Étiquette : Libéralisme

  • John Stuart Mill, libéral utopique

    John Stuart Mill, libéral utopique

    Camille Dejardin, docteur en science politique et professeur agrégée de philosophie, vient de publier aux Editions Gallimard « John Stuart Mill, libéral utopique » (sous-titré Actualité d’une pensée visionnaire (coll. Bibliothèque des idées, 2022), essai qui prolonge sa thèse de doctorat dévolue à  la redécouverte de la théorie politique millienne. C’est un livre remarquablement bien écrit, d’une grande clarté conceptuelle, et – bien sûr – on ne peut plus expert sur la pensée de John Stuart Mill.

    Biographie intellectuelle

    Car Camille Dejardin s’intéresse uniquement aux idées, et dresse dans cet ouvrage un panorama très complet de la pensée de Mill. Elle n’y glisse que les éléments biographiques qui éclairent le parcours intellectuel de Mill. Il est à  souligner que son enfance et sa formation, et sa vie, sont tout à  fait hors du commun. L’auteur commence l’ouvrage avec un thèse simple mais tout à  fait juste : Mill, souvent associé à  l’utilitarisme parce son père était un adepte de Bentham, penseur central du libéralisme, est un auteur qui dépasse largement ces étiquettes tant son génie a embrassé largement tous les sujets, avec une honnêteté et une exigence impressionnante, en gardant toujours à  l’esprit la vue d’ensemble sans jamais perdre ni le goût des détails, ni le sens de la nuance. Un vrai penseur du réel, en quelque sorte.

    La démarche de John Stuart Mill (1806-1873), pourtant communément connu comme « utilitariste » et « libéral » canonique, en est on ne peut plus éloignée. Et son génie est d’avoir su allier la modernité d’une conception globalement matérialiste, agnostique et pragmatique, s’émancipant des traditions tout en demeurant ouverte à  une pluralité de métaphysiques, avec une exigence de transcendance et même, pourrait-on dire, une exigence d’exigence qui anticipe et préempte à  bien des égards les écueils sur lesquels l’utilitarisme, l’économicisme et le libéralisme des deux derniers siècles nous ont jetés.

    Camille Dejardin illustre fort à  propos l’ouverture d’esprit et le goût de l’échange de Mill par une liste incroyable :

    Il faut (…) saluer la prouesse, tant linguistique et intellectuelle et que proprement humaine, que constituent la relation et l’abondante correspondance qu’il réussit à  entretenir avec des interlocuteurs aussi hétéroclites que Thomas Carlyle, Edwin Chadwick, Alexander Bain (qui devint l’un de ses biographes), John Austin, Thomas Hare, Herbert Spencer, Florence Nightingale, Gustave d’Eichthal, Alexis de Tocqueville, Auguste Comte et jusqu’à  Jules Michelet et Louis Blanc (pour ces quatre derniers, dans un français parfait), aux côtés de nombreux autres parlementaires, juristes et publicistes britanniques ou étrangers.

    Penseur complet de la démocratie moderne, et de la vie bonne

    L’ouvrage dans sa première partie revient sur la pensée riche et complexe de Mill, qui prend à  la fois le meilleur du socialisme, du conservatisme et du libéralisme (en donnant une primauté à  ce dernier). La deuxième partie explicite le titre « Utopie libérale », en montrant comment Mill a toujours réfléchi, à  partir du réel, à  proposer une meilleure organisation sociale, une meilleure société, en insistant toujours sur les ressorts individuels. C’est une sorte d’ »aristo-démocratie » qu’il définit ainsi, tout en réfléchissant aux conditions d’existence de celle-ci (notamment l’éducation), et aux limites qu’il convient de fixer à  l’action humaine. Sur certains de ces points, je me trouve moins en accord avec Mill, mais cela reste incroyable de voir qu’il a, comme Tocqueville, prévu une grande partie des problématiques que le développement des sociétés libérales allaient provoquer, et auxquelles nous sommes confrontés.

    Religion de l’humanité

    Il a également réfléchi sur le besoin de spiritualité et a proposé une sorte de « religion de l’humanité » qui assumerait la nécessité de formes de transcendance et de sacré, sans sortir pour autant du champ de la rationnalité. Passionnant. Je ne résiste pas, comme Camille Dejardin, à  citer ce passage de Mill, tiré de Utility of Religion :

    [il s’agit d’instaurer] une moralité fondée sur une appréhension large et avisée du bien du tout, ne sacrifiant ni l’individu au collectif ni le collectif à  l’individu, mais reconnaissant leur juste place respectivement au devoir et à  la liberté et la spontanéité. Elle s’enracinerait dans les natures supérieures grâce à  la sympathie, à  la bienveillance et à  la passion pour l’idéal d’excellence, et dans les autres grâce aux mêmes sentiments, cultivés et encouragés à  la hauteur de leurs capacités, ainsi qu’à  la force supplémentaire de la honte. Cette moralité exaltée ne tirerait pas son autorité de quelque espoir de récompense ; au contraire, la récompense qui serait ainsi recherchée, et la pensée qui constituerait une consolation dans les épreuves et un soutien dans les moments de faiblesse, ce ne serait pas la perspective problématique de l’existence future, mais l’approbation, dans tout cela, de ceux que nous respectons et idéalement de tous ceux, vivants ou morts, que nous admirons et révérons. […] Appeler ces sentiments du nom de « moralité », à  l’exclusion de tout autre titre, est leur faire trop peu d’honneur. Ils sont véritablement une religion, de laquelle, comme pour toute autre, les bonnes oeuvres manifestes (habituellement entendues sous le nom de moralité) ne représentent qu’une partie, et constituent plutôt les fruits que la religion elle-même. L’essence de la religion est la direction forte et sincère des émotions et des désirs vers un objet idéal, reconnu comme excellence suprême devant légitimement primer sur tous les objets de désirs plus égoïstes. Cette condition est remplie par la Religion de l’Humanité à  un degré équivalent et dans un sens aussi profond quand les religions surnaturelles dans ce qu’elles ont de meilleur, et même d’avantage à  d’autres égards.

    Cela rejoint une autre piste de lecture qui m’attend dans ma pile (Hermann Cohen).

    Excellent ouvrage

    J’ai tout de même eues quelques petites frustrations à  la lecture. L’auteur montre, par quelques petites références à  des discussions actuelles en s’appuyant sur des auteurs contestables, son appartenance à  la gauche politique, et sort de son rôle de passeur. Rien de grave – c’est son droit le plus strict, surtout dans le cadre d’un essai – mais cela montre ses limites. Voir les noms de Piketty, Stiglitz ou Pierre Rabhi est surprenant dans le cadre de cet essai (quid de Bastiat, et Hayek – qui est celui qui a oeuvré pour regrouper et faire connaitre l’oeuvre de Mill?). Tout comme de voir quelques approximations sur les relations de cause à  effet concernant la fécondité (que l’on retrouvait d’ailleurs aussi dans Le monde sans fin), ou une confusion entre régulation et réglementation. Tout cela n’est pas bien grave : il est logique que l’auteur fasse résonner la pensée de Mill avec ses propres aspirations et positions, c’est le propos de son livre. Mill est un penseur très actuel. Et je partage son avis. Je la remercie d’avoir, avec autant de clarté, proposé un voyage assez complet dans l’oeuvre foisonnante de Mill. Le livre est bourré de citations de Mill que je vais ajouter à  ma collection personnelle. Un très bon ouvrage, rigoureux, citant toujours les sources, et apportant un regard passionnant sur un auteur non moins passionnant ! Sa conclusion personnelle est magnifique, je trouve, et j’en utilise un extrait pour lui laisser le mot de la fin :

    Mais contre le repli sur soi pouvant mener à  la soumission conformiste et court-termiste au monde comme il va, Mill nous rappelle que se donner sa propre loi revient toujours à  se mettre en rapport avec une loi supérieure – politique ou morale. Dans cette perspective, l’individu « souverain de lui-même » ne l’est donc jamais sans référentiel, sans repères, sans bornes. Ce sont eux, au contraire, qui donnent sens et donnent chair à  sa souveraineté. S’il veut oeuvrer pour lui-même, tout un chacun doit apprendre à  se penser comme partie prenante d’une « chose commune » qui garantit sa liberté et qui vit en retour de l’exercice constructif de celle-ci.

    Je vais aller maintenant écouter cette conférence de Camille Dejardin, que j’ai tenu à  ne pas découvrir avant d’écrire cette recension.
    Cet article a été publié dans le magazine L’incorrect de novembre 2022, et sur le site : Purgatoire terrestre

  • La vertu d’égoïsme

    La vertu d’égoïsme

    Ayn Rand, romancière, philosophe et scénariste (auteur du fameux Atlas Shrugged) a explicité sa position philosophique dans un ensemble d’articles, regroupés dans un livre « La vertu d’égoïsme ».

    Electrochoc moral contre la logique de sacrifice

    Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Ayn Rand ne tourne pas en louvoyant autour du pot. Elle attaque directement à  la racine conceptuelle de ce qu’est l’éthique. L’éthique objectiviste qu’elle met en avant est en opposition avec l’éthique altruiste. Dans l’éthique altruiste, elle regroupe 3 écoles (mystique, social, subjective) qui ressortent in fine de la même logique c’est-à -dire qu’elles considèrent l’homme comme un animal sacrificiel.

    De ce point de vue, elles ne sont que des variantes de l’altruisme, cette éthique qui considère l’homme comme un animal sacrificiel, qui soutient que l’homme n’a pas le droit de vivre pour lui-même, que les services qu’il peut rendre aux autres sont la seule justification de son existence, et que le sacrifice de soi est son plus haut devoir moral, sa plus grande vertu et sa valeur la plus importante. Les différences ne surgissent que lorsqu’il est question de savoir, qui doit être sacrifié, et pour qui. L’altruisme considère la mort comme son but ultime et le fondement de ses valeurs. Il est donc logique que la renonciation, la résignation, le dénigrement de soi, et toute forme de souffrance, y compris l’auto-destruction, soient les vertus qu’il prône. Et, logiquement, ce sont les seules choses que les adeptes de l’altruisme ont accomplies, autrefois comme maintenant. Observez que ces trois écoles de la théorie éthique sont anti-vie, non seulement dans leur contenu, mais aussi dans leur méthode d’approche.

    En regard de ces éthiques morbides qu’elle dénoncent, Ayn Rand a précisé quelques pages plus haut que l’éthique objectiviste qu’elle propose, basée sur la vie et la raison. Elle reprend à  son compte la doctrine des Droits Naturels, et défend au contraire un égoïsme rationnel qui n’est pas, comme le précise Alain Laurent dans la préface, « n’importe quel égoïsme, en en particulier l’égoïsme dans acception mesquine et triviale, qui procède d’émotions primaires claquemurant l’individu dans de sordides calculs utilitaires et machiaveliens. (…) dans ses Principes de morale Hebert Spencer remarquait « qu’une égoïsme rationnel, bien loin d’impliquer une nature humaine plus égoïste, est compatible avec une nature humaine moins égoïste » car il met « en lumière les droits des autres » ».

    Le principe social fondamental de l’éthique objectiviste est que tout comme la vie est une fin en soi, chaque être humain vivant est une fin en lui-même, non le moyen pour les fins ou le bien-être des autres. Ainsi, l’homme doit vivre pour son propre intérêt, ne sacrifiant ni lui-même aux autres, ni les autres à  lui-même. Vivre pour son propre intérêt signifie que l’accomplissement de son propre bonheur est le plus haut but moral de l’homme.

    On retrouve là  des basiques, présent dans la règle d’or.
    Sincèrement, ce livre est un petit bijou. Ramassé, précis, intransigeant, il est le contrepoint idéal du roman La grève. Dans le roman, Ayn Rand, longuement, détaillait les conséquences de ces éthiques altruiste qu’elle dénonce, avec un éclairage politique et social. Dans La vertu d’égoïsme, on découvre le versant éthique et philosophique, sans fioriture. Il y a énormément à  dire de ce texte, et je sais déjà  que le relirai, et qu’une partie des pages finira dans ma collection de citations. J’aimerais que mes concitoyens lisent et réfléchissent à  cela. Il y a certainement de bonnes objections à  ce texte, mais il faudra être armé pour cela, car il est pur et dur comme un diamant, réaliste, et rationnel.

    Rappel à  l’ordre

    Après la lecture de Nemo, revenant sur les liens philosophiques entre libéralisme et christianisme, on pourrait objecter qu’Ayn Rand tombe dans le travers décrit par le penseur français : prendre la liberté comme un fin en soi, et donc être dans un libéralisme superficiel (d’après Nemo, qui justement se réclame d’une éthique partiellement sacrificielle). C’est probablement en partie vrai. A titre personnel, je le pense pas, et cela me permet de préciser en quoi cette distinction de Nemo n’était pas tout à  fait juste à  mes yeux. Ces 3 versions du libéralisme (la liberté comme fin en soi, la liberté pour le progrès, la liberté pour la charité) ne sont pas exclusives, ou hiérarchisées, mais additives et représentent à  mon sens trois faces d’une même vérité. Quelle charité, quel progrès, si la vie de l’homme n’est pas le « fondement de toute valeur et sa propre vie comme le but éthique de chaque individu » ?
    Loin d’y voir une opposition entre une visée éthique de combat contre le mal (charité) et une visée éthique de liberté (la liberté comme fin en soi), je pense qu’il est possible d’articuler les deux. L’objectivisme est simplement la condition du reste. Il n’y pas à  hiérarchiser comme le fait Nemo. Comment combattre le mal si on ne commence pas à  le combattre en soi ? Ce que nous dit Ayn Rand, c’est que combattre le mal en soi, c’est commencer par admettre qu’une pensée juste et vraie ne saurait légitimer la négation du droit de certains pour justifier une fin supposée supérieure…

    Certaines questions, que l’on entend fréquemment, ne sont pas des questions philosophiques, mais des confessions psychologiques. Cela est particulièrement vrai dans le domaine de l’éthique. Et c’est spécialement dans les discussions qui concernent ce domaine que l’on doit non seulement vérifier ses prémisses (ou s’en souvenir) mais aussi apprendre à  vérifier celles de ses adversaires. (…) Si un homme spécule sur ce que la « société » devrait faire pour les pauvres, il accepte de ce fait la prémisse collectiviste que la vie des hommes appartient à  la société et que lui, comme membre de la société, a le droit de disposer d’eux, pour déterminer leurs buts et planifier la « distribution » de leurs efforts. Voilà  la confession psychologique sous-entendue dans de telles questions et dans plusieurs sujets du même genre. (…) Plus souvent, cependant, cette confession psychologique révèle un mal plus profond : elle révèle à  quel point l’altruisme érode la capacité des hommes à  saisir le concept des droits ou la valeur d’une vie individuelle ; elle révèle un esprit duquel la réalité d’un être humain a été effacée. (…) D’où la consternante insouciance avec laquelle les hommes proposent, discutent et acceptent des projets « humanitaires » qui devront être imposés par des moyens politiques, c’est-à -dire par la force à  un nombre illimité d’être humains. Si, d’après les caricatures collectivistes, les riches avides s’adonnent aux luxe et à  ses extravagances sous le prétexte que « le prix n’a pas d’importance », alors le progrès social apporté par les mentalités collectivistes d’aujourd’hui consiste à  s’adonner à  la planification politique altruiste, selon le principe que « les êtres humains n’ont pas d’importance ». Le trait caractéristique de telles mentalités est le plaidoyer en faveur d’un objectif public à  grande échelle, sans considération du contexte, des coûts et des moyens. Hors contexte, un tel objectif peut généralement être présenté comme désirable ; il doit être public, parce que les coûts n’ont pas à  être produits mais résultent de l’expropriation ; et une épaisse nappe de brouillard doit ensevelir la question des moyens, parce que les moyens seront des vies humaines

    Est-ce que cela résonne avec certains sujets actuel pour vous ?

    Charité bien ordonnée commence par soi-même.

  • La belle mort de l’athéisme moderne

    La belle mort de l’athéisme moderne

    Le christianisme est vrai

    C’est un livre fascinant que « La belle mort de l’athéisme moderne » de Philippe Nemo. Il regroupe 7 articles que Philippe Nemo a cru bon de réunir en un recueil pour une raison simple, explicitée dans l’avant propos : « ils font l’hypothèse que le christianisme est vrai. »

    Depuis quelques deux siècles, un mélange de recherches intellectuelles sincères et de propagande avait voulu nous convaincre des erreurs et des fautes du christianisme et, ultimement, de son insignifiance, puisqu’il ne serait qu’une parmi les n religions que le monde a connues et connaît, partageant avec elles le statut d’une vaine illusion. Une politique délibérée avait même entrepris d’extirper complètement le christianisme de la société française et de faire en sorte que les nouvelles générations n’en entendent plus jamais parler. Or, il se trouve que ces recherches ont échoué et que cette propagande s’est épuisée. Il se trouve que l’athéisme moderne est mort de sa belle mort. Il n’a pas été tué, puisqu’au contraire le monde présent lui a donné et continue à  lui donner toutes les opportunités de plaider sa cause et d’offrir à  l’humanité de nouvelles raisons de vivre. Vain sursis…Si l’athéisme est mort c’est parce que, décidément, il n’a pas tenu ses promesses et n’a pas établi que l’homme est moins misérable sans Dieu qu’avec Dieu. (…) Naturellement, le fait que le christianisme soit vrai ne signifie pas que tout en lui soit vérité ni qu’il existe pas de vérité en dehors de lui. Ce qu’on soutient ici, c’est qu’il seul à  receler la vérité qui importe le plus à  la vie humaine. Certes, le christianisme peut et doit reformuler certains aspects de ses dogmes, et prendre quelque distance par rapport à  l’enveloppe anthropologique dans laquelle sont message a été jusqu’à  présent porté. Mais il excède cette enveloppe. Il est une doctrine essentiellement ouverte, pour la bonne raison qu’il n’est pas du tout une doctrine, fruit de l’intellect humain. Il est le sillage de la charité du Christ. (…) Les hommes touchés au coeur par la charité du Christ inventeront au christianisme un avenir que les hommes de dogme et d’antidogme ne peuvent anticiper.

    La charité est définie plus loin dans le livre par Nemo : « l’énergie spirituelle qui permet de s’atteler à  tous les chantiers susceptibles de diminuer l’emprise du mal sur le monde et les souffrances des hommes. »
    Beaucoup de choses passionnantes dans le livre, sur le Mal, sur la révolution éthique et eschatologique qu’a représenté le christianisme. L’éclairage du Livre de Job est superbe, et le passage sur la hiérarchie des transcendentaux également. J’ai retrouvé certains des thèmes développés par Philippe Nemo dans « Qu’est-ce que l’Occident?« . C’est de cela dont il s’agit, d’ailleurs : plus qu’une promotion du christianisme, c’est un appel à  la prolongation de celui-ci, par une ré-appropriation, une interprétation actualisée, permettant une transmission de son essence. Un travail sur l’identité de l’Occident chrétien. Un chapitre résonne avec le bel essai de Weiler (« L’Europe chrétienne ? » sur les racines chrétiennes de l’Europe : Nemo ne mâche pas ses mots et considère qu’en plus d’être une « erreur historique massive », le fait de ne pas mentionner les racines chrétiennes dans la Constitution européenne est une forme de « négationnisme » (« un révisionnisme antichrétien ») car cela revient à  « jeter un interdit sur l’identité d’une communauté, à  nier son âme et à  compromettre son avenir ». Je suis d’accord avec lui.

    Les 3 libéralismes

    Le chapitre 5 sur les rapports entre libéralisme et christianisme m’a passionné. C’est le texte d’une conférence donnée à  Turin, et que j’avais déjà  lue il y a longtemps (sans l’avoir plus remarquée que cela, car elle figurait parmi des textes très nombreux dans un livre en hommage à  Pascal Salin, « L’homme libre »). Comme quoi, il fait bon relire son Nemo, de temps en temps. L’auteur y montre à  quel point l’éthique du christianisme est au fondement et a accompagné tout le développement de la philosophie libérale (ce sont les 4 thèses développées par Nemo dans ce chapitre):

    1. c’est l’éthique biblique qui a apporté au monde la liberté ontologique fondamentale d’où découlent toutes les autres libertés ;
    2. le faillibilisme chrétien a joué un rôle-clef dans la genèse du libéralisme intellectuel et de la science moderne ;
    3. l’éthique chrétienne a joué un rôle non moins important dans genèse du libéralisme économique ;
    4. si christianisme et libéralisme semblent, à  certains égards, incompatibles et, à  d’autres égards, intimement liés, cette contradiction apparente est due à  ce qu’il y a plusieurs niveaux de libéralismes dont seuls les plus superficiels sont ou paraissent antichrétiens.

    Nemo distingue en fin de chapitre entre 3 niveaux de libéralisme, qu’il hiérarchise moralement par ordre croissant d’importance : la liberté pour elle-même, la liberté pour le progrès, la liberté pour la charité. C’est passionnant, stimulant, et il termine en citant Benjamin Constant, que je n’ai pas lu, et que je vais devoir lire.

    Questions

    Bref : un livre passionnant, riche et d’une grande densité. A lire sans modération. Le seul point qui m’interroge, c’est que si Nemo définit précisément la charité, ou l’âme, il ne définit jamais le terme « Dieu ». Cela rejoint les propos d’Adin Steinsaltz dans « Mots Simples » : si le mot Dieu n’est qu’une béquille pour l’intelligence humaine, n’est-ce pas aussi un des axes de travail du christianisme que de réformer et repenser, dans sa manière d’apporter son message, l’utilisation de ce terme équivoque qui brouille, je pense, la compréhension que l’on peut en avoir ? Qu’est-ce qu’une éthique qui prend comme point focal la volonté d’un être jamais défini ? Et si l’éthique nécessite un saut philosophique, un acte de foi, ne faudrait-il pas mieux expliciter cette foi, ce qui me semble possible sans passer par Dieu ?

  • Game Over

    Game Over

    Game Over, de Laurent Obertone, est la suite logique et philosophique de l’Eloge de la force, du même auteur. C’est un curieux pamphlet anti-démocratique, stimulant, paradoxal, désespéré. C’est aux Editions Magnus, co-créée par l’auteur avec sa comparse de La Furia, Laura Magné. Le style d’Obertone, ciselé, percutant, est stimulant et porte un regard très objectif sur le réel, donc désespéré (au sens Camusien, ne se berçant pas d’espoirs ou d’illusions).

    Anti-démocratique

    Anti-démocratique, oui cet essai l’est, car sa thèse de départ est que la démocratie (dans sa forme actuelle) est un jeu de dupe. La description des travers de nos démocraties est particulièrement juste, terrible, et ce simple constat de départ est une raison suffisante pour acheter l’ouvrage. Oui, la liberté d’expression est restreinte. Oui, nos votes n’ont pas servis à  grand-chose depuis longtemps. Oui, les institutions sont dévoyées. Oui, l’Etat est omniprésent, obèse, impotent et injuste. Clientélisme. Oui, l’immigration cause violence, insécurité physique et culturelle, mais rien n’est fait. La liste pourrait être prolongée presqu’à  l’infini. Obertone voit clair. Et nous décrit – je m’inclue dans le paquet – comme des drogués qui jouent à  un jeu sans fin, avec le shoot d’adrénaline tous les 5 ans pour les élections, soigneusement mis en scène par des médias totalement sous tutelle du pouvoir. Oui, c’est un cirque un peu clownesque, dont l’issue est connue. Le pouvoir progressiste se maintient en place. La solution ne viendra pas d’un sauveur, ou de ce jeu faussé. Dur à  admettre. Mais vrai en partie. On retrouve dans cette première partie des accents libéraux/libertariens dignes de Bastiat, ou d’Ayn Rand. J’y retrouve pour ma part des résonances avec mes dernières lectures (Philippe Nemo), et avec mon point de vue sur la liberté.

    A ce titre, toute loi sanctionnant la discrimination privée est abrogée. Si tel particulier ne veut vivre ou s’associer qu’avec tels individus, si telle entreprise ne veut favoriser que tels autres, c’est leur problème. Cela implique bien sûr l’abolition de la carte scolaire, du chantage à  la parité et à  la diversité, et autres infamies totalitaires. Discriminer est le principe de base de la liberté. Ceux qui se sentent l’obligation morale de « vivre en mixité » avec des « personnes racisées » sont libres de le faire – plutôt que se contenter d’y inciter les autres. Mais aucune inclination morale ne peut plus devenir une obligation légale. (…) La reconnaissance ne peut que se gagner, pas se revendiquer, ou dépendre d’un quota.

    Paradoxal

    Paradoxal, le livre l’est aussi, car après cette charge en règle, violente, contre le jeu démocratique et ses illusions, ses mensonges, Obertone signe à  la fin de chaque chapitre une liste de choses que ferait une société libre, plus juste. Et cela ressemble fortement à  un programme politique. Il peut bien l’appeler anti-politique, mais cela reste des actions politiques, au sens plein du terme, c’est-à -dire ayant à  voir avec l’organisation de la Cité, de la société. Sur l’immigration, sur la place de l’Etat et sur bien d’autres sujets, d’ailleurs, on retrouve certaines des propositions d’Eric Zemmour. La dernière partie remet l’accent sur les leviers personnels de refus de la médiocrité, de la consommation anesthésiante, et de l’éloge du travail, de la liberté et de la force du précédent opus. Voilà  donc le paradoxe de ce livre : il est traversé par un souffle que je qualifierai de clairement libéral, au sens plein du terme. En quoi cela serait-il nécessairement anti-politique, ou anti-démocratique ? La seule réponse serait qu’un tel programme ne pourrait se mettre en place qu’en changeant radicalement les règles du jeu (révolution ? coup d’Etat ?), mais l’auteur ne le dit pas explicitement. Il y a donc un petit goût de non-dit à  la fin de ce livre, qui par ailleurs se dévore avec plaisir, tant il est bien écrit et tant l’air qui y souffle est vrai et libre. Les yeux grands ouverts, le regard clair d’un homme sincère, honnête et épris de vérité et de justice : comment pourrait-on ne pas s’y retrouver ?

    Le courage, notre devoir, c’est la vérité. Les mafias étatiques qui parasitent la planète n’ont aucun besoin d’organisation secrète, ou de plan de destruction du monde. Seulement de citoyens lâches. Nos peuples ne le seraient pas moins avec d’autres dirigeants. Les impressions, assertions, manipulations complotistes sont à  rejeter au même titre que les mensonges officiels. Nous ne voulons pas d’une autre secte. Nous voulons la vérité.
  • A contre-courant

    A contre-courant

    J’ai commandé l’essai d’Isaiah Berlin, « A contre-courant », après avoir lu le bouquin de Vargas Llosa, « L’appel de la tribu« . Il parlait de Berlin comme d’un grand intellectuel, d’une grande honnêteté, et sa vie digne d’un roman attisait encore un peu plus la curiosité. Je n’ai pas été déçu.

    Berlin, magistral historien des idées

    Berlin était effectivement un grand intellectuel, à  en juger par les textes regroupés dans « A contre-courant. Essais sur l’histoire des idées. » Berlin passe en revue des auteurs variés, en soulignant à  chaque fois pourquoi ils étaient « à  contre-courant » de certains paradigmes ou dogmes de leur époque. Notamment des penseurs anti-rationalistes ou des contre-lumières.
    Si l’on devait résumer l’approche et l’attitude d’Isaiah Berlin en quelques mots clefs, je dirai qu’il est :

    • rigoureux et érudit : tel un chercheur, cet historien des idées fait preuve d’une rigueur impressionnante dans ses analyses, d’une grande objectivité également. Il est par ailleurs extrêmement érudit, et la somme de références citées pour chaque petit chapitre laisse songeur. Quel travail !
    • adogmatique et pluraliste : plus qu’objectif comme je l’écrivais, Berlin sait se glisser dans la pensée et la vie des auteurs qu’il étudie. Il ne s’occupe pas de chercher un accord entre ses propres idées et celles des auteurs, mais à  éclairer comment leur pensée, complexe, souvent moins cohérente que celle, plus systémique, des Lumières, parvient néanmoins à  éclairer et à  apporter à  l’humanité. Un vrai pluralisme philosophique.

    L’exemple de Machiavel

    J’ai été particulièrement impressionné par le chapitre sur Machiavel, que je connais un peu. Comme dans une enquête, Berlin cherche pourquoi Machiavel est toujours aussi mystérieux, commenté, et suscite autant d’interprétations différentes. Il contredit la version classiquement défendue, à  savoir que Machiavel aurait séparé la morale de la politique, ce qui en ferait un auteur sulfureux. Preuve à  l’appui, auteurs nombreux à  l’appui, il montre qu’une autre hypothèse est plus probable. Loin d’être un auteur a-moral, Machiavel a « simplement », sans en faire mention explicitement, construit son oeuvre sur une morale différente de la morale chrétienne dominante à  son époque. Machiavel tient des raisonnements appuyés sur une morale païenne, pré-chrétienne, et c’est probablement ce qui a choqué et continue de choquer les lecteurs.

    Machiavel institue une opposition (…) entre deux façons de concevoir la vie, et par conséquent entre deux morales. L’une est la morale du monde païen : les valeurs essentielles sont le courage, l’énergie, la force d’âme devant l’adversité, la réussite dans les affaires publiques, l’ordre, la discipline, le bonheur, la force, la justice. l’important, surtout, est d’affirmer ses revendications légitimes, et de disposer d’un pouvoir et de connaissances suffisants pour pouvoir les satisfaire. (…) Machiavel y voit les meilleurs moments de l’humanité, et, en bon humaniste de la Renaissance, souhaite les faire revivre. Face à  cet univers moral (…), on trouve, d’abord et avant tout, la morale chrétienne. L’idéal chrétien met au premier plan la charité, la miséricorde, le sacrifice, l’amour de Dieu, le pardon accordé aux ennemis, le mépris des biens de ce monde, la foi dans la vie future. Les chrétiens croient au salut de l’âme individuelle, qui possède, à  leurs yeux, une valeur infinie, qui est bien plus importante en tout cas que l’objectif politique ou social, ou tout autre objectif terrestre, quel qu’il soit, sans aucune commune mesure avec des considérations d’ordre économique, militaire ou esthétiques quelconques.

    Comme le dit très bien Berlin, à  la fin de ce chapitre très dense et passionnant :

    L’éthique de Machiavel, comme celle d’Aristote et de Cicéron, est une éthique sociale et non individuelle.

    A contre-courant

    Comme le dit très bien Roger Hausheer (spécialiste de Berlin), qui préface le livre, Berlin est aussi à  contre-courant parce qu’il va chercher des auteurs parfois peu connus, et parce qu’il a identifié qu’ils ont, d’une manière ou d’une autre, par leurs pensées « à  contre-courant » de leur époque, enrichi, préfiguré, rendu possible les évolutions futures de divers courants de pensée. Et donné à  voir, à  penser, une manière d’être « humain » qui sans être nécessairement celle qui est la nôtre, vient l’enrichir de reflets nouveaux, complémentaires, indispensables. Ainsi, nous suivons, de manière passionnante et toujours enrichie d’éléments de biographies forts utiles, des éléments de pensée de Vico, Hamann, Herzen, Sorel ou une réflexion sur Verdi, basée sur la pensée de Schiller. Et quelques autres plus connus que sont Montesquieu, Machiavel et Hume. Pour terminer, le mot de la fin de la préface d’Hausheer me parait bien résumer l’attitude et la musique qui se dégage des essais de Berlin regroupés dans « A contre-courant » :

    Si l’on peut attribuer à  Berlin une ontologie, elle consisterait à  dire que ce qui existe de la façon la plus incontestable, et dont nous avons la connaissance la plus directe et la moins criticable, ce sont les êtres humains, placés dans une conjoncture historique donnée – nous-mêmes et les autres, c’est-à -dire des hommes concrets, individuels, uniques, autonomes, libres et responsables à  des degrés divers. Nous avons une vie intérieure, faite de pensées, de sentiments, d’émotions, nous formulons consciemment des principes et des buts, et nous nous efforçons de nous y conformer dans nos activités extérieures. Vouloir réduire ces réalités aux lois et aux catégories des sciences de la nature, moins intelligibles parce que purement causales ou statistiques – ou vouloir les transformer, ce qui ne vaut pas mieux, en éléments fonctionnels dans le cadre d’un système abstrait quelconque, métaphysique, téléologique, ou mécanique – même si la tâche diabolique, humaine, ou divine, que l’on s’est fixée, en devient plus facile, c’est vouloir nier, en fin de compte, ces vérités, les plus immédiates, les plus frappantes, que tous les hommes connaissent au sujet d’eux-mêmes. Bien souvent, on finit par s’en prendre à  ces vérités mêmes, qu’on enferme, qu’on étouffe, qu’on mutile, avec les conséquences que l’on sait, et qui apparaissent avec évidence dans les essais (d’Isaiah Berlin). (…) Des voies différentes, qui toutes permettent à  l’homme de s’acheminer vers sa pleine réalisation, peuvent se croiser et se bloquer réciproquement. Des entités d’une valeur intrinsèque ou d’une beauté inestimables autour desquelles un individu ou une civilisation pourraient vouloir construire tout un genre de vie, se trouvent engagées dans des conflits mortels. L’issue en est, forcément, l’élimination d’un des protagonistes, et donc une perte absolue et irrémédiable. La tendance générale des écrits de Berlin est de souligner et de creuser cette idée de conflit et de perte inévitables, pour mieux faire ressentir la nécessité des choix absolus. Il a mis à  mal ces visions, génératrices d’harmonie et de tranquillité, qui, certes, atténuent la souffrance et les causes de tension, mais qui, en même temps, sapent la vitalité et l’énergie des hommes, et leur font oublier ce qu’ils ont d’essentiellement humain. Sans cesse, il nous rappelle au sentiment de la liberté et de la responsabilité qui sont les nôtres. Lorsqu’on rassemble ses écrits, dispersés dans tant de revues et de périodiques souvent inaccessibles, on se trouve devant un des exposés les plus complets, les plus convaincants, les plus impressionnants et les plus satisfaisants qui aient jamais été fait de la conception intégralement libérale et humaniste de l’homme et de la condition humaine.C’est pourquoi ils méritent d’être mis à  la disposition des hommes de notre temps.
  • L’appel de la tribu

    L’appel de la tribu

    Mario Vargas Llosa signe, avec L’appel de la tribu, une belle autobiographie philosophique, centrée sur 7 auteurs qui l’ont influencé. C’est passionnant, bien écrit et rythmé, et c’est une magnifique introduction à  la pensée de ces auteurs variés, mais dont le point commun est d’avoir été des penseurs libéraux.

    Elégance

    J’avais lu et apprécié, il y a quelques années, Le poisson dans l’eau, où Mario Vargas Llosa racontait son parcours en politique et sa candidature à  la présidence du Pérou. Très intéressante plongée dans l’univers étrange de la politique. Varga Llosa, péruvien et naturalisé espagnol, est lauréat du prix Nobel de littérature (2010). Dans son style, et sa manière d’aborder les sujets, il y a une sorte d’alliance de franchise, et de mise en retrait de sa propre personne, qui donne une grande élégance à  son style. Ce n’est pas de la fausse pudeur, ou de l’humilité, c’est plutôt une grande clarté et simplicité. Cette élégance se retrouve dans L’appel de la tribu : tout en éclairant en quoi, et à  quel moment de son parcours ces auteurs l’ont influencé, Vargas Llosa livre un travail à  la fois de biographe intellectuel, mais aussi parfois agrémente ce récit d’anecdotes vécues, car il a rencontré un certain nombre de ces auteurs.

    Introductions

    Chaque chapitre est dense, ramassé, et livre l’essentiel de la pensée des auteurs. Une merveilleuse manière de les découvrir, avec un fil conducteur assez simple finalement : le libéralisme n’est pas un dogme, mais un courant de pensée, avec des facettes multiples, des contradictions, une richesse, très bien éclairées par ces auteurs si variés. C’est un livre d’introductions. J’ai retrouvé avec plaisir des auteurs connus, et eu la joie d’en découvrir d’autres. Dans l’ordre du livre, on peut donc découvrir les pensées et les vies de :

    • Adam Smith (1723-1790) : philosophe et économiste écossais des Lumières. Je n’ai lu que des extraits de Smith, et il faut vraiment que j’aille le lire. Il me semble être un auteur majeur.
    • José Ortega Y Gasset (1883-1955) : philosophe, sociologue, essayiste, homme de presse et homme politique espagnol. Ce qu’en dis Vargas Llosa ne me donne pas plus envie que cela de le découvrir. Si je caricature, plume brillante, et idées peu rigoureuses.
    • Friedrich August Von Hayek (1899-1992) : économiste et philosophe britannique originaire d’Autriche. Je connais déjà  bien l’oeuvre d’Hayek, et j’ai découvert avec plaisir la présentation qu’en fait l’auteur. Vous pouvez retrouver quelques articles consacrés (ou en lien) à  la pensée d’Hayek sur ce lien : Hayek sur BLOmiG
    • Karl Raimund Popper (1902-1994) : enseignant et philosophe des sciences autrichien, naturalisé britannique. Encore un auteur qui m’a nourri. L’éclairage qu’en fait Vargas Llosa est passionnant, sur le personnage comme sur sa pensée, et son style (pas toujours très clair, contrairement aux concepts qu’il a contribué à  forger). Vous pouvez retrouver quelques articles consacrés (ou en lien) à  la pensée de Popper sur ce lien : Popper sur BLOmiG
    • Raymond Aron (1905-1983) : philosophe, sociologue, politologue, historien et journaliste français. Je n’ai lu que les Essais sur les libertés d’Aron et je pense qu’il faut que j’aille découvrir vraiment plus en profondeur cet auteur (abondamment cité par Freund dans Sociologie du conflit). Vargas Llosa le présente, à  juste titre à  mon sens, comme un des intellectuels français, avec Revel (voir ci-dessous), qui a contribué à  éviter l’effondrement complet de la pensée en France.
    • Isaiah Berlin (1909-1997) : philosophe politique et historien des idées sociales letton, naturalisé anglais. Je ne connaissais absolument pas cet auteur, et la présentation qu’en fait Vargas Llosa m’a conduit à  immédiatement commander À contre-courant. Essais sur l’histoire des idées. C’est mon prochain livre. La vie de Berlin est assez incroyable, et sa personnalité également. update : j’ai lu et recensé A contre-courant, splendide essai.
    • Jean-François Revel (1924-2006) : philosophe, écrivain et journaliste français. J’avais adoré La grande parade et Histoire de la philosophie occidentale. Il me semble plus que justifié de trouver Revel dans un panégyrique d’auteurs libéraux.

    A déguster sans modération

    Que vous soyez libéral, ou non, il me semble que ce livre permet de découvrir pas mal d’auteurs passionnant, tout en passant en revue leur 7 manières d’être libéral, avec le regard précis et lucide d’un auteur original. Ici ou là , je découvre que Vargas Llosa tombe légèrement dans le politiquement correct (en qualifiant Joseh de Maistre de précurseur du facisme, ou en expliquant que la GB était un pays accueillant, jusqu’au Brexit). Rien de bien gênant, ce ne sont pas des points centraux de son exposé. Pour conclure, je reprends l’extrait du livre partagé par IREF :

    Le libéralisme est une doctrine qui n’a pas réponse à  tout, à  l’inverse du marxisme qui prétend le contraire ; il admet en son sein la divergence et la critique à  partir d’un corpus restreint mains indéniable de convictions. Par exemple, que la liberté est la valeur suprême et qu’elle n’est pas divisible ni fragmentaire, qu’elle est unique et doit se manifester dans tous les domaines — l’économique, le politique, le social, le culturel — dans une société authentiquement démocratique.(…) Le libéralisme n’est pas dogmatique, il sait que la réalité est complexe et que les idées et les programmes doivent souvent s’y adapter pour réussir, au lieu d’essayer de l’assujettir à  des schémas rigides, ce qui d’ordinaire les fait échouer et déchaîne la violence politique.