Petit rappel de la définition du libéralisme, et du découpage de l’échiquier politique que l’on peut faire en se plaçant sous l’angle de la place donné à l’Etat dans la gestion de la société. Mes raisons d’être libéral, en somme. Je ne suis pas libéral parce que ce serait la position la meilleure, mais parce que c’est ce dont nous avons besoin aujourd’hui.
Origine du debat
Suite aux échanges en commentaires d’un billet sur la taxation des stocks-options pour financer le trou de la sécu, une discussion est partie pour savoir si on peut être « anti-libéral ». Nicolas, tenancier de « Partageons mon avis », en a fait un billet où il affirme être anti-libéral.
En guise de réponse à son article, je voudrais exprimer ici ma position.
Definition
Il est toujours utile de partir de la définition du dictionnaire avant de discuter.
Définition du libéralisme :
- [Sur le plan moral] Attitude de respect à l’égard de l’indépendance d’autrui, de tolérance à l’égard de ses idées, de ses croyances, de ses actes.
- [Sur le plan politique ou socio-économique]
- a. Attitude ou doctrine favorable à l’extension des libertés et en particulier à celle de la liberté politique et de la liberté de pensée. En partic. Ensemble des doctrines politiques fondées sur la garantie des droits individuels contre l’autorité arbitraire d’un gouvernement (en particulier par la séparation des pouvoirs) ou contre la pression des groupes particuliers (monopoles économiques, partis, syndicats). Anton. autoritarisme
- b. Ensemble des doctrines économiques fondées sur la non-intervention (ou sur la limitation de l’intervention) de l’État dans l’entreprise, les échanges, le profit. Anton. dirigisme, étatisme, interventionnisme, planisme.
Je passe donc sur la dimension morale du libéralisme : sur cette aspect, nous sommes tous libéraux (je l’espère, du moins). Revenons donc sur la définition politique et socio-économique qui est à mon avis articulée sur la place que l’on donne à l’Etat.
Spectre des possibles sur la place accordee à l’Etat
On pourrait découper les choses en dix, pour reproduire toutes les positions particulières, mais il me semble que 4 grandes catégories suffiront pour décrire les différentes positions politiques vis-à -vis de la place de l’Etat.
- Communisme : tout passe par l’Etat. L’économie est planifiée, et la propriété privée restreinte à son expression minimum. On sait où cela mène : misère, totalitarisme politique, crimes. C’est le règne de big brother (l’Etat) qui pense pour ces citoyens, forcément modèles.
- Etatisme solidaire / Social démocratie : son nom anglo-saxon est « liberals ». C’est en gros la social-démocratie de la gauche européenne. La gauche française est encore un peu trop empétrée avec ses extrêmes pour s’en réclamer complètement. L’intervention de l’Etat est préconisée dans les domaines où le marché est créateur de problèmes. L’Etat accompagne les plus démunis pour les aider, et promouvoir une vraie égalité de droit (santé, éducation, chômages, revenus minimum, etc…)
- Libéralisme / Libertarianisme : Le libéralisme économique, prône une place restreinte de l’Etat : peu ou pas d’intervention de l’Etat sur le marché, et restriction des domaines d’action de l’Etat à ses grandes fonctions (Police, Justice, éventuellement éducation). Le libéralisme garde en ligne de mire la responsabilité individuelle : trop d’Etat nuit à ce que les acteurs de la société soient responsables (en bien comme en mal) de leurs actes. Les libertariens vont plus loin en prônant une restriction des missions de l’Etat à la Justice et au maintien de l’ordre.
- Anarcho-capitalisme : C’est le libéralisme poussé à l’extrême. L’Etat est supprimé, et le marché règne en seul régulateur de la société. Une ineptie théorique, car la liberté n’est garantie que par le droit. Plus d’Etat, plus de liberté : l’anarcho-capitalisme contient dans sa définition même une contradiction. Son application ferait disparaitre ce qu’il présente comme la valeur la plus haute.
Pourquoi je suis libéral
Balayons d’un revers de manche le communisme, et l’anarcho-capitalisme qui sont toutes deux des utopies dangereuses. Le communisme a déjà fait ses preuves, et j’espère que l’anarcho-capitalisme n’aura jamais l’occasion de le faire.
La vraie discussion concerne les deux attitudes modérées. Il n’y a pas lieu de choisir définitivement entre l’une ou l’autre : c’est la situation actuelle – analysée – qui doit permettre de guider l’action politique. Selon les pays, les époques, il faut introduire de la solidarité étatique, ou du libéralisme. En France en 2007, il faut introduire du libéralisme. Pas parce que le libéralisme serait « meilleur » que l’étatisme, mais simplement parce que nous suivons depuis longtemps une voie politique où l’état prend une place importante (pour des raisons morales – justifiées – de solidarité défendre les plus démunis), mais cette politique a finie par se retourner contre son but initial. L’aide généralisé aux plus démunis a conduit à créer une société où le chômage est important, où il devient parfois plus rentable de ne pas travailler que de travailler, où les plus riches et les plus entreprenants sont incités à partir ailleurs à cause d’une fiscalité dogmatique (on prend au riche pour donner aux pauvres). Si pour aider les chômeurs, on favorise le chômage, alors il faut se poser des questions.
C’est pour ça que je suis libéral ; pas par conviction, mais parce que c’est de ça dont notre société a besoin, maintenant. Et si dans 10 ans, j’ai l’impression que le besoin est de renforcer le rôle de l’Etat dans tel ou tel secteur, je le dirai volontiers. C’est plus une question d’équilibre, qu’une prise de position définitive : il importe, dans chaque situation, de savoir où on se situe par rapport à l’équilibre, et d’agir en conséquence.
Restons moderes
Mettre en avant pour critiquer les libéraux, l’idiotie de l’anarcho-capitalisme, est aussi stupide que de critiquer la solidarité en rappelant les excès du communisme. Restons modérés pour faire avancer le débat. Il n’y a pas d’un côté les gentils, et de l’autre les méchants. Il y a deux positions, toutes deux défendables et utiles, qu’il convient de passer au crible d’une analyse de la réalité, des contraintes du moment, pour voir ce qu’elles peuvent apporter pour faire progresser notre société. En dehors de cette attitude, il s’agit de convictions portées à bout de bras sans les confronter avec la réalité, et on est alors plus proche de l’extrémisme que de la pensée politique. On peut introduire une dose de libéralisme, tout en étant attaché à la solidarité et à l’intervention de l’Etat. C’est cela qu’il faut rappeler, pour éviter que les opposants au libéralisme ne le caricaturent systématiquement.
Lomig,
On est à peu près d'accord sur l'essentiel. Dans la définition de "l'étatisme solidaire", tu oublies peut-être un aspect : l'état participe à la redistribution des richesses (pas nécessairement par les allocations diverses, mais en permettant à tous de bénéficier de l'éducation, de l'hôpital,…).
"On peut introduire une dose de libéralisme, tout en étant attaché à la solidarité et à l’intervention de l’Etat."
On est à peu-près d'accord.
"C’est cela qu’il faut rappeler, pour éviter que les opposants au libéralisme ne le caricaturent systématiquement."
Mon billet n'était pas qu'une caricature, ou s'il en était une, c'était juste pour souligner les excès. On peut introduire du libéralisme sans être un libéral absolu !
Lomig,
Je me permets de reproduire ici un post que j'avais commis sur un blog, et sur le libéralisme, en juillet 2006 : je ne retire ni n'ajoute rien.
Malgré ce que tu dis, tu confonds libéralisme économique, libéralisme politique et morale libérale.
De plus, tu ne situes pas le libéralisme au bon endroit. L'aide aux plus démunis peut être une attitude tout à fait libérale (au sens politique, et même au sens économique) dans le sens où elle est une composante du bien-être et de l'équité.
Par contre, tu ne cites pas l'excès législatif qui est bien plus préoccupant en France (même pour un anti-libéral).
(Concernant le fait qu'il est plus rentable de ne pas travailler que de travailler : 1/ on pourrait discuter longuement de la chose et du pourquoi. En tout cas, ça n'a rien à voir avec libéralisme ou non pour moi. 2/ tu n'introduit dans ton équation que la composante monétaire en excluant la composante psychologique et sociale. Ceux qui par choix lié à des critères de rentabilité monétaire préfèrent ne pas travailler représentent une proportion marginale. Ne me dis pas que tu stigmatises une minorité en excès pour excuser l'application d'une politique à la majorité ? :D)
Pour exemple : quand on demande ce qui freine la libre-entreprise, ce qui est cité en premier (après les taxes qui, quel que soit leur niveau seront toujours en tête) est la lourdeur administrative.
Je pense également que tes oppositions de style ne sont pas bonnes : le communisme et le libéralisme ne sont pas mutuellement exclusifs, sinon, comment expliquer ce qui se passe en Chine actuellement (bon, je reconnais que la catégorisation est un exercice de style qui permet de simplifier l'analyse :P) ?
Pour finir, tu sembles considérer que la France a un "retard" en termes de libéralisme et que là est le centre de tous ses maux (ou la plupart…). Pourtant, parmi les pays qui ont "réussi", les exemples où le libéralisme existe vraiment sont … ?
PS : fait des articles plus concis et simples parce que là, il y a 10.000 sujets à discuter rien que dans celui-là…^^
@ Nicolas_J : et bien on est d'accord sur presque tout, alors ? Simplement, rien ne sert de caricaturer : ça emmène la discussion sur le terrain des parti-pris systématiques, et des convictions assénées. Mieux vaut discuter raisonnablement. Et si on est d'accord sur tout, je trouve ton billet intriguant : "Je suis anti-libéral" sonne comme un démenti à ton commentaire.
@ Anne, merci pour ce billet/commentaire. Je suis d'accord avec tout ce que tu y dis. Et surtout sur la conclusion : le libéralisme, en France, me semble synonyme de pragmatisme, bien souvent. Et complètement en accord avec nos valeurs de solidarité.
@ Alakhnor : désolé de faire un article volontairement un peu "simpliste", mais expliquer sa position politique implique tout de même de donner un peu sa vision des choses. Je ne prétends pas être exhaustif. En ce qui concerne le libéralisme, et les pays qui ont réussi à l'adapter à leur propre culture politique et sociale, on pourrait citer les USA, la GB, les pays nordiques dans une moindre mesure, le portugal et l'espagne, l'Irlande…en veux-tu d'autres ?
à mon sens, il ne s'agit pas de savoir où le libéralisme existe "vraiment", mais plutôt d'identifier les politiques d'inspiration libérales qui ont porté leur fruit.
à bientôt, et merci à tous pour vos commentaires !
(on ne parle que de libéralisme économique oui ?)
Euh, les pays nordiques ? tu parles du socialisme suédois ou du protectionnisme norvégien ?
Les Etats-Unis, comme exemple de pays libéral, on fait mieux, ils sont libéraux quand ça les arrange (pour e système de santé par exemple).
L'Irlande n'est pas non plus un bon exemple. La croissance était en grande partie dûe à une injection importante de subventions à tous les niveaux (sauf celui du système de santé qui est une catastrophe).
Pour le Portugal et l'Espagne, je pense qu'ils sont aussi libéraux que nous. Mais la dynamique de pays qui ont reconstruit au sortir d'une dictature n'est pas la même.
Reste l'Angleterre. Mais bon, je n'irais pas vivre là-bas, c'est plein d'anglais. :D
Salut,
tu vois, c'est exactement ce que je disais en conclusion : tu dis "les USA sont libéraux quand ça les arrange". Et bien je pense que c'est ce que nous devrions faire. Si nous pouvons améliorer les choses dans certains secteurs en étant plus libéraux, soyons libéraux.
Par ailleurs, dire que les USA ne sont pas libéraux est une absurdité. C'est Reagan qui a dit "L'Etat n'est pas la solution, c'est le problème". Si ce n'est pas un phrase de libéral, je me demande ce que c'est !
à bientôt !
Entre les mots et la réalité, il y a souvent un goufre ^^
Avoir un propos libéral ne veut pas dire qu'on l'est. Et je maintien, ils sont libéraux quand ça les arrange.
Par ailleurs, je serai le dernier à mettre les Etats-Unis en modèle de société. Le premier qui me parle d'exemple américain, je sors mes colts ! :)
Cela dit, je suis également pour déréglementé dans certains domaines, en tout cas, allégé la réglementation qui à force de s'empiler en devient absurde.*
Mais bon, manifestement, ce n'est pas le chemin pris par le gouvernement actuel qui a plutôt l'air de poursuivre la longue tradition française légiférante…
Zut, on peut plus corriger ses photes d'orthographes…
salut alakhnor,
merci pour tes commentaires…
je précise que je me sens pragmatique avant tout, également. Simplement, je ne comprends pas qu'autant de gens fuient la pensée libérale, qui est pourtant une pensée anti-totalitaire, et centrée sur la liberté individuelle, alors même qu'ils sont prêt à acceuillir à bras ouvert des discours proches du communisme, qui a pourtant montré toute sa nocivité !
Pour ce qui de l'exemple US, il y a des domaines où ils sont un exemple, et d'autres non. C'est ça le pragmatisme, pas besoin de sortir tes colts ! ;)