Catégorie : 🧩 Extraits

  • L'évolution corrélative de l'esprit et de la société : le rôle des règles

    Chapitre premier : « Raison et évolution »

    L’évolution corrélative de l’esprit et de la société : le rôle des règles

    La réalité, évidemment, est que cet esprit (l’esprit de l’homme. Ndr) est une adaptation à  l’environnement naturel et social dans lequel l’homme vit, et qu’il s’est développé en constante interaction avec les institutions qui déterminent la structure de la société. L’esprit est tout autant le produit de l’environnement social dans lequel il a grandi et qu’il n’a point fait, que quelque chose qui, à  son tour, a agi sur ces institutions et les a modifiées. Il résulte de ce que l’homme s’est développé en société et a appris celles des habitudes et pratiques qui augmentaient les chances de survie du groupe dans lequel il vivait. La conception d’un esprit déjà  complètement développé, ayant conçu les institutions qui rendaient la vie en société possible, est contraire à  tout ce que nous savons de l’histoire de l’homme.

    Hayek décrit ensuite le processus de formation des règles, et en décrit deux attributs essentiels à  ses yeux.

    Le premier attribut que la plupart des règles possédaient originellement est qu’elles sont observées dans l’action sans être connues de l’acteur sous forme de mots (« verbalisées » ou explicites). Elles se manifesteront dans une régularité d’action, qui peut être explicitement décrite, mais cette régularité d’action ne résultat pas de ce que les personnes qui agissent peuvent énoncer les règles en question. Le second attribut est que de telles règles viennent à  être observées par le fait qu’elles confèrent au groupe qui les pratique une puissance supérieure, et non pas parce que cette conséquence est prévue par ceux que ces règles guident. Bien que de telles règles finissent par être acceptées parce que leur application produit certaines effets, elles ne sont pas obéies avec l’intention de produire ces effets-là  — effets que la personne agissante peut aussi bien ignorer.

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  • DLL – Connaissance des faits et science

    Chapitre premier : « Raison et évolution »

    Connaissance des faits et science

    C’est une erreur de croire que la science est une méthode pour obtenir la certitude au sujet de faits individuels et que le progrès des techniques scientifiques nous permettra d’identifier et de manipuler tous les évènements particuliers à  notre guise. En un certain sens, c’est une banalité de dire que notre civilisation consiste à  faire reculer l’ignorance. Mais précisément parce que l’idée nous est familière, elle tend à  nous dissimuler ce qu’elle contient de plus important : à  savoir que la civilisation repose sur le fait que nous bénéficions tous de connaissances que nous ne possédons pas.

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  • Quelques mots que j'aurais aimé écrire

    […] Ce n’est pas être provocateur de dire que si les autorités bancaires internationales n’avaient pas fixé à  deux reprises des règles prudentielles ayatollesques, les banques n’au¬raient pas eu besoin d’avoir recours à  la titrisation et à  une quantité de produits dérivés, aujourd’hui pointés du doigt comme les principaux coupables de cette crise financière. Ce n’est pas être un fou furieux du laisser-faire que de dire que les normes comptables adoptées pour tirer les leçons de la bulle Internet ont apporté plus de problèmes que de solutions. Il est heureux de les voir aujourd’hui mises en pièce avec la bénédiction des grands prêtres qui les imposaient il y a cinq ans.

    Il est question aujourd’hui d’en finir avec les paradis fiscaux, les rémunérations des banquiers d’affaires, les ventes à  découvert, les hedge funds ou ce formidable bouc émissaire qu’est «la spéculation». Mais ce ne sont pas des règles simples ou simplistes qui mettront fin à  tous ces os que l’on donne à  ronger à  l’opinion. Arrêtons de faire croire que l’on peut réguler des capitaux qui font le tour du monde à  la vitesse de la lumière, et sans lesquels la croissance mondiale exceptionnelle de ce début de siècle n’aurait pu avoir lieu.

    En revanche il n’est pas superflu de rappeler au monde entier que le capitalisme ne peut pas scier constamment la branche sur laquelle il est assis. Le capitalisme, c’est d’abord un humanisme. À condition de replacer l’homme au centre du système, plutôt que de s’en méfier avec des règles aussi excessives qu’insignifiantes. Là  devrait être l’enjeu d’un nouveau Bretton Woods.

    Yves de Kerdrel, Nécessité et contraintes d’un nouveau Bretton Woods

  • DLL – Les limitations permanentes de notre connaissance des faits

    Chapitre premier : « Raison et évolution »

    Les limitations permanentes de notre connaissance des faits

    La façon de voir constructiviste conduit à  des conclusions fausses parce que les actions de l’homme réussissent largement — non pas seulement au stade primitif mais plus encore sans doute au stade de la civilisation – grâce au fait qu’elles sont adaptées à  la fois aux faits particuliers que l’homme connaît et à  un grand nombre d’autres faits qu’il ne connaît ni ne peut connaître. […] cette inéluctable ignorance de la plupart des données qui entrent dans l’ordre de la Grande Société[1. D’après ce que j’ai compris, la « grande société » d’Hayek est proche de la société ouverte décrite par Popper dans « La société ouverte et ses ennemis »] est la racine du problème central de tout ordre social ; la fiction par laquelle cette ignorance est provisoirement mise de côté n’est la plupart du temps jamais explicitement abandonnée, on se contente de la passer sous silence. Après quoi, le raisonnement suit son chemin comme si cette ignorance n’avait aucune importance.[…]
    Ce sera l’une de nos thèses principales, que la plupart des règles de conduite qui gouvernent nos actions, et la plupart des institutions qui se dégagent de cette régularité sont autant d’adaptations à  l’impossibilité pour quiconque de prendre consciemment en compte tous les faits distincts qui composent l’ordre d’une société. Nous verrons en particulier que la possibilité de la justice repose sur cette limitation inéluctable de notre connaissance des faits et que, par conséquent, la compréhension profonde de la nature de la justice est refusée à  tous les constructivistes qui raisonnent habituellement à  partir d’une présomption d’omniscience. […] L’erreur caractéristique des rationalistes constructivistes est, à  cet égard, qu’ils ont tendance à  fonder leur raisonnement sur ce qui a été appelé l’illusion synoptique, c’est-à -dire sur cette fiction que tous les faits à  prendre en considération sont présents à  l’esprit d’un même individu et qu’il est possible d’édifier, à  partir de cette connaissance des données réelles de détail, un ordre social désirable.

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  • DLL – Les thèses du rationalisme cartésien

    Chapitre Premier : Raison et évolution

    Les thèses du rationalisme cartésien

    Telle devient l’attitude caractéristique du constructivisme cartésien, avec son mépris pour la tradition, la coutume et l’histoire en général. Seule la raison de l’homme devait le rendre capable de bâtir à  neuf la société. Cette façon de voir « rationaliste » avait en fait la signification d’une rechute dans des modes de pensée anthropomorphiques de jadis. Elle amorça une propension renouvelée à  attribuer l’origine de toutes les institutions de la culture à  l’invention et au plan préconçu. La morale, la religion et la loi, le langage et l’écriture, la monnaie et le marché avaient été, pensait-on, élaborés délibérément par quelqu’un, ou, du moins devaient à  un tel dessein chaque perfection qu’ils présentaient. Cette façon intentionnaliste ou pragmatique de représenter l’histoire trouva son expression la plus complète dans la conception de la formation de la société par un contrat social, d’abord dans Hobbes puis dans Rousseau qui, à  bien des égards, était un disciple direct de Descartes.

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  • DLL – Construction et évolution

    Chapitre Premier : Raison et évolution

    Construction et évolution

    Il y a deux façons de considérer la structure des activités humaines, qui conduisent à  des conclusions forts différentes concernant à  la fois son explication et les possibilités de la modifier délibérément. […]

    La première conception soutient que les institutions humaines ne serviront des desseins humains que si elles ont été délibérément élaborées en fonction de ces desseins ; souvent même, que la simple existence d’une institution prouve qu’elle a été créée dans un certain but ; et toujours, que nous devrions remodeler notre société et ses institutions de telle sorte que toutes nos actions soient entièrement guidées par des objectifs connus. […] Pourtant la croyance sous-jacente à  ces propositions, c’est à  dire que nous devons toutes les institutions bénéfiques à  des plans préconçus, et que seul un tel dessein les a rendues, ou peut les rendre, utiles à  nos fins, est largement fausse. […]

    L’autre vision des choses […] était que ce caractère ordonné de la société, qui a grandement accru l’efficacité de l’action individuelle, n’était pas dû seulement à  des institutions et pratiques inventées ou combinées dans ce but, mais largement aussi à  un processus d’abord décrit comme une « maturation », puis comme une « évolution », processus par lequel des pratiques qui avaient été d’abord adoptées pour d’autres raisons, ou même de façon purement accidentelle, durent conservées parce qu’elles procuraient aux groupes où elles étaient apparues une supériorité sur les autres groupes.

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