Je suis de près le formidable mouvement des gueux, initié par Alexandre Jardin, mais, comme il l’explique, dont il n’a été qu’un catalyseur. J’ai commandé pour soutenir le mouvement le petit livre manifeste (premier chapitre en ligne si vous voulez découvrir). C’est un formidable coup de gueule contre les élites déconnectées, méprisantes, enfermées dans des délires de communicants politiquement correct, dans le dogme climatique, et surtout dans la volonté de se tenir bien loin du peuple des gueux.
Si vous n’avez rien suivi à ce mouvement, sachez qu’il est parti de l’opposition à une (nouvelle) règlementation complètement idiote et liberticide (loi ZFE) qui, sous couvert d’écologie (mon œil), empêchait tout bonnement des millions de citoyens de venir en ville, ou de vendre leur véhicule d’occasion. Ces citoyens – les Gueux! – que la règlementation excluaient d’une vie normale ne l’ont pas entendu de cette oreille. Ils ont manifesté pour dire leur colère, avec le soutien des Maires.
Après une première victoire (suspension de la loi ZFE), ils s’opposent maintenant à de nouvelles règlementations totalitaires dans le même délire escrologiste (PPE3, qui va faire doubler la facture d’électricité des français), et poussent pour que la démocratie directe devienne la règle et non l’exception.
Pour qui était avec les Gilets Jaunes, et avec les @NicolasQuiPaie, ce mouvement est une formidable occasion de taper du poing sur la table de faire passer quelques messages à nos « élites » devenues folles. Rendez-vous le 10 septembre pour un mouvement national !
Étiquette : Gilets Jaunes
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Les gueux
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Les traîtres
Quand je suis arrivé à Paris, pour faire mes études, je ne m’informais pas beaucoup. J’avais 20 ans, et le monde politique était loin de mes préoccupations. Mais j’achetais tous les vendredis, sans faute, Le Figaro pour lire le petit texte d’Ivan Rioufol.
Depuis toujours, dans le réel
Il me parlait, et analysait, contrairement à beaucoup d’autres journalistes, du réel. Son petit bloc-notes hebdomadaire était ma gazette pour savoir ce qui se passait. J’ai par la suite, avec l’arrivée d’internet et des blogs, mis les mains dans le cambouis en écrivant sur un blog politique et en animant un réseau de blogueurs politiques (LHC, pour Liberté d’expression, Humanisme, et esprit Critique). Nous avions eu le grand plaisir de l’accueillir, un soir, lors de notre réunion mensuelle de blogueurs. Il était venu nous présenter, dans les locaux que Contribuables Associés mettaient gentiment à notre disposition, son dernier ouvrage.
Depuis cette époque je continue de suivre ce que fait et écrit Rioufol. « Aujourd’hui, l’urgence est de sortir du mensonge, de la désinformation, de la haine autodestructrice, qui sont devenus les trous noirs de la civilisation occidentale »C’est un intellectuel courageux, et qui a été très souvent en première ligne, malgré les vents contraires. Très tôt lucide sur la menace que faisait peser l’immigration massive et le multiculturalisme érigé en modèle de société, sans jamais se départir de sa tolérance, il est également proche dans sa ligne libérale-conservatrice de ce que je peux penser du monde : Ivan Rioufol fait partie des quelques intellectuels qui savent, quand ils parlent de libéralisme, de quoi ils parlent. Son amitié avec Alain Laurent n’y est peut être pas pour rien. Ivan Rioufol, sur les sujets de société, me semble très proche dans son analyse, des réflexions proposées par Bock-Côté sur le « régime diversitaire » qui est devenu notre politiquement correct.Retour sur la colère des Gilets jaunes
Dans son dernier ouvrage, Les traîtres (aux éditions Pierre Guillaume De Roux), Rioufol nous parle du mouvement des Gilets jaunes, qu’il a vu naître d’un bon oeil, et qu’il a suivi, soutenu, et dont il continue à se faire volontiers le porte-parole. Le titre, qui désigne les responsables politiques français, ou les élites (prises dans le même sens que dans l’ouvrage remarquable de Pierre Mari, En pays défait) est très dur. Mais il faut bien reconnaitre qu’il est juste. Ce n’est pas le titre qui est dur, de fait, c’est la réalité dans laquelle des années de laxisme politique nous ont plongé. La crise du CoVid19 ne fait, malheureusement, que confirmer ce terrible constat : la France est un pays abimé, et dont la culture, le style de vie, les traditions sont volontairement défaits par les dirigeants. Je ne dirais pas tout avec les mêmes mots que Rioufol, mais je suis d’accord avec ses analyses. J’y retrouve la colère que peut susciter le suivi de l’actualité française (ce que je fais quotidiennement grâce à Twitter et à de nombreux sites d’infos). Rioufol ne m’a pas appris tant que cela dans ce livre, parce qu’il fait partie de ceux dont je m’alimente régulièrement : si ce n’est pas votre cas, je vous recommande chaudement la lecture de ce livre qui va droit au but, sans rhétorique, et avec humilité. Je termine ce modeste billet en laissant le mot de la fin à Ivan Rioufol :
Les Gilets jaunes l’ont démontré : seule la société civile est encore capable de se rebeller contre les clercs qui, droite et gauche confondues, persistent à faire de la France un pays amnésique et déculturé, ouvert aux manipulations génétiques et idéologiques. Les âmes fortes sont les bienvenues. La place prise par l’insignifiance et l’émotion dans les grands débats publics laisse voir la paresse qui a envahi les comportements médiatiques, adeptes de la copie conforme et de l’infantilisation des débats. Le monde intellectuel s’est lui-même laissé endormir par le conformisme et le manichéisme de l’utopie mondialiste. Il doit se réveiller. Aujourd’hui, l’urgence est de sortir du mensonge, de la désinformation, de la haine autodestructrice, qui sont devenus les trous noirs de la civilisation occidentale, et de la France tout particulièrement. (…) Le combat à mener est splendide : il a pour objectif de soutenir l’esprit pionnier des Gilets jaunes et de prendre la relève. Elle passe par le rétablissement de la démocratie confisquée, la redécouverte du patriotisme, le retour à la liberté de penser, la prise de distance avec l’individualisme. Il s’agit de venir au secours d’une nation maltraitée par une caste corrompue par l’obsession diversitaire et l’argent des puissants. Parce que ces derniers ont trahi la confiance des plus fragiles, ils sont impardonnables. -
En pays défait
J’ai l’habitude, quand je lis un livre, de corner les pages où figurent des phrases ou des passages intéressants. Autant vous dire qu’avec le livre de Pierre Mari, « En pays défait », j’ai corné presque toutes les pages, tant les formules claquent et tapent juste, et tant j’ai ressenti d’émotions fortes à la lecture. C’est remarquablement écrit, et le propos est d’une justesse rare. Je me sens très proche de ce qu’écrit Pierre Mari, et il a magnifiquement formulé, dans une langue subtile et précise, le sentiment que nous éprouvons (je dis nous, car je crois que nous sommes nombreux à ressentir ainsi les problèmes de notre temps).
Lettre ouverte aux élites déracinées
Son livre est une lettre ouverte à des « élites » (il prend la peine de préciser cela par la suite) qu’il considère à juste titre déconnecté de la réalité de leurs concitoyens, englués dans le politiquement correct, inaptes à dire et à incarner une forme d’histoire collective. J’y ai retrouvé beaucoup d’éléments communs avec ce qu’explique Mathieu Bock-Côté sur le politiquement correct, et la perte de capacité à simplement penser notre identité nationale.
La lecture de ce livre a éclairé de manière particulière le roman rocambolesque que je venais de terminer, à savoir le très drôle « En attendant le roi du monde », d’Olivier Maulin. C’est un roman qui raconte le voyage farfelu, la fuite désespérée de personnages en manque d’aventures, d’épopée, de transcendance, de sens. Je vous recommande au passage ce très bon roman, déjanté, provocateur, hilarant, et plus profond qu’il ne veut paraître. Le point commun avec le livre de Pierre Mari ? Il raconte la manière de vivre d’occidentaux qui ont perdu leur enracinement, et le sens de leur identité. Pierre Mari fait d’ailleurs l’apologie des identités assignées, non choisies. L’émancipation vers l’universel est une belle chose, mais pas en reniant nos racines.
Cela m’a aussi fait penser à ce qu’écrivait Chesterton à propos de la famille, institution sociale majeure selon lui, puisqu’elle force à embrasser, pour le meilleur et parfois le pire, ce qu’est l’humanité dans toute sa richesse, sa complexité, sa dureté aussi. Pas besoin d’aller au bout du monde pour vivre l’aventure, il suffit de parler politique avec son voisin, sa femme de ménage, ou son oncle.
En quête de récit et de sens
Il y a des pages magnifiques dans le livre de Pierre Mari sur le sens du langage, sur son utilisation pour dire et construire le réel en même temps. Nous avons besoin de narration, car le réel n’existe pas, pour les êtres de sens que nous sommes, sans narration. Cela est très bien exprimé aussi par Sylvain Tesson dans son interview chez Philippe Bilger. J’y vois une proximité également avec la volonté d’un Eric Zemmour de raconter, à nouveau, une histoire de France.
Ce sens perdu par les « élites » de la narration, et de la proximité avec le peuple n’est pas présent que dans la politique ou dans les médias. Il est aussi à l’oeuvre dans les entreprises, et j’ai retrouvé là des similitudes avec les attaques contre la « vulgate managériale » d’un Dominique Christian. La proximité avec le peuple n’est pas que dans le langage, bien sûr, mais aussi dans le rapport au réel. Les idéologues de tout poil ne se soumettent plus au réel, que la plupart des gens pourtant voient et vivent au quotidien.
Eloge du conflit civilisé
J’ai conscience d’avoir réuni dans mon billet une troupe hétéroclite d’auteurs, qui probablement ne se pensent pas comme ayant le même point de vue. Justement, Pierre Mari regrette que les différents points de vues ne soient plus visibles, ne se frottent plus, ne s’incarnent plus dans l’espace public au travers d’élites capables de dire ces vérités différentes, complémentaires, qui lorsqu’elles sont obligées de se taper dessus permettent l’existence d’un champ commun, dont aucun courant n’est exclu, ni exonéré de justifier et d’argumenter ses positions. C’est une condition indispensable de l’existence de la société et de la politique.
Je ne saurais assez vous recommander la lecture de ce livre, qui se dévore littéralement. Il est formidablement bien écrit, fin et puissant. Je crois, pour le dire un peu vite, qu’il contient et dit très bien ce qu’était, dans ma compréhension, l’esprit et l’âme du mouvement des Gilets Jaunes. Espérons que cet esprit ne soit pas mort, et qu’il renaîtra sous une forme ou une autre.