Étiquette : Philosophie

  • Résolutions 2014

    Résolutions 2014

    Je souhaite à  tous les lecteurs occasionnels ou assidus de ce blog une bien belle année 2014, pleine de santé, de joie et de surprises. En ce début d’année, j’ai voulu partager avec vous quelques résolutions. Un de mes collègues et ami, JM, m’a en effet expliqué son mode de fonctionnement concernant les bonnes résolutions et cela m’a motivé à  utiliser cela aussi. Comme outil de « pilotage de soi ».

    Dessin…

    En 2014, je veux me consacrer un peu plus au dessin et à  la philosophie. Je vais donc m’efforcer de faire 3 ou 4 dessins par semaine. J’ai trouvé un super moyen, qui me motive, et présente l’avantage de ne nécessiter que peu de préparation et de matériel : dessiner sur l’appli Paper (53) sur Ipad. Oui c’est moins bien que du papier. Oui, c’est limité comme taille de feuille. Oui le stylet pour Ipad est grossier et peu précis. Mais c’est tellement simple d’attraper l’Ipad et de commencer à  dessiner ! L’Ipad, pour un dessinateur, c’est un peu comme la guitare pour un musicien. ça traine là , et on peut l’empoigner quand on veut. Voici un petit exemple.

    magician

    Autre avantage, il est facile de partager et de mettre en ligne ses dessins grâce à  l’interconnexion entre l’appli de dessin et la plateforme de microblogging Tumblr. J’ai donc créé ce petit Tumblr de partage : http://lomig.tumblr.com. Très sympa de se retrouver plongé instantanément dans une communauté qui partage notre goût et nos préoccupations. Je découvre chaque jour les dessins des autres et réciproquement. Top !

    …et philosophie

    En ce qui concerne la philosophie, je vais continuer à  en lire, mais je vais surtout essayer de passer une soirée par semaine à  écrire mes idées, et à  travailler sur mon petit essai. Je vous en reparlerai très prochainement.

    Du côté « pratique pro », j’ai pris la décision de bloquer une demi-journée par semaine pour une séance de réflexion avec le PC éteint. Pas de mail, pas de documents informatiques. Juste les sujets, du papier, un stylo, et des réflexions. On le fait trop peu, et à  chaque fois que l’occasion s’est présentée l’an dernier, j’ai trouvé l’exercice plus que profitable : indispensable pour respirer et travailler à  la bonne vitesse, et au bon niveau de qualité.

    Et vous ? Avez-vous pris des résolutions ? N’hésitez pas à  les partager en commentaire !

  • La force des mots

    escher_handsVous est-il arrivé d’expérimenter la force incroyable des mots ? Je voudrais partager avec vous une remarquable expérience qui m’est arrivée, et que j’ai eu la surprise de pouvoir analyser a posteriori.

    Bien sûr, les mots et le langage restent notre manière la plus directe, la plus naturelle, de formuler nos pensées. En ce sens, ils présentent à  la fois un aspect négatif et un aspect positif : l’expression de notre pensée est contrainte par les mots, les concepts, les idées dont nous disposons, et d’un autre côté elle s’appuie et est rendue possible grâce à  ces mêmes mots (langage, mais aussi les idées déjà  formulées par d’autres). Nommer les choses les fait exister, les rend tangibles ; dans l’imperfection inhérente à  toute existence.

    J’ai récemment découvert un autre aspect des mots, plus profond. Une sorte d’inertie et de puissance des mots, presque d’expression inconsciente par les mots. Une fois une idée formulée avec des mots définis, on peut découvrir que le choix des mots n’a pas été uniquement le fruit d’une plus ou moins bonne adéquation avec la pensée que nous souhaitions exprimer. Ou plutôt, et de manière complémentaire : la pensée qu’ils ont permis d’exprimer ne se résumait pas à  ces mots, qui n’étaient que des clefs pour continuer la réflexion. Des fils à  tirer, avec une logique interne.

    L’exemple récent m’est venu dans le cadre de mon travail : j’ai produit, avec d’autres, une sorte de tableau des « vrais métiers de l’innovation », sorte de bestiaire mi-sérieux, mi-poétique des vrais fonctions que nécessite l’innovation au sein d’une entreprise. C’est en cours de finalisation, et passionnant.
    Dans ce cadre, j’ai imaginé — et/ou réutilisé du déjà  connu – des noms — assez directs – pour ces vrais métiers, et surtout des sous-titres à  vocation plus évocatrice et ouverte. Mon métier, « animateur de communauté », s’est retrouvé affublé du sous-titre « Le discuteur de sens ». Pourquoi pas, et cela permet de mettre l’accent sur le rôle transverse, convivial, de discussion et d’échange du community manager. Bien sûr, cela n’en fait pas le tour (d’autant qu’à  chaque communauté son community manager).

    Mais depuis, l’expression est repassée toute seule dans mon esprit, plusieurs fois : suis-je réellement un discuteur de sens ? L’expression est-elle adaptée à  mon rôle ? Celui qui discute, c’est aussi celui qui met en débat, qui questionne, qui doute. Et le sens, c’est le sens de l’action, la stratégie. Mais sur un deuxième niveau, plus inconscient probablement, se sont exprimées d’autres idées, qui résonnent autrement, qui font d’autre liens : le discuteur c’est aussi le philosophe, celui qui veut penser l’inconnu, et le sens c’est aussi le sens de la vie, de nos actes.
    Et ce n’est pas un hasard si tout cela me parle : j’aime la philosophie, et je l’ai toujours aimé en partie pour une des questions fondamentales qu’elle pose à  l’être humain. La vie a-t-elle un sens ? Et si elle n’en a pas d’absolu, quel sens puis-je donner à  ma vie ? Je crois que cela sort à  un moment clé aussi de ma vie, au moment où je viens d’avoir un troisième enfant, où j’essaye d’imaginer mon avenir professionnel. Cette tension vers l’avenir, l’inconnu, ne suffit-elle pas à  expliquer le choix de l’expression « discuteur de sens » ? Mais cela m’a redonné aussi envie de travailler plus dur la philosophie, et la question du sens.

    Oui : les mots qui sont sortis (« discuteur de sens ») n’étaient pas fortuits et pas forcément adaptés au rôle que je cherchais à  décrire (ils le sont quand même pas mal, je m’en aperçois en creusant le sujet). J’ai utilisé les mots qui me paraissaient pertinents pour me décrire, autant que mon rôle ou ma fonction. Projection involontaire et presque inévitable. Surprenante force des mots qui disent ce qu’on veut dire, mais aussi ce qu’on ne savait pas vouloir dire. Les mots disent ce que « ça » veut dire.

    Ils servent donc aussi à  se révéler à  soi-même, pour peu qu’on leur accorde ce pouvoir (ce qui requiert un peu de lâcher-prise sur notre propre personne), et un peu d’attention.

    Avez-vous déjà  connu ce genre de « révélation linguistique » ?

  • Quatre lectures talmudiques

    Quatre lectures talmudiques

    Le Talmud est la transcription écrite de la tradition orale d’Israël, du peuple juif. Le texte est particulièrement moderne dans sa forme puisqu’on y trouve des textes (qui correspondent à la partie fixée par écrit en premier, et qui constituent la Michna), avec des commentaires, positionnés autour (les discussions qui ont eu lieu autour de la Michna, et qui ont été fixées par écrit plus tard, et qui constituent la Guemara). Le Talmud – regroupement de la Michna et de la Guemara – est un recueil de textes, mais aussi de commentaires issus de plusieurs personnes, et constitue donc un appel à la réflexion, à la critique, au doute, au questionnement. Il est aussi quasiment incompréhensible sans une étude approfondie ; et c’est pourquoi il y a besoin, en tout cas pour les incultes comme moi, d’y être accompagné.

    Les 4 lectures talmudiques d’Emmanuel Levinas sont une formidable manière de mettre un pied dans ce monde. Car c’est bien d’un monde dont il s’agit. Ces lectures ont été faites oralement lors de colloques d’intellectuels juifs de 1963 à 1966. La langue d’Emmanuel Levinas est magnifique, profonde et simple à la fois, précise sans être jargonneuse, et cela est très adapté à la découverte de la richesse du Talmud. A la richesse de la tradition talmudique, devrais-je dire, car sans ce travail énorme d’étude, de compréhension, d’analyse, d’émergence du sens, le Talmud ne vaudrait pas grand-chose et resterait bien silencieux.

    La recherche de l’esprit par-delà la lettre, c’est le judaïsme même.

    C’est un petit livre incroyable que ce recueil de « Lectures talmudiques ». On peut y suivre, pas à pas, la pensée d’Emmanuel Levinas. La structure de chaque lecture est la même à chaque fois : il fait la lecture d’un petit texte issu du Talmud (Michna et Guemara, thème et commentaires), puis le reprend point par point en l’éclairant, en le rendant compréhensible, en le reliant avec notre pensée, nos problématiques.

    L’exercice est superbe : le texte du Talmud est proprement incompréhensible. L’analyse qui suit le rend lumineux, profond, complexe. Je ne saurais trop vous conseiller d’acheter ce petit livre. Je sais que je le relirai un jour. On y parle de pardon, de liberté, de Loi, de création, de justice, du Mal, de responsabilité, de la condition humaine ; et surtout on peut y sentir une culture (de Levinas ? des juifs ?) où la réflexion est toujours connectée avec la manière de conduire sa vie. Nous ne sommes pas là sur de vains questionnements métaphysiques ou philosophiques : il s’agit là de questions profondes, qui touchent nécessairement et interpellent ceux qui veulent penser leur vie.

    Je précise pour finir, et pour ne pas vous prendre en traitre, que ce livre est difficile à lire. Difficile, car il faut accepter des zones d’ombres dans la compréhension, et accepter que celui qui nous livre sa lecture ne fait que sa propre interprétation. Pas de vérité universelle ici, mais vérité personnelle, réflexion à l’oeuvre. Pas de sens unique ici, mais sens multiples, questionnements, résonnances, analogies. Et c’est pour cela aussi que cette lecture a été si passionnante : cela a été difficile d’admettre pour moi que le sens ne peut naitre que de ce mélange subtil entre rationalité, émotions, étude, doute. C’est pourtant évident quand y réfléchit. Il y a du boulot, comme on dit. Le sens n’est pas à découvrir (il n’y a pas de sens absolu), mais à construire. Et pourtant, selon la phrase même de Levinas, le Talmud exprime aussi « la structure d’une subjectivité agrippée à l’absolu ». Qu’en pensez-vous ?

  • La sagesse des mythes

    La sagesse des mythes

    Je viens de terminer la lecture du second volume de la série de Luc Ferry « Apprendre à  vivre » (voir mon article concernant le tome 1). Il s’intitule « La sagesse des mythes », et Luc Ferry y revient sur la mythologie grecque, en essayant de faire une lecture philosophique de ces magnifiques et terribles histoires.

    Il donne, quand c’est nécessaire, des précisions sur les différents auteurs utilisés (chaque mythe a été raconté et utilisé par plusieurs auteurs), et surtout il ne cherche pas à  les expurger de leur violence réelle. C’est un superbe livre, facile à  lire, et qui permet une plongée rapide dans l’univers mythologique et philosophique grec. Quelques points que je retiendrai :

    • le mythe de la création du cosmos, fascinant, et qui se conclut par un formidable combat entre Zeus (qui veut installer l’ordre, et la justice) et Typhon (qui est le symbole du désordre, du chaos et de la violence, mais aussi du temps, de la génération). La conclusion est magnifique : Zeus triomphe de l’horrible Typhon, mais Gaia – la première déesse, et mère de ce dernier – insiste pour que Typhon ne soit pas tué, mais enfermé sous Terre. Parce que si l’harmonie triomphait, le cosmos sans le temps, le chaos, le déséquilibre ne serait rapidement plus rien d’autre qu’un univers immobile, figé, sans mouvement.
    • bien sûr, la très belle histoire d’Ulysse, qui est une parabole magnifique sur la condition humaine, avec la philosophie des grecs en ligne de soubassement. C’est un trajet qui va du désordre (la guerre, le fameux siège de Troie) vers l’ordre, la place retrouvée (Ulysse finira, après bien des aventures, par retrouver sa place au sein de sa famille, et parmi les mortels) malgré les épreuves. Parmi lesquelles, deux particulièrement (dont Ulysse aurait pu se tirer en ne restant pas à  sa place d’humain, et donc en cédant à  un orgueil démesuré, l’hybris) :
      • la tentation de l’immortalité (qui lui est proposée par Calypso), et
      • sortir du monde (oublier son identité et sa place, c’est Circé qui parvient presque à  cela).

    L’histoire d’Ulysse est un chemin vers la sagesse, la sagesse d’un mortel.

    Les deux mythes d’Oedipe et d’Antigone, qui rappellent à  quel point la condition des mortels est tragique, sont magnifiques également.

    Bref, si vous ne connaissez rien à  la mythologie grecque (ce qui était peu ou prou mon cas avant la lecture de cet ouvrage), voilà  un petit livre, facile à  lire, profond néanmoins et riche de détails. Courez l’acheter !

  • Apprendre à  vivre

    Apprendre à  vivre

    Rien que ça ! C’est le titre du livre de Luc Ferry que je viens de terminer. Bien sûr, c’est un peu prétentieux, mais en même temps, n’est-ce pas ce que nous essayons tous, chacun à  notre manière, de faire ? 

    Le livre est magnifique : simple, pédagogique sans être simpliste. J’ai appris beaucoup. Luc Ferry passe en revue une bonne partie de l’histoire de la philosophie, de la pensée, à  travers un filtre particulier : chaque doctrine ou courant est décrypté selon trois axes.

    1. Théorie (que pouvons-nous connaitre et expliquer ?)
    2. Ethique (comment vivre avec les autres ? quelles sont les bonnes règles ?)
    3. Sagesse ou doctrine du salut (quel sens donner à  la vie ? )

    C’est passionnant, tout simplement. J’étais déjà  un peu familier avec la pensée stoïcienne, un peu moins avec le christianisme. J’ai adoré l’introduction que Luc Ferry fait de la pensée de Nietzsche, qui est pour le moins obscur en VO. Notamment, j’ai aimé l’idée suivante.

    Nietzsche décrypte deux types de « forces ». Les forces « réactives » d’une part (propres à  la pensée rationnelle, à  la négation du sensible) qui ne se déploient qu’en annihilant d’autres forces. C’est la volonté de vérité, la pensée rationnelle. Et les forces « actives » d’autre part (propre à  l’affirmation du corps, qui s’affirment dans l’art) et qui existent sans avoir besoin de renier autre chose. Et Nietzsche définit la grandeur comme la conciliation en nous de ces deux types de forces (je cite Ferry) : 

    C’est cette conciliation qui est, au yeux de Nietzsche, le nouvel idéal, l’idéal enfin acceptable parce qu’il n’est pas, à  la différence de tous les autres, faussement extérieur à  la vie mais, au contraire, explicitement arrimé à  elle. Et c’est cela, très exactement, que Nietzsché nomme la grandeur – un terme capital chez lui – le signe de la « grande architecture », celle au sein de laquelle les forces vitales, parce qu’elles sont enfin harmonisées et hiérarchisées, atteignent d’un même élan la plus grande intensité en même temps que la plus parfaite élégance.

     

    Au final, je recommande vraiment ce livre. Direct, sincère, il pose un certain nombre de questions essentielles, et ce n’est qu’en tout fin d’ouvrage que Luc Ferry donne son propre point de vue, tout en nuance. A lire. Pour apprendre à  penser et à  vivre. 

  • La mort est partout

    La mort est partout

    Dès le début, j’ai été captivé par le livre de Luc Ferry, « Apprendre à  vivre« . Il s’agit de philosophie, un peu vulgarisée, mais au niveau d’implication où je l’attends : de la philosophie non pas théorique et abstraite, mais de la philosophie à  vivre, qui est une réflexion sur la vie, et qui a pour ambition de permettre de « vivre mieux ».

    Une idée forte m’a séduite au tout début du livre, à  propos de la mort. J’ai toujours trouvé difficile de comprendre pourquoi l’idée de la mort est si présente dans nos vies, bien qu’on ne meure qu’une fois, et que le moment même de la mort n’est pas là . Luc Ferry explique que la mort n’est pas présente qu’à  un moment, mais dans plein de petites instants de nos vies, tous ceux qui ne seront jamais plus là . Le temps qui passe. « Never more », c’est le titre d’un poème d’Edgar Allan Poe (Le corbeau) que Luc Ferry cite pour illustrer son propos.

    Toutes ces joies vécues, une fois passées, renvoient à  l’idée de la mort. « Jamais plus ». Cette nostalgie est très forte chez moi. Quand je repense aux moments passés en famille, à  déguster du vin de Bordeaux, cet été, l’idée m’envahit que ces moments ne sont plus là , et ne seront plus jamais là . Je pourrais fondre en larmes en me plongeant dans cette nostalgie. Nostalgie, joie empoisonnée. Joie aussi, oui, car ces souvenirs sont des souvenirs de bonheur.

    Luc Ferry explique ensuite que si les religions sont une démarche vers le salut par un autre (Dieu, quelle qu’en soit la forme et la nature), tandis que la philosophie est une démarche vers le salut par nous-mêmes. Je suis frappé par une chose : parler de salut, comme le fait Ferry, et comme le fait également Comte-Sponville, est pour moi une chose étrange. Tant il me parait évident que Camus, sur ce point, avait raison : il n’y a pas de salut. Peut-être Ferry revient-il là -dessus plus loin dans le livre. C’est possible. Et peut-être qu’aussi, le sens que je donne au mot « salut » n’est pas le même que lui. On peut entendre par « salut » le fait de parvenir à  ne vivre que dans le présent, et en harmonie avec l’univers.

    Si l’on entend par éternité non la durée infinie mais l’intemporalité, alors il a la vie éternelle celui qui vit dans le présent.

    Ludwig Wittgenstein

    La sagesse consiste, à  mon sens, à  accepter qu’il n’y a pas de salut possible. Acceptation impossible, pour tout être désirant plus que tout vivre et survivre. C’est l’absurde de nos vies, le tragique. Et c’est ce qui en fait toute la valeur. Et toute la saveur, aussi.