Étiquette : Perfection

  • Journée parfaite

    Journée parfaite

    Amusez-vous : décrivez votre « journée parfaite ». Listez de quoi elle serait faite. Vous pouvez faire l’exercice avec une semaine, ou un mois, ou une année. Avec votre vie, si vous le voulez. L’exercice est le même. Cela revient à  se poser la question du saupoudrage : quelle quantité de quoi je veux, en quelle proportion ?

    De l’amour, des sentiments, un peu de travail, de la musique ? Du dessin, des rigolades, une soirée entre amis ? Une promenade le long de l’eau, un barbecue sous les arbres en été ? Des jeux avec les enfants, un spectacle ? Du calme, de la lenteur ? Un peu de tout ça, et même plus ?

    La réalité, c’est qu’une fois dressée, cette liste n’a plus de sens, et devient aussitôt une caricature d’elle-même. Pourquoi ?

    Parce que répétées telles quelles, planifiées, toutes ces choses joyeuses seraient bientôt étouffantes, ou tristes.

    Pourquoi ? Parce nous changeons, et que ce qui était notre désir un jour, ne le sera pas forcément le lendemain. Parce que nous sommes vivants, et que nous sommes curieux, et avides de nouveauté : comment un jour – même parfait – répété à  l’identique, sans surprise, sans changements, pourrait-il nous combler ?

    La journée parfaite n’existe pas ; à  chacun de se débrouiller pour trouver de la joie dans chacune de ses journées. Personne ne sait de quoi l’avenir, son avenir, sera fait : décrire la journée parfaite (la semaine, le mois, l’année) serait une manière d’interdire le futur, le désir, les rêves un peu fous qui donnent envie de se dépasser. La perfection ne peut se produire que de manière fortuite, ponctuelle et spontanée, et c’est aussi cela, sa valeur.

    Il y a un étonnement, une surprise, dans la joie, qui en font une idée contradictoire avec celle de perfection.

    Une journée parfaite, ce serait une journée sans joie, et une journée sans joie ne saurait être parfaite.

    Un homme qui réussit est un homme qui se lève le matin et qui se couche le soir, et qui entre les deux fait ce qui lui plaît.

    Bob Dylan

    La journée parfaite, c’est celle où l’on fait ce que l’on veut. Même – surtout ? – si ce que l’on veut, c’est faire autre chose que la veille.

  • Paradis perdu

    Paradis perdu

    Avez-vous déjà  fait un rêve merveilleux ? Vous savez, ce genre de rêve où vous baignez dans une sensation de plénitude totale, où les désirs se mêlent à  la joie, et à  la jouissance ? Il est surprenant que le cerveau endormi soit capable de produire une telle plénitude, un telle sensation de perfection. Cette sensation d’ailleurs, nous trompe et nous fait croire que le bonheur est un état, alors qu’il est un mouvement et un équilibre. Et ce rêve merveilleux a une fin.

    Mais bêtement, même en orage
    Les routes vont vers des pays,
    bientôt le sien fit un barrage
    à  l’horizon de ma folie.

    Georges Brassens

    Lorsque le réveil sonne, on ne sait plus où l’on est. Le manque est immédiat. C’est terrible, de quitter le paradis…
    On ressent alors un mélange de bonheur – tout notre être résonne encore de cet accord bienfaisant – et de frustration -. Ce mélange, n’est-ce pas aussi ce que l’on ressent lorsque l’on est mélancolique ? Le concept du paradis, je pense, illustre en partie cette sensation de mélancolie. On donnerait cher pour retrouver ce lieu de « luxe, de calme et de volupté ». Mais essayer de rattraper un rêve, c’est comme vouloir retenir le sable qui vous coule entre les doigts.

    L’Eden est un rêve érotique évanoui. Et que l’on ne retrouvera sûrement jamais.

  • L’importance du Presque

    L’importance du Presque

    L’absolu n’existe pas. L’être humain est – par nature – fini, limité. Malgré cette finitude, l’être humain aspire à  la perfection, et en a en tout cas une idée.

    Selon moi, la perfection ne nous est accessible que par la sensation : la perfection, certes n’existe pas, mais on peut éprouver une sentiment de perfection. En regardant le beau, ou le bon. Ou dans l’acte de création. Non pas que ce que l’on regarde, ou créé, soit parfait. Mais l’acte d’aller vers le beau nous fait éprouver des sensations particulières qui sont la perfection même. La perfection se situe dans notre rapport aux choses, pas dans les choses elles-mêmes. La perfection est une sensation.

    Il est donc intéressant de chercher à  éprouver cette sensation, tout en conservant à  l’esprit qu’il s’agit d’un état interne, et pas d’une réalité extérieure.

    C’est le seul moyen de satisfaire notre soif d’absolu, sans tomber dans la folie, ou le mysticisme le plus complet. Ou la barbarie.

    Il faut être capable d’éprouver – presque – la perfection. C’est le presque qui est le plus important dans cette phrase, et qui distingue les fous des bienheureux.

    On retrouve un peu cette idée dans les cercles Zen (Enso) :

    Le cercle Zen (enso) est souvent dessiné comme un cercle incomplet, qui symbolise l’imperfection faisant partie intégrante de l’existence. […] La nature elle-même est pleine de beauté et de relations harmonieuses qui sont asymétriques et pourtant équilibrées. Il s’agit d’une beauté dynamique qui attire et implique.

    J’aime cette idée d’équilibre et d’imperfection mélées à  l’idée même de perfection, et de sensation de perfection. Pas d’idée de perfection sans idée d’imperfection.

    La modération dans l’excès. Le presque dans l’absolu.