Harmonies économiques : Introduction

Appel à  l’intérêt général et à  la Vérité

Bastiat passe ensuite en revue des exemples pour montrer que les intérêts sont harmoniques, et en appel à  tous pour mettre le bien général au dessus de tous les systèmes :

Et maintenant je fais appel, avec confiance, aux hommes de toutes les écoles qui mettent la justice, le bien général et la vérité au-dessus de leurs systèmes.
Économistes, comme vous, je conclus à  la Liberté; et si j’ébranle quelques-unes de ces prémisses qui attristent vos coeurs généreux, peut-être y verrez-vous un motif de plus pour aimer et servir notre sainte cause.
Socialistes, vous avez foi dans l’Association. Je vous adjure de dire, après avoir lu cet écrit, si la société actuelle, moins ses abus et ses entraves, c’est-à -dire sous la condition de la Liberté, n’est pas la plus belle, la plus complète, la plus durable, la plus universelle, la plus équitable de toutes les Associations.
Égalitaires, vous n’admettez qu’un principe, la Mutualité des services. Que les transactions humaines soient libres, et je dis qu’elles ne sont et ne peuvent être autre chose qu’un échange réciproque de services toujours décroissants en valeur, toujours croissants en utilité.
Communistes, vous voulez que les hommes, devenus frères, jouissent en commun des biens que la Providence leur a prodigués. Je prétends démontrer que la société actuelle n’a qu’à  conquérir la liberté pour réaliser et dépasser vos voeux et vos espérances: car tout y est commun à  tous, à  la seule condition que chacun se donne la peine de recueillir les dons de Dieu, ce qui est bien naturel; ou restitue librement cette peine à  ceux qui la prennent pour lui, ce qui est bien juste.
Chrétiens de toutes les communions, à  moins que vous ne soyez les seuls qui mettiez en doute la sagesse divine, manifestée dans la plus magnifique de celle de ses oeuvres qu’il nous soit donné de connaître, vous ne trouverez pas une expression dans cet écrit qui heurte votre morale la plus sévère ou vos dogmes les plus mystérieux.
Propriétaires, quelle que soit l’étendue de vos possessions, si je prouve que le droit qui vous est aujourd’hui contesté se borne, comme celui du plus simple manoeuvre, à  recevoir des services contre des services réels par vous ou vos pères positivement rendus, ce droit reposera désormais sur une base inébranlable.
Prolétaires, je me fais fort de démontrer que vous obtenez les fruits du champ que vous ne possédez pas, avec moins d’efforts et de peine que si vous étiez obligés de les faire croître par votre travail direct; que si on vous donnait ce champ à  son état primitif et tel qu’il était avant d’avoir été préparé, par le travail, à  la production.
Capitalistes et ouvriers, je me crois en mesure d’établir cette loi: « À mesure que les capitaux s’accumulent, le prélèvement absolu du capital dans le résultat total de la production augmente, et son prélèvement proportionnel diminue; le travail voit augmenter sa part relative et à  plus forte raison sa part absolue. L’effet inverse se produit quand les capitaux se dissipent » — Si cette loi est établie, il en résulte clairement l’harmonie des intérêts entre les travailleurs et ceux qui les emploient.
Disciples de Malthus, philanthropes sincères et calomniés, dont le seul tort est de prémunir l’humanité contre une loi fatale, la croyant fatale, j’aurai à  vous soumettre une autre loi plus consolante: « Toutes choses égales d’ailleurs, la densité croissante de population équivaut à  une facilité croissante de production. » — Et s’il en est ainsi, certes, ce ne sera pas vous qui vous affligerez de voir tomber du front de notre science chérie sa couronne d’épines.
Hommes de spoliation, vous qui, de force ou de ruse, au mépris des lois ou par l’intermédiaire des lois, vous engraissez de la substance des peuples; vous qui vivez des erreurs que vous répandez, de l’ignorance que vous entretenez, des guerres que vous allumez, des entraves que vous imposez aux transactions; vous qui taxez le travail après l’avoir stérilisé, et lui faites perdre plus de gerbes que vous ne lui arrachez d’épis; vous qui vous faites payer pour créer des obstacles, afin d’avoir ensuite l’occasion de vous faire payer pour en lever une partie; manifestations vivantes de l’égoïsme dans son mauvais sens, excroissances parasites de la fausse politique, préparez l’encre corrosive de votre critique: à  vous seuls je ne puis faire appel, car ce livre a pour but de vous sacrifier, ou plutôt de sacrifier vos prétentions injustes. On a beau aimer la conciliation, il est deux principes qu’on ne saurait concilier: la Liberté et la Contrainte. Si les lois providentielles sont harmoniques, c’est quand elles agissent librement, sans quoi elles ne seraient pas harmoniques par elles-mêmes. Lors donc que nous remarquons un défaut d’harmonie dans le monde, il ne peut correspondre qu’à  un défaut de liberté, à  une justice absente. Oppresseurs, spoliateurs, contempteurs de la justice, vous ne pouvez donc entrer dans l’harmonie universelle, puisque c’est vous qui la troublez.

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Commentaires

  1. Avatar de max

    Je ne suis qu'en partie d'accord avec lui.
    Concernant l'explication de la page 2, si j'admets qu'étouffer la Responsabilité par trop de solidarité fait grandir la place du "Mal", en revanche je n'ai pas compris en quoi le Mal tend à se détruire par lui même dans le cas inverse. On peut faire le mal de façon tout à fait responsable, non ?

  2. […] article de la série consacrée au livre d’Harmonie Economique de Frédéric Bastiat. Après l’introduction qui présentait l’idée maîtresse du livre (”les intérêts légitimes sont […]

  3. Avatar de Nath

    Au secouuuurrrs !
    Un texte comme ça, ça me fait franchement peur !
    Une chose est sûre, je crois que nos convictions se situent à 180°. Intéressant.

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