Étiquette : Droit

  • Citation #158

    La liberté est pour moi le droit de ne pas mentir. C’est la définition la plus essentielle que je connaisse à ce mot.

    Albert Camus (1913-1960)
    Ecrivain, philosophe, dramaturge et journaliste français

  • Citation #154

    Les Hommes n’étant pas dotés des mêmes capacités, s’ils sont libres, ils ne seront pas égaux, s’ils sont égaux, c’est qu’ils ne sont pas libres.

    Alexandre Soljenitsyne (1918 – 2008) écrivain russe et dissident du régime soviétique

  • Refonder l’entreprise

    Refonder l’entreprise

    Le titre est ambitieux, et le livre pas moins. Blanche Segrestin et Armand Hatchuel (tous deux professeurs à MinesParisTech) viennent de cosigner un remarquable petit livre. Remarquable par son écriture ciselée, son sens de la pédagogie, mais surtout par l’ampleur du propos. Le thèse est simple et très bien étayée :

    • l’apparition de la notion d’entreprise est intimement liée, historiquement, à la structuration des firmes autour de leur capacités d’innovation. L’apparition de l’entreprise correspond à une époque, il y a à peu près un siècle, où son objectif est devenu l’organisation de l’activité inventive (en mobilisant une démarche scientifique).
    • la diffusion rapide de la doctrine de la corporate governance, à partir de la fin des années 80, a perverti l’entreprise (au sens d’aventure collective innovante, ou de projet de création collective), et a conduit à ne penser l’entreprise qu’au sens de la stricte activité ayant pour but de maximiser les profits. Le rôle des dirigeants, notamment, a été modifié : de dirigeant qui pilote l’activité inventive, les patrons sont devenus, au sens juridique du terme, des agents des actionnaires.
    • sur cette base, les deux auteurs soulignent le vide juridique qui entoure l’entreprise, et proposent une refondation de celle-ci (en explorant plusieurs pistes, et en s’appuyant sur des exemples passionnants allemands ou américains). Ils placent le coeur de leur réflexion sur le fait d’avoir des dirigeants non plus « mandatés » par les actionnaires, mais « habilités » par un collectif (le conseil d’administration) qui peut comprendre à la fois des actionnaires, mais aussi des salariés (c’est le cas en Allemagne), voire des partenaires ou des parties prenantes de la mission que s’est fixée l’entreprise.

    Voilà un résumé bien rapide de ce petit livre très dense, très riche et extrêmement stimulant. J’ai adoré le passage sur la solidarité d’action collective, où les auteurs rappellent ce qu’est, en droit maritime, la règle des avaries communes. La capitaine d’un navire est « habilité » à jeter des marchandises par-dessus bord, si ce « jet » peut sauver le navire. Ces sacrifices sont des « avaries communes », parce qu’elle sont réalisées « pour la sécurité commune dans le but de préserver d’un péril les propriétés engagées dans une aventure maritime commune ». Le principe de solidarité est original : « Tous les marchands participant à l’expédition sont tenus de contribuer aux dommages correspondants proportionnellement à la valeur respective de leur biens arrivés à bon port. » Bien sûr, le dirigeant d’une entreprise n’est pas un capitaine de navire. Mais ce principe de solidarité serait tout à fait utilisable pour faire évoluer les règles de fonctionnement de nos entreprises. Pour finir, les auteurs proposent plusieurs pistes très intéressantes d’évolutions du statut des entreprises, de nouvelles normes en quelques sortes (de la simple modification des statuts, permettant de revenir sur un projet orienté vers une « mission », jusqu’à un nouveau « contrat d’entreprise »). Si vous voulez découvrir une réflexion sur l’organisation des sociétés, en évitant les poncifs habituellement servis par les radicaux d’un bord ou de l’autre, je ne saurais trop vous conseiller de vous ruer sur ce petit livre plein d’un souffle salutaire. Car rigoureux, et fruit d’un travail collectif entre le CGS de MinesParisTech et le Collège des Bernardins. Super bouquin !

  • DLL – La persistance du constructivisme dans la pensée courante

    Chapitre premier : « Raison et évolution »

    La persistance du constructivisme dans la pensée courante

    Le rejet des récits par lesquels la religion expliquait la source et les fondements de la validité des règles traditionnelles de la morale et du droit conduisait au rejet de ces règles mêmes, dans la mesure où elles ne pouvaient être justifiées rationnellement. C’est à  leur succès dans cette « libération » de l’esprit humain que nombre de penseurs célèbres de cette époque doivent leur réputation.

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  • La Loi, de Frédéric Bastiat

    J’ai reçu hier mon exemplaire de « La Loi« , de Frédéric Bastiat. Bien entendu, je n’ai pas pu résister, et j’ai commencé à  le lire. Je vous en donne quelques extraits ici, pour vous donner envie d’aller le lire…

    J’ai retrouvé avec exaltation, et un plaisir intense, la langue pure et belle de Bastiat, sa manière de rigoureusement exprimer les idées. Sa verve aussi, car c’est réellement un grand écrivain. Comme ce livre est disponible en intégralité sur le net, j’ai pu aller vous chercher deux extraits lus hier soir. En guise d’amuse-gueule…

    Propriété, Spoliation et Loi

    L’homme ne peut vivre et jouir que par une assimilation, une appropriation perpétuelle, c’est-à -dire par une perpétuelle application de ses facultés sur les choses, ou par le travail. De là  la Propriété.
    Mais, en fait, il peut vivre et jouir en s’assimilant, en s’appropriant le produit des facultés de son semblable. De là  la Spoliation.
    Or, le travail étant en lui-même une peine, et l’homme étant naturellement porté à  fuir la peine, il s’ensuit, l’histoire est là  pour le prouver, que partout où la spoliation est moins onéreuse que le travail, elle prévaut; elle prévaut sans que ni religion ni morale puissent, dans ce cas, l’empêcher.
    Quand donc s’arrête la spoliation ? Quand elle devient plus onéreuse, plus dangereuse que le travail.
    Il est bien évident que la Loi devrait avoir pour but d’opposer le puissant obstacle de la force collective à  cette funeste tendance ; qu’elle devrait prendre parti pour la propriété contre la Spoliation.
    Il est bien évident que la Loi devrait avoir pour but d’opposer le puissant obstacle de la force collective à  cette funeste tendance ; qu’elle devrait prendre parti pour la propriété contre la Spoliation
    Mais la Loi est faite, le plus souvent, par un homme ou par une classe d’hommes. Et la Loi n’existant point sans sanction, sans l’appui d’une force prépondérante, il ne se peut pas qu’elle ne mette en définitive cette force aux mains de ceux qui légifèrent.
    Ce phénomène inévitable, combiné avec le funeste penchant que nous avons constaté dans le coeur de l’homme, explique la perversion à  peu près universelle de la Loi. On conçoit comment, au lieu d’être un frein à  l’injustice, elle devient un instrument et le plus invincible instrument d’injustice. On conçoit que, selon la puissance du législateur, elle détruit, à  son profit, et à  divers degrés, chez le reste des hommes, la Personnalité par l’esclavage, la Liberté par l’oppression, la Propriété par la spoliation.
    Il est dans la nature des hommes de réagir contre l’iniquité dont ils sont victimes. Lors donc que la Spoliation est organisée par la Loi, au profit des classes qui la font, toutes les classes spoliées tendent, par des voies pacifiques ou par des voies révolutionnaires, à  entrer pour quelque chose dans la confection des Lois. Ces classes, selon le degré de lumière où elles sont parvenues, peuvent se proposer deux buts bien différents quand elles poursuivent ainsi la conquête de leurs droits politiques : ou elles veulent faire cesser la spoliation légale, ou elles aspirent à  y prendre part.

    Loi, Morale et Justice

    Aucune société ne peut exister si le respect des Lois n’y règne à  quelque degré ; mais le plus sûr, pour que les lois soient respectées, c’est qu’elles soient respectables. Quand la Loi et la Morale sont en contradiction, le citoyen se trouve dans la cruelle alternative ou de perdre la notion de Morale ou de perdre le respect de la Loi, deux malheurs aussi grands l’un que l’autre et entre lesquels il est difficile de choisir.
    Il est tellement de la nature de la Loi de faire régner la Justice, que Loi et Justice, c’est tout un, dans l’esprit des masses. Nous avons tous une forte disposition à  regarder ce qui est légal comme légitime, à  ce point qu’il y en a beaucoup qui font découler faussement toute justice de la Loi. Il suffit donc que la Loi ordonne et consacre la Spoliation pour que la spoliation semble juste et sacrée à  beaucoup de consciences. L’esclavage, la restriction, le monopole trouvent des défenseurs non seulement dans ceux qui en profitent, mais encore dans ceux qui en souffrent. Essayez de proposer quelques doutes sur la moralité de ces institutions. « Vous êtes, dira-t-on, un novateur dangereux, un utopiste, un théoricien, un contempteur des lois ; vous ébranlez la base sur laquelle repose la société. » Faites-vous un cours de morale, ou d’économie politique ?

  • DLL – Le développement de l'optique évolutionniste

    Chapitre premier : « Raison et évolution »

    Le développement de l’optique évolutionniste

    Il devint de plus en plus clair que la formation de types réguliers de relations humaines qui ne sont pas le but conscient d’actions humaines soulevait un problèmes qui nécessiterait le développement d’une théorie sociale systématique. La réponse à  ce besoin fut fournie pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle dans le domaine économique par les philosophes moralistes écossais, conduits par Adam Smith et Adam Ferguson, cependant que les conséquences à  en tirer pour la théorie politique recevaient leurs magnifiques formulations du grand visionnaire Edmund Burke, encore que l’on chercherait vainement dans son oeuvre une théorie systématique.

    Hayek s’emploie ensuite à  dissiper certains malentendus à  propos de la théorie évolutionniste.

    Il y a d’abord la croyance erronée que c’est une conception empruntée à  la biologie. Ce fut en réalité l’inverse, et si Charles Darwin a su appliquer avec succès à  la biologie un concept qu’il avait largement reçu des sciences sociales, cela ne rend pas ce concept moins important dans le domaine où il avait pris naissance. C’est à  l’occasion de la réflexion sur des formations sociales telles que le langage et la morale, le droit et la monnaie, qu’au cours du XVIIIe siècle les conceptions jumelles de l’évolution et de la formation spontanée d’un ordre furent enfin clairement formulées, fournissant ainsi à  Darwin et ses contemporains des outils intellectuels qu’ils purent appliquer à  l’évolution biologique. Ces philosophes moralistes du XVIIIe siècle et les écoles historiques du droit et du langage peuvent bien être nommés — comme certains des théoriciens du langage du XIXe se sont eux-mêmes qualifiés — des darwiniens avant Darwin.

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