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  • La vertu d’égoïsme

    La vertu d’égoïsme

    Ayn Rand, romancière, philosophe et scénariste (auteur du fameux Atlas Shrugged) a explicité sa position philosophique dans un ensemble d’articles, regroupés dans un livre « La vertu d’égoïsme ».

    Electrochoc moral contre la logique de sacrifice

    Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Ayn Rand ne tourne pas en louvoyant autour du pot. Elle attaque directement à  la racine conceptuelle de ce qu’est l’éthique. L’éthique objectiviste qu’elle met en avant est en opposition avec l’éthique altruiste. Dans l’éthique altruiste, elle regroupe 3 écoles (mystique, social, subjective) qui ressortent in fine de la même logique c’est-à -dire qu’elles considèrent l’homme comme un animal sacrificiel.

    De ce point de vue, elles ne sont que des variantes de l’altruisme, cette éthique qui considère l’homme comme un animal sacrificiel, qui soutient que l’homme n’a pas le droit de vivre pour lui-même, que les services qu’il peut rendre aux autres sont la seule justification de son existence, et que le sacrifice de soi est son plus haut devoir moral, sa plus grande vertu et sa valeur la plus importante. Les différences ne surgissent que lorsqu’il est question de savoir, qui doit être sacrifié, et pour qui. L’altruisme considère la mort comme son but ultime et le fondement de ses valeurs. Il est donc logique que la renonciation, la résignation, le dénigrement de soi, et toute forme de souffrance, y compris l’auto-destruction, soient les vertus qu’il prône. Et, logiquement, ce sont les seules choses que les adeptes de l’altruisme ont accomplies, autrefois comme maintenant. Observez que ces trois écoles de la théorie éthique sont anti-vie, non seulement dans leur contenu, mais aussi dans leur méthode d’approche.

    En regard de ces éthiques morbides qu’elle dénoncent, Ayn Rand a précisé quelques pages plus haut que l’éthique objectiviste qu’elle propose, basée sur la vie et la raison. Elle reprend à  son compte la doctrine des Droits Naturels, et défend au contraire un égoïsme rationnel qui n’est pas, comme le précise Alain Laurent dans la préface, « n’importe quel égoïsme, en en particulier l’égoïsme dans acception mesquine et triviale, qui procède d’émotions primaires claquemurant l’individu dans de sordides calculs utilitaires et machiaveliens. (…) dans ses Principes de morale Hebert Spencer remarquait « qu’une égoïsme rationnel, bien loin d’impliquer une nature humaine plus égoïste, est compatible avec une nature humaine moins égoïste » car il met « en lumière les droits des autres » ».

    Le principe social fondamental de l’éthique objectiviste est que tout comme la vie est une fin en soi, chaque être humain vivant est une fin en lui-même, non le moyen pour les fins ou le bien-être des autres. Ainsi, l’homme doit vivre pour son propre intérêt, ne sacrifiant ni lui-même aux autres, ni les autres à  lui-même. Vivre pour son propre intérêt signifie que l’accomplissement de son propre bonheur est le plus haut but moral de l’homme.

    On retrouve là  des basiques, présent dans la règle d’or.
    Sincèrement, ce livre est un petit bijou. Ramassé, précis, intransigeant, il est le contrepoint idéal du roman La grève. Dans le roman, Ayn Rand, longuement, détaillait les conséquences de ces éthiques altruiste qu’elle dénonce, avec un éclairage politique et social. Dans La vertu d’égoïsme, on découvre le versant éthique et philosophique, sans fioriture. Il y a énormément à  dire de ce texte, et je sais déjà  que le relirai, et qu’une partie des pages finira dans ma collection de citations. J’aimerais que mes concitoyens lisent et réfléchissent à  cela. Il y a certainement de bonnes objections à  ce texte, mais il faudra être armé pour cela, car il est pur et dur comme un diamant, réaliste, et rationnel.

    Rappel à  l’ordre

    Après la lecture de Nemo, revenant sur les liens philosophiques entre libéralisme et christianisme, on pourrait objecter qu’Ayn Rand tombe dans le travers décrit par le penseur français : prendre la liberté comme un fin en soi, et donc être dans un libéralisme superficiel (d’après Nemo, qui justement se réclame d’une éthique partiellement sacrificielle). C’est probablement en partie vrai. A titre personnel, je le pense pas, et cela me permet de préciser en quoi cette distinction de Nemo n’était pas tout à  fait juste à  mes yeux. Ces 3 versions du libéralisme (la liberté comme fin en soi, la liberté pour le progrès, la liberté pour la charité) ne sont pas exclusives, ou hiérarchisées, mais additives et représentent à  mon sens trois faces d’une même vérité. Quelle charité, quel progrès, si la vie de l’homme n’est pas le « fondement de toute valeur et sa propre vie comme le but éthique de chaque individu » ?
    Loin d’y voir une opposition entre une visée éthique de combat contre le mal (charité) et une visée éthique de liberté (la liberté comme fin en soi), je pense qu’il est possible d’articuler les deux. L’objectivisme est simplement la condition du reste. Il n’y pas à  hiérarchiser comme le fait Nemo. Comment combattre le mal si on ne commence pas à  le combattre en soi ? Ce que nous dit Ayn Rand, c’est que combattre le mal en soi, c’est commencer par admettre qu’une pensée juste et vraie ne saurait légitimer la négation du droit de certains pour justifier une fin supposée supérieure…

    Certaines questions, que l’on entend fréquemment, ne sont pas des questions philosophiques, mais des confessions psychologiques. Cela est particulièrement vrai dans le domaine de l’éthique. Et c’est spécialement dans les discussions qui concernent ce domaine que l’on doit non seulement vérifier ses prémisses (ou s’en souvenir) mais aussi apprendre à  vérifier celles de ses adversaires. (…) Si un homme spécule sur ce que la « société » devrait faire pour les pauvres, il accepte de ce fait la prémisse collectiviste que la vie des hommes appartient à  la société et que lui, comme membre de la société, a le droit de disposer d’eux, pour déterminer leurs buts et planifier la « distribution » de leurs efforts. Voilà  la confession psychologique sous-entendue dans de telles questions et dans plusieurs sujets du même genre. (…) Plus souvent, cependant, cette confession psychologique révèle un mal plus profond : elle révèle à  quel point l’altruisme érode la capacité des hommes à  saisir le concept des droits ou la valeur d’une vie individuelle ; elle révèle un esprit duquel la réalité d’un être humain a été effacée. (…) D’où la consternante insouciance avec laquelle les hommes proposent, discutent et acceptent des projets « humanitaires » qui devront être imposés par des moyens politiques, c’est-à -dire par la force à  un nombre illimité d’être humains. Si, d’après les caricatures collectivistes, les riches avides s’adonnent aux luxe et à  ses extravagances sous le prétexte que « le prix n’a pas d’importance », alors le progrès social apporté par les mentalités collectivistes d’aujourd’hui consiste à  s’adonner à  la planification politique altruiste, selon le principe que « les êtres humains n’ont pas d’importance ». Le trait caractéristique de telles mentalités est le plaidoyer en faveur d’un objectif public à  grande échelle, sans considération du contexte, des coûts et des moyens. Hors contexte, un tel objectif peut généralement être présenté comme désirable ; il doit être public, parce que les coûts n’ont pas à  être produits mais résultent de l’expropriation ; et une épaisse nappe de brouillard doit ensevelir la question des moyens, parce que les moyens seront des vies humaines

    Est-ce que cela résonne avec certains sujets actuel pour vous ?

    Charité bien ordonnée commence par soi-même.

  • La belle mort de l’athéisme moderne

    La belle mort de l’athéisme moderne

    Le christianisme est vrai

    C’est un livre fascinant que « La belle mort de l’athéisme moderne » de Philippe Nemo. Il regroupe 7 articles que Philippe Nemo a cru bon de réunir en un recueil pour une raison simple, explicitée dans l’avant propos : « ils font l’hypothèse que le christianisme est vrai. »

    Depuis quelques deux siècles, un mélange de recherches intellectuelles sincères et de propagande avait voulu nous convaincre des erreurs et des fautes du christianisme et, ultimement, de son insignifiance, puisqu’il ne serait qu’une parmi les n religions que le monde a connues et connaît, partageant avec elles le statut d’une vaine illusion. Une politique délibérée avait même entrepris d’extirper complètement le christianisme de la société française et de faire en sorte que les nouvelles générations n’en entendent plus jamais parler. Or, il se trouve que ces recherches ont échoué et que cette propagande s’est épuisée. Il se trouve que l’athéisme moderne est mort de sa belle mort. Il n’a pas été tué, puisqu’au contraire le monde présent lui a donné et continue à  lui donner toutes les opportunités de plaider sa cause et d’offrir à  l’humanité de nouvelles raisons de vivre. Vain sursis…Si l’athéisme est mort c’est parce que, décidément, il n’a pas tenu ses promesses et n’a pas établi que l’homme est moins misérable sans Dieu qu’avec Dieu. (…) Naturellement, le fait que le christianisme soit vrai ne signifie pas que tout en lui soit vérité ni qu’il existe pas de vérité en dehors de lui. Ce qu’on soutient ici, c’est qu’il seul à  receler la vérité qui importe le plus à  la vie humaine. Certes, le christianisme peut et doit reformuler certains aspects de ses dogmes, et prendre quelque distance par rapport à  l’enveloppe anthropologique dans laquelle sont message a été jusqu’à  présent porté. Mais il excède cette enveloppe. Il est une doctrine essentiellement ouverte, pour la bonne raison qu’il n’est pas du tout une doctrine, fruit de l’intellect humain. Il est le sillage de la charité du Christ. (…) Les hommes touchés au coeur par la charité du Christ inventeront au christianisme un avenir que les hommes de dogme et d’antidogme ne peuvent anticiper.

    La charité est définie plus loin dans le livre par Nemo : « l’énergie spirituelle qui permet de s’atteler à  tous les chantiers susceptibles de diminuer l’emprise du mal sur le monde et les souffrances des hommes. »
    Beaucoup de choses passionnantes dans le livre, sur le Mal, sur la révolution éthique et eschatologique qu’a représenté le christianisme. L’éclairage du Livre de Job est superbe, et le passage sur la hiérarchie des transcendentaux également. J’ai retrouvé certains des thèmes développés par Philippe Nemo dans « Qu’est-ce que l’Occident?« . C’est de cela dont il s’agit, d’ailleurs : plus qu’une promotion du christianisme, c’est un appel à  la prolongation de celui-ci, par une ré-appropriation, une interprétation actualisée, permettant une transmission de son essence. Un travail sur l’identité de l’Occident chrétien. Un chapitre résonne avec le bel essai de Weiler (« L’Europe chrétienne ? » sur les racines chrétiennes de l’Europe : Nemo ne mâche pas ses mots et considère qu’en plus d’être une « erreur historique massive », le fait de ne pas mentionner les racines chrétiennes dans la Constitution européenne est une forme de « négationnisme » (« un révisionnisme antichrétien ») car cela revient à  « jeter un interdit sur l’identité d’une communauté, à  nier son âme et à  compromettre son avenir ». Je suis d’accord avec lui.

    Les 3 libéralismes

    Le chapitre 5 sur les rapports entre libéralisme et christianisme m’a passionné. C’est le texte d’une conférence donnée à  Turin, et que j’avais déjà  lue il y a longtemps (sans l’avoir plus remarquée que cela, car elle figurait parmi des textes très nombreux dans un livre en hommage à  Pascal Salin, « L’homme libre »). Comme quoi, il fait bon relire son Nemo, de temps en temps. L’auteur y montre à  quel point l’éthique du christianisme est au fondement et a accompagné tout le développement de la philosophie libérale (ce sont les 4 thèses développées par Nemo dans ce chapitre):

    1. c’est l’éthique biblique qui a apporté au monde la liberté ontologique fondamentale d’où découlent toutes les autres libertés ;
    2. le faillibilisme chrétien a joué un rôle-clef dans la genèse du libéralisme intellectuel et de la science moderne ;
    3. l’éthique chrétienne a joué un rôle non moins important dans genèse du libéralisme économique ;
    4. si christianisme et libéralisme semblent, à  certains égards, incompatibles et, à  d’autres égards, intimement liés, cette contradiction apparente est due à  ce qu’il y a plusieurs niveaux de libéralismes dont seuls les plus superficiels sont ou paraissent antichrétiens.

    Nemo distingue en fin de chapitre entre 3 niveaux de libéralisme, qu’il hiérarchise moralement par ordre croissant d’importance : la liberté pour elle-même, la liberté pour le progrès, la liberté pour la charité. C’est passionnant, stimulant, et il termine en citant Benjamin Constant, que je n’ai pas lu, et que je vais devoir lire.

    Questions

    Bref : un livre passionnant, riche et d’une grande densité. A lire sans modération. Le seul point qui m’interroge, c’est que si Nemo définit précisément la charité, ou l’âme, il ne définit jamais le terme « Dieu ». Cela rejoint les propos d’Adin Steinsaltz dans « Mots Simples » : si le mot Dieu n’est qu’une béquille pour l’intelligence humaine, n’est-ce pas aussi un des axes de travail du christianisme que de réformer et repenser, dans sa manière d’apporter son message, l’utilisation de ce terme équivoque qui brouille, je pense, la compréhension que l’on peut en avoir ? Qu’est-ce qu’une éthique qui prend comme point focal la volonté d’un être jamais défini ? Et si l’éthique nécessite un saut philosophique, un acte de foi, ne faudrait-il pas mieux expliciter cette foi, ce qui me semble possible sans passer par Dieu ?

  • Game Over

    Game Over

    Game Over, de Laurent Obertone, est la suite logique et philosophique de l’Eloge de la force, du même auteur. C’est un curieux pamphlet anti-démocratique, stimulant, paradoxal, désespéré. C’est aux Editions Magnus, co-créée par l’auteur avec sa comparse de La Furia, Laura Magné. Le style d’Obertone, ciselé, percutant, est stimulant et porte un regard très objectif sur le réel, donc désespéré (au sens Camusien, ne se berçant pas d’espoirs ou d’illusions).

    Anti-démocratique

    Anti-démocratique, oui cet essai l’est, car sa thèse de départ est que la démocratie (dans sa forme actuelle) est un jeu de dupe. La description des travers de nos démocraties est particulièrement juste, terrible, et ce simple constat de départ est une raison suffisante pour acheter l’ouvrage. Oui, la liberté d’expression est restreinte. Oui, nos votes n’ont pas servis à  grand-chose depuis longtemps. Oui, les institutions sont dévoyées. Oui, l’Etat est omniprésent, obèse, impotent et injuste. Clientélisme. Oui, l’immigration cause violence, insécurité physique et culturelle, mais rien n’est fait. La liste pourrait être prolongée presqu’à  l’infini. Obertone voit clair. Et nous décrit – je m’inclue dans le paquet – comme des drogués qui jouent à  un jeu sans fin, avec le shoot d’adrénaline tous les 5 ans pour les élections, soigneusement mis en scène par des médias totalement sous tutelle du pouvoir. Oui, c’est un cirque un peu clownesque, dont l’issue est connue. Le pouvoir progressiste se maintient en place. La solution ne viendra pas d’un sauveur, ou de ce jeu faussé. Dur à  admettre. Mais vrai en partie. On retrouve dans cette première partie des accents libéraux/libertariens dignes de Bastiat, ou d’Ayn Rand. J’y retrouve pour ma part des résonances avec mes dernières lectures (Philippe Nemo), et avec mon point de vue sur la liberté.

    A ce titre, toute loi sanctionnant la discrimination privée est abrogée. Si tel particulier ne veut vivre ou s’associer qu’avec tels individus, si telle entreprise ne veut favoriser que tels autres, c’est leur problème. Cela implique bien sûr l’abolition de la carte scolaire, du chantage à  la parité et à  la diversité, et autres infamies totalitaires. Discriminer est le principe de base de la liberté. Ceux qui se sentent l’obligation morale de « vivre en mixité » avec des « personnes racisées » sont libres de le faire – plutôt que se contenter d’y inciter les autres. Mais aucune inclination morale ne peut plus devenir une obligation légale. (…) La reconnaissance ne peut que se gagner, pas se revendiquer, ou dépendre d’un quota.

    Paradoxal

    Paradoxal, le livre l’est aussi, car après cette charge en règle, violente, contre le jeu démocratique et ses illusions, ses mensonges, Obertone signe à  la fin de chaque chapitre une liste de choses que ferait une société libre, plus juste. Et cela ressemble fortement à  un programme politique. Il peut bien l’appeler anti-politique, mais cela reste des actions politiques, au sens plein du terme, c’est-à -dire ayant à  voir avec l’organisation de la Cité, de la société. Sur l’immigration, sur la place de l’Etat et sur bien d’autres sujets, d’ailleurs, on retrouve certaines des propositions d’Eric Zemmour. La dernière partie remet l’accent sur les leviers personnels de refus de la médiocrité, de la consommation anesthésiante, et de l’éloge du travail, de la liberté et de la force du précédent opus. Voilà  donc le paradoxe de ce livre : il est traversé par un souffle que je qualifierai de clairement libéral, au sens plein du terme. En quoi cela serait-il nécessairement anti-politique, ou anti-démocratique ? La seule réponse serait qu’un tel programme ne pourrait se mettre en place qu’en changeant radicalement les règles du jeu (révolution ? coup d’Etat ?), mais l’auteur ne le dit pas explicitement. Il y a donc un petit goût de non-dit à  la fin de ce livre, qui par ailleurs se dévore avec plaisir, tant il est bien écrit et tant l’air qui y souffle est vrai et libre. Les yeux grands ouverts, le regard clair d’un homme sincère, honnête et épris de vérité et de justice : comment pourrait-on ne pas s’y retrouver ?

    Le courage, notre devoir, c’est la vérité. Les mafias étatiques qui parasitent la planète n’ont aucun besoin d’organisation secrète, ou de plan de destruction du monde. Seulement de citoyens lâches. Nos peuples ne le seraient pas moins avec d’autres dirigeants. Les impressions, assertions, manipulations complotistes sont à  rejeter au même titre que les mensonges officiels. Nous ne voulons pas d’une autre secte. Nous voulons la vérité.
  • La régression intellectuelle de la France

    La régression intellectuelle de la France

    Des lois de censure

    Philippe Nemo, grand intellectuel français (auteur du magnifique « Qu’est-ce que l’Occident?« ), a signé ce petit livre en 2011. Je l’avais loupé (ce qui n’est pas le cas de tout le monde). Il est extraordinaire de concision, de clarté et de force. C’est un éloge de la liberté d’expression, et une démonstration sans appel des raisons qui doivent conduire à  abroger les lois Pleven, Gayssot et autres lois dites « mémorielles ».
    En tant que libéral, et héritier de la meilleure part des Lumières (l’esprit de rationalité, le pluralisme et l’esprit critique), Nemo constate que la liberté d’expression a reculé en France, et il analyse cette situation.
    Elle a reculé à  cause de lois de censures : des lois qui, sous-couvert d’interdire des propos attisant la haine, ont introduit des ruptures inédites, et graves, dans le droit. Elles permettent en effet de condamner les gens pour leurs opinions, et en outre, deuxième rupture, elles ouvrent la voie à  des plaintes qui ne sont pas portées par les victimes ou le ministère public.

    Pour que la mise en cause de l’auteur du propos ne soit pas une injustice manifeste, il faudrait bien, cependant, qu’il y ait quelque forme de lien causal entre le propos incriminé et un tort objectivement constatable et mesurable subi par des victimes. Or ce type de chaîne causale ne peut jamais être établi

    Conséquences : archaïsme

    Ce grave détournement de l’esprit du droit conduit à  une insécurité juridique pour tous ceux qui prennent la parole en public, et à  une perversion du métier de juge, lesquels se retrouve à  faire un travail de tri idéologique et non juridique.
    Il conduit également à  une diminution de la qualité des débats sur un grand-nombre de sujets, qui sont devenus, peu à  peu, tabou. C’est bien là  la conséquence la plus grave de cette liberté d’expression endommagée : sans libre concurrence entre les idées, sans débats critiques, basés sur des arguments, la société française se recroqueville peu à  peu dans des logiques archaïques, non plus basé sur la raison, mais sur des logiques de pur et d’impur. Il y a des sujets à  éviter, et d’autres que l’on peut aborder sereinement. On retrouve là  le politiquement correct, et la frontière de respectabilité sociale pensée par Bock-Côté.
    Une autre conséquence :

    La régression d’une proportion non négligeable de la classe parlante française au stade mental des sociétés préciviques se marque par deux autres traits qui en sont inséparables : le rôle croissant de l’imitation moutonnière et le sacrifice rituel de boucs émissaires.

    Il suffit de se repasser le film de la crise COVID pour voir que ces logiques ont joué à  plein régime.
    Nemo donne de nombreux exemples concrets et pratiques de cette dérive collective (par exemple l’affaire Vanneste, et l’affaire Gougenheim).

    Urgent retour à  la raison

    Faisant le constat simple mais indispensable que la plupart des opinions, projets politiques, pensées, nécessitent d’une manière ou d’une autre de discriminer (voir mon Eloge de la discrimination), Philippe Nemo appelle à  un vraie liberté de débat, sans censure.

    La conséquence de tout cela est claire : le débat public, en France, ces dernières années, a été de plus en plus gravement appauvri et faussé.
    Or les problèmes, en tous domaines, ne peuvent être réglés s’ils ne sont pas d’abord posés. Si donc la généralisation des tabous et des interdits en France empêche que les plus importants des problèmes de société y soient explicitement posés, il ne faut pas espérer qu’ils soient dûment traités et, en définitive, réglés. La gouvernance du pays subit, de ce fait, un grave déficit.
    Il existe des solutions aux problèmes graves qui se posent à  notre pays. Toute société peut sortir de tout mauvais pas ; pour les sociétés, il n’y a pas de décadence irréversible comme pour les individus. Mais quelques-unes de ces solutions impliqueraient qu’on puisse remettre en cause certains préjugés, qu’on puisse rompre avec certaines routines instaurées un beau jour et trop longtemps reproduites sans nouvelle réflexion. Cette démarche ordinaire de correction de trajectoire peut être mise en oeuvre si les préjugés et les routines en question ont le statut de simples opinions, comme c’est le cas dans les pays démocratiques normaux ; mais, s’ils ont été rigidifiés en mythes et en tabous, ils ne peuvent plus être changés ; ils continueront à  orienter les mentalités et les comportements dans le même sens, si faux et utopique soit-il. Alors la société, aveuglée, ira dans le mur.

    Il a mille fois raison, bien sûr : comment envisager l’avenir si on ne peut pas commencer par se représenter le réel, le présent, correctement ?
    Sa conclusion est simple et limpide, je la partage telle quelle. Savoir qu’elle figure au programme de Zemmour me donne une raison de plus de voter pour lui :

    Si un jour le pays se ressaisit et se donne un gouvernement et un parlement connaissant la valeur vitale des libertés intellectuelles et le tort qu’une société se fait à  elle-même en les diminuant, un des premiers projets de loi à  déposer sur le bureau de l’Assemblée sera celui-ci :
    « Article unique. Les lois du 1er juillet 1972, 13 juillet 1990, 21 mai 2001, 30 décembre 2004, ainsi que l’article R. 625-7 du Code pénal et l’article 475 du Code de prodécure pénale sont abrogés. »
  • anéantir

    anéantir

    Il n’y a finalement pas grand-chose à  dire d’un roman. Son style, sa force, ses personnages, son humour, ne peuvent se découvrir qu’en le lisant. On peut simplement partager quelques éléments pour donner envie de le lire. L’écriture est toujours splendide et fluide, et le ton mélange comme toujours chez Houellebecq des envolées sérieuses, philosophiques, de belle facture et profondes, de belles pages poétiques (sur la nature notamment), et d’excellent traits d’humour qui me font vraiment rire, souvent.
    Le thème du livre est pourtant grave : il y est question de l’absurdité de la vie, face au temps qui passe, à  la maladie et à  la mort. J’y ai été très sensible, et je trouve le livre magnifique. Peut-être mon histoire personnelle m’a rendue plus réceptif, mais je ne crois pas : c’est plus universel que cela.
    Trois histoires s’y entremêlent : celle de Paul Raison, confronté à  une vie sentimentale un peu en berne, et à  la maladie de son père ; celle de Bruno, son patron Ministre des finances, qui participe activement à  la campagne présidentielle de 2027 ; celle d’une enquête menée par les RG sur de mystérieux attentats perpétrés par une secte.
    Je n’en dis pas plus. Un excellent Houellebecq à  mon goût. Emprunt d’une mélancolie jamais complètement désespérée. Beaucoup de très belles pages, et une galerie de personnages exceptionnelle : tous, des plus importants jusqu’aux plus petits rôles, sonnent très justes, très vrais.
    Il n’y a aucun doute : la matière humaine est la matière que travaille Michel Houellebecq.

  • 12 leçons de rhétorique pour prendre le pouvoir

    12 leçons de rhétorique pour prendre le pouvoir

    J’ai regardé avec attention une bonne partie des vidéos de Victor Ferry sur sa chaîne Youtube : L’artisanat Rhétorique. Du coup, je me suis dit un jour : ce gars-là  est tellement bon, je dois le soutenir en achetant son bouquin ! Cet acte de soutien, au bout de quelques pages, a pris la forme d’une excellente décision. Car ce livre est tout bonnement excellent. D’une grande clarté, alliant à  merveille la simplicité de ton, les exemples concrets, et les détours historiques ou philosophique : on se sent pris en main, et guidé magistralement vers ce savoir si particulier qu’est la rhétorique, définie par Aristote, Victor Ferry le rappelle au début, comme :

    la capacité à  découvrir ce qui, dans chaque situation, est propre à  persuader.

    Ce livre est un livre de référence sur la rhétorique, nul besoin d’être un expert pour pouvoir l’affirmer. Il nous permet de tellement monter en compétence, rapidement, que ce statut ne saurait lui être refusé.

    La rhétorique, un savoir pratique

    La rhétorique est donc par définition un savoir de praticien : il s’agit d’utiliser à  bon escient le langage, la logique, les arguments, les émotions, non pas uniquement pour convaincre, mais pour persuader, c’est-à -dire pousser à  l’action. Et Victor Ferry est effectivement passé maître dans l’art de persuader : partageant ses propres objectifs et motivations avec nous, nous pouvons voir de quelle manière il nous persuade d’agir. Ainsi, le premier chapitre vise à  « affûter notre esprit » : dès le démarrage, l’auteur nous incite à  structurer notre manifeste, c’est-à -dire notre cause (un problème que l’on veut résoudre, et les solutions que nous proposons), et à  travailler à  le rendre compréhensible, structuré, valide et vrai, et à  travailler sur les contre-arguments autant que sur les arguments. J’ai tout de suite rédigé mon « manifeste », sans aucune peine, et j’ai apprécié ce moment. C’est indispensable, et j’ai pu voir, concrètement, comment l’auteur m’a mis en action pour le faire, sans s’en cacher. Magistrale mise en application, et en abîme, de la puissance de la rhétorique. J’apprécie beaucoup l’honnêteté de l’auteur sur la dimension politique de la rhétorique : l’exigence de transparence sur les intentions vient désamorcer les critiques portant sur l’aspect manipulateur de ce savoir.

    Livre de référence sur la rhétorique

    Je ne peux évidemment pas résumer ce livre : il contient une mine d’or d’informations, de références historiques, philosophiques, politiques. Il est structuré comme un cours, avec une progression très claire, des fiches pratiques, et des exemples très concrets. Je sais déjà  que je relirai ce livre, et/ou que je reviendrai y chercher des choses. L’impact de cette lecture est simple pour moi : l’écriture du manifeste m’a fait prendre conscience que mon essai sur le Réel (en cours d’écriture) était plus important que simplement un essai. Cela m’a conduit à  l’éclater en 3 parties, et très probablement le « manifeste » sera utile pour structurer le propos, notamment l’introduction qui doit présenter les intentions de l’auteur.
    Pour finir, je vous partage un petit extrait du livre pour vous donner envie de l’acheter ; vous ne pourrez pas le regretter ! J’ai mis des (…) partout où j’ai enlevé les exemples concrets : cela vous permettra de mesurer l’ampleur de l’aspect didactique du livre.

    Un argument est composé de deux éléments : la prémisse et la conclusion. La conclusion est ce que vous voulez que votre public admette comme vrai, et la prémisse est ce que vous lui donnez pour l’admettre : (…) C’est simple. Pourtant, même à  ce stade, on trouve des arguments qui n’en sont pas (…). On parlera alors de sophismes. Voyons comment éviter d’en produire. (…) Un bon argument doit offrir une résistance aux tests de vérité et de validité. (…) Le test de vérité porte sur la prémisse. Il s’agit de s’assurer que l’on dispose d’éléments permettant d’ancrer notre propos dans le réel. (…) Tester la validité, c’est se demander si les bonnes raisons de croire en la vérité de sa prémisse sont suffisantes pour fonder sa conclusion.