûr, être conscient des biais cognitifs susceptibles d’altérer la qualité de notre réflexion. Mais également, sur un plan différent, il faut toujours être conscient que penser ne peut se faire qu’en utilisant le langage, qui est la forme de la pensée (une pensée sans langage est informe).

    Ce matin dans ma boite mail, j’avais la newsletter du site Polémia, et en me baladant sur ce site je suis tombé sur un texte d’Orwell (article de Polémia, citant lui-même une traduction disponible en ligne sur Espace contre Ciment), qui est un très joli petit essai de 1946, La politique et la langue anglaise. Je ne résiste pas à  vous partager, donc, ce texte, essentiel à  mes yeux.

    Quelques extraits pour la route

    Tout d’abord quelques règles d’écritures que je garde ici :
    Mais il arrive souvent que l’on éprouve des doutes sur l’effet d’un terme ou d’une expression, et il faut pouvoir s’appuyer sur des règles quand l’instinct fait défaut. Je pense que les règles suivantes peuvent couvrir la plupart des cas :
    1. N’utilisez jamais une métaphore, une comparaison ou toute autre figure de rhétorique que vous avez déjà  lue à  maintes reprises.
    2. N’utilisez jamais un mot long si un autre, plus court, peut faire l’affaire.
    3. S’il est possible de supprimer un mot, n’hésitez jamais à  le faire.
    4. N’utilisez jamais le mode passif si vous pouvez utiliser le mode actif.
    5. N’utilisez jamais une expression étrangère, un terme scientifique ou spécialisé si vous pouvez leur trouver un équivalent dans la langue de tous les jours.
    6. Enfreignez les règles ci-dessus plutôt que de commettre d’évidents barbarismes.

    Et puis le début du texte, pour vous donner envie de le lire…
    La plupart des gens qui s’intéressent un peu à  la question sont disposés à  reconnaître que la langue anglaise est dans une mauvaise passe, mais on s’accorde généralement à  penser qu’il est impossible d’y changer quoi que ce soit par une action délibérée. Notre civilisation étant globalement décadente, notre langue doit inévitablement, selon ce raisonnement, s’effondrer avec le reste. Il s’ensuit que lutter contre les abus de langage n’est qu’un archaïsme sentimental, comme de préférer les bougies à  la lumière électrique ou l’élégance des fiacres aux avions. A la base de cette conception, il y a la croyance à  demi consciente selon laquelle le langage est le résultat d’un développement naturel et non un instrument que nous façonnons à  notre usage. Il est certain qu’en dernière analyse une langue doit son (La langue) devient laide et imprécise parce que notre pensée est stupide, mais ce relâchement constitue à  son tour une puissante incitation à  penser stupidement.déclin à  des causes politiques et économiques : il n’est pas seulement dû à  l’influence néfaste de tel ou tel écrivain. Mais un effet peut devenir une cause, qui viendra renforcer la cause première et produira un effet semblable sous une forme amplifiée, et ainsi de suite. Un homme peut se mettre à  boire parce qu’il a le sentiment d’être un raté, puis s’enfoncer d’autant plus irrémédiablement dans l’échec qu’il s’est mis à  boire. C’est un peu ce qui arrive à  la langue anglaise. Elle devient laide et imprécise parce que notre pensée est stupide, mais ce relâchement constitue à  son tour une puissante incitation à  penser stupidement. Pourtant ce processus n’est pas irréversible. L’anglais moderne, et notamment l’anglais écrit, est truffé de tournures vicieuses qui se répandent par mimétisme et qui peuvent être évitées si l’on veut bien s’en donner la peine. Si l’on se débarrasse de ces mauvaises habitudes, on peut penser plus clairement, et penser clairement est un premier pas, indispensable, vers la régénération politique ; si bien que le combat contre le mauvais anglais n’est pas futile et ne concerne pas exclusivement les écrivains professionnels.
    Lire la suite : La politique et la langue anglaise.

  • Autrui oblige

    Autrui oblige

    Je poste ici de modestes recensions des ouvrages que je lis, parfois quelques réflexions qui me paraissent importantes – pour moi – à  structurer. C’est un blog personnel, éminemment confidentiel. Mais il arrive que certains articles soient lus, parfois par l’auteur du livre en question, parfois simplement par les lecteurs plus ou moins réguliers du blog. Cela remet l’accent sur le caractère public de l’écriture sur un blog. A partir du moment où l’on écrit en ligne, on est responsable de ce qu’on écrit. Je ne parle pas ici de l’aspect responsabilité juridique, mais de la responsabilité morale.

    Lorsque j’écris un billet, je me demande souvent ce que les lecteurs éventuels pourraient penser, ou ressentir, à  la lecture. Cela force à  peser chaque mot, bien sûr : il faudra assumer, éventuellement, d’avoir écrit telle ou telle phrase, et l’écrit n’est pas l’oral. Argumenter, expliquer. C’est la fonction de la zone de commentaires.

    Mais cela force à  peser ses mots dans un autre sens : il y a une responsabilité dans l’écriture, comme dans la prise de parole, à  ne pas blesser autrui. Non pas une manière de ne plus dire les choses, ou de ménager les susceptibilités, mais plutôt, comme avec les enfants, apprendre à  choisir la bonne formulation : « je n’aime pas », plutôt que « ce n’est pas bon ». Dire la vérité, crue, sans qu’une personne innocente ou fragile puisse se sentir attaquée ou montrée du doigt. D’ailleurs, non : dire la vérité sans attaquer ou montrer du doigt des personnes. Si certains se sentent attaqués, c’est une autre histoire. Le but est simple : ne pas blesser volontairement, faire attention à  viser la vérité plus que l’effet sur autrui. En miroir, cela implique de dire la vérité sans flagornerie ou volonté de plaire non plus.

    Il y a toute une petite mécanique mentale, une hygiène de la parole, une politesse, à  laquelle la vérité et la présence potentielle d’autrui nous obligent.