Par un hasard complet, je me suis retrouvĂ© avec le livre de Vineet Nayar – « Les employĂ©s d’abord, les clients ensuite » – dans les mains. Je l’ai dĂ©vorĂ© en un trajet de train. C’est un remarquable petit livre, Ă Â la premiĂšre personne, sincĂšre, humble et ambitieux Ă Â la fois. TrĂšs bien structurĂ© et simple Ă Â lire, c’est un vrai rĂ©gal par l’aventure formidable qu’il nous permet de suivre presque pas-Ă Â -pas. Cette aventure : celle du redressement d’une grosse entreprise de services IT indienne (HCTL), par Vineet Nayar, entre 2005 et 2010. Un redressement sans licenciement massif, sans crise interne majeure. En douceur, mais avec la fermetĂ© de la vĂ©ritĂ© partagĂ©e. Pas de blabla dans ce livre.
Les salariĂ©s, ou les clients d’abord ?
Le titre provoquant n’Ă©carte pas les clients, au contraire : ils sont au coeur de la rĂ©flexion. Quels employĂ©s sont au coeur de la zone de crĂ©ation de valeur pour les clients ? Comment faire en sorte que l’organisation les aide dans cette crĂ©ation de valeur ? Comment redonner un sens Ă Â l’action collective dans une entreprise essoufflĂ©e ? VoilĂ Â enfin un chef d’entreprise qui ne se contente pas de dire que la premiĂšre valeur d’une entreprise, c’est la capital humain : Il l’a traduit dans les actes, dans l’organisation, Ă Â tous les niveaux.
L’accent est mis sur le chemin pris par Nayar pour restructurer en douceur mais rapidement la culture de l’entreprise HCTL. Voici les 4 points essentiels du chemin (c’est trĂšs caricatural, vraiment courez sur ce livre si vous ne l’avez pas lu, il est puissant et simple). Le chemin a pris le nom de EFCS (Employees firt, customers second).
Miroir, mon beau miroir
Impossible d’emmener les gens d’un point A Ă Â un point B, si on n’est pas capable de partager la vision du point de dĂ©part. Faire l’autocritique collective, constructive, transparente, voilĂ Â la premiĂšre Ă©tape. Se dire la vĂ©ritĂ©, avec honnĂȘtetĂ© et prĂ©cision.
La confiance Ă Â travers la transparence
Pour instaurer la confiance, Vineet Nayar a forcĂ© son entreprise a pratiquer la transparence Ă Â tous les niveaux de l’organisation. La transparence comme catalyseur de la confiance. Un exemple concret : le systĂšme U&I mis en place permet Ă Â n’importe qui dans l’organisation de remonter des problĂšmes, qui remontent les Ă©chelons hiĂ©rarchiques si personne ne sait y rĂ©pondre. Le tout de maniĂšre visible et transparente sur l’intranet. Cela permet de partager les problĂšmes, bien sĂ»r, mais aussi met chaque employĂ© dans la dynamique de potentiellement y rĂ©pondre. Un dĂ©but de responsabilitĂ© partagĂ©e, aussi, donc.
Inverser la pyramide organisationnelle
Si l’organisation est archaĂŻque, elle ne permettra jamais de rĂ©soudre les nouveaux problĂšmes qui se posent pour rĂ©pondre aux clients. OĂč se situe la zone de crĂ©ation de valeur dans l’entreprise ? Comment changer les jeux de pouvoirs pour que les acteurs qui crĂ©ent de la valeur pour les clients soient mis en confiance, soient encouragĂ©s pour proposer des solutions innovantes, sans forcĂ©ment demander l’autorisation ou le visa du PDG ? Le constat de Vineet Nayar Ă©tait que son entreprise Ă©tait encore structurĂ©e en mode « Command & Control », alors que la sociĂ©tĂ© avait considĂ©rablement Ă©voluĂ©e, qu’elle s’Ă©tait « horizontalisĂ©e » si l’on peut dire. Changement de la structure de pouvoir, changement des rĂ©partitions de responsabilitĂ©s. Il explique que souvent les directeurs ou les PDG sont les moins bien placĂ©s pour rĂ©pondre aux problĂšmes qui se posent, parce qu’ils sont trop loin de la zone de crĂ©ation de valeur. Inverser la pyramide, c’est simplement (quelle rĂ©volution!) faire en sorte que les postes fonctionnels rendent des comptes Ă Â ceux qui travaillent en front office dans la zone de crĂ©ation de valeur. Une maniĂšre de le faire a Ă©tĂ© d’ouvrir les 360° feedback (des Ă©valuations par les pairs pratiquĂ©es en entreprise comme outil de feedback) – base plus large d’Ă©valuateurs et d’Ă©valuĂ©s pour chacun – et de les rendre transparents. A commencer par celui du PDG.
Redéfinir le rÎle du PDG
En gros, transfĂ©rer la responsabilitĂ© du PDG, autant que possible, aux employĂ©s eux-mĂȘmes. Y compris la dĂ©finition de la stratĂ©gie. Les 300 cadres dirigeants se sont pliĂ©s Ă Â un exercice d’exposition de leur stratĂ©gie de maniĂšre transparente sur l’intranet, consultable par l’ensemble des collaborateurs. Cela a servi comme catalyseur pour des Ă©changes trĂšs riches, trĂšs denses dans toute l’entreprise, et par une implication collective majeure dans l’alignement stratĂ©gique (si important dans une grosse structure).
Vraiment, foncez ! Ce livre est touchant. Et surprenant : tant de bon sens et de courage, mĂȘlĂ©e Ă Â la simplicitĂ© du propos, c’est vraiment rare ! On peut lire en filigrane la personnalitĂ© de l’auteur : prĂȘt Ă Â partager ses doutes, humble, convaincu de la valeur de chaque individu. Humaniste et visionnaire. Du baume au coeur !





Je viens de terminer le livre de Dominique Christian « Philosophie pour la crise du management ». Câest un livre passionnant, construit dâune Ă©trange maniĂšre : chaque chapitre intĂšgre un certain nombre de citations dâun auteur diffĂ©rent (elles sont un peu cachĂ©es au milieu du texte de Dominique Christian). Cela fait un Ă©trange mĂ©lange de voix ; une multiplicitĂ© dâinterlocuteurs pendant la lecture. Cela donne la sensation Ă Â la fois Ă©trange, dĂ©stabilisante, dâĂ©couter une personne aux visages multiples nous parler, et en mĂȘme temps lâagrĂ©able impression dâun auteur qui a la courtoisie, ou la rigueur, de mettre sa propre personne un peu en retrait.
