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  • C’est quoi le libéralisme ?

    C’est quoi le libéralisme ?

    Est-il utile de se battre sur le sens des mots ?

    Il est intéressant de clarifier le sens des mots. J’ai toujours aimé les disputes sémantiques : Monsieur Phi explique bien mieux que moi pourquoi elles sont utiles (elles permettent d’éviter de trouver des accords sémantiques tout en étant en désaccord sur les faits, ou sur les actes à  mettre en oeuvre). Il revient d’ailleurs en complément sur l’impossibilité de définir complètement les mots : avant de pouvoir être proprement définis, les mots sont utilisés, dans un contexte, et au sein d’une communauté. Nous apprenons à  utiliser les mots avant d’en connaitre la définition ou le sens précis.

    Cette caractéristique des mots est très bien utilisée par les manipulateurs de toutes sortes. Ils savent très bien détourner le sens usuel des mots, peu à  peu, par petites touches, pour les écarter du sens initial, et les surcharger d’autres connotations, souvent inconscientes, et que l’on aurait du mal à  retrouver ou à  faire apparaitre en travaillant à  une définition de type substitution, ou par rapprochement.

    Ce genre d’écarts entre la définition des mots dans le dictionnaire et celle plus ou moins en usage parmi mes concitoyens est courant. La définition du dictionnaire correspondrait à  l’usage passé ou établi du mot, et celle, difficile à  décrire, flottant dans l’esprit du temps, ressentie, correspondrait à  l’usage actuel, plus ou moins déformé médiatiquement et philosophiquement, plus ou moins partagé. Un exemple flagrant, j’en ai déjà  parlé ici abondamment, concerne le libéralisme.

    Définition du libéralisme

    La définition, sur deux plans, est la suivante :
    Libéralisme :
    1. [Sur le plan moral] Attitude de respect à  l’égard de l’indépendance d’autrui, de tolérance à  l’égard de ses idées, de ses croyances, de ses actes.
    2. [Sur le plan pol. ou socio-écon.]
    a. Attitude ou doctrine favorable à  l’extension des libertés et en particulier à  celle de la liberté politique et de la liberté de pensée.
    En partic. Ensemble des doctrines politiques fondées sur la garantie des droits individuels contre l’autorité arbitraire d’un gouvernement (en particulier par la séparation des pouvoirs) ou contre la pression des groupes particuliers (monopoles économiques, partis, syndicats). Anton. autoritarisme
    P. méton. Régime, mode de gouvernement qui met en oeuvre une doctrine ou une politique libérale.
    b. Ensemble des doctrines économiques fondées sur la non-intervention (ou sur la limitation de l’intervention) de l’État dans l’entreprise, les échanges, le profit. Anton. dirigisme, étatisme, interventionnisme, planisme.
    P. méton. Régime économique fondé sur le libéralisme.

    Excès de libéralisme ?

    J’ai beau me creuser la tête, j’avoue avoir beaucoup de mal à  comprendre comment nous avons pu en arriver à  considérer que ce sont les excès du libéralisme qui sont responsables de tous nos maux. Les trois excès que je peux imaginer en lisant cette définition ne sont pas ceux qui sont habituellement mis sur le dos du libéralisme (à  part le troisième) :

    • (Sur le plan moral) Excès de tolérance vis-à -vis de croyances ou de pratiques qui seraient contraires aux droits naturels
    • (Sur le plan politique ou socio-économique) Excès d’extension des libertés conduisant à  une forme d’hybris transhumaniste, attribuant tous les droits imaginables aux humains, en oubliant les contraintes naturelles (biologiques, sociales, culturelles) auxquels ils sont soumis
    • (Sur le plan politique ou socio-économique) Excès de non-intervention de l’Etat dans les entreprises, les échanges, etc.

    Je considère les deux premières comme des critiques justifiées du libéralisme philosophique et politique, même si j’ai mis du temps à  le reconnaitre. Ce sont des critiques qui selon moi visent une forme de libéralisme « hors-sol », théorique, qui aurait oublié ses racines et la civilisation qui lui a donné naissance.

    Excès de non-intervention de l’Etat ?

    Par contre, je me marre doucement en lisant le 3ème : on pourrait reprocher au libéralisme, bien sûr, de conduire à  un manque d’intervention du collectif dans l’économie, dans un pays où l’Etat, minimaliste, se contenterait de remplir ses fonctions régaliennes, sans se soucier de solidarité. Mais en France, l’Etat intervient presque partout et tout le temps. Les chiffres sont connus, je n’y reviens pas. Il suffit d’ouvrir un quotidien économique : la plupart des informations mettent en jeu des relations plus ou moins conflictuelles entre le secteur privé et les autorités publiques, de nouvelles réglementations, de nouvelles taxes pour orienter comme ceci ou comme cela « l’économie ». C’est-à -dire des actions qui relèvent de l’étatisme, et de l’interventionnisme. Deux mots qui sont des antonymes de libéralisme.

    Comment un excès de libéralisme pourrait-il se définir par son antonyme ? Je dois manquer de logique, quelque part, dans mon raisonnement.

    Est-il possible de lutter contre ces déformations/glissements sémantiques/idéologiques ? Qu’en pensez-vous ?

  • Pour une écologie politique raisonnable

    Pour une écologie politique raisonnable

    J’avoue n’avoir jamais vraiment été intéressé par l’écologie. Du moins pas plus que cela. Je trouve les sciences en général intéressantes, et celle s’attachant à  décrire les relations des êtres vivants avec leur environnement est forcément aussi passionnante. Et si l’écologie devenait moins politique, et plus raisonnable ?

    L’écologie, cheval de Troie des « anti »

    Mais l’écologie a été depuis longtemps utilisée comme un moyen politique pour faire avancer leur(s) cause(s). Je mets un s, car ils sont nombreux à  se retrouver dans ce canal de l’écologie politique : féministes, tiers-mondistes, anti-capitalistes, décroissants, et toute une clique de mécontents que l’état actuel du monde ne satisfait pas. L’époque est ainsi faite : comme la cause écologique (au sens de « défense de l’environnement ») est perçue comme noble, personne n’ose critiquer ceux qui s’abritent sous son étendard universaliste.

    Or, il le faut. Car le nombre de bêtises que l’on peut lire et étendre est tout bonnement effarant. Je vais régulièrement sur Twitter, et simplement dans les dernière semaines, on peut mentionner les délires suivants (je mets en lien des articles qui démontent ces âneries) : antivax, glyphosate, catastrophisme biodiversitaire, éoliennes & énergies renouvelables, plan d’aides ridicules, utilisation des enfants, clash à  propos du réchauffement, j’en oublie certainement. Il est grand temps de sonner la fin de la récréation. Je crois que les scientifiques français devraient s’élever pour combattre l’obscurantisme et le sectarisme : en rappelant ce que l’on sait, et rappelant ce que l’on ne sait pas, et en rappelant que science et politique ne font pas bon ménage. Il faut le redire, encore, et encore : la science permet de dire ce qui est (modéliser le réel), le moins mal possible, et de manière toujours perfectible. La science ne dit jamais ce qu’il faut faire. C’est un autre registre. On ne peut que souhaiter, évidemment, que les Hommes prennent leurs décisions en s’appuyant sur les savoirs scientifiques disponibles. Mais cela ne veut pas dire que la science dit ce qu’il faut faire.

    Penser l’Homme dans son environnement

    Bien sûr, il ne faut pas laisser le sujet de la protection de l’environnement et des diverses formes de vie à  ces abrutis sectaires et manipulateurs. La réflexion en écologie politique doit être conduite. Mais sereinement. Il faudra m’expliquer pourquoi l’on trouve formidable l’homme de Néandertal qui, avec un mélange de chance et d’ingéniosité, parvient à  maitriser le feu, et augmente sa capacité de survie et d’adaptation, et dans le même temps, tout impact de l’homme sur son environnement devient totalement mauvais. Il n’est pas possible de vivre sans détruire, en partie, son environnement. Ce qu’il convient de penser, c’est l’interaction durable avec cet environnement. La gestion de cet environnement. Il s’agit bien de mettre en balance des valeurs importantes : survie des humains <vs> protection de l’environnement. SI ces deux valeurs s’opposent, en partie, il convient de mener une réflexion prudente et modérée pour définir notre conduite. Je renvoie à  cette excellente vidéo de Monsieur Phi sur la question de l’avortement, qui me semble être dans le même genre de registre crispant facilement des attitudes extrêmes.

    La prudence comme principe d’action raisonnée

    Le principe de précaution peut être une bonne chose, si l’on donne le sens correct à  la belle vertu de prudence : selon Aristote, c’est la « disposition qui permet de délibérer sur ce qu’il convient de faire, en fonction de ce qui est jugé bon ou mauvais ». Le principe de précaution, bien compris, ne devrait pas être un principe d’inaction, ou de frayeur savamment entretenue comme seul rapport possible au monde, mais un principe d’action raisonnée.

    Qu’il est dur, en 2019, de parler d’écologie et de la place de l’Homme dans son environnement !

  • Destin français

    Destin français

    J’ai eu la chance d’avoir parmi mes cadeaux d’anniversaire le dernier opus d’Eric Zemmour, Destin français. Avant de rentrer dans la recension du livre, qui est formidable, il me parait nécessaire de dire quelques mots d’Eric Zemmour, tant le personnage soulève de passions.

    Esprit libre et sincère

    J’aime beaucoup Eric Zemmour, et je suis moins en phase avec ses idées. Je regarde régulièrement l’excellente émission Zemmour & Naulleau, depuis longtemps, et j’ai vu pas mal de ses interventions et conférences (Youtube est ton ami). C’est un homme courtois, direct, qui sait rester au niveau des idées dans les échanges, et qui laisse très rarement les émotions prendre le dessus, malgré la virulence parfois grotesque de ses interlocuteurs à  son égard. Il a par ailleurs une grande culture, historique, littéraire, politique, et un vrai goût pour la controverse et le débat d’idées.

    Je suis moins en phase avec ses idées, en grande partie parce qu’il revendique une forme de marxisme et d’anti-libéralisme (pas toujours cohérent d’ailleurs). Je suis beaucoup plus en phase avec son amour de la France, et sa vision de ce qu’est l’Occident (c’est à  mon avis là  que ses idées anti-libérales sont peu cohérentes : l’Occident est une civilisation libérale, dans tous les sens du terme). Les anathèmes réguliers dont il est la cible (y compris sous forme de procès devant les tribunaux) sont injustes, et la plupart du temps ses critiques les plus acerbes ne connaissent ni ses idées, ni ses ouvrages. Il a été étiqueté « néo-réac » par la gauche bien-pensante, et cela suffit à  beaucoup pour en faire le parfait bouc-émissaire de leurs petits esprits totalitaires.

    Passionnant livre d’Histoire de France

    Destin français est un livre formidable et passionnant. C’est le livre d’un passionné d’histoire, de la France, et d’histoire de France. Découpé en chapitre très courts, consacrés chacun à  une personnalité – parfois à  un monument ou à  un film -, il se lit facilement. Il se dévore même. C’est très bien écrit, et la grande culture historique de Zemmour, sans jamais s’étaler, sert à  merveille à  donner du relief à  chaque personnage de cette galerie de portraits, en redonnant des éléments de contexte et de perspectives toujours appropriés.

    J’y ai appris énormément de choses, et c’est un livre qui donne vraiment envie d’aller se plonger dans l’étude de l’histoire, et les livres d’histoires. On peut ne partager certaines de ces analyses – c’est mon cas – mais c’est toujours pédagogique, brillant et profond. Et comme tout bon livre d’histoire, il donne de l’épaisseur à  notre époque en faisant voir des liens entre elle et certaines de ses racines. Magnifique, à  dévorer chaque soir. Un livre de chevet.

    Pour finir, je partage cette interview de Zemmour par Elie Chouraqui, que j’ai trouvé très intéressante.

  • Ce que n’est pas l’identité

    Ce que n’est pas l’identité

    Sous ce titre formidable – Ce que n’est pas l’identité, Nathalie Heinich, sociologue au CNRS, signe un livre non moins formidable. Formidable par sa concision, sa clarté, sa grande richesse (Nathalie Heinich a consacré sa vie de chercheuse à  ce thème de l’identité), et sa structure implacable.

    Modèle de l’identité

    L’auteur commence par détailler tout ce que n’est pas l’identité, pour nous faire avancer, peu à  peu, vers le modèle de l’identité qu’elle a proposé. Elle termine par un chapitre où elle donne une définition de l’identité, et une post-face où elle décrit, de manière transparente, sa propre relation à  ce thème. 

    Son modèle est le suivant (voir schéma) : l’identité est à  la fois la perception que nous avons de nous-même (autoperception), la manière que l’on a de se présenter aux autres (présentation), et la manière dont nous sommes perçus par les autres (désignation). 

    Je trouve ce modèle extrêmement utile pour penser la question de l’identité. Il permet d’aller plus loin que les modèles binaires, intéressants par ailleurs pour commencer à  comprendre la complexité du sujet, et parce qu’elle décrivent des clivages importants. Elle mentionne – entre-autres – deux modèles « binaires » :

    • celui de Paul Ricoeur, basé sur la contradiction logique contenu dans le mot identité. Ipse (ce qui nous rend unique, ce qui nous différencie d’autrui), et idem (ce qui nous assimile avec un ou des groupes de références)
    • celui de Robert K. Merton, basé sur la distinction entre les caractéristiques ascribed (« prescrites », celle qui nous sont attachées par notre naissance, race, milieu social, sexe, etc..) et acquired (« acquises », celles qui sont l’objet de nos choix). 

    Ces modèles binaires, structurants et intéressants, tendent à  « reconduire une opposition individu/société qui charrie beaucoup d’impensés et d’illusions – au premier rang desquelles celle selon laquelle il pourrait exister des individus indépendants d’une société. »

    Quelques caractéristiques de l’identité

    Elle complexifie, et nuance, et enrichie l’utilisation de ce modèle en le faisant résonner avec les trois plans « ontologiques » de Lacan : Réel, Imaginaire, Symbolique, en redéfinissant et en clarifiant leur sens (cela me rappelle les travaux sur les imaginaires auxquels j’avais eu la chance de participer). Le plan du Réel est celui de la situation dans laquelle on se trouve, le plan Imaginaire est celui du rôle que l’on endosse, et le plan Symbolique est celui de la place qu’on occupe. 

    Nathalie Heinich insiste sur une propriété fondamentale de l’identité : « elle ne se manifeste que lorsqu’elle pose problème. » En effet, dans les cas où les 3 moments sont à  peu près cohérents, il n’y a pas à  proprement parler de question d’identité. C’est lorsque la dissociation/tension entre les 3 moments devient forte (penser à  de la discrimination, raciale ou sexuelle), que les problèmes d’identité surgissent. Parler d’identité, c’est déjà  assumer qu’il y ait une tension dans cette identité. 

    La cohérence identitaire est un élément fondamental de la compétence à  la vie sociale et, au-delà , du bonheur d’exister.

    Je pense que cet ouvrage devrait faire partie du programme du Lycée : tout le monde y gagnerait, personnellement comme collectivement, pour comprendre une partie de ce qui se joue dans nos relations interpersonnelles. 

    Pour finir, je vous livre, à  la fin (comme Nathalie Heinich dans son livre), la définition qu’elle propose pour l’identité :

    L’identité, c’est la résultante de l’ensemble des opérations par lesquelles un prédicat est affecté à  un sujet/objet

    Il faut absolument lire ce livre indispensable, solide, rigoureux. 

    Note de fin : J’ai découvert en écrivant cet article que Nathalie Heinich avait fait l’objet d’une sordide pétition/campagne de dénigrement lorsqu’elle avait obtenu le prix Pétrarque de l’essai. Sa réponse et les messages de soutien qu’elle a reçus sont disponibles ici.  

  • La possibilité d’une île

    La possibilité d’une île

    Je viens de terminer l’excellent roman de Michel Houellebecq, La possibilité d’une île. J’aime beaucoup le style de Houellebecq, fluide, vif, drôle (très drôle souvent), noir sans jamais être dramatique.

    Post-humanité talmudique ?

    Le scénario et la construction de ce roman sont incroyables. C’est presque un roman de science-fiction. On y suit des personnages à  un moment charnière de l’histoire de l’humanité : celui où les hommes commencent à  vouloir devenir immortels, ce qui est rendu possible par la technique de clonage. Mais on y découvre aussi une partie de la vie des néo-humains qui sont le prolongement de ce désir d’immortalité accompli.

    Tout cela est présenté de manière très originale, proche des évangiles, ou du Talmud, puisque chaque néo-humain/clône est le « descendant » d’un humain, avec un numéro de version, et que ces réincarnations commentent le récit de vie de leur humain de référence (génétique). Daniel est un des « apôtres » qui relate le basculement anthropologique dont il a été le témoin. On y lit donc, en alternance, le récit du personnage principal Daniel, et celui d’un de ses « descendants » Daniel23.

    Transmission ou transhumanisme ?

    Plein de réflexions passionnantes sur la mort, sur la condition humaine, sur la société occidentale, sur l’amour. Comme toujours avec Houellebecq, une bonne dose impudique de sexe plus ou moins sordide, un soupçon de désespoir lucide, et beaucoup de traits d’humours excellents (j’ai éclaté de rire plusieurs fois en le lisant, provoquant ainsi des regards étonnés de mes compagnons de rame de métro). Un univers baroque, surprenant, où l’on croise des chiens plus humains que les hommes, des prophètes de secte, des néo-humains, et où l’on passe de notre réalité actuelle à  un monde post-apocalyptique et post-humanité très bien rendu.

    Ma seule critique tombe à  plat puisqu’elle est au coeur de la problématique du livre. On y assiste en effets aux affres métaphysiques de Daniel, qui n’est pas dans une logique de transmission, de rapport parents/enfants. C’est peut-être un point aveugle de Houellebecq, mais pas dans ce roman, car justement il y évoque une humanité qui décide que se reproduire n’en vaut plus la peine.

    J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman, plein de facettes étranges et de résonances actuelles. J’ai hâte de découvrir Sérotonine.

  • Plaidoyer pour un libéral-conservatisme

    Plaidoyer pour un libéral-conservatisme

    J’avais proposé cet article pour le numéro spécial de l’Incorrect consacré au libéralisme, mais il a été refusé. Ce n’est pas grave, je le publie ici quand même. Je vous invite à  lire leurs articles, je pense que j’y réagirai ici même. Mon article tentait une synthèse entre libéralisme et conservatisme.

    Libéralisme

    Le libéralisme est une philosophie qui place, comme son nom l’indique, la liberté comme une fin en soi. Pas n’importe quelle liberté : la liberté individuelle, avec des limites, et érigée en principe d’organisation de la société. Ce courant de pensée a émergé aux XVIIème et XVIIIème siècles en Occident, et a accompagné les « révolutions démocratiques »..

    C’est une philosophie du droit naturel, c’est-à -dire reconnaissant à  tout être humain, par sa nature même, des droits inaliénables : la liberté, la propriété de soi et du fruit de son travail, le droit à  la vie, le droit de propriété et de jouir librement de ses biens, le droit d’échanger. Le droit naturel consiste en une universalité des droits (valables pour tout être humain), et une égalité devant la Loi (pour être juste, la Loi doit traiter chaque individu identiquement). Ce sont les principes, non discutables, des sociétés ouvertes. La société ouverte suppose la stricte observation de règles abstraites de juste conduite (formelles, universelles, évolutives) respectant ces droits naturels. Elle s’oppose à  la société tribale. La garantie de ces droits inaliénables a permis l’extraordinaire développement du monde occidental : émergence d’institutions démocratiques et pluralistes, explosion des capacités d’échanges, de partage du savoir et de la technique.

    Le libéralisme n’est pas apparu soudainement : il est le fruit, le prolongement et la synthèse de l’histoire occidentale : à  la fois du passé gréco-romain, comme de la Révolution papale des XIème-XIIIème siècles, mettant la raison et le droit au service de l’éthique biblique. Le libéralisme est un humanisme chrétien.

    Contre le progressisme hors-sol

    Chacun des grands courants de pensée en politique – conservateurs, libéraux, progressistes – porte des idéaux et des travers. Le dialogue entre les trois courants est fécond s’il se base sur une éthique commune du débat critique et ouvert, placé sous le signe de la raison.

    Les conservateurs, héritiers de ce qu’il y a de noble dans notre civilisation et nos traditions, contre la barbarie, soumettent parfois leur raison à  des vérités révélées. Les libéraux, protecteurs de la liberté individuelle contre l’arbitraire et la coercition des pouvoirs, développent parfois une pensée trop abstraite, niant la réalité et l’influence des enracinements. Censés être les promoteurs de la belle idée de progrès, les progressistes nagent malheureusement depuis 30 ans en plein délire socialiste. Et comme ils ont pris l’ascendant philosophique, politique, et culturel, cela nuit à  notre société. Trois dérives doivent être combattues, chacune portant atteinte au principe d’égalité devant la loi :

    • Un égalitarisme forcené d’abord, qui confond égalité devant la Loi, et égalité de fait. La Loi n’est pas là  pour corriger les inégalités, mais pour garantir les droits de chacun. ”Il y a toute les différences du monde entre traiter les gens de manière égale et tenter de les rendre égaux. La première est une condition pour une société libre alors que la seconde n’est qu’une nouvelle forme de servitude. » (Hayek)
    • Un étatisme inexorable, ensuite, qui est le rejet de l’ordre spontané libre. L’état de Droit implique un Etat fort, intransigeant, avec des missions restreintes à  la sécurité (extérieure et intérieure), et à  l’application du Droit. L’État omniprésent provoque une inflation juridique, des réglementations et une fiscalité liberticides, une infantilisation des citoyens. L’omniprésence nécessite des moyens, trouvés par des prélèvements et un endettement massifs.
    • Enfin, une politique d’immigration inconséquente, aveugle à  la réalité des différences civilisationnelles, a conduit au communautarisme. Des zones entières du territoire ne sont plus, au sens propre, juridique, comme au sens symbolique, culturel, la France. Les civilisations non-occidentales ont vocation à  rester minoritaires en France : on ne peut bâtir une société, et des règles justes, en faisant coexister des principes qui sont contradictoires. Tout citoyen français devrait vivre selon les coutumes et les Lois françaises, quelque soit sa condition, et son lieu d’habitation.

    Au-delà  de leurs différences, les conservateurs et les libéraux doivent donc s’allier contre la « folie » des progressistes porteurs de ces travers égalitaristes, étatistes et communautaristes.

    L’âme de l’occident

    Le joyau qui pourrait être au coeur de cette alliance, c’est le fait de penser chaque être humain à  la fois comme une personne, et un individu :

    • Une personne, avec sa singularité, ses aspirations, ses enracinements, sa spiritualité, ses choix,
    • un individu ”gommé » de ces particularités, mais doté de droits inaliénables, assumant la responsabilité de ses actes, et traité comme les autres devant la Loi.

    Cette distinction est à  conserver à  tout prix, car elle est la condition pour pouvoir imaginer « une vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes » (Ricoeur).

    C’est l’esprit du libéralisme, et c’est l’âme de l’Occident.