Comment répartir mieux les richesses ?
Face Ă Â l’injustice des ressources trĂšs inĂ©galement rĂ©parties entre les hommes, on ne peut que souhaiter une plus juste rĂ©partition. Pour quelle raison certains devraient ĂȘtre pauvres, simplement Ă Â cause du fait qu’ils ne sont pas nĂ©s au bon endroit ? La redistribution des richesses est une nĂ©cessitĂ© impĂ©rieuse, pour qui a un tant soit peu le sens de la justice. L’ampleur et le mode d’organisation de cette intervention des hommes sur la rĂ©partition des richesses sont les vrais problĂšmes…Et ces deux aspects de la question sont plus liĂ©s qu’il n’y parait de prime abord : selon le mode d’intervention choisi, l’ampleur ne sera pas forcĂ©ment la mĂȘme.
Don et redistribution, charité et solidarité : quelques définitions
Deux grands styles de re-répartition des richesses existent : le redistribution et le don.
Redistribution
Ensemble des opĂ©rations par l’intermĂ©diaire desquelles une partie des revenus est prĂ©levĂ©e sur certains agents Ă©conomiques ou catĂ©gories sociales pour ĂȘtre reversĂ©e au bĂ©nĂ©fice d’autres
DonAction de donner, de cĂ©der gratuitement et volontairement la propriĂ©tĂ© d’une chose
La diffĂ©rence est claire : dans un cas (la redistribution) il s’agit de quelque chose d’organisĂ© collectivement, et dans l’autre (le don) il s’agit d’un acte individuel.
C’est pour ça qu’on peut relier ces deux modes Ă Â deux motivation, ou deux conceptions un peu diffĂ©rentes ; la redistribution va avec l’idĂ©e de solidaritĂ© :
Solidarité :
- DĂ©pendance mutuelle entre les ĂȘtres humains, existant Ă Â l’Ă©tat naturel et due au besoin qu’ils ont les uns des autres. ResponsabilitĂ© mutuelle qui s’Ă©tablit entre les membres d’un groupe social.
- Devoir moral, rĂ©sultant de la prise de conscience de l’interdĂ©pendance sociale Ă©troite existant entre les hommes ou dans des groupes humains, et qui incite les hommes Ă Â s’unir, Ă Â se porter entraide et assistance rĂ©ciproque et Ă Â coopĂ©rer entre eux, en tant que membres d’un mĂȘme corps social.
et le don va avec l’idĂ©e de charitĂ© :
Charité :
- Principe de lien spirituel, moral qui pousse à  aimer de maniÚre désintéressée.
- Amour mutuel des hommes, considérés comme des semblables; humanité, philanthropie
- Ătablissements, fondations, congrĂ©gations ayant ces actes pour but.
Il n’y a pas lieu, Ă Â mon avis, de discuter du bien-fondĂ© moral de l’une ou l’autre de ces conceptions (charitĂ© ou solidaritĂ©) : l’une et l’autre sont intĂ©ressantes, et ce qui compte c’est plus l’efficacitĂ© des modes de redistribution qui vont avec, que leur valeur intrinsĂšque. Soyons pragmatiques. Ces deux approches sont nĂ©cessaires : il faut ĂȘtre solidaire, et il faut ĂȘtre capable de charitĂ©. Il faut du social, et de l’amour.
Différences de cultures : trop de solidarité tue la charité !
Aux Etats-unis, la charitĂ© est beaucoup plus dĂ©veloppĂ©e qu’en France, oĂč la redistribution organisĂ©e est forte. Les oeuvres charitatives, philanthropiques, et le mĂ©cenat privĂ© sont beaucoup plus dĂ©veloppĂ©s aux USA qu’en France. La question est de savoir ce qui est le plus efficace pour lutter contre l’inĂ©gale rĂ©partition des richesses. Un exemple tel que celui des restos du Coeur avait montrĂ© en son temps que l’initiative individuelle ou associative est plus rĂ©active et plus efficace que la redistribution lourde organisĂ©e par l’Etat. C’Ă©tait le message de Coluche : « les politiques en ont parlĂ©, moi je l’ai fait! ». Notre systĂšme de solidaritĂ©, et de redistribution, en France, est tellement complexe qu’il en devient inefficace : pourquoi ne pas le simplifier, et en limiter le poids, pour redonner de l’air Ă Â la charitĂ© et aux initiatives du type « Bill Gates » ?
Je laisse le mot de la fin à  J.F. Revel, plaidant pour une plus grande souplesse et une plus grande liberté individuelle dans le choix du mode de redistribution :
Pourquoi les français qui en ont les moyens seraient-ils gĂ©nĂ©reux, alors que la sociĂ©tĂ© les condamne prĂ©cisĂ©ment pour avoir acquis ces moyens ? La gĂ©nĂ©rositĂ© n’est-elle pas Ă Â double tranchant dans un pays oĂč l’argent doit se cacher et oĂč, par consĂ©quent, l’Ă©vergĂ©tisme est vouĂ© Ă Â l’exĂ©cration, sauf dans quelques rares cas, comme dans l’entretien d’une Ă©quipe de ballon rond ? Comment espĂ©rer s’attirer la reconnaissance de ses compatriotes en tant que bienfaiteur public, si le don a pour premier effet de signaler le donateur comme un ĂȘtre immoral, puisque possesseur d’une grande fortune ? La haine « chrĂ©tienne et rĂ©volutionnaire » de l’argent engendre ainsi une sociĂ©tĂ© non moins inĂ©galitaire que d’autres, mais notablement plus avare, plus Ă©goĂŻste, plus hypocrite.
