Le mythe de l'indépendance

Ce texte est le premier d’une série consacrée au décryptage et à  l’analyse critique des messages véhiculés par les médias. Et c’est également le premier article « invité » sur ce blog, puisqu’il a été écrit par Zorro.
Revue Prescrire
Septembre 2007, page 697-98
Auteur : « la revue Prescrire »


La revue Prescrire est une revue ancienne dont le sérieux scientifique a fait la notoriété. Son objectif est de donner aux médecins des informations sur les médicaments, indépendamment de toute pression commerciale. A ce titre aucune publicité n’y figure.
L’éditorial du numéro de septembre, signé « la revue prescrire » a pour titre : OMS : faites ce que je dis…mais pas ce que je fais. Il critique la méthodologie scientifique de l’OMS et les recommandations qu’est amenée à  produire l’agence de santé de l’ONU. Cet organisme international signale d’ailleurs lui même son insuffisance et annonce des rectifications pour mieux respecter les normes admises de l’Evidence Based Medicine. (EBM).
Je relève une phrase de cet édito (et qui en respecte l’esprit) :

La restauration de crédibilité de l’OMS…passe par une réduction de sa dépendance financière par rapport à  des intérêts privés et l’augmentation de son budget propre financé par les états membres en vue d’élaborer des recommandations libres de toute influence extérieure.

Cette phrase est une manipulation et elle prend les lecteurs pour plus cons qu’ils ne sont.

  1. Il s’agit là  d’une manoeuvre idéologique qui vise à  faire croire que les intérêts privés sont utilisés pour truquer les données scientifiques (dans le sens d’un strict objectif financier), alors que les finances publiques ne viseraient que l’intérêt général. Dans quel pays, à  quelle époque, a-t-on vu un organisme « libre de toute influence » ?S’il est incontestable que des financiers véreux n’hésitent pas à  mettre sur le marché des médicaments empoisonnés, il est tout aussi connu que des états (en particulier d’idéologie socialiste) ne sont pas gênés pour faire des expériences à  grande échelle sur des patients non informés des produits utilisés. Quand il ne s’agissait pas de doping national ou d’irradiation massive. Opposer ainsi privé et public en désignant le bon et le mauvais est une manipulation car, pour des scientifiques tels que se prétendent « prescrire », il y aurait lieu de quantifier les méfaits du privé et du public (en matière de recommandations santé), du point de vue historique et du point de vue planétaire, avant de balancer des « convictions » en tentant de les faire prendre pour des vérités.
  2. Une seconde manipulation est observable en fin de phrase : on pourrait être libre de « toute influence extérieure » ! Autrement dit, la vraie vérité existerait, il suffirait de se donner la peine de la reconnaître en s’affranchissant des influences néfastes…suivez mon regard…de l’argent. Là  encore il est clair que l’argent perverti facilement les esprits faibles et qu’il est ainsi en mesure d’influencer des « recommandations ». Mais qu’en est-il de l’influence du copinage, de la solidarité de parti, de la prévarication de fonctionnaires choisis sur une base idéologique, et même de la raison d’Etat ? Un homme est un homme et, quant à  être perverti, il peut l’être autant par l’argent que par tous les attributs des pouvoirs. Dans quel pays, à  quelle époque, a-t-on vu un organisme « libre de toute influence » ? Surtout pas dans les pays où l’Etat et le Public sont les organisateurs de la vie quotidienne

La revue Prescrire met son image de scientifique sérieux au service d’une lutte anticapitaliste.La revue Prescrire met son image de scientifique sérieux au service d’une lutte anticapitaliste. Soit. Il y a du grain à  moudre dans ce sens. Mais dire qu’il faudrait mettre plus d’Etat, plus de Public, pour rectifier le tir de recommandations imparfaites c’est vraiment faire bêtement du catéchisme de gauche à  la mode française ou soviétique. La revue devrait se souvenir de ce que disait Nietzsche : le pire ennemi de la vérité ce n’est pas le mensonge, mais la conviction. Ou alors dire clairement qu’ils ne sont pas des scientifiques mais des idéologues. Il faut les dénoncer.


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Commentaires

  1. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Tout d'abord, merci beaucoup pour cet article excellent ! et d'avoir initié cette rubrique "Bas les masques" qui, j'en suis sûr, servira souvent sur ce blog.

    Ensuite, les deux sous-entendus que tu mentionnes dans cet édito de la revue "Prescrire" sont des messages implicites que l'on retrouve souvent ailleurs dans les médias : parti pris sur les investisseurs privés qui vont forcément tout pourrir, et a-priori sur l'argent néfaste (comme si l'argent n'était pas qu'un moyen.

    à bientôt, Zorro !

  2. Avatar de Loulou
    Loulou

    Trou du cul…
    Et la thalimonide, c'était quoi??? Moi j'attends des exemples prouvant que le privé, s'il n'était pas contrôlé, ne tuerait pas plus de gens??? t'as vu the constant gardener??? T'as vu l'AFSSAPS??? Compare les deux, on en reparle après…

    Sans les régulations étatiques nécessaires, sans l'indépendance des organismes publics, il y aurait de nombreuses personnes supplémentaires à mourir pour expériences pharmaceutiques douteuses…

    Il suffit de lire le livre de Pignarre sur l'industrie pharmaceutique "le grand secret de l'industrie pharmma…"

    Le deuxième argument est particulièrement pitoyable. Prescrire est al SEULE revue indépendante des labos pharamceutiques qui s'en servent pour faire la pub de produits dont les effets réels sotn bien en-dessous de ce qui est dit généralement.

    c'est bien d'être de droite, mais faut pas déconner.

  3. Avatar de pap
    pap

    Je ne pense pas avoir dit que les industriels du médicament étaient des anges, ni même laissé entendre que les contrôles étaient inutiles. Oui la recherche débridée du profit, en particulier lorsqu'elle est le fait de gens sans éducation ni scrupule, est cause de désastres. Je n'en disconviens pas et je plaide pour des contrôles, en particulier dans les domaines de la santé et de l'agriculture. Mais faut-il que ces contrôles soient d'état? Là est la question et j'ai seulement rappelé que bien des états sont dirigés par des crapules ou sous le joug d'idéologies totalitaires. Si tu penses que dire cela c'est être de droite alors je m'inquiète pour ton sens de l'orientation. C'est l'honneur de la gauche de s'opposer à tous les totalitarismes, en particulier d'état. Car autant que je sache les excès des plus grandes multinationales les plus capitalistes du monde ne sont pas prêtes de faire un nombre de victimes comparable à celui du communisme. Ce que je regrette c'est que la revue prescrire, dont j'ai dit dès le départ la qualité de l'information, se croit obligée de claironner des conneries tiers mondistes pour faire humanitaire. La misère n'est ni de droite ni de gauche. Pas plus que la connerie. Alors oui je regrette quand prescrire prend ses lecteurs pour des idiots à qui on peut faire le coup arriéré du "les entreprises sont des voleurs, l'état est le garand de l'honneteté". La gauche est morte de telles caricatures et je préférerais que prescrire lui se maintienne. Dans sa forme critique vraie.

  4. Avatar de Loulou
    Loulou

    Je sollicite un débat de fond, là.
    Si quelqu'un s'y oppose, bien évidemment, je ne m'engagerai pas dnas de longues discussions sérieuses, argumentées, solides. Au bénéfice du doûte, je commence tout de même. Si cela gêne, que mon homonyme propriétaire des lieux efface ce message.

    Restons dans le domaine de la santé, l'agriculture est un autre débat.
    Je répondrais donc à ta première question: Faut-il que le contrôle soit d'Etat?

    Question pertinente en effet, qu'en tant que gaucho j'ai tendance à balayer d'un revers de main, car je trouve la réponse évidente. Tu fais bien de me ramener à l'ordre et de me demander de prouver mon évidence.
    D'abord, qu'est-ce que le "contrôle"? Le contrôle, lors de la tri-(quadri- diraient les gauchos)partition en "phases" d'expérimentation consiste à vérifier la validité des tests mis en oeuvre, la mesure, les doses, l'efficacité. D'un côté, c'est un contrôle médical, et heureusement, qui sert de caution aux tests, et de l'autre, les protocoles eux-mêmes servent de points de contrôle en imposant des contraintes nécessaires pour éviter les abus, essais en double aveugle, etc.

    En ce qui concerne cet aspect médical, ce contrôle strict des procédures, il est évident que seuls des experts médicaux peuvent les effectuer. Ceux-ci ne seront pas forcément liés à l'Etat. d'un autre côté, il faut garantir leur indépendance et l'absence de liens avec un distributeur, un laboratoire, une entreprise pharmaceutique, pour garantir l'objectivité de ce contrôle d'autorité médical.

    De l'autr côté, il incombe aux Etats, et seulement à eux, de faire veiller à la stricte application des réglementations, pour la simple et bonne raison qu'ils sont les garants de notre dignité, de notre intégrité physique, de nos droits, et qu'ils permettent d'éviter les contrats pour essais thérapeutiques abusifs auxquels tendent naturellement l'industrie pharmaceutique qui cherche à faire baisser ses coûts. Ce contrôle sanitaire, politique est le seul lieu de contrainte pour l'industrie pharmaceutique: Une organisation lambda ne peut imposer des restrictions en termes consentement éclairé, en termes de déontologie médicale quand les lois d'un pays le peuvent. En cela, la présence de l'Etat pour contrôler , ou plutôt encadrer l'action pharmaceutique est fondamental. L'argument sur les pays socialistes laxistes ne tient qu'en raison de leur sous-développement et de l'opportunisme des firmes qui trouvent un vide juridique où appliquer à moindres coûts leurs essais. C'est donc de la responsabilité, non de l'Etat (qui ne pouvait prévoir une situation qui reste pour lui inédite), mais bien des firmes qui y trouvent un grnad nombre d'avantages. (the constant gardener est un exemple excellent)
    C'est donc au final l'encadrement étatique (notamment grâce à son code de santé publique) qui est nécessaire au bon déroulement des essais. C'est grâce à cela qu'on évite les scandales et les erreurs grossières qui nécessitent une réponse directe avec l'éviction du marché d'un médicament, comme l'arcoxia ou mieux encore le vioxx aux USA (dont le défaut de non-transparence des résultats n'aurait pas eu lieu si la réglementation américaine les y avait forcés). Meilleure est le contrôle de la FDA, et mieux est garanti la santé publique. (que je dise ça un jour, c'est un miracle!)
    Les difficultés pour obtenir une AMM ne sont que justice, et seul le regard vers l'intérêt général peut y mener.

    En ce qui concerne ton deuxième point, sur "l'absence de contrainte extérieure", il faut bien voir qu'il y en a deux. l'intérêt privé de l'entreprise, et l'intérêt des consommateurs, organisé, s'il le faut en lobby. Mais dire, "contrôle public" ne veut pas dire "contrôle politique". Les tentatives d'influence se font directement sur l'afssaps, et non par des partis, ou par des particuliers, mais bien par l'industrie elle-même (oui, le méchant privé est bien méchant).
    Voilà des informations édifiantes: http://www.stopvivisection.info/article.php3?id_ahttp://www.lexpress.fr/info/sciences/dossier/medi
    Oui, c'est bien l'argent qui motive les industriels (qui en doûtait???) et c'est bien contre leurs penchants naturels qu'il faut une régulation indépendante. Mais seul l'Etat est en mesure de contrôler les abus.
    Prescrire n'est pas anticapitaliste, Prescrire est une revue idéaliste sur le médicament, qui cherche à faire en sorte que le médicament nouveau le soit vraiment, qu'il soit plus efficace, qu'il guérisse mieux, etc. Or les logiques économiques actuelles favorisent le marasme créatif, les rentes d'innovation, les reproductions et les semi-progrès.
    Ce sont des scientifiques et certainement pas des idéologues.

    d'ailleurs, je termine avec la phrase de Prescrire, que tu as bien mal comprise:

    "La restauration de crédibilité de l’OMS…passe par une réduction de sa dépendance financière par rapport à des intérêts privés"

    –> ça veut dire que ça ne doit pas être les lobbys qui dictent leur loi, mais l'intérêt de santé publique.

    "financé par les états membres en vue d’élaborer des recommandations libres de toute influence extérieure."

    –> comme il n'y a aucun Etat qui a déjà recherché de mettre sur el marché un médicament nocif, et puisque ceux-ci sont les garants de la santé publique, il est évident que c'est à ces derniers qu'incombe la responsabilité de financer l'objectivité de l'OMS.

  5. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    quand on vient pour un débat de fond, on ne commence pas son commentaire par une insulte…! :evil:
    tu devrais peut-être aller lire la charte des commentaires…!

  6. […] Zorro – auteur de deux articles sur Expression Libre – qui m’a transmis l’info : la LICRA s’est ému de […]

  7. Avatar de Rachid Franço
    Rachid Franço

    En attendant de futurs post des participant(e)s, je vous souhaites à tous et à toutes de passer de joyeuses fêtes, de manger du bon porc et de boire du bon vin,ainsi que de faire des cadeaux à vos enfants.

  8. […] religion, facteur de santé ?, Le chaud et le froid, Mourir de rire, Evidence Based Journalisme et La mythe de l’indépendance […]

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