Étiquette : Musique

  • Corps et âme

    Corps et âme

    C’est un bien joli cadeau que m’a fait une collègue quand j’ai quitté mon job précédent : bien sûr les cadeaux de départ étaient tous super (bouteilles de grands vins, et bon pour un grand restaurant), mais celui-ci avait le goût du cadeau plus personnel, plus intime, puisqu’elle m’a donné un de ses romans préférés. Je ne saurais assez la remercier, car j’ai trouvé cela très généreux, et plus risqué. Partager ce qu’on aime met en situation que cela plaise moins aux autres. Elle s’est livrée, et j’en suis très touché.

    Roman d’apprentissage

    Ce roman, c’est « Corps et âme », de Frank Conroy (1936 – 2005). C’est l’histoire d’un jeune garçon solitaire, livré à lui-même par une mère aimante mais fantasque, qui survit grâce à la découverte d’un piano dans le petit appartement en sous-sol où il passe ses journées. Il survit, et se découvre un don. Je passe sur les détails : il se révèle être un musicien exceptionnel, et les rencontres, le hasard, la chance, vont lui permettre de devenir pianiste professionnel. C’est un livre d’apprentissage, un récit initiatique assez classique dans sa forme : le jeune héros, Claude Rawlings, découvre la vie, profite des enseignements de plusieurs professeurs de piano, et d’un mentor, et finit par devenir, à force d’un travail acharné, passionné et passionnant, un grand pianiste. Il découvre au passage l’amour, la sexualité, les relations humaines, les drames qui structurent souvent la personnalité des humains et des familles.

    Excellent !

    J’ai dévoré le livre, qui est excellent, vraiment (merci Clara!). Le style est enlevé, précis et fait progresser l’action rapidement, tout en étant capable de s’arrêter dans des descriptions contemplatives merveilleuses. La description des moments de piano et de musique sont incroyables. J’ai été obligé au bout de 100 pages d’aller vérifier que l’auteur était bien pianiste : c’est le cas, Conroy était aussi pianiste de jazz, et ça se sent à beaucoup de moments. Seul un pianiste peut décrire aussi formidablement l’apprentissage du piano. Seul un musicien peut décrire avec autant de précision les processus d’interprétation, de création, de jeu à plusieurs. Le concert de jazz en duo à la fin du livre est extraordinaire, tout comme les moments de jeu avec un célèbre violoniste que Claude accompagne.
    J’ai adoré le livre pour un autre aspect, qui rejoint la part autobiographique du livre : Claude Rawlings n’est pas quelqu’un de normal. C’est un génie, que la musique sauve et révèle. Il n’est pas très conscient d’autre chose que de la musique. Il pose un regard détaché sur tout le reste, car il vit dans sa bulle, il vit dans la musique. Cela le protège, et le coupe aussi des relations « normales » des autres humains. Sans être vraiment spécial, il est atypique. Il est surdéveloppé des sens : cela se voit aussi quand il découvre la sexualité. Ce qu’il n’a pu développer dans la relation aux autres, il l’a compensé dans un rapport au sensitif très intense. Aucune dramatisation dans ce beau roman : un parcours tendu par l’exigence et l’évidence. Claude Rawlings ne pouvait être que pianiste. Toute sa vie s’articule autour de son travail et de son art. Les gens, les évènement autour de lui s’alignent naturellement sur ça. La ligne de force est claire. L’histoire avec son mentor Aaron Weisfeld, qui l’accueille dans son magasin de partitions et d’instruments, et l’initie au piano, est très émouvante à ce titre. L’histoire sombre de Weisfeld que l’on découvre à la fin donne une profondeur particulière au parcours entier du livre, et à la place de la musique et du travail dans la vie de Claude Rawlings.
    Un roman magistral, émouvant, à lire. Si vous aimez la musique, n’hésitez même pas une seconde !

  • Les 15 plus belles voix du monde

    Les 15 plus belles voix du monde

    Comme pour les 15 meilleurs solos de guitare, il est tout à  fait impossible de faire la liste des 15 plus belles voix du monde. Voici donc 15 morceaux chantés par des chanteurs et chanteuses dont la voix me touche directement, m’émeut. C’est la magie d’un timbre qui va droit au coeur. Dur de choisir parmi les chanteurs, dur de choisir parmi les chansons. Il en manque plein (il faut faire des choix), et je suis sûr que votre sélection aurait été différente : proposez-la en commentaires ! :)

    Amy Winehouse : Some unholy war

    Stevie Wonder : The Secret Life of Plants

    Nina Simone : Don’t Explain

    Michael Jackson : Billie Jean

    Elton John : Tiny Dancer

    Charles Aznavour : Hier Encore

    Ray Charles : I got a woman

    Bruce Springsteen : Wild Billy’s circus story

    Pete Doherty : The Good Old Days

    Joe Cocker : Night Calls

    Colin Bluntstone : Chasing the past

    Edith Piaf : les amants d’un jour

    Rod Stewart : Never give up on a dream

    Paul McCartney : How Kind Of You

    Johnny Halliday : j’ai oublié de vivre

    Eric Clapton : Old love

    Bruno Mars : Grenade

    Freddy Mercury : Bohemian Rhapsody

  • Michael Kiwanuka

    Michael Kiwanuka

    Vous le savez : je joue souvent au jeu du quizz musical avec mes amis. C’est ainsi que Clara nous a fait découvrir, il y a quelques temps, un chanteur magnifique : Michael Kiwanuka. Son premier album, « Home Again », est un album splendide, où presque tous les morceaux sont bons. Dans une veine mêlant folk et soul, Michael Kiwanuka délivre une musique paisible sans jamais être fade, puissante sans jamais être agressive. Un pur régal. Je ne savais pas trop quel morceau choisir, alors je vous en propose un qui n’est pas sur cet album, dans une belle version live, avec une longue et intense introduction, – Cold Little Heart – qui met bien en valeur sa voix légèrement éraillée, et ses talents de musicien. A écouter sans réserve !

  • Stevie Wonder

    Stevie Wonder

    Un des usages les plus intéressants de Spotify, c’est de prendre un artiste qu’on aime bien, et d’aller se ballader dans sa discographie, auquel on accède intégralement. Je viens de passer quelques jours à  découvrir tous les morceaux et albums de Stevie Wonder. Tout n’est pas bon dans son oeuvre, mais c’est un sacré génie quand même, avec une voix incroyable. Je ne résiste pas à  partager cette chanson qui m’était totalement inconnue, et que je trouve très belle : « They Won’t Go When I Go ». Sincèrement : installez-vous tranquillement, mettez un casque, fermez les yeux et profitez!

  • Bonnes vibrations

    Bonnes vibrations

    J’ai eu le grand plaisir et la chance d’assister à  une conférence d’Albéric Tellier, en septembre. Cette conférence était organisée par le Cercle de l’Innovation Managériale, dont je fais partie comme contributeur ponctuel, et toujours intéressé.

    Albéric Tellier, passionné de musique et d’innovation

    Ce professeur de Management nous a présenté son dernier ouvrage, « Bonnes vibrations » (sous-titré : quand les disques mythiques nous éclairent sur les défis de l’innovation). Albéric Tellier est un orateur hors-pair, pédagogue, limpide, passionné et passionnant, et l’idée de son livre est géniale : mêlant ses deux passions, les sciences de gestion et la musique, il a choisi dans l’histoire de la musique des disques qui ont marqué leur époque, et en a éclairé la genèse, l’histoire, les acteurs, etc.. Tout disque, après tout, n’est qu’un projet d’innovation presque comme un autre, si ce n’est que le marché est encore plus incertain, et la part de créativité nécessaire encore plus importante. L’auteur y aborde différents plans, avec différents exemples de disques sur chaque plan : acteurs, projets, organisations, stratégies, environnements.

    Mine d’or de sciences de gestion et de musiques

    J’ai mis un peu plus de temps que prévu à  le lire : chaque court chapitre étant consacré à  un album, il est difficile, voire impossible, de ne pas se le mettre dans le casque pendant la lecture. Du coup, forcément, on se prend à  écouter de la musique, ce qui ralentit la lecture pour les monotâches comme moi. J’ai découvert, d’ailleurs, plein de groupes que je ne connaissais pas du tout – ou que j’ai redécouvert -, et qui sont venus enrichir ma playlist (XTC, The Zombies, par exemple) !
    Le livre est à  l’image de la conférence : passionnant. Et au juste niveau de vulgarisation, qui décidément est un art. Et qu’Albéric Tellier maîtrise, en bon professeur, à  la perfection. Plutôt que de long discours, et comme il y a une série de vidéos sur Youtube, proposée par XerfiCanal, j’en mets une en exemple, ce qui vous permettra de découvrir l’auteur « en chair et en os », et une des histoires qui m’a marquée dans sa conférence : celle de l’album What’s Going On, de Marvin Gaye.


  • De la lecture comme une interprétation

    De la lecture comme une interprétation

    En me couchant hier soir, je savais que j’allais terminer les « Essais sceptiques » de Bertrand Russell. Très bon bouquin au passage, et qui fera l’objet d’un billet séparé. En réfléchissant au livre que j’allais attaquer ensuite dans ma pile, j’ai eu une sensation très exactement identique à  celle que j’éprouvais, il y a déjà  longtemps, lorsque j’étais sur le point de terminer l’étude d’un morceau de piano. La leçon suivante serait consacrée, avec mon professeur, au choix du morceau suivant et c’était toujours un moment de bonheur réel : l’écouter jouer, proposer quelques pièces, et laisser son goût s’orienter parmi ses oeuvres était vraiment une sensation terrible. Plaisir de l’inconnu et de la découverte, bien sûr, mais aussi plaisir de se projeter, via le professeur, dans un niveau de maitrise technique supérieure, plaisir du partage aussi, autour de telle ou telle oeuvre. Plaisir du choix, également.

    La lecture est-elle une interprétation ?

    L’analogie m’a paru intéressante et stimulante. Dans toute analogie, ce qui est intéressant c’est l’outil semblable/différent, et les questions intéressantes qu’il permet de poser. Semblables : le livre et le morceau de piano, le travail/l’étude de l’oeuvre. Différents : la présence d’un guide/professeur dans un cas, son absence dans l’autre. Ou plutôt : l’auteur est-il comme un professeur ? Semblables : les oeuvres que l’on est capable de jouer/de lire/d’interpréter évoluent dans le temps.
    Le mot d’interprétation m’a paru intéressant à  dérouler. L’ultime aboutissement dans l’exécution d’une oeuvre musical est l’interprétation, c’est-à -dire l’oubli de la technique, la part accordée au sens de l’oeuvre, aux émotions et à  leur transmission à  travers l’oeuvre. Transmission à  un public, ou à  moi-même. L’oeuvre prend vie sous les doigts du pianiste.
    Est-ce que j’interprète un livre que je lis ? L’analogie est pertinente, au point qu’il y a lieu de se demander si ce n’est pas plus qu’une analogie : j’oublie bien la technique quand je lis un livre de Russel ou d’un autre. Je ne suis pas en train d’apprendre à  lire, ni même en train d’apprendre les bases de la réflexion. Je suis en train de refaire vivre une pensée, de la vivre moi-même, et de sentir si elle trouve une résonance en moi, un sens, des émotions. C’est finalement très proche. Mais qui est le public ? Moi-même, comme spectateur de ce phénomène de plus ou moins grande adhésion entre une oeuvre et moi ? Qu’est ce qui est différent ? Lire un livre, un essai philosophique, permet de travailler dans le domaine de la réflexion, de la raison, là  où l’oeuvre musicale touche plus aux émotions, aux sensations.

    Qualité de l’interprétation

    La partition de Chopin me permet de jouer un morceau, de le sentir, de le faire vivre et d’en éprouver (moi ou d’autres) des émotions, des pensées, des sentiments. La qualité de l’interprétation réside dans deux choses : la capacité à  être respectueux de l’intention de l’auteur (beaucoup d’annotations sur une partition orientent l’interprétation), L’interprète est un passeur, mais aussi un créateur.et la capacité à  créer un « moment » musical, hors du temps, qui nous met en contact avec une oeuvre, avec son auteur et avec nous-mêmes. Il y a de la transmission, et il y a de la création, du nouveau, dans une interprétation. Il y a de l’autre, et il y a du moi-même. Il y a de l’histoire, et il y a du neuf. L’interprète est un passeur, mais aussi un créateur.
    Le livre me permet de parcourir de manière guidée, une pensée, un raisonnement, une construction mentale. De la vivre et l’emprunter me permet d’ouvrir le champ de ma propre pensée, d’approfondir mes propres représentations. La qualité de l’interprétation résidera donc – je continue à  tirer le fil de l’analogie- dans deux choses.

    • La capacité à  être respectueux de l’intention de l’auteur, c’est-à -dire la capacité à  se plonger dans le cheminement et la réflexion d’un autre, même si cela est parfois difficile, compliqué, inconfortable. C’est la transmission, et l’accueil : j’accepte et j’accueille le différent, l’autre.
    • Et puis, la capacité à  créer un « moment » spirituel, qui nous met en contact avec une oeuvre, un auteur, mais aussi avec nous-mêmes. C’est la création, le nouveau : est-ce que ce morceau de représentation qui vient d’un autre peut s’intégrer, s’ajouter dans mes représentations, les bousculer, les faire évoluer ? Cela se sent autant que cela se réfléchit, et c’est peut-être où la musique et la philosophie se rejoignent : le lieu de cette adhésion ne peut être que l’imaginaire, à  cheval entre les émotions et l’intellect.

    Fonction du sens ?

    Et cette adhésion dans l’entre-deux, cet alignement entre mon monde et le monde d’un autre, via une oeuvre, s’évalue grâce à  une fonction qu’il faut bien appeler « sens ». L’oeuvre qui me touche, que j’aime, c’est celle qui fait sens. Je déborde sur un autre billet en préparation (le sens comme fonction d’évaluation), mais il faut bien que ce blog me serve aussi à  avancer dans mes réflexions.
    Au final, j’aime cette idée de la lecture comme une interprétation : c’est une évidence, mais il y a bien une part active du lecteur pour souffler sur les braises de l’oeuvre. Il y a de mauvaises oeuvres, et de mauvais interprètes. Et il y a des oeuvres fabuleuses que l’on sait, parfois, interpréter correctement.

    Comme pour le piano, cela demande du travail ; la capacité à  interpréter, cela se travaille. N’est-ce pas ce qu’on appelle « l’herméneutique » ? Hermès, divinité porteuse des messages des dieux et interprète de leurs ordres, dieu de la transmission. Tout lecteur est un apprenti herméneute.