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  • Vérité & Science

    Vérité & Science

    On transmet essentiellement la passion de la vérité, et sa quête. [Chantal Delsol, dans Un personnage d’aventure].

    Je fais mienne cette belle phrase. La recherche de la vérité, sa quête, est un élément essentiel de notre vie, et de ce qu’on transmet à  nos enfants. Puisque cet élément est central, il convient de ne pas rester dans le flou, et de préciser ce qu’est la vérité, sa nature, et d’identifier les moyens d’accès à  cette vérité.

    Passons par la science

    Ce modeste billet ne prétendra pas faire le tour de cette question, mais simplement partager avec vous quelques éléments que je trouve structurants. Je suis scientifique, et je crois que ce que la science nous a appris de la vérité est très utile. Ne pas s’en servir dans d’autres domaines, y compris dans ceux où la notion de vérité n’a pas exactement le même sens, serait une erreur. Faisons donc, pour comprendre la vérité, un petit détour par la Science et la connaissance.
    J’ai récemment planché devant des doctorants de l’Ecole des Mines. J’avais été challengé pour venir présenter mon travail, bien sûr, mais aussi les rapports que j’avais pu entretenir avec la connaissance, en thèse, en recherche, en R&D, mais aussi dans mes activités actuelles de conception innovante. Et j’ai fait l’exercice avec beaucoup de plaisir : identifier en quoi notre rapport à  la connaissance a pu évoluer est un exercice passionnant. Dans ce cadre, j’ai tenté d’apporter ma « vision » de la science, et j’ai identifié 4 points qui me paraissent fondamentaux et qui sont structurants pour la science et la démarche scientifique.

    • un postulat : le postulat de base de la science, c’est que le réel existe. Cela parait bête, mais c’est plus important qu’il n’y parait. Ce postulat est fondamental : il existe une réalité, un tout, qui est du coup un objet d’étude possible. Le mot de « une » réalité est important aussi. Le concept d’une réalité unique, conduit à  une logique d’unification qui en science a donné des résultats impressionnants.
    • un mystère : un des mystères les plus forts se trouve à  la base de la démarche scientifique. Le réel est modélisable. Einstein avait bien exprimé ce mystère : « Ce qui est incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible. » Oui : on parvient assez bien à  décrire les phénomènes physiques avec des modèles, avec des équations, et on parvient à  comprendre ces phénomènes. Ce n’était pas obligé. Mais c’est le cas. Le monde n’est peut-être pas rationnel, mais la raison permet de très bien le comprendre.
    • une démarche : la démarche scientifique est une démarche d’aller-retour entre ces modèles théoriques, et ce réel qu’ils prétendent décrire. « Rien de plus pratique qu’une bonne théorie », disait Kurt Lewin. La démarche est de confronter les modèles avec la réalité et voir où ils fonctionnent, et où ils ne fonctionnent pas.
    • une posture : dans le continuité de la démarche du point précédent, il y a une posture qui va à  l’encontre de nos modes de fonctionnement et qui est celle de la science. C’est le réel qui tranche. Dans les allers-retours modèles/expérience, c’est le réel, ce sont les faits qui ont raison. Nos modèles sont par définition faux en partie ; ils sont donc aussi en concurrence les uns avec les autres pour expliquer au mieux la réalité.

    La science est donc une démarche, adossée à  un postulat et à  un mystère, et dont la rigueur est garantie par une posture particulière.

    Il me semble que ce qui est requis est un sain équilibre entre deux tendances: celle qui nous pousse à  scruter de manière inlassablement sceptique toutes les hypothèses qui nous sont soumises et celle qui nous invite à  garder une grande ouverture aux idées nouvelles. Si vous n’êtes que sceptique, aucune idée nouvelle ne parvient jusqu’à  vous; vous n’apprenez jamais quoi que ce soit de nouveau; vous devenez une détestable personne convaincue que la sottise règne sur le monde — et, bien entendu, bien des faits sont là  pour vous donner raison. D’un autre côté, si vous êtes ouvert jusqu’à  la crédulité et n’avez pas même une once de scepticisme en vous, alors vous n’êtes même plus capable de distinguer entre les idées utiles et celles qui n’ont aucun intérêt. Si toutes les idées ont la même validité, vous êtes perdu: car alors, aucune idée n’a plus de valeur. Carl Sagan

    Deux autres éléments sont importants pour la réflexion sur la vérité. Comment le savoir progresse-t-il, et quel rapport entretient-il avec l’inconnu ?

    Progrès des connaissances

    La connaissance scientifique ne se construit pas uniquement par ajout régulier de nouvelles connaissances. Bien sûr, nous ajoutons peu à  peu des connaissances. Mais ces faits, ces connaissances s’insèrent dans des macros-modèles, des paradigmes. Il y a dans l’histoire des sciences des moments de rupture, des changements de paradigmes. Thomas Kuhn en a parlé, et je retiens cette petite phrase pour illustrer mon propos, qui dit cela et montre aussi l’aspect collectif de la science :

    […] une nouvelle théorie, quelque particulier que soit son champ d’application, est rarement ou n’est jamais un simple accroissement de ce que l’on connaissait déjà . Son assimilation exige la reconstruction de la théorie antérieure et la réévaluation de faits antérieurs, processus intrinsèquement révolutionnaire qui est rarement réalisé par un seul homme et jamais du jour au lendemain.
    Thomas Kuhn

    Rapport à  l’inconnu

    Le processus de recherche de la vérité, et de construction du savoir, n’est pas une restriction des choses inconnues. Comme Popper l’a très bien dit :

    La solution d’un problème engendre toujours de nouveaux problèmes, irrésolus. […] Plus nous en apprenons sur le monde, plus nous approfondissons nos connaissances, et plus est lucide, éclairant et fermement circonscrit le savoir que nous avons de ce que nous ne savons pas, le savoir que nous avons de notre ignorance.

    L’inconnu, le nombre de choses inconnues, augmente. Plus nous en savons, plus nous accroissons le nombre de problèmes formulables, sans réponses pour le moment.
    Ce qui a fait écrire à  Levi-Strauss :

    Le savant n’est pas l’homme qui fournit de vraies réponses ; c’est celui qui pose les vraies questions.

    Claude Levi-Strauss (1908 – 2009) anthropologue et ethnologue français.

    L’inconnu n’est pas l’ennemi de la science, le mystère non plus. La science aide à  définir la limite entre le connu et l’inconnu. La science distingue et pose la frontière, ce qui est logique car la science est rationnelle par définition.

    Et la vérité dans tout ça ?

    Alors ? Qu’est que ces éléments nous apprennent sur la vérité, et sur notre rapport à  la vérité… ? J’en retiens deux choses, que je trouve applicable aussi bien en sciences, que dans les champs politiques et moraux. Ces deux choses sont deux facettes du pluralisme critique.

    • La première, c’est que la vérité ultime n’existe pas. La Vérité n’est pas un objet défini accessible. C’est un processus de construction des connaissances, qui accroît en même temps le nombre de choses inconnues. La vérité, c’est une exigence permanente. La vérité absolue n’existe pas, certes, mais la vérité existe tout de même et l’exemple de la science montre qu’il est possible de s’en approcher. C’est une idée indispensable. Sans l’idée de vérité, il n’y a que du relativisme, et du nihilisme.
    • La deuxième, et dans la continuité de la première, c’est qu’il faut accorder une grande place à  la confrontation des idées, des théories, et une capacité collective à  écarter les moins bonnes théories, les moins bonnes idées. Je crois que cela est vrai aussi bien en science, que dans le domaine politique. Il faut un pluralisme critique. Le pluralisme critique est l’attitude qui consiste, à  considérer, contre le dogmatisme, qu’il est impossible de détenir la vérité absolue ; mais à  considérer aussi, contre le scepticisme, qu’il est possible de rectifier ses erreurs et donc de s’approcher de la vérité. Plusieurs théories peuvent être en concurrence mais celles qui sont réfutées par l’expériences sont clairement fausses.

    Sur ce thème, il faut citer bien sûr Popper, qui s’en était fait un ardent défenseur :

    Le pluralisme critique est la position selon laquelle, dans l’intérêt de la recherche de la vérité, toute théorie — et plus il y a de théories, mieux c’est — doit avoir accès à  la concurrence entre les théories. Cette concurrence consiste en la controverse rationnelle entre les théories et en leur élimination critique. [Karl Popper]

    Et sur ce thème de la vérité, je laisse le mot de la fin à  un fin scientifique et épistémologue, Gaston Bachelard, qui rappelle que la vérité est aussi un outil pour la spiritualité :

    Il vient un temps où l’esprit aime mieux ce qui confirme son savoir que ce qui le contredit. Alors l’instinct conservatif domine, la croissance spirituelle s’arrête.

    Gaston Bachelard (1884 – 1962) philosophe français des sciences, de la poésie, de l’éducation et du temps.

  • Eviter les décisions absurdes

    Eviter les décisions absurdes

    En deux volumes « Les décisions absurdes », Christian Morel dresse un formidable panorama de la « sociologie des erreurs radicales et persistantes ».

    Des biais individuels et collectifs…

    Le premier est consacré à  une analyse approfondie de certains accidents, notamment dans l’aviation, la marine ou encore les hôpitaux. Cela permet de comprendre les mécanismes individuels (il cite d’ailleurs les travaux d’Olivier Houdé, que j’ai découvert récemment) mais surtout collectifs qui sont à  l’oeuvre pour que de telles décisions puissent être prises.

    …et des meta-règles pour les éviter

    Le deuxième volume montre les organisations – et surtout les processus – qui ont été mis en place dans les environnements à  haute fiabilité pour contrer ces biais collectifs. Il y a des solutions, et elles sont de l’ordre des méta-règles : non pas des règles supplémentaires valables en toute circonstances, mais plutôt des grands principes qui permettent d’éviter les décisions absurdes. Si vous voulez les découvrir jetez-vous sur ces deux petits livres très bien écrits, dans un langage très loin de tout jargon, et dont le propos dépasse largement le strict champ des organisations à  haute fiabilité, pour s’appliquer, à  mon sens à  tout type d’activité humaine complexe. Pour vous chers lecteurs, voici quelques-unes de ces méta-règles :

    • Hiérarchie restreinte impliquée : dans certaines situations critiques ou à  risque, il est important que le pouvoir de décision se déplace vers la base. Les décisions collégiales sont à  privilégier
    • Avocat du diable : pour une vraie culture du consensus, il est nécessaire d’éviter les pièges que sont les fausses unanimités et les faux consensus. Il faut pour cela privilégier la prise de parole, et favoriser les opinions qui critiquent le consensus
    • Redondance des informations & interaction généralisée : les individus s’informent mutuellement de façon permantente, croisée et redondante. Cela sert aussi à  l’apprentissage et à  la socialisation
    • Système de non-punition et d’apprentissage : pas d’apprentissage si l’on ne partage pas et si on n’analyse pas les échecs. Les remontées et le partage d’expériences anonymisés doivent être la règle pour étudier les mécanismes conduisant aux erreurs, et non rechercher les coupables.

    Une véritable contre-culture à  faire grandir

    Pour finir, je laisse la parole à  l’auteur, dans la conclusion, qui présenter l’ensemble de ces règles comme une véritable contre-culture :
    [Ces méta-règles de lutte contre les décisions absurdes] vont à  l’encontre de la pensée habituelle en matière de décision et d’organisation. C’est une contre-culture vis-à -vis à  la fois de la doctrine classique en management, de la pensée politique courante et des croyances ordinaires du grand public. Notre culture est caractérisée par la priorité donnée à  l’action rapide, alors que la haute fiabilité exige d’avantage de réflexion à  travers le débat contradictoire, les retours d’expérience, la formation aux facteurs humains, la capacité à  renoncer. Notre culture est imprégnée de l’idée que les erreurs doivent être sanctionnées et que les règles n’ont pas à  être questionnées, alors que la culture juste de la fiabilité préconise la non-punition et le débat sur les règles. Notre culture est centrée sur le rôle du chef et la valorisation du consensus, alors que les fondamentaux de la fiabilité mettent l’accent sur la collégialité et les dangers des faux-consensus. Notre culture favorise une communication formée d’innombrables informations schématiques, alors que la fiabilité implique la mise en relief des messages essentiels. Notre culture est marquée par le principe de précaution, la possibilité du risque zéro, la foi dans l’hyperrationalité, alors que l’option opposée de solutions astucieuses et imparfaites se révèle souvent plus sûre et performante.
    Christian Morel termine « Les décisions absurdes » en insistant sur le fait que ce ne sont pas les organisations qu’il faut changer, mais les processus. Intéressant, non ?

  • Violence conjugale ou islamique ?

    La semaine dernière, je parcourais l’actualité sur Internet, et j’apprends qu’un homme est condamné à  deux ans de prison pour avoir frappé sa femme. Je suis surpris et surtout choqué. Comment un homme peut-il battre sa femme ? Pourquoi ? Et comment peut-il vivre en sa compagnie ensuite ? Enfin, comment une femme peut-elle envisager de poursuivre sa vie de couple dans de telles conditions ?
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  • La vérité sur le néolibéralisme

    La vérité sur le néolibéralisme

    Néolibéral est certainement l’insulte la plus à  la mode en France. Déjà , il faut savoir que c’est juste le nom qu’ont donné ses adversaires au libéralisme. Histoire de ne pas dire trop ouvertement qu’ils font la promotion d’idées légitimant la contrainte, et la négation des individus. Ensuite, ce qu’on découvre en cherchant un peu, c’est que ni les intellectuels qui ont fondé ces courants anti-libéraux, ni leur partisans, ne connaissent le libéralisme. Ils s’en servent comme d’un épouvantail pour faire passer leurs idées liberticides et totalitaires. Ne rentrons pas dans leur jeu, ni dans leur sémantique.
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  • Kit de détection d'idioties #2

    Kit de détection d'idioties #2

    Après le premier volet du Kit de détection d’idioties, qui présentait les méthodes « scientifiques » pour raisonner de manière rigoureuse, voici le deuxième volet qui présent les sophismes et paralogismes les plus courants. Très intéressant, et indispensable pour savoir argumenter proprement. Que ce soit pour détecter les trolls, ou pour passer ses propres arguments au crible d’un outil d’esprit critique…
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  • Kit de détection d'idioties #1

    Kit de détection d'idioties #1

    Carl Sagan, scientifique connu pour son scepticisme a décrit dans un ouvrage célèbre la démarche scientifique et les outils de la pensée critique. Il a résumé cela de manière très simple et concise dans son fameux « Kit de détection d’idioties ». Il s’agit d’une liste d’outils permettant de vérifier la solidité d’hypothèses, et d’éviter les erreurs de logiques ou de rhétoriques les plus courantes. Dans ce premier volet, je vous présente les outils pour bien construire et tester un raisonnement.
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