Étiquette : Réformes

  • Interview d’Alain Boyer : troisième partie

    Suite de la publication de l’interview d’Alain Boyer, professeur de philosophie politique à  la Sorbonne. Après avoir retracé son parcours politique, il livre dans cette partie son analyse de la situation du PS, du positionnement politique de Sarkozy, et son avis sur les réformes nécessaires…Tout un programme ! Si vous prenez cette série d’articles en cours de route, je vous conseille de commencer par le début, ça facilitera votre lecture.

    Revenons un peu sur le PS, et les réformes en cours. J’ai l’impression que la ligne de scission qui est en train de se dessiner en ce moment, c’est justement entre ceux qui ont intégré ça (l’économie de marché libérale) comme Bokel ou Besson, et des gens …

    Mais même à  l’intérieur du PS ! Je pense à  ceux qui étaient avec DSK (on pourra parler de politique politicienne tout à  l’heure, Sarkozy a eu un petit coup de génie en le poussant à  se présenter comme directeur du FMI! la politique est un métier…). Pour le PS, il est face à  un choix ; on ne peut pas aller, dans un même parti, de Mélenchon (je respecte ses idées, mais c’est quelqu’un qui préfère serrer la main à  Alain Krivine ou à  Marie-George Buffet qu’à  ses camarades de l’aile « droite » du PS) à  des gens qui étaient proches de DSK, ou de Bokel, je ne vois pas comment ça peut faire une union, malgré l’habileté tactique de François Hollande.

    Mais l’habileté tactique, ça n’est pas suffisant pour faire un parti. Il faut un corps de doctrine, un socle commun. Qu’on a vu s’effondrer pendant la présidentielle. Beaucoup de gens ont vu une sorte de renversement, c’est à  dire , une gauche qui d’habitude donnait le « la » en ce qui concerne l’idéologie, et qui a montré ses incohérences. Là  on a eu l’impression que le corps de doctrine qui était solide (que l’on peut critiquer, mais c’est autre chose), qui était unifié, cohérent, c’était du côté de Sarkozy. Et la campagne de Royal, personne d’ailleurs courageuse et estimable, a montré des fragilités doctrinales : c’est pas moi qui le dit, c’est presque tous les socialistes.

    Il faut absolument qu’on ait une gauche qui soit socialiste libérale. Et une droite qui soit libérale sociale. Le libéralisme social me semble à  l’heure actuelle à  peu près constitué. Quand je pense que la gauche appelle la droite française « ultra-libérale », c’est extraordinaire. Il ne savent pas ce que c’est, visiblement. L’ultra-libéralisme, ce sont ceux qui appellent à  la quasi suppression de l’Etat ! Pas du tout Sarkozy ! Pour les libertariens radicaux, tout devient privé, la police, les assurances… On fait une copropriété, et on paye des gardes. Si je me fais tuer, parce que je n’ai pas payé ma police privée, tant pis pour moi ! Je suis hostile à  cette idéologie, qui nie l’idée de « bien public », mais appeler « ultra-libérale » la politique du gouvernement actuel, c’est…

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    D’abord. Et parfois sa mauvaise foi. Ces gens savent bien que ce n’est pas de l’ultra libéralisme. Pour les libéraux économiques, la politique de Sarkozy n’est pas assez libérale !

    Certains présentent Sarkozy comme un libéral (voire ultra-libéral comme tu viens de le dire), il me semble que la manière qu’il a d’être présent sur tous les fronts, au contraire, montrent qu’il donne beaucoup de place à  l’Etat, qu’il est interventionniste. Y compris sur les aspects économiques. Comment tu vois son positionnement politique ?

    Oui, et son interventionnisme économique très français ne plait guère à  Bruxelles et à  Berlin ou à  Londres…D’abord, c’est une bête politique. Comme l’était Mitterrand. C’est être toujours au premier plan, et je ne sais pas s’il pourra toujours continuer à  ce rythme …. C’est quelqu’un qui a la politique dans le sang, la passion politique, ce qui a toujours existé depuis les Grecs. Et personnellement, je ne suis pas de ceux (des « populistes » ) qui disent « tous pourris ». à‡a me semble être une idéologie extrêmement dangereuse pour la démocratie. Il y a des pourris, mais pas plus qu’ailleurs. Il y a des pyromanes chez les pompiers, des pédophiles chez les instits, mais c’est ultra-minoritaire.

    Le métier politique me parait être extrêmement difficile, épuisant. On prend des coups. Il faut être un « battant  » aussi, il ne faut pas hésiter à  attaquer, mais en même temps à  se « salir les mains ». On ne peut rester « pur », mais il faut garder ses valeurs. Il faut le compromis, mais pas la compromission. Je vois d’abord Sarko comme un politique pur sucre. Et comme un pragmatique. Il se fixe des objectifs, à  mon sens raisonnables, et ensuite (presque) tous les moyens sont bons. Tous les moyens, dans le respect de loi. J’espère ! Je ne suis pas dogmatique : si jamais Sarkozy, que je n’idéalise pas, mais que je ne fais que préférer aux autres, pour le moment, remettait en cause la démocratie, la liberté de la presse ou des choses comme ça, je descendrais dans la rue. Mais, ça ne paraît pas le cas à  l’heure actuelle. C’est un pragmatique. Dans le cadre du respect des institutions, du droit, tous les moyens sont bons. Au sens idéologique, il est libéral à  cause de la situation française, et je me définirais comme cela également, mais pas dogmatique d’un libéralisme absolu valable par tous les temps. La situation française actuelle (dette publique, dette de la Sécu, excès des taxes sur les PME qui désincite à  embaucher et crée du chômage, problème des retraites, la fuite des riches, des choses comme ça), impose des réformes libérales. Pragmatiquement, en procédant à  une « analyse de la situation », comme disait Popper, et Lénine disait lui-même qu’il fallait faire « l’analyse complexe d’une situation complexe »… l’Etat en France est — non pas à  supprimer — mais à  faire maigrir, sinon on va dans le mur, et nos enfants payeront…. Ce qu’on appelle une « injustice générationnelle ».

    L’Etat a pris une place trop importante qui grève l’activité du pays, en somme ?

    Tout à  fait. Le taux excessif des prélèvements obligatoires et la trop faible activité en termes d’heures de travail créent du chômage, lequel accroit les déficits, et mine notre compétitivité à  l’export, etc.. Cercle vicieux… (si vous injectez artificiellement du « pouvoir d’achat », cela crée de l’inflation (et donc une baisse du pouvoir d’achat), et ce sont les importations qui augmentent le plus, et donc la dette !, c’est ça que ne comprend pas une grande partie de la gauche. Ces personnes, que je respecte encore une fois, pensent qu’on n’a pas assez d’Etat ! Et qu’il faut encore augmenter les taxes !! Ce qui fait fuir les entrepreneurs et leurs capitaux et apauvrit les classes moyennes…

    L’impression que j’ai, et c’est quelque chose que je retrouve souvent dans les discussions, c’est l’idée que le chômage n’aurait des causes qu’économiques, et qu’il n’y a que l’Etat qui peut régler ça. Les gens ne sont pas conscients que les politiques menées peuvent créer du chômage.

    Absolument. Et qu’on ne décrète pas la croissance, et donc l’emploi. On peut en revanche faire sauter des blocages qui nuisent à  la croissance. Il faut simplifier (pas abolir !!) le droit du travail. En plus, certains à  gauche partagent encore cette vieille version du marxisme vulgaire, que Popper appelle la théorie « conspirationniste » de la société. C’est à  dire que le chômage serait voulu et organisé par la bourgeoisie pour faire pression sur les salaires à  la baisse. Théorie absurde. (Ce sont plutôt les 35 heures qui ont contribué à  la stagnation des salaires ! )

    Et théorie qui touche presque au délire.

    Oui. On imagine les patrons avec des gros cigares qui se réunissent dans un château, et puis qui disent « bon on va augmenter le chômage, comme ça les ouvriers seront plus disciplinés ». De l’économie « pour les nuls »…

    Retrouvez les autres parties de l’interview dans le sommaire !

  • 6 questions à  … Jean-Gilles Malliarkis, de "L'insolent"

    InsolentOn continue la série d’interview de la blogosphère politique française ! Aujourd’hui, j’ai le plaisir de vous présenter les réponses de Jean-Gilles Malliarakis, dont le blog s’intitule
    L’insolent. Vous retrouverez les autres interviews dans la catégorie « interview » de ce blog.

    (suite…)

  • Les traditions, et la vache à  lait

    Tout ce monde qui va dans la rue. Toutes ces manifs. Les fonctionnaires qui y vont de leur petite grêve d’automne. Les traditions, vous savez ! Mais il faudrait rappeler l’évidence : pour payer mieux les fonctionnaires, il faut enlever de l’argent ailleurs. Sauf à  raisonner avec des moyens extensibles à  l’infini pour l’Etat, ce qui serait une bien funeste conception de la rigueur budgétaire, et de la société.

    Les fonctionnaires seraient donc bien inspirés, comme les cheminots d’ailleurs et les syndicats, de nous expliquer où et comment ils veulent prendre de l’argent. Sur quel ligne budgétaire ? Demander une revalorisation des salaires dans la fonction publique, tout en demandant plus de moyens pour travailler ne peut se faire que de deux manières : en faisant diminuer le nombre de fonctionnaires, ou prenant plus à  la population sous forme d’impôts et de taxes. Que l’on m’explique donc quelle est le but de ces manifs : « On veut être moins nombreux ! » ou « On veut vous prendre plus d’argent ! ». C’est soit l’un, soit l’autre. Les contraires ne se marient pas bien dans le monde de la logique. J’ai cru comprendre que ce n’était pas le premier slogan qui était à  la mode parmi les fonctionnaires.

  • La minorité sans tête

    On savait depuis longtemps que les syndicats ne représentaient qu’une toute petite partie des salariés. Depuis quelques jours, on découvre en plus qu’ils ne représentent vraiment personne puisque les représentants syndicaux ne sont pas capables de discipliner leurs troupes. Il apparait, comble du comble, que ces mêmes représentants sont les plus modérés parmi les syndicalistes ! Il ne reste donc plus qu’à  espérer, en serrant les dents, que le gouvernement tienne bon (j’ai abandonné l’espoir qu’il tape du poing sur la table), afin que cette ultra-minorité beuglante n’ait pas raison de la forte majorité qui s’est exprimé par les urnes, à  quatre reprises, il y a 6 mois.

  • Lettre ouverte d'un greviste aux citoyens

    Nous allons faire grève. Pour défendre notre bout de pain. C’est ça, la société individualiste ! Chacun défend son petit pré carré, et puis voilà . Ce n’est pas tellement notre vision du monde, mais puisqu’il faut s’adapter : nous nous adaptons. Le système nous a régulièrement, et depuis longtemps, envoyé un signal clair que nos grèves permettaient de conserver nos avantages : pour quelle raison absurde agirions-nous autrement ? La solidarité, l’intérêt général sont des utopies sociales mises en place pour endormir les citoyens. Nous, nous savons que chacun défend son intérêt personnel, et celui de sa corporation, de sa classe.
    L’argent du contribuable, votre argent, qui sert à  nous payer, est le symbole de cette relation. Vous nous payez pour assurer un service. Vous êtes donc nos employeurs. Quoi de plus logique, pour une grêve, que de viser à  ennuyer son employeur ? C’est le principe même de la grêve, non ? Nous n’avons que faire des millions de gens qui vont passer des heures dans les transports, en voiture, à  vélo, pour arriver pas trop en retard à  leur travail. Nous n’avons que faire de leur vie de famille. Chacun sa croix.
    Nous savons que certains libéraux vicieux mettront en avant le fait que les clients ont payés un service, et qu’il est donc normal de le rendre. Ils qualifieront cela de vol. Ils prétendront que nous devrions rendre ce service, et laisser tomber nos privilèges. Au motif qu’un privilège est toujours un abus de pouvoir, une spoliation. Ils prétendent – les fous ! – que la Loi devraient être la même pour tout le monde. Mais nous savons, nous, que la Loi n’est pas la même pour tous : certains naissent riches, et d’autres pauvres. Ils nous disent qu’il ne faut pas confondre l’égalité devant la Loi, et l’égalité dans les faits. Nous ne confondons pas les deux. Nous avons simplement compris qu’il suffit d’avoir un loi spéciale pour nous, pour pouvoir – de fait – tirer son épingle du jeu. Nous avons réussi à  mettre en place un système dans lequel nous vivons au dépend des contribuables, avec leur argent, en ayant des conditions de travail meilleures, et nous devrions avoir la bêtise de lâcher cela ? Au nom de quoi ? Nos enfants payeront pour nous nos retraites ; il n’est pas nécessaire de se projeter dans l’avenir.
    De toute façon, nous ne sommes pas responsables : ce sont les politiques qui le sont. De droite comme de gauche, ils ont cautionné ce mode de fonctionnement « ancien régime ». Ils essayent maintenant de changer la donne. Nous savons que la société ne s’organise pas autour d’un droit commun, mais sur la base de rapports de force entre les classes. Nous nions l’existence des individus ; nous croyons dans la lutte des classes. Et nous serons les plus forts, même minoritaires, parce que nous avons une arme que vous n’avez pas : on vous emmerde !
    Pour ceux que tout cela exaspère, j’ai trouvé grâce à  jmj arras un appel de l’association Liberté Chérie pour faire une contre-manif dimanche prochain. Je passe l’info, mais je ne m’y associe pas : je ne supporte plus toutes ces manifs qui sont le symbole que notre démocratie a depuis longtemps faussé ses règles du jeu. Ce n’est pas la rue qui décide, ce sont les urnes. Ou alors, qu’on me l’explique clairement : nous ne sommes plus en démocratie…Mais qui s’en soucie ? Sinon, il y a plein d’infos intéressantes chez Damoclès.

  • La grêve de la fin ?

    Demain, nombreux seront les français à  souffrir d’une grêve anti-démocratique, visant à  défendre des privilèges. Le service minimum n’a toujours pas été instauré dans les services publics de transport. Le gouvernement aurait eu le pouvoir, pourtant, de forcer un service minimum. Pourquoi ne l’a-t’il pas fait ? Sommes-nous représentés par un gouvernement qui joue le jeu des syndicats, contre l’intérêt général ?
    (suite…)