Quelques réflexions sur la contrainte et l’échange libre. Et sur la place de l’Etat qui découle naturellement d’une réflexion cohérente. L’omniprésence de l’Etat est une cause de conflits et de contraintes. Moins d’Etat est donc synonyme d’un accroissement de liberté. J’aimerais discuter avec vous sur ces questions qui me paraissent cruciales pour définir les grandes lignes de l’action politique légitime.
Echange libre et contrainte
La base de la logique, c’est qu’une chose et son contraire ne peuvent pas être simultanément vraies. Si la proposition « X » est vraie, alors la proposition « non X » est fausse. Les libéraux sont cohérents suivant la logique. Ils posent en préambule de leur réflexion qu’il n’existe que trois modes de transfert des richesses entre deux individus A et B (ou deux groupes d’individus) :
- L’échange libre : A donne un truc à B contre un machin de B. Chacun fait cet échange librement.
- Le don : A donne quelque chose à B, sans contrepartie. On peut assimiler le don à un échange libre où un des deux partenaires ne donne rien à l’autre.
- La contrainte : A donne quelque chose à B sous l’effet de la contrainte (menace physique ou de violence quelconque). C’est l’utilisation de la force, comme mode de persuasion. A, s’il était libre de son choix, refuserait de donner ce quelque chose à B. De la même manière, l’échange non-libre ressort de cette catégorie : si A donne un truc à B en échange de quelque chose sans être libre de le faire, il s’agit également de contrainte. Forcer quelqu’un à échanger sous contrainte, ce n’est plus de l’échange libre.
Il n’y a pas d’autres modes de transfert : tout transfert ressort forcément d’une et d’une seule de ces catégories. Si vous n’êtes pas d’accord, je vous prie de donner un quatrième mode possible en commentaire.
La contrainte, c’est le mal
Les libéraux affirment qu’un principe de base d’une société juste, c’est le respect de la liberté individuelle, et de la propriété. Ce qui appartient à quelqu’un, il n’est pas légitime de lui prendre par la contrainte. Menacer quelqu’un d’une arme pour avoir son argent, c’est de la contrainte. Forcer quelqu’un à conclure un marché en menaçant sa famille, c’est de la contrainte. Les libéraux sont farouchement opposés à toute forme de contrainte. En cela, je suis profondément libéral, et je peux affirmer que je rêve d’une société débarassée de la contrainte. Une société où aucun individu ne serait soumis à la violence physique et psychologique, ou à la menace de violence me parait tout à fait souhaitable. La question qui se pose immédiatement est donc : Comment se débarasse-t-on de la contrainte ? C’est le rôle, à mon sens de la Loi : toute forme de contrainte doit être dénonçée, montrée du doigt, et empêchée … par l’utilisation de la force !
Dogmatiques et non dogmatiques
C’est le cercle « vicieux » qui permet de séparer, à mon sens, les dogmatiques et les non-dogmatiques : un dogmatique prétendra que si on doit se débarasser de toute contrainte, alors celle de la Police n’est pas plus légitime que celle du truand (c’est la position anarchiste, en gros). Un non-dogmatique affirmera au contraire que l’on doit trouver une Loi suffisamment universelle et juste pour que l’utilisation de la contrainte pour la faire respecter soit légitime. C’est le cas dans nos sociétés démocratiques libérales : on accorde à l’Etat le monopole de la contrainte. Menacer quelqu’un d’une arme n’est pas légitime, sauf si c’est un policier qui tient l’arme, ou si c’est de la légitime défense. A nouveau, on peut distinguer ici les dogmatiques qui veulent laisser l’absolu contrôle de la force par l’Etat (en gros seuls les policiers et les truands peuvent avoir une arme), et les non-dogmatiques qui expliquent que dans le cas où on serait menacé par quelqu’un, il serait légitime de pouvoir lui répondre par la force. Qu’en pensez-vous ?
L’Etat doit-il servir à autre chose qu’à faire respecter la Loi ?
Pour finir, j’accepte assez bien que l’Etat ait le monopole de la contrainte pour assurer la sécurité – et donc la liberté – des citoyens (les fameuses fonctions régaliennes : justice, police). En dehors de ces deux domaines, l’Etat utilise toujours la contrainte comme moyen d’action, mais cela me parait moins légitime : On ne peut pas vouloir une société sans contrainte, et entretenir un Etat gigantesque dont le mode d’action est la contrainteau nom de quoi l’Etat peut-il prélever de l’argent à un groupe A d’individus pour le donner à un groupe B ? Quand l’Etat prélève par le biais des impôts de l’argent aux citoyens pour le redistribuer à droite à gauche (et ce quelle que soit la justesse de la cause mise en avant), il n’en agit pas moins sur le mode de la contrainte (à moins qu’il n’y ait une unanimité – chose impossible en démocratie). Restreindre les champs d’action de l’Etat à la garantie de la sécurité, de la propriété et de la liberté de chacun me parait donc essentiel pour être cohérent, sans être dogmatique.
Une chose et son contraire ne peuvent pas être simultanément vraies : on ne peut pas vouloir une société sans contrainte, et entretenir un Etat gigantesque, intervenant partout, et sur le mode de la contrainte. Il faut choisir, sauf à laisser s’envoler la vérité et la raison. Deux choses essentielles pour que le lien social puisse éclore. L’omniprésence de l’Etat est une source de contraintes, et une cause de conflits. Quand l’Etat prélève et redistribue notre argent par milliards, tout en laissant exister des zones où la stricte sécurité des personnes n’est pas respectée, on se dit qu’on marche la tête à l’envers…
N’attendre de l’État que deux choses : liberté, sécurité. Et bien voir que l’on ne saurait, au risque de les perdre toutes deux, en demander une troisième.
Frédéric Bastiat
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