Immigration

Immigration, sujet tabou ?

Au moment où le politiquement correct tente de museler l’Incorrect, à  l’heure où, pourtant, les violences ethniques font ressurgir la réalité des problèmes liés à  l’immigration, il est légitime d’aborder ce thème si « sulfureux ». Même, et surtout, si les gouvernants pratiquent l’a-plat-ventrisme pour tenter de calmer les racailles, en oubliant complètement leur rôle, et toute dignité.

Pas pour tout le monde, heureusement

Fort heureusement, le sujet n’est pas tabou pour tout le monde. Je vous invite, sur ce sujet, à  bien sûr acheter le dernier numéro de l’Incorrect, et à  aller lire la remarquable conférence donnée par Pierre Brochand (haut fonctionnaire, ancien patron de la DGSE), à  l’invitation de la Fondation Res Publica de J.P. Chevènement : « Pour une véritable politique de l’immigration« .

Pour Pierre Brochand, l’immigration est LE sujet politique (je suis tout à  fait d’accord avec lui) :

Tout simplement — autant mettre d’emblée les points sur les i — parce que je considère, en mon âme et conscience (et en espérant me tromper), que, de tous les énormes défis que doit affronter notre pays, l’immigration, telle qu’on l’a laissée se développer depuis près de 50 ans, est le plus redoutable. Pourquoi le plus redoutable ? Parce qu’il est le seul, à  mes yeux, susceptible de mettre directement en cause la paix civile, dans une société non seulement fragile mais volontairement aveugle à  ce danger. De sorte que, pour moi, une véritable politique de l’immigration est, d’une certaine manière, un préalable à  toutes les autres et que, faute d’en vouloir une, nous allons au-devant de grandes infortunes et de terribles déconvenues. (…) Je ne suis pas davantage un sociologue, un anthropologue, un démographe, un historien, un philosophe ou un économiste de métier. Seulement un citoyen inquiet, qui tire cette inquiétude de l’expérience d’une vie. J’ai servi l’État, dans sa dimension extérieure, pendant 45 ans. Durant ce demi-siècle, je me suis mis, avec dévouement et De tous les énormes défis que doit affronter notre pays, l’immigration, telle qu’on l’a laissée se développer depuis près de 50 ans, est le plus redoutable. Pourquoi le plus redoutable ? Parce qu’il est le seul, à  mes yeux, susceptible de mettre directement en cause la paix civile, dans une société non seulement fragile mais volontairement aveugle à  ce danger.conviction, au service de l’intérêt national, à  une époque où il était difficile de le distinguer de ce qu’il est désormais inconvenant de nommer, la préférence nationale. À cette école, j’ai vite compris que, par-delà  les discours, personne en ce monde ne faisait de cadeaux à  personne et que, si nous ne prenions pas en charge nos intérêts vitaux, nul ne le ferait à  notre place. Tout au long de ce parcours — coopérant en Afrique, boursier aux États-Unis, diplomate sur trois continents, responsable d’un Service de renseignement et même comme époux —, j’ai fréquenté infiniment plus d’étrangers que de Français. À l’occasion de ces milliers de relations de toutes natures, je n’ai eu d’autre objectif que d’entrer en empathie avec l’Autre, cet être énigmatique, qui n’est notre semblable que jusqu’au moment où il ne l’est plus. À son contact j’ai pu vérifier la pertinence de lieux autrefois communs : à  savoir que, si le biologique nous rassemble, le culturel interpose entre nous une distance variable, et parfois insurmontable. Il m’a aussi permis des observations que je ne saurais rapporter sans frissons, par exemple que rien n’est plus universel que la xénophobie et que les configurations « multi » (culturelles, nationales, ethniques) sont le plus souvent vouées au déchirement. Et j’ai même constaté, « horresco referens », que les « minorités » pouvaient être violentes et les « victimes » avoir tort. Par ailleurs, il m’est arrivé de pratiquer un métier — le renseignement —, qui est l’un des derniers où l’on est obligé d’appeler un chat un chat, où il est interdit — littéralement sous peine de mort — de prendre ses désirs pour des réalités, et où la compassion reste une vertu mais certainement pas une priorité.

Il n’est pas possible de résumer une conférence aussi dense en quelques lignes, mais sachez que vous y trouverez à  la fois une vision ample de la problématique, des constats très clairs sur la réalité des problèmes posés par le phénomène de l’immigration, et des mesures concrètes pour agir. Pour vous en donner un aperçu quand même, je partage deux thèses qui sous-tendent son propos (de manière très explicite). Les cultures différentes, ça existe – première thèse -, et – deuxième thèse – conséquence de la première, abandonner l’échelon de l’Etat Nation au profit d’une civilisation mondiale prétendument unie ou même possible, c’est une folie. Ces deux thèses me semblent difficilement contestables.

La distance culturelle ça existe

A la suite de Braudel, Huntington, ou encore Levi-Strauss, Pierre Brochand rappelle cette évidence : les cultures différentes, ça existe, et la distance culturelle aussi. Les civilisations, par ailleurs, regroupent des cultures qui sont, entre elles, moins éloignées que des autres appartenant à  un autre groupe civilisationnel. La coexistence entre cultures différentes, a fortiori provenant de civilisation différente est complexe, comme le rappelait Levi-Strauss (dans sa conférence Race & Culture, donné à  l’Unesco en 1971):

Je m’insurge contre l’abus de langage par lequel, de plus en plus, on en vient à  confondre le racisme et des attitudes normales, légitimes même, en tout cas inévitables. Le racisme est une doctrine qui prétend voir dans les caractères intellectuels et moraux attribués à  un ensemble d’individus l’effet nécessaire d’un commun patrimoine génétique. On ne saurait ranger sous la même rubrique, ou imputer automatiquement au même préjugé l’attitude d’individus ou de groupes que leur fidélité à  certaines valeurs rend partiellement ou totalement insensibles à  d’autres valeurs. Il n’est nullement coupable de placer une manière de vivre et de la penser au-dessus de toutes les autres et d’éprouver peu d’attirance envers tels ou tels dont le genre de vie, respectable en lui-même, s’éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. Cette incommunicabilité relative peut même représenter le prix à  payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent, et trouvent dans leur propre fonds les ressources nécessaires à  leur renouvellement. Si comme je l’ai écrit ailleurs, il existe entre les sociétés humaines un certain optimum de diversité au-delà  duquel elles ne sauraient aller, mais en dessous duquel elles ne peuvent non plus descendre sans danger, on doit reconnaître que cette diversité résulte pour une grande part du désir de chaque culture de s’opposer à  celles qui l’environnent, de se distinguer d’elles, en un mot d’être soi : elles ne s’ignorent pas, s’empruntent à  l’occasion, mais pour ne pas périr, il faut que, sous d’autres rapports persiste entre elles une certaine imperméabilité.

Accepter une immigration extra-européenne, extra-occidentale, de masse, en pensant que cela ne posera aucun problème, c’est simplement idiot.

La société mondiale ne peut se passer des Etats Nations

Pierre Brochand livre ensuite un cadre intéressant d’analyse : la confrontation d’une Histoire Evolution et d’une histoire Evènement.

Le tissu de l’Histoire est fait d’une double trame : « l’histoire de l’espèce », que j’appellerai Histoire Évolution, et « les histoires dans l’espèce », que je dénommerai Histoire Événement. L’histoire Evolution : l’auto-détermination linéaire et les trois strates. L’Histoire de l’espèce est linéaire et irréversible, car son moteur est la connaissance cumulative qui, en tant que régime de vérité validé par l’efficacité de la technique, se diffuse tôt ou tard à  l’ensemble de la planète. (…) L’Histoire Événement : le bruit et la fureur de la lutte cyclique pour le pouvoir. (…) En d’autres termes, donc, avec l’Histoire Événement, c’est le Réel sous ces deux aspects — « formes » archaïques et « contenus » séculaires — qui se rebelle contre l’Histoire Évolution, la machine qui travaille sans relâche à  sa disparition.

Il distingue 3 strates dans l’Histoire Evolution, qui co-existent toujours :

  • S1 : les communautés naturelles, prémodernes, pré-politiques, hétérodéterminées,
  • S2 : l’État national moderne, berceau du politique, fruit de l’auto-détermination collective,
  • S3 : la Société des individus, hypermoderne, post-politique, issue de l’auto-détermination individuelle.

L’histoire Evènement ramène toujours les strates S1, et S2, dans les pattes de S3. Et le Réel :

En simplifiant, ces rétroactions de base — la revanche du Réel, les « éléphants dans le magasin de porcelaine » — sont au nombre de quatre. On peut les appeler les « quatre R » : le Rebond R 1, la Rente R 2, le Refus R 3, le Rejet R 4. Les deux premières — le Rebond économique sino-asiatique et la Rente, légale (notamment pétrolière et gazière) ou illégale, prélevée sur les flux — ne remettent pas en cause les principaux paramètres de la Globalisation, telle qu’imposée par l’Occident : elles contestent son unilatéralisme et visent à  une redistribution des revenus, et donc des pouvoirs, à  l’intérieur du processus. Les deux autres — le Refus (dont le porte-drapeau est l’Islam) et le Rejet (qu’exhalent les trous noirs creusés par les États les plus faillis) — remettent en question non seulement l’unilatéralisme occidental, mais aussi les fondements mêmes de la Globalisation, en raison d’écarts culturels insurmontables. Il va de soi que ces rétroactions se combinent pour former des variantes composites, l’une des plus congruentes avec notre sujet étant celle qui associe la Rente pétrolière au Refus musulman, pour favoriser l’expansion mondiale de l’islamisme, à  travers, notamment, les diasporas, dont je parlerai plus tard. En outre, ces quatre rétroactions, si différentes, se nourrissent d’un sentiment commun, le Ressentiment, qu’on pourrait dénommer R 5, né de cinq siècles de Colonisation directe ou indirecte. C’est pourquoi la Globalisation, en créant les conditions de sa propre contestation, marque, à  la fois, l’apogée et le commencement du déclin relatif de l’Occident, qui, l’ayant suscitée, va perdre, de son fait, sa suprématie absolue. C’est ainsi que notre planète change de visage. L’ordre occidental, après avoir bataillé pour imposer à  tous la même logique « progressiste » et « fonctionnelle » de l’Histoire Évolution, cède la place à  un multidésordre, « régressiste » et « dysfonctionnel », où l’Histoire Événement reprend la main, sans autre programme que la lutte pour un pouvoir remis en jeu.

Le cadre d’analyse est puissant, et utile pour penser le réel. Brochand détaille également les différentes vagues d’immigration, et les impacts qu’elles sont eues sur la société française. Pour la plupart négatifs, et souvent occultés par le politiquement correct et l’idéologie : manipulation, brouillage des faits, non-évaluation, voire mensonges. La population le sait bien, et il y a probablement là  une des puissantes raisons de la perte de confiance populaire dans les Elites.

3 stratégies et des mesures concrètes

En fin de conférence, on découvre les trois stratégies posées par l’auteur, qu’il pose pour détailler ensuite des mesures très concrètes et précises. Je lui laisse le mot de la fin : ceux que ces mesures intéressent iront lire cette admirable et indispensable conférence.
Face à  ce bilan, à  mon avis peu glorieux, trois options restent ouvertes : 1) Poursuivre dans la voie du « panglossisme » : soit le choix de la théorisation de l’impuissance, dissimulée par un voile d’optimisme, choix le plus facile dans la mesure où il vaut à  ses tenants applaudissements et reconnaissance sociale, dusse la société en payer un jour le prix (stratégie du « wishful thinking »). 2) Estimer que la Globalisation est un bloc, une force irrésistible, dont l’immigration par le droit est une dimension, certes problématique, mais incontournable, dont il faut s’accommoder au mieux, en bricolant au jour le jour pour en limiter les dégâts et notamment en jetant de l’argent pas les fenêtres (stratégie du « damage control »). 3) Juger que le processus d’immigration incontrôlée peut très mal finir et que cette perspective exige impérativement de changer de cap. Ce qui suppose de tenir la Globalisation pour un ensemble sécable, au sein duquel les flux humains peuvent et doivent faire l’objet d’un traitement à  part des autres facteurs de production, en raison de leur impact direct sur la coopération sociale et, in fine, la paix civile (stratégie du « contre-courant »). On aura sans doute deviné que cette dernière option est la mienne, même si je n’exclus pas la deuxième comme une position de repli résigné, en cas d’impossibilité avérée de l’appliquer. À mes yeux, on PEUT et on DOIT FAIRE, comme nous le montrent certains pays qui ne sont pas tous des parias, à  commencer par le Danemark ou les pays d’Europe centrale et orientale, que je connais bien pour y avoir été en poste et qu’il serait aussi présomptueux qu’insultant de tenir pour moins « européens » que nous. Mais pour sortir des faux-semblants qui nous paralysent, et notamment le parallélisme mensonger qui voudrait que toute politique migratoire restrictive et sélective soit le signe d’un nazisme renaissant, il faudrait que les « dirigeants » (avec guillemets) que nous avons sous la main redeviennent, au moins sur ce plan, des dirigeants (sans guillemets), c.-à -d. n’hésitant pas à  rembobiner le film jusqu’aux années 70 et 80, quand leurs prédécesseurs ont jeté l’éponge du politique avec l’eau du bain de l’État national. Autrement dit aient le courage surhumain de prendre le contre-pied, au moins sur ce terrain de l’immigration, du credo autour duquel est structurée la Société des individus, pour renouer avec ces privilèges spécifiques du politique que sont la capacité de « dire non » et de prendre des décisions osant contrarier la norme, tout en cessant de raisonner comme si les marges étaient centrales. Je ne crois guère à  cette rédemption, dans la mesure où même des catastrophes, comme les émeutes de 2005, ou des cataclysmes, comme les attentats de masse, ne sont pas parvenus à  la susciter. Mais rien ne m’interdit de rêver à  tout ce qui pourrait et devrait être fait pour corriger une trajectoire, que je considère — personne ne peut m’en empêcher — comme périlleuse pour l’avenir de mon pays.


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