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  • L’esprit de l’athéisme

    L’esprit de l’athéisme

    Je viens de terminer « L’esprit de l’athéisme« , de Comte-Sponville. C’est Max qui me l’avait offert Noël. Super cadeau ! C’est un livre court, dense et plein de raison, comme d’habitude avec Comte-Sponville.

    Le livre est découpé en trois parties, chacune avec un titre sous forme de question :

    1. Peut-on se passer de religion ? Voilà  le paragraphe de conclusion du chapitre :
      Résumons-nous. On peut se passer de religion ; mais pas de communion, ni de fidélité, ni d’amour. Ce qui nous unit, ici, est plus important que ce qui nous sépare. Paix à  tous, croyants et incroyants. La vie est plus précieuse que la religion (c’est ce qui donne tort aux inquisiteurs et aux bourreaux) ; la communion, plus précieuse que les Eglises (c’est ce qui donne tort aux sectaires) ; la fidélité, plus précieuse que la foi ou que l’athéisme (c’est ce qui donne tort aux nihilistes aussi bien qu’aux fanatiques) ; enfin – c’est ce qui donne raison aux braves gens, croyants ou non – l’amour est plus précieux que l’espérance ou que le désespoir. N’attendons pas d’être sauvés pour être humains.
    2. Dieu existe-t-il ? Dans ce deuxième chapitre, sont passées en revues les trois « preuves » historiques de l’existence de Dieu, et Comte-sponville y ajoute trois raisons pour lui importantes qui le confortent dans sa non-croyance. Un passage de la conclusion de ce chapitre :
      Dieu existe-t-il ? Nous ne le savons pas. Nous ne le saurons jamais, en tout cas dans cette vie. C’est pourquoi la question se pose d’y croire ou non. Le lecteur sait maintenant pourquoi, pour ma part, je n’y crois pas : d’abord parce qu’aucun argument ne prouve son existence; ensuite parce qu’aucune expérience ne l’atteste; enfin parce que je veux rester fidèle au mystère, face à  l’être, et à  l’horreur et à  la compassion, face au mal, à  la miséricorde ou à  l’humour, face à  la médiocrité (si Dieu nous avait créés à  son image et absolument libres, nous serions impardonnables), enfin à  la lucidité, face à  nos désirs et à  nos illusions. Ce sont mes raisons, du moins celles qui me touchent ou me convainquent le plus. Il va de soi que je ne prétends les imposer à  quiconque. Il me suffit de revendiquer le droit de les énoncer publiquement, et de les soumettre, comme il convient à  la discussion. […] La religion est un droit. L’irréligion aussi. Il faut donc les protéger l’une et l’autre (voire l’une contre l’autre, si c’est nécessaire), en leur interdisant à  toutes deux de s’imposer par la force. C’est ce qu’on appelle la laïcité, et le plus précieux héritage des Lumières. On en redécouvre aujourd’hui toute la fragilité. Raison de plus pour le défendre, contre tout intégrisme, et pour le transmettre à  nos enfants. La liberté de l’esprit est le seul bien, peut-être, qui soit plus précieux que la paix. C’est que la paix, sans elle, n’est que servitude.
    3. Quelle spiritualité pour les athées ? Ce dernier chapitre expose la spiritualité selon Comte-sponville, toute orientée vers l’action, et la prise de conscience que le seul absolu que nous ayons est celui de l’Etre, vécu plus comme un silence, une sensation que comme une pensée. Il est proche là -dessus des mystiques et des bouddhistes. J’ai un peu plus de mal à  le suivre là , même si des passages me touchent beaucoup…

    Pour conclure, c’est un superbe livre : un appel à  la raison, au doute, à  la discussion et à  la spiritualité. Message rare par les temps qui courent. Pour donner un petit bémol, qui n’est que personnel : j’aborde la question de l’absolu différemment de Comte-sponville. Il le cherche malgré tout dans le mystère de l’être ; il ne veut pas s’en séparer complètement. Personnellement, et c’est certainement mon caractère qui parle, l’absolu me semble une notion pas forcément utile pour vivre. Je me sens plus proche en cela de Montaigne.
    Enfin, tout au long des pages, Comte-Sponville illustre ses pensées de plein de citations excellentes, que j’utiliserais certainement pour mes rituelles « citations du dimanche »… En voilà  deux que j’ai bien aimées, et que je trouve profondes…

    Pour les éveillés, il n’est qu’un seul monde, qui leur est commun; les endormis ont chacun leur monde propre, où ils ne cessent de se retourner.
    Héraclite

    Si l’on entend par éternité non la durée infinie mais l’intemporalité, alors il a la vie éternelle celui qui vit dans le présent.
    Wittgenstein

    Si ces questions de spiritualité, de Dieu, de mystère vous intéresse, alors n’hésitez pas : ce livre est une mine de réflexion passionnantes.

  • Citation #12

    Ne pas prévoir, c’est déjà  gémir. Léonard de Vinci

  • L’oeuf et la poule

    Qu’est ce qui était là  d’abord ? L’oeuf ou la poule ?

    Voilà  l’exemple le plus célèbre de question mal posée : comme tout oeuf est pondu par une poule, et chaque poule issue d’un oeuf, on peut passer quelques millions d’années sur cette question sans y apporter de réponse. Et pourtant, il suffit de constater que c’est dans la nature de la poule de pondre des oeufs, et dans la nature des oeufs de donner naissance à  un poulet pour clore les débats : l’oeuf ne vas pas sans poule, comme la poule ne va pas sans oeufs…!
    Ces réflexions poulaillères sont évidemment d’un interêt considérable ! En effet, il arrive très souvent dans la vie que notre réflexion soit bloquée par une question de causalité de ce type. Et il suffit pour redémarrer la réflexion de sortir de la spirale de la manière suivante : certaines choses vont ensembles, et il n’y pas besoin de chercher trop longtemps qui cause quoi, et qui est est la cause de quoi ! Il s’agit de comprendre que deux phénomènes peuvent être à  la fois cause et conséquence l’un de l’autre. Une sorte synergie, en fait.
    Des exemples ? En voilà  quelques-uns parmi beaucoup d’autres possibles (c’est un jeu amusant)…:

    • Est-ce que la misère sociale est la conséquence de la dictature, ou est-ce que la dictature est la conséquence de la misère sociale ? L’oeuf ET la poule : dictature et misère sociale vont ensemble.
    • Est-ce que la pensée extrême est la cause de l’absence de dialogue, ou est-ce que l’absence de dialogue est la cause de la pensée extrême ? L’oeuf ET la poule : la pensée extrême va avec l’absence de dialogue
    • Est-ce que l’éducation favorise l’émancipation sociale, ou est ce que l’émancipation sociale favorise l’éducation ? L’oeuf ET la poule : émancipation sociale et éducation vont de pair

    Il importe plus, dans tous ces exemples, de comprendre vers quoi tendent les deux éléments que de savoir lequel est la cause de l’autre : qu’importe qui, de l’émancipation sociale ou de l’éducation scolaire, est la cause ou la conséquence ? Ce qui compte de favoriser au maximum l’éducation ET l’émancipation sociale, puisqu’ils vont de pair, et que nous les jugeons souhaitables. Voyez-vous d’autres exemples comme ça ? N’hésitez pas les mettre en commentaire…