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  • La fin de la chrétienté

    La fin de la chrétienté

    Chantal Delsol a publié il y a quelques mois « La fin de la chrétienté ». Comment se constate la fin de la Chrétienté ? Quels en sont les ressorts moraux et philosophiques ? Quelles perspectives ? C’est à ces questions que Chantal Delsol répond dans ce court essai, stimulant, sobre mais érudit, qui force à prendre de la hauteur.

    Inversion normative

    Considérant les 16 siècles de la Chrétienté (du IVè siècle jusqu’à nos jours), l’auteur y soutient la thèse que nous sommes arrivé un moment d’inversion normative pour notre civilisation. Tout comme le christianisme a fait son essor en inversant certaines normes morales (passage du paganisme au christianisme), nous sommes en train de vivre une autre inversion morale. En partie parce que la religion chrétienne n’a plus l’envie de régner (c’est cela la fin de la Chrétienté : la fin de l’ère où les institutions politiques sont organisées autour, et appuyées sur, des valeurs morales chrétiennes et en lien avec les institutions religieuses), et en partie par le jeu de forces externes à la religion.
    Quelle est cette inversion normative que nous sommes en train de vivre et que Chantal Delsol voit comme le marqueur de la fin de la chrétienté ? Elle concerne les normes de conduites : les différentes « lois sociétales » montrent un univers moral où la liberté est devenue folle et considérant que tout ce que la technique peut, nous pouvons le faire au nom de libre détermination de chacun. Une sorte d’auto-nomie désincarnée, sans limites. Mais tout cela n’est que le fruit, et le signe, de « l’inversion ontologique » plus large et profonde que Delsol décrit : nous sortons du monothéisme pour aller vers une forme paganisme, polythéisme, ou cosmothéisme. Moïse avait fait passer son peuple du polythéisme au monothéisme, et nous vivons, depuis plus d’un siècle, une autre inversion qui nous fait sortir du monothéisme. On pourrait se demander s’il s’agit d’une « inversion », ou d’une « évolution » ? Comme le rappelait Larmore :

    Dieu est si grand qu’il n’a pas besoin d’exister. Cela est l’essence du processus de sécularisation qui a si profondément influencé la société moderne. Le reniement des idoles, le respect pour la transcendance de Dieu sont ce qui a conduit à relever Dieu de la fonction d’expliquer l’ordre de la nature et le cours de l’histoire. Expliquer quelque chose par l’action divine ou la Providence revient toujours à mettre Dieu parmi les causes finies que nous avons déjà découvertes ou que nous pouvons imaginer. Dès lors que nous nous résolvons à laisser Dieu être Dieu, nous ne pouvons plus utiliser Dieu à nos fins cognitives.

    Rapport contemporain à la Vérité

    Chantal Delsol décrit comment le régime de vérité n’est plus le même. En quittant la chrétienté, et l’exclusivisme judéo-chrétien du rapport à la vérité, le rapport religieux à la transcendance, nous n’abandonnons pas la vérité, nous sommes simplement dans un autre régime de vérité. La vérité « révélée » n’a plus de sens, mais la vérité a toujours un sens, qui vient en partie du paradigme scientifique : est vrai ce qui est correspond au réel. Elle ajoute à juste titre que nous avons maintenant un rapport syncrétique à la vérité, pluraliste, agnostique et plus humble :

    Autrement dit : ce qui peut nous permettre de renouer le lien entre l’histoire et la vérité, ce n’est ni la dogmatique du vrai (théories du Progrès ou des Droits de l’homme rigidifiés), ni l’oubli du vrai (mythes postmodernes), mais plutôt la clandestinité du vrai, qui fait de sa recherche une quête humble et spirituelle, jamais définitive.

    Honnêteté et sagesse

    Elle se présente comme catholique traditionaliste, mais sait prendre le point de vue d’autres qu’elle. Elle décrit bien, par exemple, en quoi les humains rejettent les « autres » mondes des religions :

    Sous le cosmothéisme, l’homme se sent chez lui dans le monde, qui représente la seule réalité et qui contient à la fois le sacré et le profane. Sous le monothéisme, l’homme se sent étranger dans ce monde immanent et aspire à l’autre monde – c’est bien par exemple ce que Nietzsche reprochait aux chrétiens. Pour le monothéisme, ce monde n’est qu’un séjour. Pour le cosmothéiste, il est une demeure. L’esprit postmoderne est fatigué de vivre dans un séjour ! Il lui faut une demeure bien à lui, entière dans ses significations. Il redevient cosmothéiste parce qu’il veut réintégrer ce monde comme citoyen à part entière, et non plus comme cet « étranger domicilié », ce chrétien décrit par l’anonyme de la Lettre à Diognète. Il veut à présent se trouver à son aise dans le monde immanent dont il fait partie intégrante, sans avoir besoin de rêver ou de tisser ou d’espérer un autre monde, qui le laisse séparé de lui-même. Il veut vivre dans un monde autosuffisant qui contienne son sens en lui-même – autrement dit : un monde enchanté, dont l’enchantement se trouve à l’intérieur et non dans un au-delà angoissant et hypothétique.

    Le terme cosmothéisme n’est pas tout à fait juste, car l’esprit de cette « anthropologie moniste » n’est ni une négation de la transcendance, ni un refuge dans une ridicule divinisation de la nature. C’est, à nouveau, une approche, qui est la mienne, qui sait se contenter du chemin vers la vérité sans vouloir sauter des étapes et prétendre connaître ce qu’on ne connait pas. Le seul « monisme » là-dedans, c’est une affirmation qu’il n’existe qu’une réalité, et que l’on peut en avoir une approche pluraliste sans devenir superstitieux. La complexité du réel est suffisamment incroyable pour nous éviter d’avoir besoin de saupoudrer notre rapport au monde de croyances absurdes.
    Il me semble qu’elle met le doigt sur un élément essentiel aussi en montrant que nos contemporains rejettent également l’esprit de conquête.

    Mais surtout : loin de vouloir conquérir le monde, dorénavant, comme les juifs, nous allons nous préoccuper de vivre et survivre – et ce sera déjà bien assez. Fouillez partout, et vous ne trouverez plus nulle part de rêve de mission et de conquête – et même si parfois ils existent dans le secret de certains coeurs, ils n’osent pas se dire. Au fond, beaucoup de chrétiens sont soulagés de voir s’éteindre la Chrétienté avec tout ce qu’elle supposait de force et d’hypocrisie. Nous sommes tous, chrétiens ou non, les enfants de cette époque : préférant la douceur à la domination, l’imperfection assumée à la fanfaronnade.

    Chantal Delsol est d’une grande sagesse, car elle montre le réel, et ce qui arrive, sans le regarder ni avec crainte ni avec nostalgie, mais en souligant ce que cela rend possible, d’un point de vue spirituel. Elle pose dans ce magistral essai le début de la réflexion sur le christianisme sans la chrétienté.
    Vous pouvez aller l’écouter sur l’excellente chaîne TV libertés : Chantal Delsol interviewée.

  • Sapiens

    Sapiens

    C’est à  coup sûr un livre très vivifiant que le « Sapiens », de Yuval Noah Harari. Ce qui explique son très grand succès. J’avoue l’avoir lu avec intérêt, et que j’ai y pris beaucoup de plaisir.

    Raccourcis idéologiques

    Mais je dois commencer par une critique, avant de passer aux louanges. Car dès le début, dès la première phrase, une inexactitude m’a sauté à  la tronche. Ce qui a eu le désagréable effet de me mettre dès le début, dans une forme de « prudence » vis-à -vis des propos de l’auteur. La voilà  :

    Il y a environ 13,5 milliards d’année, la matière, l’énergie, le temps et l’espace apparaissaient à  l’occasion du Big Bang. L’histoire de ces traits fondamentaux de notre univers est ce qu’on appelle la physique.

    Faux, archi-faux ! La physique n’est pas une « histoire ». Chacun sait cela. On peut faire l’histoire des théories de la physique ou de la connaissance (épistémologie), l’histoire des institutions de la physique et de ses physiciens, mais la physique reste « la science qui tente de comprendre, de modéliser, voire d’expliquer les phénomènes naturels de l’univers. Elle correspond à  l’étude du monde qui nous entoure sous toutes ses formes, des lois de sa variation et de son évolution. » (Wikipedia). Prudence, donc. Dès la première page, l’auteur assène une fausseté pour construire une rhétorique. Ou pour le dire mieux, l’auteur met le pathos avant le logos notions centrales en rhétorique). En préparant ce billet, je suis allé lire quelques recensions sur le web, et ces critiques sont bien présentes à  d’autres endroits (The Guardian, Sens Critique).

    Les défauts de ses qualités

    Le gros point positif de ce livre, c’est qu’il ose balayer vite beaucoup de choses, en assumant des partis pris, des raccourcis. C’est un travail de « visionnaire », plus que de pur scientifique. Et pourquoi pas ? Un historien n’a pas à  rester enfermé dans sa discipline, et peut mêler anthropologie, histoire, épistémologie, vulgarisation, économie, pour proposer quelque chose. C’est bien le rôle de l’essai. Cet essai, donc, souffre des défauts de ses qualités : plein d’inexactitudes, de raccourcis, de partis pris, mais stimulant, audacieux. On pourrait lui reprocher, alors, un manque de vision (mais cette critique tombe à  l’eau car un deuxième tome vient compléter le premier).

    Je pourrais continuer à  l’infini les exemples : sur l’argent, son apparition et son rôle, c’est très limité (surtout quand on sort de la lecture d’un livre de spécialiste sur le sujet). Voire franchement manipulateur. Sur le capitalisme et l’économie, même modèle : raccourcis, et manque sérieux de rigueur. Il n’est même pas fait mention du fait qu’en termes d’institutions, le capitalisme est tout de même adossé à  quelque chose qui s’appelle la propriété privée, l’état de droit, et le respect des contrats. Même la logique fondamentale des échanges et des emprunts n’est pas exacte.

    La lecture des mythes et grandes fictions collectives de Harari est stimulante, mais à  nouveau trop superficielle : l’argent, la Nation et Dieu au même niveau ? Dans ce cas, tout se vaut, ce qui est une forme de nihilisme.

    Tranhumanisme assumé

    Sa philosophie de fond, au final, est lisible en fin d’ouvrage, elle me semble être transhumaniste. C’est un vrai sujet de réflexion. L’homme, en augmentant sa capacité à  jouer avec les gènes, avec le nano, avec l’hybridation du vivant et de la technique, est-il à  l’aube d’une nouvelle ère ? L’auteur semble penser que ce n’est plus une question. On peut ne pas être d’accord.

    Pour finir, il faut rendre hommage à  l’auteur : c’est facile à  lire, riche d’enseignements (à  prendre avec précaution, comme je l’ai dit), d’histoires passionnantes sur l’histoire de l’humanité. Au final le succès d’un tel livre est plutôt inquiétant : si des idées aussi nihilistes sur le fond, et peu rigoureuses sur la forme plaisent à  autant de monde, cela en dit long sur l’état de l’humanité en ce début de millénaire. Restons optimistes : ce ne sont pas les idées ou la philosophie de fond qui ont fait le succès du livre, mais sa capacité – réelle – à  stimuler, provoquer, susciter un débat et une réflexion.

  • Croyez-vous au progrès ?

    Croyez-vous au progrès ?

    J’ai découvert il y a peu que nous vivions, selon certains du moins, dans une époque post-moderne. Du nom du post-modernisme philosophique, qui est une philosophie critique, qui a déconstruit, et rejeté une forme d’occidentalisme des Lumières basé sur la raison et la technique. Fort bien.

    Se débarrasse-t-on facilement du progrès ?

    Mais cette manière de penser a contribué à  faire jeter à  une partie de la population le bébé avec l’eau du bain. L’eau du bain, c’est le dogmatisme, les superstitions, les modèles simplistes de l’humain et de la société. Mais le bébé, c’est la raison comme outil de la pensée, le progrès comme valeur collective donnant du sens, et la place de la vérité. Par ailleurs, personne ne peut me forcer à  me positionner sur cette question selon ces termes. Le choix devant lequel nous sommes placés n’est pas nécessairement entre une croyance béate et naïve dans un Progrès mythique d’une part, et d’autre part un monde désenchanté, vide de sens rationnel et de toute représentation objective. Le choix n’est pas entre la foi, et le désespoir. Entre la croyance et la raison. Nous y reviendrons.

    Rejet du progrès, problème d’identité

    Il y d’abord un paradoxe : en rejetant en partie la raison pour faire réapparaitre l’irrationnel comme élément constitutif du réel (fort bien), les post-modernes ont rejeté aussi cette foi dans le progrès qui est une des marques idéologique de l’occident judéo-chrétien. En pointant du doigt un excès de rationalité, ces auteurs en sont venus à  détruire et à  casser une valeur assez irrationnelle, et importante. Il y a là  des pensées problématique sur le plan de l’identité. Peut-on déconstruire sans cesser de croire ? Peut-on croire de manière raisonnable ? Déconstruire c’est bien, mais cela ne doit pas conduire à  oublier ce que le temps et les hommes ont assemblé. La notion de progrès (si l’on en exclue une composante naïve ou dogmatique) reste une valeur centrale en occident. Une valeur qui soude et qui unit. Qui transcende les différences. Qui donne du sens au niveau individuel comme collectif.
    Je regarde donc avec une certaine méfiance tout ce qui se revendique « post-moderne ». En général, cette posture consistant à  dénigrer la croyance dans un progrès possible n’est pas uniquement destructrice ou critique, elle masque souvent une croyance positive — elle — dans un autre ordre des choses, et donc un rejet du réel. Les critiques du progrès en tant qu’idéologie sont en général des gens qui pensent que le monde devrait être autrement que ce qu’il est. Ou des polylogistes qui s’ignorent. Cette tension vers un changement est partagée par les partisans du progrès, ce n’est donc pas cela qui est en cause. C’est bien le refus du réel qui est central. Le progressiste ou mélioriste pense qu’il faut travailler AVEC le monde tel qu’il est.

    Il faut construire aussi

    Je me place dans une logique où il est au moins aussi important, dans le domaine de la pensée, de déconstruire que de construire. Je crois, d’une manière ou d’une autre, au progrès, à  l’amélioration possible du monde par l’être humain. Il me semble que c’est une croyance pacifique et humaniste, et je pense qu’elle ne doit pas être présentée comme une foi naïve ou ridicule. Pas plus, pas moins, que toute autre croyance en un quelconque Dieu, ou dans autre chose. Comme toutes les croyances, elle présente des limites. Comme toute croyance, elle donne de la force d’action. Si la question doit être entre la foi et le nihilisme, alors j’ai choisi mon camp et les post-modernes ont tort.

    La réponse est oui. Mais quelle était la question ? [Woddy Allen]

    Mais ce serait restreindre le champ de la pensée que de devoir faire un choix. Ce serait accepter la logique de conflit et de rejet que l’on peut lire dans ces controverses philosophiques. Elles mettent à  nu une incapacité à  embrasser en même temps des points de vue contraire, des positions différentes.

    Construire est une activité naturelle de l’esprit humain : toutes nos représentations sont des constructions, d’une manière ou d’une autre. Elles donnent une capacité d’action, et présentent le risque de masquer le réel. Tout modèle, toute représentation, est une simplification du réel et présente ce risque, et cet avantage : faciliter l’action, manquer en partie le réel – mais peut-on penser le réel sans utiliser de représentation, et donc sans le simplifier ?

    Marier sens du progrès et transmission

    C’est aussi pour cela que la déconstruction est indispensable : fruit du doute et de l’esprit critique, la déconstruction détricote nos représentations, les questionne, et nous force à  nous confronter au réel, à  la réalité des choses factuelles, sans le filtre de nos constructions, ou en proposant des pistes de représentations différentes. Outil indispensable pour rester proche de la réalité, et pour faire évoluer les représentations. Le risque lié à  la déconstruction est de rester dans cette posture et de ne plus construire, de ne plus assembler. Or, il est important de savoir retisser si l’on veut avancer, individuellement comme collectivement. Par ailleurs, ce que l’on a déconstruit a été tissé par d’autres, pour des raisons qu’il convient au moins de comprendre, à  défaut de les partager toutes. Assumer un héritage, des croyances partagées, me semble être une forme d’humilité intellectuelle. C’est assez facile de casser, de manière radicale, toutes les représentations. Mais il faut encore en proposer d’autres à  la place : elles seront nécessairement le prolongement de représentations existantes. L’humilité est donc de rigueur.

    Croire au progrès, cela ne signifie pas croire qu’un progrès a déjà  eu lieu. Sinon ce ne serait pas une croyance. [Franz Kafka]

    Bref : repenser le sens du progrès, individuel comme collectif, me parait être une tâche importante de la pensée occidentale. Il nous faut, je pense, adopter une pensée évolutionniste qui permet d’éviter les deux écueils : le radicalisme de la table rase, et le conservatisme figé. Connaissez-vous des auteurs qui ont pensé ce thème et qui ont essayé de l’actualiser ?

  • Innover pour survivre

    Innover pour survivre

    « Innovate or die » aurait pu être le sous-titre du livre de Pascal Picq « Un paléoanthropologue dans l’entreprise ». A la place, il a mis « S’adapter et innover pour survivre », ce qui est plus juste. Pascal Picq est un éminent membre du Collège de France, et il oeuvre depuis une quinzaine d’années pour introduire des notions rapportées de la théorie de l’évolution darwinienne dans l’entreprise (avec l’APM, ou l’Académie des Entrepreneurs). Son livre est facile à  lire, bourré de notions et d’idées de tous les horizons, et c’est ce qui en fait la richesse. On y voit à  l’oeuvre non un spécialiste, mais un passeur, un jongleur, prêt à  faire des raccourcis pour faire bouger les lignes. C’est un livre enthousiasmant, éclairant, jubilatoire. Le parallèle dressé entre « capacité d’adaptation » (pour des individus et des espèces) et « innovation » (pour les entreprises et les sociétés) est puissant.
    Je n’ai pas appris grand-chose sur la théorie de l’évolution (que je connaissais déjà  un peu), mais j’ai par contre découvert avec un grand plaisir que ce champ de connaissance ramené dans l’entreprise vient renforcer un certain nombre de thèmes que l’innovation fait émerger aussi :

    • la notion de reine rouge (image repiquée par la biologie à  Lewis Carroll) : dans un environnement mouvant, il faut bouger pour être immobile ; les entreprises doivent être capables d’évoluer pour rester adaptées dans un monde en perpétuelle évolution. De cela découle la notion de coévolution : il est préférable de travailler avec son éco-système (y compris les concurrents) pour continuer à  s’adapter. Sans concurrents, l’illusion d’un environnement fixe revient rapidement, et l’entreprise perd sa capacité d’adaptation, d’innovation.
    • l’importance d’une culture faisant la part belle à  l’essai / erreur. Notre culture européenne, et particulièrement la culture française, est encore trop attachée à  des structures de décisions et opérationnelles verticales, où « l’échec » est vécu comme une catastrophe. L’innovation, comme l’adaptation à  l’environnement, ne passe que par le fameux couple « variation / sélection ». Il faut générer de la diversité (variation), et la pression de l’environnement fera émerger ce qui fonctionne (sélection).
    • l’arrivée en force de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise, et du développement durable. Cela converge admirablement avec les thèses de Ségrestin & Hatchuel. Ce serait d’ailleurs une manière intéressante de pousser ce sujet que de les faire se rencontrer…
    • la nécessaire porosité avec le monde extérieur au sein des entreprises : les dirigeants ont intégrés que l’évolution dépend de facteurs internes, mais ils oublient parfois à  quel point elle dépend aussi de facteurs externes. Je ne peux qu’applaudir des deux mains à  ce constat simple, mais à  rappeler en permanence, surtout avec celui de la nécessaire co-évolution : les autres acteurs, y compris les concurrents, ne sont pas des ennemis, mais les membres d’un écosystème commun.

    Pour en découvrir un peu plus je vous invite à  regarder cette conférence de Pascal Picq, et bien sûr à  aller acheter cet excellent bouquin !

  • DLL – Construction et évolution

    Chapitre Premier : Raison et évolution

    Construction et évolution

    Il y a deux façons de considérer la structure des activités humaines, qui conduisent à  des conclusions forts différentes concernant à  la fois son explication et les possibilités de la modifier délibérément. […]

    La première conception soutient que les institutions humaines ne serviront des desseins humains que si elles ont été délibérément élaborées en fonction de ces desseins ; souvent même, que la simple existence d’une institution prouve qu’elle a été créée dans un certain but ; et toujours, que nous devrions remodeler notre société et ses institutions de telle sorte que toutes nos actions soient entièrement guidées par des objectifs connus. […] Pourtant la croyance sous-jacente à  ces propositions, c’est à  dire que nous devons toutes les institutions bénéfiques à  des plans préconçus, et que seul un tel dessein les a rendues, ou peut les rendre, utiles à  nos fins, est largement fausse. […]

    L’autre vision des choses […] était que ce caractère ordonné de la société, qui a grandement accru l’efficacité de l’action individuelle, n’était pas dû seulement à  des institutions et pratiques inventées ou combinées dans ce but, mais largement aussi à  un processus d’abord décrit comme une « maturation », puis comme une « évolution », processus par lequel des pratiques qui avaient été d’abord adoptées pour d’autres raisons, ou même de façon purement accidentelle, durent conservées parce qu’elles procuraient aux groupes où elles étaient apparues une supériorité sur les autres groupes.

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