Étiquette : Justice

  • Trop d'ouverture conduit à  la démagogie ?

    Je voulais écrire un petit truc sur l’histoire de taxation des stocks options ; ça m’avait fait réagir quand j’ai entendu ça à  la radio, en rentrant du boulot. Et puis, Yves de Kerdrel a écrit, beaucoup mieux que moi, ce que je voulais en dire, alors je vous donne un extrait de son excellent article :

    Mais Philippe Séguin, dont Henri Guaino est très proche, et qui, de temps en temps, a peur qu’on l’oublie dans sa belle robe d’hermine et dans son bureau de la Rue Cambon où les bûches crépitent dans la cheminée Empire, a profité d’un constat dramatique sur les comptes sociaux pour rappeler que si les stock-options étaient soumises aux charges sociales, ce seraient 3 milliards d’euros supplémentaires qui viendraient éponger le déficit de la Sécu.
    Ce débat est très intéressant dans le fond et dans la forme. Et le fait que l’idée ait tout de suite été retenue par le chef de l’État, grâce au relais d’Henri Guaino, montre à  quel point notre classe politique est dans un état pathétique. Sur le fond, cela signifie quoi ? Cela veut dire que s’il n’y avait pas de dérapage des comptes sociaux, on n’irait pas chercher des recettes de poche. Mais le plan Douste-Blazy est un tel échec qu’il le faut bien. Alors vers qui se tourne-t-on ? Non pas vers ceux qui abusent des dépenses maladie (326 millions d’euros au profit des immigrés clandestins par exemple) mais vers ceux qui créent de la richesse, puisque leur régime fiscal est assez complexe pour évoquer une remise à  plat et qu’il est plus commode de parler en France d’égalitarisme que du contraire. Ce qui est en soi une déformation terrifiante de l’esprit, et une nouvelle forme de « la trahison des clercs ». Dans la mesure où ceux qui tiennent ce raisonnement savent qu’ils sont dans l’erreur, mais le font uniquement pour flatter l’opinion. Il faut appeler un chat un chat et cela s’appelle clairement le retour de l’idéologie, aux dépens du pragmatisme.

    Ce que j’en retiens : c’est que si pendant toute la campagne on a accusé – à  tort – Sarkozy d’être un démagogue, au motif qu’il parlait au peuple, il ne faudrait pas qu’il tombe dans l’excès consistant à  vouloir flatter vraiment tout le monde – à  tort-, c’est-à -dire à  jouer le jeu des cons anti-capitalistes et anti-patrons.

  • Alain Boyer : à  propos de la théorie politique de Karl Popper

    Après le texte de Popper sur les fondements du libéralisme, je vous présente aujourd’hui le commentaire qu’en faisait Alain Boyer, dans le hors-série du Point consacré à  la pensée libérale. J’aime ce glissement de la pensée entre la démarche scientifique et son énorme efficacité pour appréhender le monde, et la démarche de la politique libérale basée sur la croyance en la possibilité d’un progrès, fruit de la « délibération publique contradictoire ». Je vous laisse apprécier.

    Karl Popper (Vienne, 1902 — Londres, 1994) est avant tout un philosophe des sciences, connu pour sa réponse à  la question de la démarcation entre la science empirique et les autres discours, à  savoir la « falsifiabilité« , le fait qu’une théorie qui prétend parler du monde doit en principe pouvoir être infirmée par l’expérience : nous devons laisser à  la Nature la possibilité de répondre « non » aux propositions que nous faisons pour la décrire dans ses mécanismes les plus cachés. Le débat contradictoire et la méthode des hypothèses multiples est au centre de cette conception, qui voit dans la « coopération amicalement hostile des savants » le nerf indispensable du progrès des connaissances. Le pluralisme et la liberté de discussion critique occupent la même place au sein de la théorie politique de Popper, centrée sur l’idée de « société ouverte », où les traditions et les institutions peuvent être remises en cause et améliorées au nom de normes morales, comme la liberté et la justice. Ce type de société apparaît avec la démocratie athénienne, mais elle est surtout le produit de la « tradition libérale » et de la « tradition rationaliste critique », auxquelles se rattache Popper, tout en n’ignorant pas certaines des bases morales de la critique socialiste du système libéral, que l’Etat peut aider à  réformer dans le sens de la promotion de la justice, en ne prenant pas la route dangereuse de l’utopie, mais en tâchant de lutter pas à  pas contre toutes les formes de malheur évitable, et en ne sous estimant jamais l’importance des conséquences inattendues souvent « perverses » de son action, sur laquelle il doit pouvoir revenir à  la suite d’un débat public ouvert et sans dogmes. Le libéral croit en la possibilité, mais non en la nécessité, du progrès, dans le cadre institutionnel de la démocratie représentative et délibérative, où les dirigeants peuvent être remplacés sans violence. Il ne s’agit pas de « faire le bonheur » des citoyens, projet paternaliste liberticide, mais de créer un environnement institutionnel tel que l’on puisse peu à  peu améliorer les conditions d’existence des plus mal lotis, tout en ne sacrifiant pas les libertés individuelles, en particulier la liberté d’expression critique et pluraliste. Aucune autorité n’étant infaillible, c’est par la délibération publique contradictoire sur les problèmes sociaux que l’on peut espérer avancer. Tout ce dont nous avons besoin pour cela, c’est d’être prêt à  apprendre de l’autre par la discussion rationnelle. Et la discussion sera d’autant plus féconde que la variété des points de vue sera grande. « Si la tour de Babel n’avait pas existé, nous aurions dû l’inventer ». Le libéral ne rêve pas d’un consensus parfait de l’opinion, il souhaite seulement la « fertilisation mutuelle » des opinions par leur confrontation. Mais aucun problème ne peut être résolu à  la satisfaction générale, et nous ne devons pas le regretter. Il faut promouvoir la tradition du « gouvernement par la discussion », l’habitude d’écouter les points de vue divergents, le développement d’un « sens de la justice et la capacité d’accepter des compromis ». Sur la tard, Popper a reconnu que même si l’Etat minimal était un bon idéal (il faut se méfier de toute bureaucratie), une certaine dose de « paternalisme » était compatible avec cet idéal.
    Alain BOYER
    Popper : La Société ouverte et ses ennemis (1ère éd. anglaise 1945; trad. abrégée, Seuil, 1979); Conjectures et Réfutations (1ère éd. anglaise 1963; trad. Payot, 1985); Etat paternaliste ou Etat minimal (1ère éd. allemande 1988; trad. Editions de l’Aire, 1997
    Beaudoin J. : K. Popper, PUF, 1989
    Boyer A. : Introduction à  la lecture de K. Popper, PENS, 1994

  • La liberté met les voiles ?

    Deux femmes voilées à  qui l’on refuse l’accès à  un gîte, une propriétaire viscéralement attaché à  l’émancipation des femmes. Voilà  l’affaire qui est jugée au tribunal d’Epinal en ce moment. « Fanny » a-t-elle eu raison d’exiger que le voile soit retiré dans les parties communes ? Horia Demiati a-t-elle raison de porter l’affaire devant les tribunaux pour défendre sa « liberté » ? Pas facile de se faire une idée : voici quelques élements de réflexions. J’aimerais avoir votre avis sur la question !
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  • Voilà  la rupture !

    Themis symbole de la justiceEn deux discours, l’un sur le contrat social, l’autre sur la refondation de la fonction publique, Nicolas Sarkozy a montré que son ambition de réforme est intacte, et que contrairement à  ce que veulent toujours faire croire ses détracteurs, il ne recherche pas le conflit, mais l’intérêt général. Extraits de ces deux discours, que je vous conseille d’aller lire en entier.
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  • Interview de Daniel Martin

    Daniel Martin tient un site extraordinaire qui est une mine d’informations, d’articles, et de livres, tous écrit par lui et qui permettent souvent de trouver des informations et des synthèses économiques et factuelles précises, détaillées et référencées pour réfléchir. Sa grande intelligence le fait passer des sujets économiques aux sujets de sociétés avec aisance, en passant par la physique et la philosophie. Amoureux de la raison, de la France, rigoureux, j’ai eu envie de l’interviewer.

    Parcours professionnel

    Lorsque j’ai demandé à  Daniel Martin de me résumer son parcours professionnel, il m’a renvoyé vers son CV(qui contient son profil, ses objectifs et ses règles de conduite), et vers un livre (intégralement en ligne) qu’il a écrit : « La France expliquée aux Etrangers ». Les pages 15 à  25 résument son arrivée en France en 1948 (Daniel Martin est né en 1939 en Roumanie), son amour de la France, son parcours scolaire. Je ne peux que vous recommander d’aller lire ce texte bien écrit, simple, vibrant d’un amour de la France inconditionnel. Le livre en entier est formidable. Daniel Martin a suivi un cursus de Grandes Ecoles, et a brillamment commencé sa carrière comme informaticien chez General Electrics, aux USA. Il est revenu vivre avec sa famille en France en 1971. Il a pris sa retraite en 2000.

    Positionnement sur l’échiquier politique ?

    A propos de son positionnement politique, sa réponse est courte et claire :
    libéralisme, économie de marché tempérée par des lois pour sauvegarder l’environnement et assurer la solidarité entre les personnes. Le politicien dont je suis le plus proche est Jean-Marie Bockel, « socialiste libéral ». Ce que je déplore dans la société française : voir mon ouvrage « Valeurs perdues, bonheur perdu : pourquoi notre société déprime ».

    Sur le Libéralisme

    Questionné sur le fait que la pensée libérale ne soit pas connue en France, au point qu’elle soit de droite, alors que dans tous les autres pays les libéraux sont à  gauche, Daniel Martin me répond :
    Si le libéralisme n’est pas connu, c’est 80% la faute des media et des politiciens, et 20 % celle des citoyens qui ne s’informent pas et votent sans savoir. Le libéralisme est de droite en France (et seulement en France !) parce que notre culture est dominée depuis les années 1970 par une croyance dans le tout-état providence (voir « Cours d’économie pour citoyens qui votent »).
    Et de me renvoyer vers l’extraordinaire sondage qui montre que les Chinois croient plus dans les vertus de l’économie de marché que les Français !

    Sur l’Islam :

    L’islam, au 21ème siècle, est devenu un mouvement politique autant que religieux. Comment penses tu que l’islam puisse évoluer ?
    L’islam n’est jamais devenu un mouvement politique, il l’a toujours été car pour un musulman et d’après le Coran, on ne peut séparer religion, politique, justice, enseignement et lutte armée. Je ne sais comment l’islam évoluera dans l’avenir. Aujourd’hui il évolue vers l’extrémisme. Même en Turquie, où les islamistes viennent de remporter les élections et la présidence. Il n’existe pas d’islamisme modéré, Voir « Le terrorisme islamiste : idéologie, exigences et attentats. L’islamisme d’aujourd’hui est dans l’état de sauvagerie où était le christianisme lors des croisades, de l’inquisition, des guerres de religion : nous n’avons que quelques siècles d’avance. La grande différence entre la mentalité et la culture des musulmans (dominées par l’hostilité et le rejet de la responsabilité sur « l’autre ») et notre propre culture est dans « La culture Arabe ennemie de la démocratie ».
    Il termine en m’expliquant que, selon lui, l’élection de Gà¼l en Turquie ne change pas la donne, ni son point de vue qui est que la Turquie ne doit pas entrer dans l’Europe Politique.

    Sarkozy et les réformes

    Pourquoi, d’après toi, Sarkozy a-t-il été l’objet d’une véritable campagne de « diabolisation » pendant la campagne présidentielle ?

    La diabolisation des adversaires est habituelle dans toutes les élections des pays démocratiques. Elle est pratiquée par les gens qui n’ont pas grand-chose à  proposer.

    Que penses-tu des réformes mises en oeuvre depuis la présidentielle ? Vois-tu dans les quelques reculades (université, taux de non-remplacement des fonctionnaires, service minimum) un échec, où une stratégie visant à  ne pas entrer en conflit frontal ?
    M. Sarkozy est, comme M. Chirac, effrayé par les syndicats, qui ne représentent que 8 % des 40 % de Français qui travaillent, c’est-à -dire une infime minorité. Son courage est donc limité – à  moins que ce soit son aptitude à  combattre vraiment. Il préfère reculer (universités, service minimum, nombre de fonctionnaires…) Mais il arrivera peut-être :

    • à  faire travailler les Français un peu plus ;
    • à  faire garder les enfants de 16 à  18h et à  faire donner des cours de soutien à  ceux qui en ont besoin.

    Réforme du PS

    Quelle est selon toi la ligne de scission entre la gauche et la droite ?
    La ligne de scission réelle entre la gauche et la droite est la répartition de la valeur ajoutée entre travailleurs, actionnaires et Etat. La ligne qu’on voit à  la télévision est une fiction, une posture, une tromperie ou une illusion qui varie avec le politicien et le journaliste considéré.
    Suis-tu les réformes du PS en cours ? Quelle te semble la voie à  suivre pour retrouver un PS fort dans les prochaines années ?
    Je suis les réformes du PS. Pour moi, ce n’est pas M. Hollande qui est le plus grand handicap de Mme Royal, c’est Mme Royal qui est le plus grand handicap des socialistes, car elle combine idées creuses et popularité.
    J’ai également demandé à  Daniel Martin de me donner les noms de trois personnes qu’il souhaiterait voir répondre aux mêmes questions, et il m’a cité :

    • André Comte-Sponville, philosophe
    • Luc Ferry, philosophe
    • Leclerc, patron des Centres Leclerc.

    Ce qui n’a fait que confirmer mon sentiment de proximité intellectuelle avec Daniel Martin (sur les valeurs, parce que sur le reste je ne me permettrais même pas de me comparer à  lui) : Compte-sponville et Luc Ferry sont des philosophes passionnants, que j’aime beaucoup lire, et Michel-Edouard Leclerc gagne certainement à  être connu.
    Un grand merci à  Daniel Martin d’avoir pris le temps de répondre à  mes questions, en me citant à  chaque fois ses ouvrages ou articles qui permettaient d’approfondir. Je ne peux que vous conseiller d’aller lire régulièrement des articles sur son site : c’est du grand art et ça apporte beaucoup de réponses !

  • Qui applique la Loi en France ?

    Vu hier dans un reportage au journal de TF1 : le combat de Ligue de Protection des Oiseaux contre les chasseurs qui continuent de poser dans les landes des pièges à  ortolan (un petit oiseau protégé en Europe). On y voyait la violente réaction des chasseurs contre les membres de l’association. Et on ne pouvait manquer de se poser la question suivante : n’est-ce pas aux forces de l’ordre de faire appliquer la Loi ?
    Personnellement, le débat entre chasseurs et écologistes ne m’interesse pas plus que ça : les ortolans sont le dernier de mes soucis. Il est simplement dommage de menacer une espèce vivante pour satisfaire les appétits de quelques gourmets en mal d’originalité, ou de traditions. Par ailleurs, ce débat m’intéresse encore moins (pas du tout, même) à  partir du moment où une loi a été votée.
    Le reportage était certainement courageux (visiblement, des membres de la LPO et de de l’équipe de tournage de TF1 se sont fait molester par les chasseurs furieux), mais il n’allait pas jusqu’au bout. L’information, en l’occurence, ce n’est pas simplement de montrer l’affrontement, c’est aussi aller voir les autorités locales (Mairie, Gendarmerie) pour leur demander pourquoi la Loi n’est pas appliquée dans leur secteur ? Est-ce dû à  un manque de moyens, ou à  une coupable complaisance d’un pouvoir local qui ne veut pas heurter les traditions séculaires ? Toutes ces questions restaient en suspens, et le citoyen ne pouvait que se poser cette question cruciale, qui revient souvent sur d’autres sujets : pourquoi n’applique-t-on pas systématiquement les Lois que nous nous donnons ? Pourquoi les journalistes ne font-ils pas leur travail d’information jusqu’au bout ? Il me semble pourtant moins « dangereux » d’aller interviewer la Police ou le Maire, que d’aller dans les champs libérer des oiseaux avec les écologistes…