Étiquette : Constitution

  • Pour un 1er Amendement

    Pour un 1er Amendement

    Je ne serais probablement pas d’accord en tout avec Etienne Chouard, mais il a raison quand il dit que tout citoyen devrait réfléchir à la Constitution. Et je pense que sur le point de la liberté d’expression, cela s’applique très bien.

    Constitution

    La définition de la Constitution dit bien sûr tout, mais je suis plus pragmatique que cela. De mon point de vue, il est plus simple de repartir des basiques : toute société humaine fonctionne en ayant un certains nombre de règles. Ces règles définissent un certain nombre d’interdits qui encadrent la liberté humaine, en précisant les conditions d’applications. Elles doivent être, pour être justes, adossée aux règles morales de la société en question, et valable pour tous de la même manière. Certaines de ces règles sont implicites, traditionnelles, et d’autres sont explicites, écrites. Je ne reviens pas là-dessus, j’en ai déjà parlé en détail ici : Loi et règlementation.
    La Constitution, dans mon esprit, est un ensemble de principes et de meta-règles qui permettent de juger de la validité des règles (lois, règlementations, décrets, etc.). La Constitution définit ce qu’est une bonne règle.

    C’est dans cet esprit que le Bill of Right US a été écrit, et je le trouve bien plus puissant et pertinent que notre propre constitution (qui en fait, sans la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, n’est qu’une longue liste descriptive de l’organisation des pouvoirs, certes intéressante, mais guère utile pour parler « principe » ou « meta-règles »). Pourquoi ? Parce la première meta-règle, le premier amendement, dit qu’une bonne loi ne pourrait entraver la liberté de conscience et d’expression des citoyens. Le second amendement, dit qu’une bonne loi ne pourrait pas désarmer les citoyens. Le troisième précise que sauf cas très exceptionnel, le respect de la propriété privée sera absolu. Allez lire le texte, vous verrez qu’il réellement costaud. Les législateurs et hommes de pouvoirs ne peuvent pas faire taire les gens, les désarmer, les exproprier arbitrairement, etc. Ils essayent, mais les citoyens américains sont protégés par leur Constitution.

    Liberté d’expression

    Dans ce billet, je voulais partager mes interrogations et recherches sur la liberté d’expression (le 1er amendement américain), car elle est bien menacée. Pour en savoir plus sur la liberté d’expression, vous pouvez aller lire l’excellent article de la Stanford University. Les récents évènements en Angleterre le montrent : on y laisse des hordes armées circuler en ville pour terroriser tout le monde en appelant au meurtre, mais on peut emprisonner un citoyen pour ses propos sur les réseaux sociaux.
    J’ai déjà rappelé ailleurs la magnifique démonstration de John Stuart Mill concernant la nécessité de la liberté d’expression.
    Philippe Nemo a raison bien sûr, quand il dit qu’il faut abolir les lois de censures en France. Mais est-ce suffisant ? Je ne le crois pas.

    Constitution Française

    Dans notre Constitution, la liberté d’expression n’est mentionnée nulle part. Un petit peu dans l’article 4 (« La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation »), mais le terme « équitable » laisse la porte ouverte à toutes les dérives. Le 1er amendement est beaucoup plus clair et radical :
    Le Congrès n’adoptera aucune loi relative à l’établissement d’une religion, ou à l’interdiction de son libre exercice ; ou pour limiter la liberté d’expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d’adresser au Gouvernement des pétitions pour obtenir réparations des torts subis.
    Il faut aller chercher dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (à laquelle il est fait référence dans le préambule).

    Article 10
    Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.
    Article 11
    La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

    L’article 11 pourrait sembler donner les mêmes garanties que le 1er amendement US, mais ce n’est pas le cas : il suffit qu’une loi (telles que celles dont l’abrogation est demandée par Nemo) délimite des cas où la liberté d’opinion n’est plus la bienvenue (selon qui ? pour quelles raisons ?) pour faire taire les gens. Un article de Constitution qui laisse la loi venir changer son sens n’est pas très solide. C’est d’ailleurs le cas en France, puisque des juges politisés autorisent et voient comme recevables des plaintes qui sont de véritables tentatives de censures. Qu’est-ce qui garantit la liberté d’expression en France ? Pas grand-chose. Pour une part de notre attachement culturel à ce principe, mais il faut regarder les choses en face : les gauchistes au pouvoir, y compris au Conseil Constitutionnel (voire la sortie de Fabius au moment de la dernière présidentielle), n’ont aucune espèce d’envie de laisser parler leurs opposants. On peut voir les attaques contre Cnews, C8, L’incorrect (pour des unes, par leur banque), et les dissolutions d’associations identitaires diverses comme autant d’exemples de cette réduction lente, mais sûre, de la liberté d’expression.

    Constitution Anglaise

    La situation est beaucoup plus complexe en Angleterre, car leur système de règles est un mélange de règles coutumières, de droit positif contenu dans plusieurs documents différents : Magna Carta, Habeas Corpus, Bill of Rights, différents Acts). Mais ce qu’on peut y voir n’incite pas à l’optimisme : il n’y a pas de droit formel à la liberté d’expression, celle-ci reposant principalement sur la « common law » (droit coutumier ou jurisprudence). Quand la culture change, le « droit coutumier » aussi. C’est tout l’intérêt d’une Constitution : elle ancre de manière formelle des choses qui sont rendues plus difficiles à faire bouger. Pour l’Angleterre, du coup, c’est l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui joue, et c’est la même que celle de la Déclaration des droits de l’Homme. Depuis plusieurs années déjà, la police de la pensée veille au grain multiculturaliste en Angleterre.

    Pour un 1er amendement à la Française

    Il me semble clair qu’il faut absolument réintégrer dans notre Constitution un article identique à celui de la Constitution Américaine : un article interdisant aux législateurs, politiciens, hommes du pouvoir, de restreindre la liberté d’expression et d’opinions. Sans conditions. Sans cela, nous suivrons le même chemin que l’Angleterre.

  • Vote et démocratie

    Vote et démocratie

    Dans les commentaires du dernier billet consacré à Milei, j’avais partagé cette interview d’Etienne Chouard, car je l’avais trouvé très intéressante.

    Vote et élection

    Il y a pose notamment, dès le début, une distinction qui me parait essentielle entre élection11. Election : Procédure par laquelle des électeurs portent leurs suffrages sur les candidats qu’ils chargent de les représenter dans des assemblées administratives de ressort et de compétence variables. et vote. Dans sa conception, c’est très limpide : voter, c’est donner son avis sur un sujet précis (on est dans le processus de décision), et élire, c’est choisir quelqu’un qui va nous représenter, et donc choisir pour nous. Je rejoins Chouard dans son analyse : l’élection est assez antidémocratique, et le vote l’est. Il en tire les conséquences, et je invite à regarder la vidéo pour suivre le raisonnement, notamment l’importance du tirage au sort (dossier sur son site).
    Pour être plus précis, dans le système actuel, nous ne votons que pour élire, et presque jamais pour donner notre avis (et quand on nous le demande, c’est soit sur des sujets subalternes ou ridicules, soit pour faire semblant et nous la faire à l’envers quelques temps plus tard). Notre avis, l’avis du peuple n’intéresse pas les « élites ».

    Constitution et démocratie

    Un autre point, qui parait évident en y réfléchissant un peu, est que la Constitution22. Loi fondamentale ou ensemble des principes et des lois fondamentales qui définissent les droits essentiels des citoyens d’un État, déterminent son mode de gouvernement et règlent les attributions et le fonctionnement des pouvoirs publics., en tant que « loi fondamentale », faisant référence pour juger de la pertinence des lois & réglementations, ne devrait pas pouvoir être modifiée sans un vote d’accord du peuple. Or, c’est constamment le cas. Nous ne sommes donc pas à proprement parler, en démocratie. On peut faire semblant, bien sûr, de considérer que tout cela n’est pas très grave, et que ce sont somme toute des arguties juridiques sans importance. Mais je crois, au contraire, que c’est central dans les combats politiques qui, je l’espère, vont venir. Rétablir ce lien sacré entre « constitution » et « peuple » parait être un point central d’un retour à une démocratie véritable.

  • Subsidiarité

    Retour sur le principe de subsidiarité, souvent invoqué et source de pas mal de confusion. Les sociaux-démocrates le font partir d’en haut, et le confondent avec la décentralisation (le niveau le plus haut dans l’organisation de la société délègue une partie de ses pouvoirs), tandis que les libéraux le font partir de l’individu, et y voient le seul moyen de structurer la loi pour garantir la liberté individuelle. Pour les libéraux, la subsidiarité, c’est le principe selon lequel les individus délèguent une partie du pouvoir sur un organe collectif (public ou non).

    J’ai reçu ma dernière commande : « L’homme Libre« , un livre d’hommage à  Pascal Salin. Et, bien sûr, je n’ai pas pu m’empêcher de commencer à  dévorer quelques chapitres. Dont un, clair et néanmoins fouillé11. Il y revient notamment sur les racines étymologiques, historiques, et philosophiques du concept, en particulier sur sa proximité avec des textes du pape Pie XII, et avec le concept de personnalismecher à  Koz, de Jean-Philippe Feldman2, traitant du principe de subsidiarité : « Subsidiarité et libéralisme ». Son article montre bien comment ce principe a été utilisé aussi bien par les sociaux-démocrates, que par les conservateurs ou les libéraux.
    Il rappelle les distinctions et les nuances qu’il faut apporter à  la définition du concept32. J’avais déjà  fait suivre ici une tribune de Feldman sur le droit et la législation, pour éviter que cela ne devienne un fourre-tout. La subsidiarité comporte deux dimensions, et doit partir de l’individu pour être une notion pleinement libérale.

    Subsidiarité : deux dimensions

    3. distinctions que l’article de Wikipedia sur la subsidiarité ne fait pas du tout
    Ce qu’il rappelait déjà  dans une conférence sur la constitution européenne :

    Pour un libéral, la subsidiarité a deux dimensions. La première, trop souvent oubliée, est la dimension horizontale : la subsidiarité c’est ce qui fait le partage entre la sphère de la puissance publique et la société civile. La deuxième, qui n’est qu’annexe, c’est la subsidiarité verticale : au sein de la puissance publique les décisions doivent être prises au plus près de l’individu.

    La subsidiarité doit partir de l’individu

    La subsidiarité doit partir de l’individu, comme le rappelle Jacques de Guénin :
    L’homme libre et responsable, nous l’avons vu, cherche à  s’associer à  d’autres personnes pour satisfaire des objectifs qui dépassent ses seules capacités. Il fait ainsi partie de groupes, comme sa paroisse, son quartier, ou sa commune. Ces groupements peuvent à  leur tour s’associer pour accomplir des objectifs encore plus ambitieux. Mais les groupes d’ordre supérieur ne doivent pas retirer aux groupes d’ordre inférieur (dont le plus petit est l’individu), ce que ces derniers peuvent accomplir eux-mêmes : c’est le fameux principe de subsidiarité. Pour le libéral, l’État lui-même devrait être une association d’ordre supérieur à  laquelle les associations d’ordre inférieur, telles que les communes, délégueraient certains pouvoirs et certains moyens, selon le principe de subsidiarité. Mais nous vivons depuis toujours dans un schéma strictement inverse où l’État dispose de tous les pouvoirs et ne consent à  déléguer quelques petits espaces de liberté aux citoyens que lorsque ceux-ci le lui arrachent.
    Mathieu Laine et Jean-Philippe Feldman avait également insisté sur le caractère remontant de la subsidiarité dans un texte traitant du rejet de la constitution européenne paru sur le Québécois Libre :
    Pour les libéraux, une constitution devrait tout d’abord avoir pour objet non pas tant d’agencer les pouvoirs que de limiter le Pouvoir. Synthèse ambiguë, la Constitution européenne encourage à  l’inverse l’augmentation et la centralisation des pouvoirs. Au-delà  des domaines de compétence exclusive de l’Union européenne, la liste des domaines de compétence partagée avec les États membres est en effet impressionnante : marché intérieur, environnement, protection des consommateurs, transports, etc. Les principes de subsidiarité et de proportionnalité sont certes consacrés, mais au lieu d’être remontante, au lieu de partir de l’individu pour remonter jusqu’à  l’Union européenne, la subsidiarité, concept fondamentalement libéral, est ici descendante.
    C’est toujours le même principe mis en avant par les libéraux : l’individu – les individus – doivent être le départ et la fin de tout système politique, sous peine de bafouer la liberté individuelle. Chose immorale, même sous des prétextes constructivistes prétendument « sociaux ». J’y souscris pleinement : et vous ?


  • DLL – Introduction

    C’est parti ! Voici quelques citations choisies dans le chapitre d’introduction de « Droit, législation et liberté », de Hayek. L’articulation du livre y est décrite : les trois livres regroupés parlant respectivement du droit, de l’économie et des institutions politiques y sont décrits dans les grandes lignes. Mais je préfère revenir sur quelques passages que je trouve beaux, ou importants, ou les deux. Je redis que mon but n’est pas ici de livrer une analyse de cet ouvrage magistral (il se suffit bien à  lui-même), mais de partager avec vous ce que j’y trouve de bien.
    Cette introduction s’ouvre sur une citation de Montesquieu :

    Des êtres intelligents peuvent avoir des lois qu’ils ont faites, mais ils en ont aussi qu’ils n’ont pas faites.

    De l’esprit des lois, I, p. I

    Assurer la liberté individuelle : un combat d’actualité

    Lorsque Monstesquieu et les rédacteurs de la constitution américaine exposèrent la conception, qui s’était développée en Angleterre, d’une constitution limitative, ils proposèrent un modèle qu’a toujours suivi le constitutionalisme libéral. Leur objectif principal était de fournir des sauvegardes institutionnelles à  la liberté individuelle ; et le dispositif dans lequel ils placèrent leur confiance fut la séparation des pouvoirs. Dans la forme où nous la connaissons, cette division du pouvoir, entre la législature, le judiciaire et l’administration, n’a pas atteint le but auquel elle était censée parvenir. Partout les gouvernements ont obtenu, par des moyens constitutionnels, des pouvoirs que ces hommes entendaient leur dénier. La première tentative en vue d’assurer la liberté individuelle par des constitutions a manifestement échoué. […] Pour moi, leurs buts (des rédacteurs de la constitution, ndr) apparaissent aussi valables que jamais. Mais comme leurs moyens se sont avérés inadéquats, quelque nouvelle invention institutionnelle est nécessaire.

    Causes de l’échec

    […] j’en suis venu à  voir clairement pourquoi ces idéaux n’avaient pas su garder l’adhésion des idéalistes, à  qui sont dus tous les grands mouvements politiques, et à  comprendre quelles sont les croyances de notre époque qui se sont montrés inconciliables avec les idéaux en question. Il me semble à  présent que les raisons de cette évolution ont été principalement : la perte de la croyance en une justice indépendante de l’intérêt personnel ; par voie de conséquence, le recours à  la législation pour autoriser la contrainte, non plus simplement pour empêcher l’action injuste, mais pour atteindre des objectifs particuliers concernant des individus ou des groupes spécifiques ; et la fusion, entre les mains des mêmes assemblées représentatives, de la mission d’énoncer les règles de juste conduite, avec la mission de diriger le gouvernement.

    Tôt ou tard, les gens découvriront que non seulement ils sont à  la merci de nouvelles castes privilégiées, mais que la machinerie para-gouvernementale, excroissance nécessaire de l’Etat tutélaire, est en train de créer une impasse en empêchant la société d’effectuer les adaptations qui, dans un monde mouvant, sont indispensables pour maintenir le niveau de vie atteint, sans parler d’en atteindre un plus élevé.

    Je passe sur les idées d’ordre spontané et de justice sociale, qui sont évoquées dans l’introduction : nous aurons l’occasion d’y revenir plus loin.

    Un but : une nouvelle constitution

    C’est seulement dans ce livre-ci que je me pose la question de savoir quel arrangement constitutionnel, au sens juridique du terme, pourrait le mieux conduire à  préserver la liberté individuelle.

    Une méthode de réflexion : le rationnalisme évolutionniste

    J’ai été effectivement amené à  la conviction que les plus importantes divergences de notre temps, non seulement scientifiques mais aussi politiques (ou « idéologiques »), proviennent initialement de certaines différences entre deux écoles de pensée, dont on peut démontrer que l’une est dans l’erreur. Les deux sont communément appelées rationalisme, mais je devrais les distinguer en rationalisme évolutionniste (ou comme l’appelle Sir Karl Popper, « critique »), et rationnalisme constructiviste (« naif », selon Popper), le second étant erroné. Si le rationalisme constructiviste peut être montré comme reposant sur des présomptions matériellement fausses, c’est tout une famille de pensées et d’écoles qui se trouvera convaincue d’erreur.

    Un résultat : réfutation du socialisme

    Dans les domaines théoriques, c’est en particulier le positivisme juridique et la croyance connexe en la nécessité d’un pouvoir « souverain » illimité, dont le sort est lié à  celui de cette erreur. Il en va de même de l’utilitarisme, au moins dans sa variante axée sur l’acte ; je crains aussi qu’une part non négligeable de ce qu’on appelle « sociologie » ne soit une progéniture directe du constructivisme lorsqu’elle présente son but comme étant de « créer l’avenir du genre humain » ou, selon les mots d’un auteur, affirme « que le socialisme est l’aboutissement logique et inévitable de la sociologie ». Toutes les doctrines totalitaires, dont le socialisme n’est que la plus noble et la plus influente, sont concernées par cette critique du constructivisme. Elles sont fausses, non en raison des valeurs sur lesquelles elles s’appuient, mais parce qu’il y méconnaissance des forces qui ont rendu possible la Grande Société et la civilisation. La démonstration que les oppositions entre socialistes et non-socialistes sont fondées initialement sur des questions purement intellectuelles susceptibles de solution scientifique, et non sur des jugements de valeur différents, me semble l’un des aboutissements les plus importants de la réflexion poursuivie dans ce livre.

    Si Hayek, dans l’introduction, n’annonce pas une réfutation théorique du socialisme, ni plus ni moins, c’est que je ne sais plus lire ! Tout un programme, qui va être passionnant à  suivre. J’aime beaucoup l’idée de raisonner en se basant sur des choses qui sont de l’ordre de la connaissance, et non sur des jugements de valeurs : indispensable pour pouvoir progresser ensemble.
    Retrouvez les autres notes de lectures sur la page d’index de « Droit, législation et liberté »

  • Réformes, triangles d'or et calculs politiciens

    Le temps manque, souvent, pour aller se renseigner sur tout ce qu’on voudrait. C’est le cas de la réforme constitutionnelle que les parlementaires et les sénateurs vont voter aujourd’hui. J’ai suivi de loin les tractations concernant le vote, qui va être tendu. Sur le fond, quelques grandes lignes m’ont convaincues que ça allait plutôt dans le bon sens. Je me retrouve dans les arguments que l’on peut lire sur Echo Politique, par exemple.
    Dans la manière de mener un changement, on apprend en formation que ceux sur qui il faut s’appuyer pour convaincre les « mous », les « indécis » et les « passifs », sont les « triangles d’or ». Les « triangles d’or » sont ceux qui fonctionnent sur un mode d’esprit critique, d’analyse sceptique des éléments. Ce sont des « raisonnables », « factuels ». Et si eux participent à  convaincre que le changement est bon, alors ils auront un vrai poids dans les discussions : on ne peut pas les soupçonner d’être acquis à  une cause, ou convaincus à  l’avance.
    C’est l’impression que m’ont donné plusieurs tribunes où des esprits lucides ont choisi de dire pourquoi ils voteront oui, malgré des positions éloignées de celles du gouvernement. De la majorité, ou de l’opposition. Citons les radicaux de gauche[1. Gérard Charasse, Paul Giacobbi, Annick Girardin, Joël Giraud, Dominique Orliac et Sylvia Pinel] :

    Et il faut bien reconnaître que de nombreuses dispositions contenues dans cette réforme contribuent à  rénover le système actuel. Le nier serait faire preuve d’irresponsabilité et d’un manque certain de discernement. Il est toujours dangereux, sur un texte qui engage l’avenir de nos institutions, d’opter pour une grille de lecture uniquement partisane et s’inscrivant dans le seul court terme. Il faut se projeter et imaginer l’opposition d’aujourd’hui devenir majoritaire. Quand il s’agit de la Constitution, cet exercice, certes pas facile aujourd’hui, est toutefois indispensable.

    […] Notre vote n’est en rien un vote de soutien à  la politique du président de la République. Depuis le début de cette législature, nous n’avons cessé de nous opposer à  ses projets et à  ses choix.

    Pour ceux qui veulent lire le texte complet des articles modifiés qui sont soumis au vote du Congrès, c’est là  : Le texte des articles modifiés sur Le Monde.
    Je reprend, en guise de conclusion, l’article de Brice Couturier : il n’y a rien à  ajouter.

    Pourquoi édulcorer un pouvoir dont on peut s’emparer ?

    Les hommes de parti, quelques pures que leurs intentions puissent être, répugnent toujours à  limiter la souveraineté. Ils se regardent comme ses héritiers, et ménagent, même dans la main de leurs ennemis, leur propriété future. (Benjamin Constant)

    Voilà  pourquoi la majorité du PS refusera, en Congrès, les réformes constitutionnelles proposées par le gouvernement. Même s’il se trouve que nombre de ces réformes sont réclamées à  corps et à  cris depuis des années par la gauche libérale. Pourquoi l’opposition contribuerait-elle à  rogner les pouvoirs exorbitants de l’exécutif, alors qu’elle sait qu’elle a de bonnes chances de l’emporter dans moins de 4 ans ? A-t-on vu que l’auteur du ”Coup d’Etat permanent » ait renoncé en quoi que ce soit aux prérogatives ahurissantes accordée au président de la République, une fois élu ? Le pouvoir de nomination, en particulier, est, dans notre pays, scandaleux. On a vu l’usage qu’en ont fait et Mitterrand et Chirac en fin de mandat pour caser ou remercier leurs amis.