Étiquette : Débat

  • Pourquoi les idéologues n’aiment pas les débats ?

    Pourquoi les idéologues n’aiment pas les débats ?

    En écoutant l’excellente émission de Bock-Côté l’autre jour, et où les deux comparses (Mathieu Bock-Côté et Arthur de Watrigant) montraient – en s’appuyant sur la « polémique » créée par l’édito de Juillard reconnaissant De Benoist comme un penseur majeur – à quel point Plenel est un idéologue hostile à la discussion, je me suis fait la réflexion suivante.
    Un idéologue est un penseur pour qui le monde doit s’adapter à sa pensée, là où un penseur pragmatique cherche à comprendre la réalité en y adaptant ses modèles mentaux. L’idéologue est animé par des convictions, que rien ou presque ne peut faire changer. Il est donc logique qu’il n’aime pas le débat. Mais ce n’est pas le débat en tant que pratique que l’idéologue n’aime pas (cela peut être un bon outil de persuasion, s’il lui donne l’occasion de mettre en avant ses idées), c’est le débat en tant que concept.

    Débat rime avec recherche de la vérité

    Car le concept de débat introduit une idée simple, mais révolutionnaire : il existe une réalité dont on peut débattre, c’est-à-dire une réalité supportant plusieurs points de vue. En effet, le simple fait d’admettre que plusieurs points de vue existent, fait prendre conscience du fait que deux personnes regardent un objet (la réalité) avec deux perspectives différentes. Cela force mentalement à considérer dans un même mouvement la réalité, les deux points de vue différent, et cela en crée un troisième automatiquement. Celui de l’observateur qui, prenant du recul, peut considérer ces deux éclairages du réel, et donc la réalité. C’est l’introduction d’un doute possible dans la discussion : puisque deux points de vue sont possibles, un troisième pourrait-il être plus juste ? Dans l’image qui illustre ce modeste billet, le simple fait de considérer les deux personnages discutant pour savoir si c’est un 6 ou 9, fait apparaître un troisième point de vue (celui que le dessinateur a choisi) montrant un objet qui visiblement peut être vu comme un 9 ou un 6, selon le point de vue, mais aussi comme autre chose en décalant le regard.
    Ce mode de pensée n’est pas admissible pour l’idéologue : si le doute est possible, et si je peux me poser ces questions, c’est que j’ai réintroduit dans ma réflexion l’idée d’une correspondance entre mes représentations du réel et le réel, l’idée, donc, de vérité.
    L’idéologue déteste le débat car le débat repose sur l’idée de vérité, de doute, de séparation entre le locuteur et le contenu de son discours. Ce n’est pas le terrain de jeu de l’idéologue : il se situe dans un espace ou ce n’est pas la vérité qui compte, mais le fait de faire gagner ses idées. L’idéologue ne pense pas, il combat. Il ne doute pas, il manipule. C’est pour cette raison que Plenel ne cherche pas à montrer que De Benoist, ou un autre de ses adversaires, a tort, mais qu’il ne faut pas échanger avec lui.

  • La régression intellectuelle de la France

    La régression intellectuelle de la France

    Des lois de censure

    Philippe Nemo, grand intellectuel français (auteur du magnifique « Qu’est-ce que l’Occident?« ), a signé ce petit livre en 2011. Je l’avais loupé (ce qui n’est pas le cas de tout le monde). Il est extraordinaire de concision, de clarté et de force. C’est un éloge de la liberté d’expression, et une démonstration sans appel des raisons qui doivent conduire à  abroger les lois Pleven, Gayssot et autres lois dites « mémorielles ».
    En tant que libéral, et héritier de la meilleure part des Lumières (l’esprit de rationalité, le pluralisme et l’esprit critique), Nemo constate que la liberté d’expression a reculé en France, et il analyse cette situation.
    Elle a reculé à  cause de lois de censures : des lois qui, sous-couvert d’interdire des propos attisant la haine, ont introduit des ruptures inédites, et graves, dans le droit. Elles permettent en effet de condamner les gens pour leurs opinions, et en outre, deuxième rupture, elles ouvrent la voie à  des plaintes qui ne sont pas portées par les victimes ou le ministère public.

    Pour que la mise en cause de l’auteur du propos ne soit pas une injustice manifeste, il faudrait bien, cependant, qu’il y ait quelque forme de lien causal entre le propos incriminé et un tort objectivement constatable et mesurable subi par des victimes. Or ce type de chaîne causale ne peut jamais être établi

    Conséquences : archaïsme

    Ce grave détournement de l’esprit du droit conduit à  une insécurité juridique pour tous ceux qui prennent la parole en public, et à  une perversion du métier de juge, lesquels se retrouve à  faire un travail de tri idéologique et non juridique.
    Il conduit également à  une diminution de la qualité des débats sur un grand-nombre de sujets, qui sont devenus, peu à  peu, tabou. C’est bien là  la conséquence la plus grave de cette liberté d’expression endommagée : sans libre concurrence entre les idées, sans débats critiques, basés sur des arguments, la société française se recroqueville peu à  peu dans des logiques archaïques, non plus basé sur la raison, mais sur des logiques de pur et d’impur. Il y a des sujets à  éviter, et d’autres que l’on peut aborder sereinement. On retrouve là  le politiquement correct, et la frontière de respectabilité sociale pensée par Bock-Côté.
    Une autre conséquence :

    La régression d’une proportion non négligeable de la classe parlante française au stade mental des sociétés préciviques se marque par deux autres traits qui en sont inséparables : le rôle croissant de l’imitation moutonnière et le sacrifice rituel de boucs émissaires.

    Il suffit de se repasser le film de la crise COVID pour voir que ces logiques ont joué à  plein régime.
    Nemo donne de nombreux exemples concrets et pratiques de cette dérive collective (par exemple l’affaire Vanneste, et l’affaire Gougenheim).

    Urgent retour à  la raison

    Faisant le constat simple mais indispensable que la plupart des opinions, projets politiques, pensées, nécessitent d’une manière ou d’une autre de discriminer (voir mon Eloge de la discrimination), Philippe Nemo appelle à  un vraie liberté de débat, sans censure.

    La conséquence de tout cela est claire : le débat public, en France, ces dernières années, a été de plus en plus gravement appauvri et faussé.
    Or les problèmes, en tous domaines, ne peuvent être réglés s’ils ne sont pas d’abord posés. Si donc la généralisation des tabous et des interdits en France empêche que les plus importants des problèmes de société y soient explicitement posés, il ne faut pas espérer qu’ils soient dûment traités et, en définitive, réglés. La gouvernance du pays subit, de ce fait, un grave déficit.
    Il existe des solutions aux problèmes graves qui se posent à  notre pays. Toute société peut sortir de tout mauvais pas ; pour les sociétés, il n’y a pas de décadence irréversible comme pour les individus. Mais quelques-unes de ces solutions impliqueraient qu’on puisse remettre en cause certains préjugés, qu’on puisse rompre avec certaines routines instaurées un beau jour et trop longtemps reproduites sans nouvelle réflexion. Cette démarche ordinaire de correction de trajectoire peut être mise en oeuvre si les préjugés et les routines en question ont le statut de simples opinions, comme c’est le cas dans les pays démocratiques normaux ; mais, s’ils ont été rigidifiés en mythes et en tabous, ils ne peuvent plus être changés ; ils continueront à  orienter les mentalités et les comportements dans le même sens, si faux et utopique soit-il. Alors la société, aveuglée, ira dans le mur.

    Il a mille fois raison, bien sûr : comment envisager l’avenir si on ne peut pas commencer par se représenter le réel, le présent, correctement ?
    Sa conclusion est simple et limpide, je la partage telle quelle. Savoir qu’elle figure au programme de Zemmour me donne une raison de plus de voter pour lui :

    Si un jour le pays se ressaisit et se donne un gouvernement et un parlement connaissant la valeur vitale des libertés intellectuelles et le tort qu’une société se fait à  elle-même en les diminuant, un des premiers projets de loi à  déposer sur le bureau de l’Assemblée sera celui-ci :
    « Article unique. Les lois du 1er juillet 1972, 13 juillet 1990, 21 mai 2001, 30 décembre 2004, ainsi que l’article R. 625-7 du Code pénal et l’article 475 du Code de prodécure pénale sont abrogés. »
  • Stratégie de victoire ?

    Stratégie de victoire ?

    Pour que la droite puisse gagner l’élection de 2022, la recette est simple : il faut s’allier. Les Républicains et le Rassemblement National doivent travailler de concert pour rendre cette alliance possible. Cet effort, réel, sera le signe d’une volonté de prendre le pouvoir.

    Homme providentiel ou réunions de convergence ?

    J’apprécie beaucoup les émissions d’interview de l’Institut des Libertés. Charles Gave y reçoit des personnalités intéressantes, et je vous recommande d’aller les découvrir. Il recevait récemment Robert Ménard, maire de Béziers et François Bousquet, rédacteur en chef de la revue Elements.

    Je partage beaucoup de ce qui est raconté là -dedans. Mais j’ai eu le sentiment que les deux invités « attendaient », un peu impuissants, le chef de fil providentiel qui saurait rassembler à  droite, et plus largement d’ailleurs, et gagner l’élection. Il me semble que le problème est pris un peu à  l’envers : la seule stratégie possible, à  droite, est simple.

    Il faut rassembler, ce qui veut dire travailler ensemble. Le Rassemblement National et les Républicains (mais aussi Debout la France, Via, Objectif France) devraient avoir des réunions de travail, visant à  poser sur la table les différents sujets, et construire un programme commun. Tant que ces réunions ne seront pas organisées, et partagées avec le public, les électeurs, l’élection de 2022 sera perdue d’avance.

    Gagner l’élection n’est qu’un moyen

    L’absence de ces réunions, de ces échanges, sera le signe que ces acteurs ne sont pas capables de faire les compromis nécessaires à  la victoire. Si on place le sort du pays comme enjeu majeur, alors la victoire est une étape nécessaire. Gagner l’élection n’est pas le but, c’est un moyen. Ne pas se donner les moyens (échanger, se foutre sur la gueule, faire des accords, des compromis), c’est afficher aux yeux de tous (électeurs compris) que le sort du pays, n’est pas l’enjeu pour ces partis. C’est justement ce qui a conduit les électeurs à  ne plus se déplacer : des politiciens dont l’enjeu est d’être élu, et non d’appliquer un programme, dans l’intérêt de la Nation. Ce qui est glamour en politique, c’est la vérité et le sens du sacrifice, pas les egos surdimensionnés.

    A ceux qui s’offusqueraient d’un tel rapprochement, je rappellerais d’abord qu’il ne faut pas avoir peur des mots et des pièges tendus par une partie des journalistes et des élites « bien pensantes », et je poserais ensuite les questions suivantes : en quoi, sur les idées, François-Xavier Bellamy diffère de Marion Maréchal ? En quoi Jean-Frédéric Poisson ne pourrait pas s’entendre avec Mariani, ou Dupont-Aignan ? Retailleau avec Garraud, ou Aliot ? Si leurs différences de points de vue – inévitables – ne peuvent se lisser, s’oublier momentanément, s’articuler, évoluer, pour un objectif commun, alors c’est que ces gens-là  ne veulent pas du pouvoir. Robert Ménard, dans la vidéo qui ouvre cet article le dit très bien. Cela demande du courage (que pour la plupart ils ont déjà  montré).

    Au passage, ces réunions de « convergences », ou d’alliance, seraient le meilleur moyen de voir émerger des personnalités nouvelles (ou pas), capables de porter ce programme commun devant le peuple (avec ou sans les chefs de partis d’ailleurs). Je repose donc cette question, ouverte et bienveillante : quand a lieu la prochaine réunion de travail pour un rassemblement gagnant à  droite ?

    C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche.

    Pierre Soulages (1919) artiste peintre et graveur français

  • L'Islam et sa visibilité en France

    J’ai vu ça, comme souvent, sur l’excellent site Bivouac-ID. Il s’agit d’un débat sur l’Islam en France, avec des intervenants de qualité, je trouve.
    Les invités de Ahmed el-Keiy sur France à” jeudi dernier étaient les suivants :

    • Joachim Véliocas, animateur du site Islamisation
    • André Bercoff, journaliste et écrivain franco-libanais, et qui tient un blog
    • Ghaleb Bencheikh, président de la Conférence mondiale des religions pour la paix, animateur de l’émission Islam du dimanche matin sur France 2 et frère de l’ancien grand mufti de la mosquée de Marseille
    • Bernard Godard, ancien fonctionnaire des RG, chargé de mission au bureau des cultes au sein du ministère de l’Intérieur, et l’un des architectes du CFCM (Conseil Français du Culte Musulman)

    Place au débat !

  • Faut-il autoriser la construction de nouvelles mosquées ?

    Une association musulmane est entrée de force dans la mairie de Torcy, pour « négocier » avec le maire de la commune l’obtention d’un terrain pour construire une mosquée. Visiblement, il s’agit d’un peu plus qu’une mosquée, mais bon.
    C’est l’éternel débat : au nom de la liberté, doit-on permettre à  tous de pratiquer leur culte, ou doit-on différencier les religions entre elles et reconnaitre un caractère « sectaire » à  l’Islam ?
    Je n’ai pas de réponse définitive à  cette question. Mais, comme je l’avais déjà  exprimé ici, on ne peut pas comprendre la réalité, les rapports de forces à  l’oeuvre, si on ne connait pas cette réalité. Si on s’accroche à  des principes (justes et bons, je suis le premier à  en convenir), sans vouloir différencier ceux qui aspirent à  vivre dans une société ouverte et libre, et ceux qui veulent imposer des règles de vie incompatibles avec ces mêmes principes, on risque bien de scier la branche sur laquelle on est assis.
    Alors, pour ceux qui veulent savoir ce qu’est l’Islam, voilà  une liste fort utile (sinon, vous pouvez continuer à  lire ce blog):
    Se renseigner sur l’Islam :

    Et pour tous, un petit test vous permettant de donner votre avis :
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  • 70 ans de travaux forcés !

    Le fait de permettre aux gens de travailler jusqu’à  70 ans est-il une chance pour la liberté de travailler, ou une menace pour les salariés, un coin mis en place pour repousser l’âge légal de la retraite à  70 ans ? On retrouve sur ce sujet bien des clivages, et un PS égal à  lui-même : gravement à côté de la plaque…
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