CatĂ©gorie : 💬 Citations

  • Citation #159

    Pour redonner Ă  la culture le caractĂšre vĂ©ritablement gĂ©nĂ©ral qu’elle a perdu, il faut pouvoir rĂ©introduire en elle la conscience de la nature des machines, de leurs relations mutuelles et de leurs relations avec l’homme, et des valeurs impliquĂ©es dans ces relations. Cette prise de conscience nĂ©cessite l’existence, Ă  cĂŽtĂ© du psychologue et du sociologue, du technologue ou mĂ©canologue. De plus, les schĂšmes fondamentaux de causalitĂ© et de rĂ©gulation qui constituent une axiomatique de la technologie doivent ĂȘtre enseignĂ©s de façon universelle, comme sont enseignĂ©s les fondements de la culture littĂ©raire. L’initiation aux techniques doit ĂȘtre placĂ©e sur le mĂȘme plan que l’éducation scientifique ; elle est aussi dĂ©sintĂ©ressĂ©e que la pratique des arts, et domine autant les applications pratiques que la physique thĂ©orique ; elle peut atteindre le mĂȘme degrĂ© d’abstraction et de symbolisation. Un enfant devrait savoir ce qu’est une auto-rĂ©gulation ou une rĂ©action positive comme il connaĂźt les thĂ©orĂšmes mathĂ©matiques.
    Cette rĂ©forme de la culture, procĂ©dant par Ă©largissement et non par destruction, pourrait redonner Ă  la culture actuelle le pouvoir rĂ©gulateur vĂ©ritable qu’elle a perdu. Base de significations, de moyens d’expression, de justifications et de formes, une culture Ă©tablit entre ceux qui la possĂšdent une communication rĂ©gulatrice ; sortant de la vie du groupe, elle anime les gestes de ceux qui assurent les fonctions de commande, en leur fournissant des normes et des schĂšmes. Or, avant le grand dĂ©veloppement des techniques, la culture incorporait Ă  titre de schĂšmes, de symboles, de qualitĂ©s, d’analogies, les principaux types de techniques donnant lieu Ă  une expĂ©rience vĂ©cue. Au contraire, la culture actuelle est la culture ancienne, incorporant comme schĂšmes dynamiques l’état des techniques artisanales et agricoles des siĂšcles passĂ©s. Et ce sont ces schĂšmes qui servent de mĂ©diateurs entre les groupes et leurs chefs, imposant, Ă  cause de leur inadĂ©quation aux techniques, une distorsion fondamentale. Le pouvoir devient littĂ©rature, art d’opinion, plaidoyer sur des vraisemblances, rhĂ©torique. Les fonctions directrices sont fausses parce qu’il n’existe plus entre la rĂ©alitĂ© gouvernĂ©e et les ĂȘtres qui gouvernent un code adĂ©quat de relations : la rĂ©alitĂ© gouvernĂ©e comporte des hommes et des machines ; le code ne repose que sur l ’expĂ©rience de l’homme travaillant avec des outils, elle-mĂȘme affaiblie et lointaine parce que ceux qui emploient ce code ne viennent pas, comme Cincinnatus, de lĂącher les mancherons de la charrue. Le symbole s’affaiblit en simple tournure de langage, le rĂ©el est absent. Une relation rĂ©gulatrice de causalitĂ© circulaire ne peut s’établir entre l’ensemble de la rĂ©alitĂ© gouvernĂ©e et la fonction d’autoritĂ© : l’information n’aboutit plus parce que le code est devenu inadĂ©quat au type d’information qu’il devrait transmettre. Une information qui exprimera l’existence simultanĂ©e et corrĂ©lative des hommes et des machines doit comporter les schĂšmes de fonctionnement des machines et les valeurs qu’ils impliquent. Il faut que la culture redevienne gĂ©nĂ©rale, alors qu’elle s’est spĂ©cialisĂ©e et appauvrie. Cette extension de la culture, supprimant une des principales sources d’aliĂ©nation, et rĂ©tablissant l’information rĂ©gulatrice, possĂšde une valeur politique et sociale : elle peut donner Ă  l’homme des moyens pour penser son existence et sa situation en fonction de la rĂ©alitĂ© qui l’entoure. Cette Ɠuvre d’élargissement et d’approfondissement de la culture a aussi un rĂŽle proprement philosophique Ă  jouer car elle conduit Ă  la critique d’un certain nombre de mythes et de stĂ©rĂ©otypes, comme celui du robot, ou des automates parfaits au service d’une humanitĂ© paresseuse et comblĂ©e.

    Gilbert Simondon (1924-1989)
    philosophe français du XXe siĂšcle. Il Ă©tait spĂ©cialiste de la thĂ©orie de l’information, de philosophie de la technique, de psychologie et d’Ă©pistĂ©mologie.

  • Citation #158

    La libertĂ© est pour moi le droit de ne pas mentir. C’est la dĂ©finition la plus essentielle que je connaisse Ă  ce mot.

    Albert Camus (1913-1960)
    Ecrivain, philosophe, dramaturge et journaliste français

  • Citation #157

    J’Ă©prouve l’Ă©motion la plus forte devant le mystĂšre de la vie. Ce sentiment fonde le beau et le vrai, il suscite l’art et la science. Si quelqu’un ne connaĂźt pas cette sensation ou ne peut plus ressentir Ă©tonnement ou surprise, il est un mort vivant et ses yeux sont dĂ©sormais aveugles.

    Albert Einstein (1879 – 1955) physicien thĂ©oricien. Il fut successivement allemand, apatride (entre 1896 et 1901), suisse (1901) et de double nationalitĂ© helvĂ©tico-amĂ©ricaine (1940)

  • Citation #156

    Dire du mal des autres est une façon malhonnĂȘte de se flatter.

    Oscar Wilde (1854 – 1900) Ă©crivain, romancier, dramaturge et poĂšte irlandais

  • Citation #155

    La plus constante marque de la sagesse, c’est une constante rĂ©jouissance.

    Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592) philosophe français, humaniste et moraliste de la Renaissance

    Que ce soit dans le sens gĂ©nĂ©ral (« Connaissance du vrai et du bien, fondĂ©e sur la raison et sur l’expĂ©rience. »), ou pour dĂ©crire le comportement associĂ© (raisonnable, prudent, vertueux), il est clair que la sagesse est quelque chose de souhaitable.
    Montaigne ne nous dit pas, dans cette citation, comment l’atteindre, ou ce qu’elle est (il a Ă©crit ses fameux Essais pour le dire) : il nous explique ce qui permet de la dĂ©tecter chez quelqu’un, ce qui en marque la prĂ©sence.
    Celui qui est capable de se rĂ©jouir, est probablement sage. C’est une pensĂ©e toute stoĂŻcienne : la sagesse, selon Montaigne, qui s’appuie sur les penseurs grecs, est la capacitĂ© Ă  faire avec le monde tel qu’il est, et Ă  s’en rĂ©jouir. De quoi pourrions-nous donc nous rĂ©jouir, si ce n’est de ce qui est ? C’est une philosophie, et une Ă©thique, oĂč le rĂ©el est central, et qui fait la part belle Ă  philia (l’amour de ce qu’on l’on a), et qui – probablement – sous-estime la part d’eros (l’amour de ce qu’on n’a pas).
    Car bien sĂ»r, nous ne nous contentons pas, individuellement, collectivement, du monde tel qu’il est. Il y a trop d’injustices et de malheur pour cela. Notre Ă©thique moderne est tendue par un devoir d’amĂ©lioration des choses. Mais notre effort pour amĂ©liorer le monde ne devrait pas nous empĂȘcher de nous rĂ©jouir. Il n’existe qu’une rĂ©alitĂ©, alors autant s’en rĂ©jouir. Une deuxiĂšme, pour la route ?

    Le sage ne rencontre pas de difficultĂ©s. Car il vit dans la conscience des difficultĂ©s. Et donc n’en souffre pas.

    Lao Tseu (milieu VIe siĂšcle avant J.C.) sage chinois, considĂ©rĂ© a posteriori comme le pĂšre fondateur du taoĂŻsme. Son existence n’est pas tout Ă   fait avĂ©rĂ©e…

  • Citation #154

    Les Hommes n’Ă©tant pas dotĂ©s des mĂȘmes capacitĂ©s, s’ils sont libres, ils ne seront pas Ă©gaux, s’ils sont Ă©gaux, c’est qu’ils ne sont pas libres.

    Alexandre Soljenitsyne (1918 – 2008) Ă©crivain russe et dissident du rĂ©gime soviĂ©tique