Étiquette : Joie

  • Citation #168

    Il ne faut pas pleurer pour ce qui n’est plus mais être heureux pour ce qui a été.

    Marguerite Yourcenar (1903-1987)
    Femme de lettres française.

    Merci à l’ami Jean-Marc pour cette belle citation !

  • Les forgerons

    Les forgerons

    C’est la dose qui fait le poison.

    Paracelse (1493 – 1541) médecin, philosophe et alchimiste, mais aussi théologien laïc suisse

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    J’ai appris il n’y a pas si longtemps cette vérité sur les poisons : il y est question de quantité, autant que de qualité. C’est très logique, si l’on pense que l’organisme est une chose en équilibre dynamique permanent, mais tout de même, cela m’avait forcé à repenser certaines choses. Bien sûr il y a des produits très actifs chimiquement, qui interagissent très fort avec notre organisme, mais c’est une question de quantité : en infime quantité, leur toxicité ne suffira pas à causer des dégâts. De la même manière, il y a des produits que l’on ingère chaque jour, et qui sont indispensables à notre santé : en trop grande quantité, ils deviennent toxiques.

    S’exercer

    J’ai mis du temps à comprendre cette autre vérité simple et logique, dans toute sa prodondeur.

    Nous sommes ce que nous faisons de manière répétée. L’excellence n’est donc pas un acte mais une habitude.

    Aristote (1493 – 1541) philosophe et polymathe grec de l’Antiquité

    Nous n’avons pas à choisir ce que nous sommes ; nous pouvons identifier des choses que l’on aime, ou qui nous sont utiles, et les pratiquer. C’est avec la pratique régulière que l’on progresse. De même qu’un poison se définit par la nature ET par la quantité d’une produit, la pratique régulière se définit par la méthode de travail ET par le temps passé. Rester bloqué sur la méthode – le prof, la méthode, le support, les conditions, le confort – est un très grand frein à l’apprentissage. La pratique régulière est à l’apprentissage, ce que la quantité est au poison.Vous voulez progresser aux échecs ? Jouez chaque jour. Vous voulez apprendre la musique ? Jouez chaque jour. Vous voulez apprendre une langue ? Ecoutez et parlez chaque jour.
    Bien sûr, l’exercice et la pratique régulière ne se suffisent pas à eux-mêmes : il est toujours extrêmement loisible de profiter d’un professeur, d’une méthode. Mais de même que pour le poison, où c’est d’abord la quantité qui compte, c’est d’abord la pratique régulière et répétée qui nous permet de progresser. La pratique régulière est à l’apprentissage, ce que la quantité est au poison. Un élève, profitant du meilleur prof du monde, ne progressera presque pas s’il ne travaille pas régulièrement.
    C’est une joie pour moi de penser que nous pouvons librement apprendre et pratiquer ce qui nous plait, et progresser. C’est une joie pour moi de pratiquer et m’exercer chaque jour dans des activités variées et riches.
    Toutes ces banalités importantes sont contenues dans le dicton bien connu :

    C’est en forgeant qu’on devient forgeron.

  • Le miracle Spinoza

    Le miracle Spinoza

    J’ai récemment eu l’occasion de lire le formidable livre de Baltasar Thomass, Etre heureux avec Spinoza, et – toujours conseillé par mon ami Jean-Marc – le très bon livre de Frédéric Lenoir, Le miracle Spinoza.

    Incontournable Spinoza

    Spinoza fait partie des incontournables. Qu’on le lise ou non, on finit forcément par le rencontrer, au détour de ses lectures. J’avais découvert il y a longtemps l’ouvrage majeur de Spinoza, L’Ethique, et j’avais trouvé ça ardu, difficile, mais avec des raisonnements puissants et rigoureux. Je l’avais feuilleté, régulièrement, et en désordre (j’avais laissé le livre aux toilettes).

    Bien sûr, les ouvrages d’histoire de la philosophie passent forcément par la case Spinoza, et on le recroise. J’avais également eu l’occasion de découvrir sa vie au travers de biographies (pas toujours formidables).

    C’est une sorte de biographie philosophique que nous livre Frédéric Lenoir. La vie de Spinoza est à  découvrir : très jeune, il est déjà  très affirmé dans ses raisonnements, et développe sa pensée. Sa pensée est tellement en rupture avec les moeurs (libre penseur, probablement athée, en faveur de la liberté d’expression, précurseur des Lumières et de la révolution démocratique libérale), qu’il se retrouve exclu de sa communauté et de sa famille. Il vivra par la suite en pension dans une famille, non loin de l’Université et des penseurs de son époque. Fortement influencé par Descartes, il prolonge et transcende l’approche rationnaliste. Il expose de manière très claire également des thèses politiques très en avance.

    Spinoza révolutionne l’exégèse

    Un autre aspect sur lequel insiste Frédéric Lenoir, c’est le travail sur la spiritualité et la religion très novateur que Spinoza effectue. Prônant une lecture critique des Ecritures (il en est un parfait connaisseur, ayant étudié en hébreux, en Latin et en grec la Torah et les Evangiles), il met au point une méthode de lecture historique et critique de la Bible. Cette méthode est basée sur :

    • la connaissance de la langue d’origine des textes étudiés
    • l’analyse des thèmes, contradictions, ambiguïtés que l’on peut trouver dans les textes,
    • enfin l’analyse historique des textes (qui écrit ? dans quel contexte ? pour qui?)

    Spinoza est connu pour avoir assimilé Dieu avec la nature (au sens de tout ce qui existe), et donc d’avoir posé les raisonnements systématiques permettant de séparer l’idée de Dieu de l’idée d’un personnage avec une volonté, etc. C’est aussi, je le découvre, un de ceux qui a contribué à  structurer une approche non littérale des textes religieux.

    L’ouvrage de Lenoir revient en détail aussi sur les aspects spirituels et psychologiques développés par Spinoza, ce qui est normal, vu l’auteur, et vu l’ampleur que ces sujets prennent dans l’Ethique. Spinoza est un philosophe total, et sa réflexion englobe Dieu, la Nature, la société juste, les lois naturelles, et bien sûr l’homme. Spinoza sur ces sujets est à  nouveau époustouflant : contre Descartes et contre les dogmes, il refuse la séparation corps-esprit. C’est un philosophe moniste, et je reviendrai dessus. Assumant nos ignorances, il pose en principe que tout a une cause. On a souvent montré Spinoza comme un philosophe niant la liberté. Rien n’est plus faux : il nie le libre arbitre.

    Les hommes se croient libres parce qu’ils ont conscience de leurs volitions et de leur appétit, et qu’ils ne pensent pas, même en rêve, aux causes qui les disposent à  désirer et à  vouloir, parce qu’ils les ignorent.

    Mais il redéfinit au contraire de manière très fine la liberté. Frédéric Lenoir l’explique très bien :
    (…) Spinoza affirme aussi que l’être humain est d’autant plus libre qu’il agit sleon sa propre nature, selon son « essence singulière », et non pas seulemnt sous l’influence de causes qui lui sont extérieures. Autrement dit, plus nous formons des idées adéquates, plus nous sommes conscients des causes de nos actions, plus nous sommes capables d’agir en fonction de notre nature propre, et plus nous serons autonomes. Plus nos actes relèveront de l’essence singulière de notre être, et non plus des causes extérieures, plus ils seront libres. Cela est rendu possible par l’exercice de la raison. (…) Spinoza redéfinit ainsi la liberté, d’une part comme intelligence de la nécessité, d’autre part comme libération par rapport aux passions.

    Et il apporte une idée très forte, développée de manière rigoureuse : l’idée que le « but » de tout organisme vivant est de « perséverer dans son être », et qu’un but corollaire est de progresser, de gagner en « puissance », de se perfectionner. La joie est le passage d’une moindre à  une plus grande perfection (la tristesse étant le pendant négatif). Ce couple tristesse-joie est central dans la pensée de Spinoza, et Frédéric Lenoir explique très bien les ressorts de sa pensée.

    J’ai dévoré ce livre, très bien écrit, porté par une authentique passion de Frédéric Lenoir pour Spinoza et sa pensée. J’ai adoré le petit épilogue où Lenoir livre ses points de désaccords avec la philosophie de Spinoza et donne la parole à  Robert Misrahi (autre spécialiste de Spinoza) pour montrer que plusieurs lectures sont possibles (ils sont en désaccord, notamment sur l’athéisme de Spinoza).

    Pour ma part, j’ai le sentiment que Spinoza est effectivement incontournable, et je vais remettre l’Ethique aux toilettes. Mon seul point de désaccord serait avec son « monisme » intégral. Je le partage pourtant philosophiquement, étant matérialiste, mais je pense que le réel, notamment à  cause du vivant, est plus complexe que cela. Cela me renvoie à  la description du réel de Karl Popper. Et cela me montre, comme si j’en avais besoin, à  quel point ma propre pensée est loin d’être cohérente !

  • La communion par la musique

    Il s’agit d’un spectacle surprise organisé par le choeur d’opéra de l’AGAO, dans le café Iruà±a (nom de la ville en basque), à  Pampelune (en castillan). Magnifique, vibrant, émouvant.

  • Journée parfaite

    Journée parfaite

    Amusez-vous : décrivez votre « journée parfaite ». Listez de quoi elle serait faite. Vous pouvez faire l’exercice avec une semaine, ou un mois, ou une année. Avec votre vie, si vous le voulez. L’exercice est le même. Cela revient à  se poser la question du saupoudrage : quelle quantité de quoi je veux, en quelle proportion ?

    De l’amour, des sentiments, un peu de travail, de la musique ? Du dessin, des rigolades, une soirée entre amis ? Une promenade le long de l’eau, un barbecue sous les arbres en été ? Des jeux avec les enfants, un spectacle ? Du calme, de la lenteur ? Un peu de tout ça, et même plus ?

    La réalité, c’est qu’une fois dressée, cette liste n’a plus de sens, et devient aussitôt une caricature d’elle-même. Pourquoi ?

    Parce que répétées telles quelles, planifiées, toutes ces choses joyeuses seraient bientôt étouffantes, ou tristes.

    Pourquoi ? Parce nous changeons, et que ce qui était notre désir un jour, ne le sera pas forcément le lendemain. Parce que nous sommes vivants, et que nous sommes curieux, et avides de nouveauté : comment un jour – même parfait – répété à  l’identique, sans surprise, sans changements, pourrait-il nous combler ?

    La journée parfaite n’existe pas ; à  chacun de se débrouiller pour trouver de la joie dans chacune de ses journées. Personne ne sait de quoi l’avenir, son avenir, sera fait : décrire la journée parfaite (la semaine, le mois, l’année) serait une manière d’interdire le futur, le désir, les rêves un peu fous qui donnent envie de se dépasser. La perfection ne peut se produire que de manière fortuite, ponctuelle et spontanée, et c’est aussi cela, sa valeur.

    Il y a un étonnement, une surprise, dans la joie, qui en font une idée contradictoire avec celle de perfection.

    Une journée parfaite, ce serait une journée sans joie, et une journée sans joie ne saurait être parfaite.

    Un homme qui réussit est un homme qui se lève le matin et qui se couche le soir, et qui entre les deux fait ce qui lui plaît.

    Bob Dylan

    La journée parfaite, c’est celle où l’on fait ce que l’on veut. Même – surtout ? – si ce que l’on veut, c’est faire autre chose que la veille.