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  • L’affaire Alaska Sanders

    L’affaire Alaska Sanders

    J’avoue bien humblement que j’avais dévoré les deux premiers livres de Joël Dicker que j’avais lus : « La vérité sur l’affaire Harry Quebert » et « Le livre des Baltimore ». Et puis j’avais trouvé pénible « L’énigme de la chambre 622 ». Je viens de terminer « L’affaire Alaska Sanders », sans grand enthousiasme.

    Scénariste, plus que romancien

    En fait, Joël Dicker est un très bon artisan. Il sait faire des romans policiers, bien torchés, bien rythmé, et avec une savante construction de l’organisation des révélations pour tenir le lecteur en haleine. C’est efficace, mais redondant. Le coup d’esbroufe passé, on est bien obligé de se le dire : cette affaire Alaska Sanders, par exemple, est assez fastidieux. Les personnages ne sont pas très intéressants, ni toujours très travaillés. Le seul qui ait un peu de profondeur, le narrateur – Marcus Goldman, alias le reflet narcissique de Dicker – est une sorte d’écrivain enquêteur qui traîne son mal de vivre d’affaire en affaire. La seule relation qui tienne la route, c’est l’amitié de Marcus avec Harry Quebert. Quelques génuflexions au politiquement correct du moment par-ci (forcément il faut une histoire de lesbienne), quelques facilités d’écriture par-là , et on se retrouve avec un livre qui, certes, se lit bien, rapidement, mais n’offre sur le monde aucun regard particulier. Sans dire que Dicker est un imposteur, je crois qu’il serait peut-être temps qu’il cesse d’écrire le même roman, et trouve un filon pour une nouvelle inspiration littéraire… sauf s’il cherche juste à  rester un excellent scénariste pour le cinéma. Je salue ton talent, n’y trouve pas beaucoup de génie, mais il en faut pour tous les goûts.

  • Citation #147

    Cette belle formule souligne un aspect important du développement de la connaissance : pour apprendre, il faut être curieux. La curiosité, loin d’être un vilain défaut, est une qualité créative essentielle. Le regard porté sur le monde en étant curieux est plein de questions ouvertes, et s’appuie sur la fameuse capacité d’étonnement, dont Jeanne Hersch a fait la source et le moteur de toute philosophie. Sans étonnement, pas de questions. Sans questions, pas de réponses. Sans réponses, pas de connaissances.

    Toute connaissance est une réponse à  une question.

    Gaston Bachelard (1884 – 1962) philosophe français des sciences, de la poésie, de l’éducation et du temps.

  • Lettre à  un otage

    Lettre à  un otage

    C’est un curieux texte que ce petit livre d’Antoine de Saint-Exupéry, « Lettre à  un otage ». Initialement écrit comme une préface à  un ouvrage – un récit de l’exode intitulé « Trente-trois jours » – dont son ami Léon Werth lui avait confié le manuscrit, et qu’il avait emporté aux Etats-Unis, il ne sera finalement publié qu’en 1943, sans aucune référence directe à  celui-ci. Entre-temps, Léon Werth, dans le texte de Saint-Exupéry, s’est transformé en « un otage », symbole de tous les français vivant sous l’occupation. Il parle à  son ami, mais sans le mentionner, ce qui rend le message plus large tout en lui conservant une place centrale.
    Je n’aime pas trop les préfaces, mais celle de Françoise Gerbod dans mon édition Folio poche, est indispensable pour comprendre le texte. Elle donne l’éclairage personnel et historique indispensable pour en saisir la force, et l’émotion maîtrisée.

    Ambiance de guerre

    C’est un texte de guerre, d’exil, bien sûr. Beaucoup de passages sont magnifiques et résonnent étrangement avec notre époque – alors même que nous ne sommes pas en guerre – tant il y est question de la dignité de l’homme, de la vérité, et des conflits. L’évocation de la Lisbonne faisant mine de pouvoir continuer à  vivre joyeusement est magnifique et touchante et, particulièrement, m’a émue car elle décrit une constante universelle de l’humanité : même sans guerre directe, comment peut-on vivre joyeusement quand on connait les possibles périls ? Cette tristesse tragique exprimée par Saint-Exupéry me parait être une question qui sera toujours d’actualité. La tristesse est aussi celle que l’on peut ressentir lorsque la vérité s’efface, et que le respect de la dignité humaine est totalement nié. Je cite un passage que je trouve profond, et qui mériteraient de longue discussions…

    Respect de l’homme ! Respect de l’homme !… Là  est la pierre de touche ! Quand le nazisme respecte exclusivement qui lui ressemble, il ne respecte rien que soi-même. Il refuse les contradictions créatrices, ruine tout espoir d’ascension, et fonde pour mille ans, en place de l’homme, le robot d’une termitière. L’ordre pour l’ordre châtre l’homme de son pouvoir essentiel, qui est de transformer et le monde et soi-même. La vie crée l’ordre, mais l’ordre ne crée pas la vie. Il nous semble, à  nous, bien au contraire, que notre ascension n’est pas achevée, que la vérité de demain se nourrit de l’erreur d’hier, et que les contradictions à  surmonter sont le terreau même de notre croissance. Nous reconnaissons comme nôtres ceux mêmes qui diffèrent de nous. Mais quelle étrange parenté ! elle se fonde sur l’avenir, non sur le passé. Sur le but, non sur l’origine. Nous sommes l’une pour l’autre des pèlerins qui, le long de chemins divers, peinons vers le même rendez-vous. Mais voici qu’aujourd’hui le respect de l’homme, condition de notre ascension, est en péril. Les craquements du monde moderne nous ont engagés dans les ténèbres. Les problèmes sont incohérents, les solutions contradictoires. La vérité d’hier est morte, celle de demain est encore à  bâtir. Aucune synthèse valable n’est entrevue, et chacun d’entre nous ne détient qu’une parcelle de la vérité. Faute d’évidence qui les impose, les religions politiques font appel à  la violence. Et voici qu’à  nous diviser sur les méthodes, nous risquons de ne plus reconnaître que nous nous hâtons vers le même but.

    Soutien aux otages de France

    En guise d’incitation à  lire ce très beau petit livre, je recopie ici l’adresse finale à  son ami, et au peuple français.

    Si je combats encore je combattrai un peu pour toi. J’ai besoin de toi pour croire en l’avènement de ce sourire. J’ai besoin de t’aider à  vivre. Je te vois si faible, si menacé, traînant tes cinquante ans, des heures durant, pour subsiter un jour de plus, sur le trottoir de quelque épicerie pauvre, grelottant à  l’abri précaire d’un manteau râpé. Toi si Français, je te sens deux fois en péril de mort, parce que Français, et parce que juif. Je sens tout le prix d’une communauté qui n’autorise plus les litiges. Nous sommes tous de France comme d’un arbre, et je servirai ta vérité comme tu eusses servi la mienne. Pour nous, Français du dehors, il s’agit, dans cette guerre, de débloquer la provision de semences gelée par la neige de la présence allemande. Il s’agit de vous secourir, vous de là -bas. Il s’agit de vous faire libres dans la terre où vous avez le droit fondamental de développer vos racines. Vous êtes quarante millions d’otages. C’est toujours dans les caves de l’oppression que se préparent les vérités nouvelles : quarante millions d’otages méditent là -bas leur vérité neuve. Nous nous soumettons, par avance, à  cette vérité.
    Car c’est bien vous qui nous enseignerez. Ce n’est pas à  nous d’apporter la flamme spirituelle à  ceux qui la nourrissent déjà  de leur propre substance, comme d’une cire. Vous ne lirez peut-être guère nos livres. Vous n’écouterez peut-être pas nos discours. Nos idées, peut-être, les vomirez-vous. Nous ne fondons pas la France. Nous ne pouvons que la servir. Nous n’aurons aucun droit, quoi que nous ayons fait, à  aucune reconnaissance. Il n’est pas de commune mesure entre le combat libre et l’écrasement de la nuit. Il n’est pas de commune mesure entre le métier de soldat et le métier d’otage. Vous êtes les saints.
  • Romain Rolland

    Romain Rolland

    Zweig, un vieil ami

    J’ai découvert Stefan Zweig dans la bibliothèque de mes parents il y a longtemps, et j’avais dévoré un certain nombre de ses livres : Le joueur d’échecs, les nouvelles d’Amok, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme. Stefan Zweig a une plume incroyable. J’avais également lu, il y a quelques années, une de ses fantastiques biographies, Joseph Fouché. Et j’ai enfin commencé à  mettre le nez dans le recueil de biographies de Zweig qui m’avait été offert. J’ai commencé par celle de Romain Rolland, et je suis maintenant plongé dans celle de Marie-Antoinette. Mais je fais dès à  présent un billet pour vous recommander sans réserves ces biographies passionnantes, magnifiquement écrites.

    Rolland, maître et ami de Zweig

    La biographie de Romain Rolland est doublement particulière : elle a été écrite par Zweig du vivant de Rolland, et ils sont par ailleurs, après avoir été dans une relation de maître à  élève (Zweig a été son traducteur vers l’allemand et son promoteur), des amis proches et fidèles (près de 800 lettres entre les deux hommes ont été retrouvées!). Ce qui unit les deux hommes, et cela est palpable dans l’admiration que l’on sent dans prose de Zweig, c’est une même passion pour l’Europe, sa culture, et une forme de tolérance et d’amour entre les cultures européennes qui, si elle nous parait toute naturelle maintenant, était à  l’époque de Rolland et de Zweig, totalement à  l’opposé de l’opinion publique, biberonnée à  l’esprit de revanche et de guerre. Ils sont effondrés par les conflits larvés (puis ouverts) et l’esprit de leur époque. A lire Rolland, à  travers Zweig, véritables « consciences de l’Europe », on comprend à  quel point les hommes d’Etat, de tout temps, ont joué contre les peuples et les cultures européennes. Je ne suis pas sûr que ça soit terminé.

    De libres âmes, de fermes caractères, c’est ce dont le monde manque le plus aujourd’hui. Par tous les chemins divers : soumission cadavérique des Eglises, intolérance étouffante des patries, unitarisme abêtissant des socialismes, nous retournons à  la vie grégaire… L’humanité a besoin que ceux qui l’aiment lui tiennent tête et se révoltent contre elle, quand il le faut. Romain Rolland

    Tolstoï, maître spirituel

    Le livre trop riche pour être ne serait-ce que résumé brièvement. Mais un moment m’a particulièrement marqué dans cette biographie, que je dois vous partager. Tolstoï, écrivain reconnu et admiré (notamment par Rolland), publie une brochure « Que devons-nous faire?« , dans laquelle il détruit et balaye d’un geste une partie de ce que Rolland aime, notamment la musique de Beethoven, ou encore Shakespeare. Cela bouleverse Romain Rolland ; il adore la musique, condamnée par Tolstoï, « comme une séductrice sensuelle, comme un mauvais ange de l’âme ». Je laisse l’admirable Zweig nous raconter la suite.

    Il lui faut devenir infidèle soit à  l’artiste qu’il vénère, soit à  lui-même et à  l’art, à  l’homme ou à  l’idée qui lui sont les plus chers.
    Dans cette alternative, le jeune étudiant se décide à  faire quelque chose de tout à  fait insensé. Un jour, il envoie de sa petite mansarde, dans les lointains infinis de la Russie, une lettre à  Tolstoï ; il y dépeint son doute et les tourments de sa conscience. Il lui écrit de la même façon que les misérables s’adressent à  Dieu sans espérer le miracle d’une réponse, mais seulement par un ardent besoin de se confesser.
    Les semaines passent. Rolland a oublié depuis longtemps cette heure de folie. Mais un soir, en rentrant dans sa mansarde, il trouve sur sa table une lettre ou pour mieux dire un petit paquet. C’est la réponse de Tolstoï à  l’inconnu, une missive de trente-huit pages en français, toute une dissertation. Et cette lettre du 14 octobre 1887 (…) commence par ces paroles aimantes : « Cher frère ». Le cri de celui qui appelle à  l’aide a pénétré jusqu’au coeur du grand homme, qui exprime tout d’abord sa profonde émotion : « J’ai reçu votre première lettre. Elle m’a touchée le coeur. Je l’ai lue les larmes aux yeux. » Puis il essaie d’exposer à  l’inconnu ses idées sur l’art : l’art qui contribue à  unir les hommes a seul de la valeur ; le seul artiste qui compte est celui qui sacrifie quelque chose à  ses convictions ; la condition de toute vocation véritable n’est pas l’amour de l’art, mais l’amour de l’humanité ; quiconque est rempli de cet amour des hommes peut seul espérer créer une fois en art une oeuvre de valeur.
    Ces mots ont une influence décisive sur l’avenir de Romain Rolland. Mais ce qui le bouleverse, ce n’est pas tant cette doctrine, exprimée encore souvent plus tard et d’une façon plus précise par Tolstoï, que cet empressement fraternel à  rendre service ; c’est moins la parole que l’acte de cet homme bienveillant. A l’appel d’un anonyme, d’une petit étudiant de Paris, l’écrivain le plus célèbre de son temps avait mis de côté son travail quotidien ; il avait employé un ou deux jours pour répondre à  ce frère inconnu et le consoler ! Cela comptera dans la vie de Rolland comme un évènement important et fécond. C’est alors que, songeant à  sa propre détresse et à  ce réconfort venu de l’étranger, il a appris à  considérer toute crise de conscience comme quelque chose de sacré et que c’est le premier devoir moral de l’artiste d’y prêter assistance. Dès l’instant où il déplia cette lettre, un sauveur, un conseiller fraternel s’éveilla en lui. C’est là  le point de départ de toute son oeuvre et de son autorité parmi les hommes.

    Et nous voyons, dans la suite de la vie de Rolland qu’il a, notamment pendant la guerre, repris ce flambeau de consolateur, et de porteur de l’esprit européen, humaniste, fidèle à  l’esprit libre et à  la raison : il a répondu à  des centaines de lettres que des inconnus lui envoyaient pour partager avec lui leurs doutes, leurs craintes, leurs espoirs. Des soldats, des mères, des désespérés. Tout ce qui vibre encore pour la paix et la concorde trouve une aide active chez Rolland.

    Ces centaines, ces milliers de lettres qu’il a écrites durant la guerre ont l’importance d’une oeuvre morale comme aucune autre écrivain contemporain n’en a produit. Elles ont porté de la joie à  un grand nombre d’isolés, raffermi des incertains, relevé des désespérés ; jamais la mission d’une écrivain ne fut plus noblement remplie.
    Mais au point de vue artistique aussi, ces lettres, dont quelques-unes ont été publiées depuis lors, me paraissent être ce que Rolland a créé de plus pur et de plus parfait, car le sens profond de son art étant de consoler, maintenant que dans ces entretiens d’homme à  homme il s’abandonne complètement, bien des pages sont empreintes d’une force rythmée, d’un ardent amour de l’humanité qui les égalent aux plus beaux poèmes de tous les temps.
  • Citation #146

    Ils désirent l’abaissement de tout ce qui est au-dessus d’eux. Ils accepteraient demain le despotisme, pourvu que ce fût avec l’égalité. Leur amour de la liberté, c’est de la haine et de l’envie.

    François-René de Chateaubriand (1768 – 1848) écrivain, mémorialiste et homme politique français.

  • Les 15 plus belles voix du monde

    Les 15 plus belles voix du monde

    Comme pour les 15 meilleurs solos de guitare, il est tout à  fait impossible de faire la liste des 15 plus belles voix du monde. Voici donc 15 morceaux chantés par des chanteurs et chanteuses dont la voix me touche directement, m’émeut. C’est la magie d’un timbre qui va droit au coeur. Dur de choisir parmi les chanteurs, dur de choisir parmi les chansons. Il en manque plein (il faut faire des choix), et je suis sûr que votre sélection aurait été différente : proposez-la en commentaires ! :)

    Amy Winehouse : Some unholy war

    Stevie Wonder : The Secret Life of Plants

    Nina Simone : Don’t Explain

    Michael Jackson : Billie Jean

    Elton John : Tiny Dancer

    Charles Aznavour : Hier Encore

    Ray Charles : I got a woman

    Bruce Springsteen : Wild Billy’s circus story

    Pete Doherty : The Good Old Days

    Joe Cocker : Night Calls

    Colin Bluntstone : Chasing the past

    Edith Piaf : les amants d’un jour

    Rod Stewart : Never give up on a dream

    Paul McCartney : How Kind Of You

    Johnny Halliday : j’ai oublié de vivre

    Eric Clapton : Old love

    Bruno Mars : Grenade

    Freddy Mercury : Bohemian Rhapsody