Je viens de terminer le formidable livre de ClĂ©ment Rosset « Le rĂ©el« , sous titrĂ© « TraitĂ© de l’idiotie ». Il y parle du rĂ©el, de la rĂ©alitĂ©.
Remettant en question la quĂȘte obstinĂ©e de la philosophie Ă Â vouloir percer le sens et la raison du devenir et de lâhistoire, ClĂ©ment Rosset entend rendre le rĂ©el Ă Â lui-mĂȘme, Ă Â lâinsignifiance. Il ne sâagit pas pour lui de dĂ©crire la rĂ©alitĂ© comme absurde ou inintĂ©ressante, mais Ă Â dissiper les faux sens qui lâentoure : il nây a pas de mystĂšres dans les choses, il y a un mystĂšre des choses. Inutile de creuser les choses pour leur arracher un secret qui nâexiste pas, câest dans leur existence que les choses sont incomprĂ©hensibles.
Articulation entre représentations et réel
J’ai trouvĂ© ce livre vraiment jouissif Ă Â lire, profond et sans concession. Il alimente et questionne mes rĂ©flexions sur le sens. Un renversement de perspective me paraitrait intĂ©ressant, puisque la problĂ©matique est tout de mĂȘme bien, pour nous autres pauvres humains, celle de l’articulation entre les reprĂ©sentations et le rĂ©el (Rosset finit son essai par une rĂ©flexion sur le langage qui manque toujours le rĂ©el). Rosset me donne l’impression qu’il pense le rĂ©el comme « le monde sans l’humain » ? De mon point de vue, les reprĂ©sentations du rĂ©el font partie du rĂ©el. Car le rĂ©el est pour moi tout ce qui existe, et je trouve pour cela le dĂ©coupage de Popper utile et intĂ©ressant. Bien sĂ»r, nos reprĂ©sentations manquent toujours la coĂŻncidence exacte avec le rĂ©el (c’est presque un truisme) ; mais nos reprĂ©sentations font partie du rĂ©el (elles existent), et leur seul attribut, ou fonction, n’est pas cette coĂŻncidence avec leur objet. Car restreindre la valeur des reprĂ©sentations au fait qu’elles coĂŻncident avec le rĂ©el, c’est les condamner d’emblĂ©e. Nos reprĂ©sentations surchargent le rĂ©el de sens, certes. Sens qui n’est pas dans le rĂ©el, mais bien contenu dans nos reprĂ©sentations. Je pense pour ma part, et c’est le sens de l’essai que je travaille, que ces reprĂ©sentations et ce sens sont une fonction des humains. Quelles interactions entre nos reprĂ©sentations et le rĂ©el ? A quoi cela peut-il servir de gĂ©nĂ©rer du sens en permanence dans un monde qui en est, Ă Â l’Ă©vidence, dĂ©nuĂ© ? VoilĂ Â les questions qui me viennent naturellement en rebond et dans le prolongement de ce livre incontournable.






