Catégorie : 🧠 Réflexions

  • Autodéfense intellectuelle

    Autodéfense intellectuelle

    Pour lutter contre toutes les formes d’irrationalité et de croyances dangereuses, il n’existe qu’une méthode : la pratique du doute et de l’esprit critique. Dans un remarquable petit ouvrage très détaillé et documenté (« Petit Cours d’autodéfense intellectuelle »), Normand Baillargeon détaille tous les pièges tendus par les marchands de rêve ou de cauchemar, et liste les outils et les méthodes de pensée permettant de se défendre. Un livre indispensable et simple à  lire. Salutaire.
    Parmi mes lectures de vacances, j’ai découvert un livre passionnant, facile à  lire et à  mon sens indispensable pour tous ceux qui aiment la raison et le doute. Il s’agit du « Petit cours d’autodéfense intellectuelle », de Normand Baillargeon (Lux Editeurs, Collection Instinct de Liberté). Il en existe une version un peu plus ancienne en ligne, sur la page d’Olivier Hammam. J’ai tout de suite été séduit par le propos : trop de croyances irrationnelles circulent, dans tous les milieux, et peuvent le faire uniquement parce que l’éducation au sens critique, au scepticisme et au doute scientifique n’est pas assez développée. Le livre présente des outils et des méthodes qui permettent de raisonner lucidement et d’aiguiser son sens critique.Le livre présente des outils et des méthodes qui permettent de raisonner lucidement et d’aiguiser son sens critique. Emaillé de citations et d’exemples très concrets, il est découpé en 5 grands chapitres, regroupés en deux grandes parties : outils de la pensée critique, et justification des croyances.

    Quelques indispensables outils de la pensee critique

    Dans cette partie, les différentes manières de mentir — consciemment ou non — avec des mots ou des chiffres sont présentés, ainsi que les outils intellectuels nécessaires pour éviter de se faire entourlouper.

    • Chapitre 1 – Le langage : dans cette partie, l’auteur revient sur les mots utilisés, aux choix trompeurs que l’on peut faire et qu’il faut connaître pour éviter de se faire abuser. Il discute ensuite de logique, et plus particulièrement de l’art de combiner des propositions. La rhétorique, la fourberie mentale et la manipulation sont passées en revue avec les paralogismes courants.
    • Chapitre 2 – Mathématiques (compter pour ne pas s’en laisser conter) : dans ce chapitre, l’auteur revient sur certains outils mathématiques de base (les « mathématiques citoyennes ») — manipulation des grands nombres, statistiques, présentations des données — indispensables pour pouvoir analyser les chiffres qui nous sont fournis et la manière dont ils sont présentés sans se faire abuser

    La justification des croyances

    Dans cette partie qui traite des croyances, l’auteur revient sur ce qu’est une croyance, et les trois grandes sources de connaissances et de croyances : expérience personnelle, sciences et médias. Pour chacun de ces domaines, l’auteur explique la démarche à  avoir pour rester sceptique et ne pas se faire embobiner.

    • Chapitre 3 — L’expérience personnelle : Justifier nos croyances par notre expérience personnelle est naturel, mais c’est une démarche dont il importe de connaître les limites (perception, souvenir, jugement)
    • Chapitre 4 — La science empirique et expérimentale : pour savoir tracer la limite entre sciences et pseudosciences (les disciplines qui se parent des atours des sciences sans en adopter la rigueur dans la démarche et le doute systématique, par exemple l’homéopathie), pour tracer cette limite, donc, il importe de connaître quelques balises et quelques outils de la démarche scientifique (expérimentation avec contrôle de variable, avec groupe de contrôle et en double aveugle). L’auteur revient également sur des notions d’épistémologie, et sur les fondements de la Science. Je ferais un article prochainement là -dessus, parce que ces notions sont miennes depuis longtemps, étant scientifique, et que je trouve que la présentation devrait en être faite plus souvent.
    • Chapitre 5 — Les médias : Dans ce chapitre, moins directement applicable pour nous parce que décrivant la situation dans les médias canadiens et US, l’auteur revient sur l’indispensable scepticisme de rigueur pour analyser les informations provenant des médias. Loin d’être la vérité, elles sont le résultat d’un choix dont il importe de connaître les tenants et les aboutissants. L’auteur semble considérer que le plus grave trouble dont souffrent les médias est le regroupement en une pensée unique mercantile et orientée politiquement. Ce n’est pas à  mon avis le seul, mais les rappels qu’il fait sont importants.

    Quelques citations

    Vous savez que j’aime les citations : chaque chapitre de ce livre en contient plusieurs, et je me ferais un plaisir de les réutiliser dans les citations du dimanche. En voilà  quelques-unes qui m’ont plu. Je précise au passage que le livre contient une belle section bibliographique, ainsi que des liens vers pas mal de sites Internet intéressants. Un livre moderne et humble, en somme. L’éducation à  cette capacité critique est la seule éducation dont on peut dire qu’elle fait les bons citoyens.
    Si l’habitude de penser de manière critique se répandait au sein d’une société, elle prévaudrait partout, puisqu’elle est une manière de faire face aux problèmes de la vie. Les propos dithyrambiques de quelconques orateurs ne sauraient faire paniquer des personnes éduquées de la sorte. Celles-ci mettent du temps avant de croire et sont capables, sans difficulté et sans besoin de certitude, de tenir des choses pour probables à  des degrés divers. Elles peuvent attendre les faits, puis les soupeser sans jamais se laisser influencer par l’emphase ou la confiance avec laquelle des propositions sont avancées par un parti ou par un autre. Ces personnes savent résister à  ceux qui en appellent à  leurs préjugés les plus solidement ancrés ou qui usent de la flatterie. L’éducation à  cette capacité critique est la seule éducation dont on peut dire qu’elle fait les bons citoyens.William Graham Sumner

    Pour finir, deux autres citations utilisées par l’auteur dans le livre, en une belle épanadiplose, et qui prouvent qu’il ne tombe jamais dans un scepticisme rassis ou dans un nihilisme dangereux) : la première, parce que je l’avais déjà  utilisée ici, et qu’elle figure au tout début du « Petit cours d’autodéfense intellectuelle »

    Douter de tout et tout croire sont deux solutions également commodes qui, l’une comme l’autre, nous dispensent de réfléchir. Poincaré

    et celle qui termine le livre, disant à  peu près la même chose de manière plus détaillée :
    Il me semble que ce qui est requis est un délicat équilibre entre deux tendances : celle qui nous pousse à  scruter de manière inlassablement sceptique toutes les hypothèses qui nous sont soumises et celle qui invite à  garder une grande ouverture d’esprit aux idées nouvelles. Si vous n’êtes que sceptique, aucune idée nouvelle ne parvient jusqu’à  vous ; vous n’apprenez jamais quoi que ce soit de nouveau ; vous devenez une détestable personne convaincue que la sottise règne sur le monde — et, bien entendu, bien des faits sont là  pour vous donner raison. D’un autre côté, si vous êtes ouvert jusqu’à  la crédulité et n’avez pas même une once de scepticisme en vous, alors vous n’êtes même plus capable de distinguer entre les idées utiles et celles qui n’ont aucun intérêt. Si toutes les idées ont la même validité, vous êtes perdu : car alors, aucune idée n’a plus de valeur.

    Carl Sagan
    Je vous recommande vivement ce livre simple et clair. Il pourrait paraître prétentieux de se placer soi-même dans le camp des sceptiques, ou des lucides. Ce serait oublier que, comme la liberté, le doute et le scepticisme ne sont pas des choses acquises mais qui se travaillent chaque jour. Ce ne sont pas des choses données, mais toujours à  conquérir.

  • Bonnes Vacances !

    Bonnes Vacances !

    Cher lecteur (chère lectrice),
    Je te souhaite, si tu as la chance d’avoir des vacances, de pouvoir passer du temps avec ceux que tu aimes. De prendre le temps d’en perdre avec eux. J’espère que tu pourras souffler un peu et profiter du vrai bonheur des vacances : changer de rythme, et retrouver la possibilité de contempler les choses plutôt que d’agir. Si la tension de l’action est utile, plaisante et nécessaire, la contemplation comporte quelques caractéristiques également jouissives, et indispensables : calme, douceur, joie. La contemplation est la source de l’émerveillement, sans lequel l’amour du monde est difficile. Il faut conserver intacte notre capacité à  nous émerveiller du monde. De sa complexité, comme de sa simplicité.
    Je te souhaite, cher lecteur, de pouvoir te retrouver sous un marronnier ou sous un tilleul, à  écouter le bruit du vent dans les feuilles se marier avec le bourdonnement chaud de l’été. Regarder les nuages, et imaginer les gens qui voyagent dans l’avion que l’on voit passer, tout là -haut. Je te souhaite de pouvoir passer des heures avec ta famille, avec tes amis. Rire. Profiter du temps qui passe autrement, et qui ne passe plus à  force d’être dedans, à  force d’être dans le présent. Profiter des heures bleues sombres et roses qui, en été, précèdent la nuit.
    Profites de tout cela et de plein d’autres choses…!
    Bonnes vacances !

  • Le sens du bonheur

    Le sens du bonheur

    Faut-il choisir entre bonheur et sens ? La réponse apporté par un personnage de Heroes consiste à  dire que oui : la quête de sens, et celle du bonheur sont incompatibles. Qu’en pensez-vous ?
    (suite…)

  • Ne faites pas trop les Malins !

    Certains se croient bien malins, en voyant le Mal partout. Ils pensent être très perspicaces, puisqu’ils ne sont pas angéliques. C’est simplement remplacer un extrême par un autre. Voir le mal partout, c’est aussi le mettre partout ! C’est lui faire de la place. Et ce n’est pas plus intelligent que de tout voir sous un jour positif. Vouloir être malin en voyant le Mal partout, n’est-ce pas déjà  un peu jouer au … Malin ?

  • Pauvres Americains et riches Francais

    Lorsque l’on discute au Café du Commerce, la discussion finit souvent sur une comparaison des USA (ou du Royaume-Uni) et de la France. Et lorsque l’on avance l’argument consistant à  dire que les USA sont plus riches que nous, on se voit rétorquer quasi-invariablement l’argument massue : « ils sont plus riches globalement, mais ce sont les riches qui en profitent ! les inégalités là -bas sont énormes ! Ils ont plus de pauvres au final que nous. Quel super système qu’un système qui produit plein de richesses et plein de pauvres ! ». A cela il n’y a qu’une réponse : aller regarder les chiffres et la réalité…
    Une première mise en garde consiste à  rappeler qu’inégalité n’est pas synonyme de pauvreté. Une deuxième étape dans la réflexion consiste à  préciser que si les inégalités peuvent être choquantes, elles ne sont pas vécues, pensées et compensées de la même manière dans toutes les sociétés.
    Pour ne pas tout confondre, il est également utile d’aller regarder les comparaisons chiffrées, et d’en retenir les conclusions.
    Une étude très complète se trouve sur le site de Daniel Martin : j’en rappelle ici les principales conclusions :

    En définitive, à  niveau de vie comparable, les taux de pauvreté américain, 12.5 %, et français, 11.7 %, sont très voisins. Dans ce domaine aussi, la vérité des chiffres dément les allégations de nos concitoyens antiaméricains qui essaient de nous faire croire que les Américains sont bien plus malheureux que nous. Rappelons-nous que :

    • Le taux de chômage français fin 2006 est de 8.8 %, alors qu’il est de 4.4 % aux Etats-Unis selon le Department of Labor (ministère du travail des Etats-Unis), statistique téléchargée le 30/11/2006 de la page d’accueil http://www.bls.gov/
    • Le niveau de vie moyen est 50 % plus élevé aux Etats-Unis qu’en France.
    • La France reprend l’avantage en matière d’inégalités de revenu disponible, avec un indice de Gini de 0.268 contre environ 0.466 aux Etats-Unis (où les impôts ne changent pas beaucoup cet indice).

    Pour bien comprendre pourquoi, malgré ces chiffres éloquents, on entend souvent parler d’une proportion inquiétante de pauvres aux USA, il est bon d’aller lire l’excellent article de Christophe Vincent, « Le seuil de pauvreté, un indicateur qui n’indique rien. » Il faut vraiment lire cet article court, simple à  comprendre et direct. Il y redéfinit deux notions importantes : le salaire médian, et le seuil de pauvreté.

    • Le revenu médian : c’est le revenu qui coupe en deux la population (la moitié gagne moins, la moitié gagne plus). A ne pas confondre avec le revenu moyen.
    • Le seuil de pauvreté : il correspond à  la moitié du revenu médian

    Christophe Vincent montre ensuite, à  l’aide d’un exemple limpide, comment le seuil de pauvreté ne permet ni de refléter la réalité de la pauvreté, ni de comparer deux pays. L’exemple est très simple : on considère deux populations, avec deux répartitions de revenus. Extrait :

    Supposons qu’aux États-Unis, 30% des habitants aient un revenu compris entre 200 et 300 KF, que 20% aient un revenu compris entre 300 et 600 KF, et que les 50% restants aient un revenu encore supérieur. Le revenu médian pour la population des États-Unis serait alors de 600 KF ( 50% gagnent plus, 50% gagnent moins ). Le « seuil de pauvreté » serait donc de 300 KF (la moitié du revenu médian). Trente pour cent des habitants des États-Unis vivraient en dessous du « seuil de pauvreté »! Mais avec un revenu compris entre 200 et 300 KF, pourrait-on vraiment dire que les États-Unis comptent 30% de pauvres?
    Supposons maintenant qu’en France, 50% des habitants aient un revenu compris entre 50 et 100 KF, les autres 50% ayant un revenu supérieur. Le revenu médian français serait donc de 100 KF. Le « seuil de pauvreté » serait de 50 KF. Personne en France ne vivrait donc en dessous de ce fameux « seuil de pauvreté »! Pourrait-on dire pour autant que la France ne comporte que des gens riches?
    Avec ces deux exemples, on voit déjà  bien que ce prétendu seuil de pauvreté ne reflète absolument pas la réalité de la pauvreté.
    Mais en plus, il ne permet absolument aucune comparaison entre les différents pays, le « seuil de pauvreté » de chacun n’étant pas le même. Dans notre exemple, pourrait-on sérieusement soutenir que la situation des Français est plus enviable que celle des Américains?
    Ce seuil de pauvreté est donc un très mauvais indicateur. On ne peut en tirer aucune conclusion valable. C’est un indicateur… qui n’indique rien du tout. Il ne permet pas de dire si les 19% d’Américains considérés comme pauvres sont réellement pauvres. Il ne permet pas de dire s’il y a trois fois plus de pauvres aux États-Unis qu’en France (ce dont je doute).
    Ce « seuil de pauvreté » n’a en fait qu’un seul intérêt: c’est un bon épouvantail. Les adversaires du libéralisme de mauvaise foi n’ont donc sans doute pas fini de l’agiter.

    Que dire de plus ? Maintenant, si au détour d’une conversation quelqu’un dénonce le système américain à  cause de son injustice (rendez-vous compte : 19% de pauvres, ma bonne dame!), vous pourrez lui dire que ce n’est pas si simple, ou mieux, l’envoyer ici pour lire cet article ! ;)

  • Le modèle : un outil indispensable !

    Les sciences utilisent un outil de pensée nommé modèle. Qu’est-ce qu’un modèle ? Un modèle est une vue simplifiée du monde : selon la simplicité du modèle, son utilisation diffèrera. Le modèle est le lien entre théorie et pratique. A nous de savoir construire, modifier, échanger des modèles pour savoir penser notre vie, et vivre notre pensée.
    (suite…)