Jour : 3 juillet 2024

  • Les 6 blocs, et la honte

    Les 6 blocs, et la honte

    La rhétorique électorale actuelle, facilitée par les « alliances » et adoptée par tous (car permettant de densifier la nature conflictuelle des enjeux), en présentant trois grandes forces en présence (Union de la Gauche, Ensemble, et Rassemblement National & alliés) nous fait encore et toujours manquer une partie de la réalité (sujet déjà abordé dans déni des centres). Il n’y a pas trois blocs, mais bien 6 (dont certains presque vides), qu’il est utile de considérer et de distinguer, malgré les alliances.

    Les 6 blocs

    Commençons par nous entendre : je garde le terme « extrême » pour désigner des mouvances politiques violentes, anti-parlementaristes (ne respectant les urnes que si elles leur sont favorables), et véhiculant des idées intolérantes à l’égard de certaines catégories de citoyens, sur la base non de leurs actes mais de leur appartenance à un groupe social, culturel ou ethnique.

    • L’extrême-gauche : LFI, associés aux islamistes et autres nervis antifas. Ce qu’on pourrait appeler l’islamo-gauchisme. Violence assumée, appel à ne pas suivre les résultats si le RN passe, antisémitisme à peine caché, voire assumé. Le PS, en rejoignant l’Union des gauches, tend donc la main à cette extrême-gauche. Du fait de cette alliance, endroit très hétérogène du champ politique
    • la gauche: La partie du PS qui refuse l’alliance avec les extrémistes de gauche. Ensemble presque vide, puisque visiblement ils vont presque tous soutenir l’UG. Probablement pas au niveau des électeurs.
    • le centre gauche : La Macronie, pour faire vite, et une partie du PS, avec quelques porosités avec le centre-droit. Appelé « extrême-centre » par certains car ils ont démontré (pas plus pas moins que les autres à vrai dire) leur attachement à géométrie variable, tout relatif, au respect des libertés, au respect de la souveraineté française vis-à-vis des institutions UE. Fond culturel socialiste & constructiviste, mondialiste, libéral économiquement par nécessité. Extrême-centre aussi parce que très visiblement plus intéressé par la conservation du pouvoir coûte que coûte (soutien à ceux qu’ils traitaient d’antisémite une semaine plus tôt), que la défense des intérêts des français.
    • le centre droit : les LR compatibles avec Macron, pour faire vite à nouveau. Même fond culturel, avec un nuance plus à droite sur les questions de société (il faut le dire vite, quand on regarde Pécresse ou Dati, ou Bertrand).
    • la droite : le RN & les LR canal RPR (même si le RN est plutôt plus socialiste sur le plan économique). Du fait de ce mélange des genres (LR plus libéral, type Bellamy & Lisnard, et RN plus à gauche), à nouveau pôle très hétérogène. La grande majorité des électeurs.
    • l’extrême-droite : il n’y pas d’extrême-droite en France en 2024. Au sens défini plus haut. Les récits en boucle des journalistes et du pouvoir pour effrayer le bon peuple n’y changent rien : le RN n’appelle pas à la violence (contrairement aux extrémistes de gauche), respecte le choix des électeurs et des urnes, condamne toutes les formes d’antisémitisme ou de racisme.

    Il ne faut pas oublier toute la clique des non-alliés/affiliés de droite et de gauche (souverainistes pro-frexit, divers droites, divers gauches, etc.) : cela représente quand même plus de 12% des votes exprimés au premier tour. Il est possible qu’ils jouent un rôle non-négligeable dans plusieurs triangulaires, mais je n’ai pas le temps d’aller regarder ça en détail.

    La honte

    Nous nous acheminons donc, sauf très grande surprise, vers une « victoire » de la Gauche élargie (de l’extrême jusqu’au centre), réussissant à ne donner au RN qu’une majorité relative. Je mets « victoire » avec des guillements, car c’est une défaite morale impardonnable pour le PS & la Macronie : soutenir l’extrême-gauche pour s’agripper à leur pouvoir, nier l’évidente tendance de la volonté populaire (regarder la carte des votes aux européennes), user de tous les mensonges éculés, rejouer pour la centième fois le « théâtre antifasciste » ; tout cela est proprement honteux. C’est une trahison du peuple, et des actes qui poussent encore un peu plus la population vers la guerre civile. Ils agitent des peurs et des menaces dont ils sont, de fait, les principaux artisans. Honte à la gauche et au centre-gauche. Honte aussi aux LR incapables de suivre Ciotti dans sa démarche courageuse d’union des droites.

  • L’action humaine

    L’action humaine

    On devrait toujours relire les excellents ouvrages : c’est bien d’ailleurs ce que désigne l’expression « livre de chevet ». C’est ce que je suis en train de faire avec deux d’entre eux en ce moment, dont l’extraordinaire « L’action humaine », de Ludwig Von Mises11. Lien wikipedia : faites attention à la qualité des informations que vous pouvez y trouver, notamment celles ayant des résonnances politiques.. Il est extraordinaire tant par l’ampleur du propos (fonder la science économique / praxéologie, ou science de l’action humaine), que par le style incroyablement clair, synthétique tout en étant d’une grande précision conceptuelle. C’est la deuxième fois que je le lis, et je suis déjà à peu près sûr que je le relirai un jour (j’en avais déjà parlé ici : Pas d’excuses : deux grands livres gratuits)
    Mon propos ici n’est pas de vous en donner une synthèse, mais plutôt de vous demander de me faire aveuglement confiance : achetez le livre, ou téléchargez-le, lisez les 50 ou 100 premières pages et dites moi si vous pouvez arrêter la lecture. Sachez simplement qu’il y est question de l’action humaine, et de la science qui étudie cette action. Von Mises pose au début du livre les bases épistémologiques et conceptuelles permettant de distinguer la praxéologie des autres sciences (sciences naturelles, psychologie, histoire). C’est-à-dire qu’il précise des éléments de méthode et des caractéristiques propres à l’économie ou praxéologie. Individualisme méthodologique, caractère formel et aprioriste, notions de valeur, de catallaxie (notion reprise par son élève Hayek). C’est absolument passionnant.
    Pour donner une idée de son style, je recopie ici un long passage où il explique le caractère aprioristique de la praxéologie.
    Les relations logiques fondamentales ne sont pas susceptibles de preuve ou de réfutation. Tout essai pour les prouver doit s’appuyer implicitement sur leur validité. Il est impossible de les expliquer à un être qui ne les posséderait pas pour son propre compte. Les efforts pour les définir en se conformant aux règles de définition ne peuvent qu’échouer. Ce sont des propositions premières, antécédentes à toute définition nominale ou réelle. Ce sont des catégories ultimes, non analysables. L’esprit humain est totalement incapable d’imaginer des catégories logiques autres que celles-là. Sous quelque forme qu’elles puissent apparaître à d’hypothétiques êtres surhumains, elles sont pour l’homme inéluctables et absolument nécessaires. Elles sont la condition première et indispensable de la perception, de l’aperception, et de l’expérience. (…)
    L’esprit humain n’est pas une table rase sur laquelle les événements extérieurs écrivent leur propre histoire. Il est équipé d’un jeu d’outils pour saisir la réalité. L’homme a acquis ces outils, c’est-à-dire la structure logique de son esprit, au cours de son évolution depuis l’amibe jusqu’à son état actuel. Mais ces outils sont logiquement antérieurs à toute expérience quelconque. L’homme n’est pas simplement un animal, entièrement soumis aux stimuli déterminant inéluctablement les circonstances de sa vie. Il est aussi un être qui agit. Et la catégorie de l’agir est logiquement antécédente à tout acte concret.
    Le fait que l’homme n’ait pas le pouvoir créateur d’imaginer des catégories en désaccord avec les relations logiques fondamentales et avec les principes de causalité et de téléologie nous impose ce que l’on peut appeler l’apriorisme méthodologique.
    Tout un chacun dans sa conduite quotidienne porte témoignage sans cesse de l’immutabilité et de l’universalité des catégories de pensée et d’action. Celui qui adresse la parole à ses semblables, qui désire les informer et les convaincre, qui interroge et répond aux questions d’autrui, peut se comporter de la sorte uniquement parce qu’il peut faire appel à quelque chose qui est commun à tous — à savoir la structure logique de l’esprit humain. L’idée que A puisse être en même temps non-A, ou que préférer A et B puisse être en même temps préférer B à A, est simplement inconcevable et absurde pour un esprit humain. Nous ne sommes pas en mesure de comprendre une sorte quelconque de pensée prélogique ou métalogique. Nous ne pouvons penser un monde sans causalité ni téléologie. Il n’importe pas à l’homme qu’il y ait ou non, au-delà de la sphère accessible à l’esprit humain, d’autres sphères où existe quelque chose qui diffère, par ses catégories, du penser et de l’agir humains. Nulle connaissance ne parvient de ces sphères à un esprit humain. Il est oiseux de demander si les choses-en-soi sont différentes de ce qu’elles nous apparaissent, et s’il y a des mondes que nous ne pouvons comprendre et des idées que nous ne pouvons saisir. Ce sont des problèmes hors du champ de la cognition humaine. Le savoir humain est conditionné par la structure de l’esprit humain. S’il choisit l’agir humain comme objet de ses études, il ne peut avoir en vue que les catégories de l’action qui sont propres à l’esprit humain et sont la projection de cet esprit sur le monde extérieur en changement et devenir. Tous les théorèmes de la praxéologie se réfèrent uniquement à ces catégories de l’action et sont valides seulement dans l’orbite où elles règnent. Ils ne prétendent fournir aucune information sur des mondes et des relations dont nul n’a jamais rêvé et que nul ne peut imaginer.
    (….)
    Le raisonnement aprioristique est purement conceptuel et déductif. Il ne peut rien produire d’autre que des tautologies et des jugements analytiques. Toutes ses implications sont logiquement dérivées des prémisses et y étaient déjà contenues. Donc, à en croire une objection populaire, il ne peut rien ajouter à notre savoir.
    (…)
    Tous les théorèmes géométriques sont déjà impliqués dans les axiomes. Le concept d’un triangle rectangle implique déjà le théorème de Pythagore. Ce théorème est une tautologie, sa déduction aboutit à un jugement analytique. Néanmoins, personne ne soutiendrait que la géométrie en général et le théorème de Pythagore en particulier n’élargissent nullement notre savoir. La connaissance tirée de raisonnements purement déductifs est elle aussi créatrice, et ouvre à notre esprit des sphères jusqu’alors inabordables. La fonction signifiante du raisonnement aprioristique est d’une part de mettre en relief tout ce qui est impliqué dans les catégories, les concepts et les prémisses ; d’autre part, de montrer ce qui n’y est pas impliqué. Sa vocation est de rendre manifeste et évident ce qui était caché et inconnu avant. Dans le concept de monnaie, tous les théorèmes de la théorie monétaire sont déjà impliqués. La théorie quantitative n’ajoute rien à notre savoir qui ne soit contenu virtuellement dans le concept de monnaie. Elle transforme, développe, ouvre à la vue ; elle ne fait qu’analyser et, par là, elle est tautologique comme l’est le théorème de Pythagore par rapport au concept de triangle rectangle. Néanmoins, personne ne dénierait sa valeur cognitive à la théorie quantitative. A un esprit qui n’est pas éclairé par le raisonnement économique, elle reste inconnue.

    Et vous, quels sont vos livres de chevet ? Ceux que vous avez déjà relu, et que probablement vous relirez encore ?