Portables et santé : pas de risques significatifs

Vous vous rappelez de nos discussions de l’autre jour à  propos des dangers pour la santé des téléphones portables ? L’Académie nationale de médecine a publié le 17 juin dernier un communiqué pour réagir à  l’appel à  la précaution des cancérologues. Son contenu : pas de risques significatifs connus, et affirmation que « la médecine n’est ni de la publicité ni du marketing, et qu’il ne peut y avoir de médecine moderne que fondée sur les faits. Inquiéter l’opinion dans un tel contexte relève de la démagogie mais en aucun cas d’une démarche scientifique. ». Pan.

Etude Interphone : résultats rassurants

L’académie nationale de médecine commence par rappeler dans son communiqué les résultats partiels de l’étude Interphone (conduite dans 13 pays, et qui aura une puissance statistique importante puisqu’elle repose sur 6.600 cas de tumeurs (2.700 gliomes, 2.400 méningiomes, 1.100 neurinomes de l’acoustique et 400 tumeurs de la parotide). Ils sont sans équivoques :

L’étude Interphone France n’a pas montré d’excès de risque statistiquement significatif et ses auteurs ne font que suggérer la possibilité d’un risque pour des utilisations de 10 ans ou plus.
Ces résultats doivent être consolidés par le regroupement de toutes les études partielles, mais Interphone n’échappe pas à  de sérieuses réserves méthodologiques : les expositions des cas et des témoins ont été estimées à  partir d’interrogatoires sources d’incertitudes (non prises en compte dans les analyses statistiques) et de biais possibles d’anamnèse ** Par exemple, dans Epidémiologie, de Pierre Czernichow, Jacques Chaperon, Xavier Le Coutour, p. 264 : « Un biais de mesure fréquent est la recherche souvent plus attentive des faits passés chez les cas, dont la maladie les conduits à  rechercher une cause possible : c’est le biais d’anamnèse (biais de mémoire, ou de « rumination »). » (pratiquement impossibles à  corriger) ; les multiples tests statistiques devraient se fonder sur des techniques statistiques adéquates (pour ne pas augmenter le risque de résultat positif par simple hasard), ce qui n’est pas le cas.

Et le communiqué revient ensuite sur l’article de Servan-Schreiber et des cancérologues, avant de donner ses propres recommandations.

Position de l’académie nationale de médecine

L’Académie de médecine rappelle :

  • que la médecine n’est ni de la publicité ni du marketing, et qu’il ne peut y avoir de médecine moderne que fondée sur les faits. Inquiéter l’opinion dans un tel contexte relève de la démagogie mais en aucun cas d’une démarche scientifique. On ne peut pas raisonnablement affirmer qu’ »un risque existe qu’il favorise l’apparition de cancers en cas d’exposition à  long terme » et, en même temps, qu’ »il n’y a pas de preuve formelle de la nocivité du portable » ;
  • que le principe de précaution ne saurait se transformer en machine alarmiste, surtout quand plusieurs milliards de portables sont utilisés dans le monde sans conséquences sanitaires apparentes depuis 15 ans.

L’Académie de médecine recommande :

  • d’évaluer sérieusement les risques régulièrement évoqués, en privilégiant dans chaque cas une grande étude inattaquable sur sa méthodologie (ce qui n’est le cas ni d’Interphone ni du grand nombre d’études sur le même sujet qui l’ont précédée), plutôt que de nombreuses études de moindre envergure dotées de moyens et d’une puissance statistique insuffisants ;
  • de privilégier les études de cohorte ** Etudes de cohorte :
    sélection des sujets réalisée en fonction de l’exposition et non pas de l’issue. Il s’agit d’études d’observation, le plus souvent prospectives, dans laquelle un groupe de sujets exposés (à  des facteurs de risque d’une maladie ou à  un traitement particulier) est suivi pendant une période déterminée et comparé à  un groupe contrôle non exposé.
    qui permettent une estimation beaucoup plus fiable des expositions et évitent les biais d’anamnèse entre les cas et les témoins ;
  • de mettre systématiquement à  la disposition de la communauté scientifique les données de base des études épidémiologiques, après un délai raisonnable pour ne pas priver ses auteurs de la priorité de leurs publications, afin de pouvoir faire l’analyse pertinente de leur fiabilité.

Que rajouter à  tout cela ? ça m’a fait chaud au coeur de voir que l’esprit scientifique, d’analyse et de scepticisme, n’est pas mort.


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Commentaires

  1. […] méritent, à  mon sens, qu’on les fasse circuler. Il faut préciser que c’est la deuxième fois en moins d’un an que l’Académie Nationale de Médecine communique sur ce sujet pour […]

  2. […] avéré, par aucune macro-étude sérieuse. C’est ce qu’a expliqué, à  plusieurs reprises, l’Académie de Médecine : L’étude Interphone France n’a pas montré d’excès de […]

  3. […] pas s’étonner qu’on parle d’interdire les portables dans les écoles primaires ! Pour quelle raison ? Ces ondes néfastes deviendraient-elles inoffensives à  partir de la 6ème […]

  4. […] plus que la raison, et à  adopter une utilisation dogmatique du principe de précaution. Sur les dangers du portable, sur les OGM, sur le réchauffement climatique, on retrouve les mêmes […]

  5. Avatar de Mutuelle santé

    On a pas assez de recul pour faire une analyse réellment crédible. dans une dizaine d’années, on y verra plus clair.
    En attendant, mieux vaut limiter l’utilisation du portable.

  6. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Pourquoi, si l’on ne peut pas analyser réellement, vaut-il mieux limiter l’utilisation du portable ?

  7. Avatar de Mutuelle santé

    Le bon vieil adage « dans le doute, abstiens toi » :)

  8. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    C’est amusant cette manière de toujours s’accrocher au principe de précaution, mais en l’utilisant mal…
    Si ceux qui doutaient s’abstenaient, il n’y aurait probablement pas de portable, ni d’ordinateurs. Par ailleurs, rétablissons l’ordre des choses. Des personnes ont inventés les téléphones portables, et bien entendu de nombreux tests ont été faits pour vérifier l’impact sur le corps humain. Aucun de ces tests n’a permis de conclure à  une quelconque nocivité.
    Donc l’adage, selon moi s’interprète différemment.
    Certaines personnes veulent faire croire, sans l’ombre d’une preuve, que les portables sont dangereux. Comme ils n’apportent pas de preuve, je m’en tiens au bon vieil adage « dans le doute, abstiens-toi ». Aussi je m’abstiens de prendre en compte ce qu’ils me disent, et je continue à  considérer que les nombreux tests réalisés ainsi que les macro-études montrent ce qu’ils montrent : à  savoir qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur.

  9. Avatar de Gérard Manvussat
    Gérard Manvussat

    A tout hasard, comment procéder à  une étude de cohorte quand, de fait (accompli), 95% de la population (je n’ai pas le chiffre exact sous la main mais ça doit être très proche, et le « taux de pénétration » — formule à´ combien pertinente ! — augmente encore) possède et utilise ledit facteur de risque, et ce bien souvent d’une façon absolument impérieuse (que l’on aurait systématiquement qualifiée d’addiction ou de trouble obsessionnel compulsif selon les normes psychopathologiques d’il y a une quinzaine d’années, bizarrement très élastiques lorsqu’il s’agit d’innovations très lucratives) ? Pour le reste, le débat est stérile tant les avis sont tranchés de part et d’autre, et sachant qu’aucune réponse définitive ne peut être apportée en l’état actuel des connaissances, aussi je me bornerai à  rappeler que la nocivité du tabac, de l’amiante, ou encore de l’alimentation du bétail par des farines animales (trois exemples parmi bien d’autres) n’ont été reconnues que très tardivement, ont fait et font encore beaucoup de dégà¢ts… Ce qui est consternant, à  chaque fois, c’est de constater que l’on met des populations devant le fait accompli, que l’on réalise en quelque sorte des expériences grandeur nature, que l’on s’empresse de commercialiser massivement en faisant primer le profit sur le bien public. Je suggérerai aussi que désormais la plupart des compagnies d’assurance (pas folles… et a priori mieux informées que le quidam de l’un ou l’autre bord) refusent de prendre en charge les éventuels effets nocifs qui pourraient à  l’avenir être imputés à  l’utilisation de la technologie GSM.

    Par ailleurs, remarque d’ordre sémantique : ça me gonfle prodigieusement quand je lis ou entends « portable », sans qu’il soit fait référence à  l’objet particulier qui est ainsi résumé à  sa portabilité, sachant qu’une multitude d’appareils peuvent être « portables » — précisément, la dissémination du téléphone mobile a été si foudroyante et massive qu’elle a contaminé jusqu’aux mots qui y font référence.

    De la même manière que dans « Votre mail ne sera jamais publie » (ci-dessus tandis que j’écris ce message), il est absurde d’employer le mot « mail » (mot anglais dont la traduction en français est « courrier ») pour désigner, en français, un « courrier électronique »…

  10. Avatar de BLOmiG
    BLOmiG

    Bonjour monsieur le donneur de leçon.

    La définition d’une étude de cohorte donnée dans l’article (note n2) ne semble pas contradictoire avec votre objection (consistant à  dire que 95% de la population utilise un téléphone portable) : il suffit de faire une étude en prenant des sujets utilisant plus de X heures par jour leurs portables, et un autre groupe de sujets qui n’utilise pas ou très peu de téléphone portable. O๠est le problème ?

    Qui est ce « on » dont vous truffez vos phrases ?

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