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  • Delanoë n’est pas libéral

    Delanoë n’est pas libéral

    Bertrand Delanoë sort un bouquin aujourd’hui, appelé « De l’audace ». Il s’y positionne comme « libéral », ce que les médias ont bien sûr relayé avec délectation (tu parles, une occasion de voir les gars de gauche se taper dessus!). Delanoë n’est pas vraiment libéral, mais cette prise de position a le grand mérite de mettre le libéralisme sur le devant de la scène, et donnera l’occasion aux vrais libéraux – de tous horizons – de s’exprimer plus librement. Voilà  donc une belle avancée, audacieuse. Le petit landernau des blogs de gauche en est d’ailleurs tout agité…et c’est tant mieux : il faut bien remuer, sinon la pulpe elle reste au fond !

    Delanoë n’est pas libéral

    Bertrand Delanoë sort son livre « De l’audace » aujourd’hui. C’est un livre entretien avec Laurent Joffrin. Tous les médias ont déjà  relayé quelques petites phrases à  propos du libéralisme :
    Pour le maire de Paris, « libertaire » qui n’a « jamais été marxiste », la gauche doit adopter « une doctrine de la liberté et de la justice dans une société imparfaite et non une doctrine de la lutte des classes qui nous promet une société égalitaire et parfaite ». Il va même jusqu’à  employer des mots tabous : « Si les socialistes du XXIe siècle acceptent enfin pleinement le libéralisme, s’ils ne tiennent plus les termes de « concurrence » ou de « compétition » pour des gros mots, c’est tout l’humanisme libéral qui entrera de plein droit dans leur corpus idéologique. Il faut choisir : la synthèse est morte. Voici venu le temps des différences assumées. » […] Ce qui est inacceptable pour un progressiste, c’est de hisser le libéralisme au rang de fondement économique et même sociétal avec ses corollaires, désengagement de l’État et laisser-faire économique. »
    Dire que le désengagement de l’Etat est inacceptable, c’est simplement être anti-libéral !Le libéralisme est une doctrine philosophique qui prône le respect absolu de la liberté individuelle. Aucune contrainte n’est tolérée pour un libéral. Le libéralisme s’oppose à  la contrainte (notamment celle de l’Etat) et à  l’arbitraire. L’individu est au coeur du libéralisme. Chaque individu. Bien sûr que le libéralisme est le fondement de l’économie : c’est la liberté d’échanger, de produire, de travailler, d’entreprendre qui fonde l’économie. Cela n’est possible que si la liberté est réelle, et si la propriété privée est un droit inaliénable. Cela se fait dans un état de droit. Rappelons que la propriété inclue la propriété de soi, et de son travail. Pas de liberté sans propriété.
    Expliquer, ce qui est bien, que la gauche doit adopter une doctrine de liberté et de justice, en acceptant la concurrence, c’est une chose. Dire juste derrière que le désengagement de l’Etat est inacceptable, c’est simplement dire l’inverse. L’Etat est détenteur du monopole de la contrainte ; il permet l’établissement d’un Etat de droit – indispensable – mais il impose également des contraintes à  la liberté d’action des individus au fur et à  mesure qu’il prend de l’ampleur et qu’il intervient partout. La règlementation n’est pas la régulation.
    Défendre l’Etat providence qui intervient dans tous les secteurs, ne pas admettre le laisser faire économique, c’est tout sauf être libéral. Le libéralisme économique, selon Hayek :
    …considère la concurrence comme supérieure non seulement parce qu’elle est dans la plupart des circonstances la méthode la plus efficace qu’on connaisse, mais plus encore parce qu’elle est la seule méthode qui permette d’ajuster nos activités les unes aux autres sans intervention arbitraire ou coercitive de l’autorité.
    et voici ce que Mises disait du laisser-faire économique :
    Laissez faire ne signifie pas : laissez agir des forces mécaniques sans âme. Il signifie : permettez à  chaque individu de choisir comment il veut coopérer dans la division sociale du travail ; permettez aux consommateurs de déterminer ce que les entrepreneurs doivent produire.
    Alors bien sûr, Delanoë n’est pas libéral. Il est pour certaines libertés individuelles, c’est tout.

    Blogosphère en ébullition ?

    Libertas est, en libéral cohérent, bien entendu conscient de cette contradiction dans les termes de Delanoë. Mais la prise de position de Delanoë, si elle n’est pas cohérente, a le mérite de provoquer ceux qui ont l’habitude de se déclarer « anti-libéraux ». Antoine Besnehard, est dans la ligne exacte de Delanoë, de même que Nicolas. La prise de position de Delanoë, si elle n’est pas cohérente, a le mérite de mettre le libéralisme sur le devant de la scène, et de le faire connaitre.Ils comprennent l’intérêt et la valeur de la liberté, mais ils ne sont pas prêts à  accepter le libéralisme économique, qui n’est pourtant que le libéralisme s’appliquant au domaine du commerce. D’ailleurs, c’est amusant, car Antoine en appelle au « bien être commun » pour justifier les impôts et la position omniprésente de l’Etat : cela rejoint notre discussion avec René et Nicolas J, où le point central de désaccord avait fini par converger sur « l’intérêt général », et son statut (existe ou pas ?).
    D’autres, comme Marc Vasseur, plus outrancier il vrai, ne comprennent même pas que l’on puisse se dire libéral et de gauche. Plus étonnant, Koz semble lui aussi très circonspect vis-à -vis du libéralisme, et voit la démarche de Delanoë comme un savant calcul électoral…
    Tout cela montre la grande confusion d’une pensée qui voudrait garder la liberté d’action, mais seulement pour certains actes, et seulement pour certaines personnes, arbitrairement. L’inverse du libéralisme, quoi ! Cela montre également une confusion entre libéralisme économique et « loi du plus fort ». Comme si le fait de ne pas laisser libre les acteurs économiques empêchaient la loi du plus fort. Le libéralisme est la seule doctrine qui, dans ses bases mêmes, rejette toute forme de contrainte et d’oppression des individus !

    Découvrir le libéralisme, enfin…

    Tout cela ressort toujours du même constructivisme, qui n’est pas l’apanage de la gauche d’ailleurs, dégoulinant de bons sentiments, mais qui bizarrement n’inclue pas tous les individus au même niveau dans ces bons sentiments. Lutte des classes, quand tu nous tiens…Pourquoi ne pas aller voir ce qu’est réellement le libéralisme, maintenant que Delanoë a brisé le tabou ? L’avenir de la gauche sera forcément libéral, contrairement à  ce qu’ont immédiatement dit Julien Dray et Benoit Hamon. Quel bonheur si le libéralisme devient enfin un point de discussion au PS ! Avant de devenir, je l’espère, une évidence.

  • La gauche et le capitalisme

    Retour sur un article de Michel Rocard, paru le 06 mars 2008. Sous couvert d’un discours convenable et ouvert, on peut y lire un discours proche des vieilles rengaines anti-capitalistes de la gauche. Retour sur quelques points clefs de cet article, pour en disséquer un peu l’idéologie sous-jacente, et/ou le public visé…
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  • Valls, le solitaire ?

    La blogosphère n’en a pas beaucoup parlé. De droite comme de gauche. Et pourtant, les positions exprimées par Manuel Valls, pleines de bon sens, et de sens de la responsabilité, tranchent clairement avec la position officielle du PS. Est-ce le signe d’un début de changement d’attitude au PS ? Il faut soutenir, en tout cas, ce type de discours qui sort de l’opposition systématique, et qui se place dans le registre de la proposition et du progrès.
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  • Vrai centre et faux centre

    François Bayrou a définitivement terminé son oeuvre d’enterrement du MoDem. Son propos visant à  critiquer le bipartisme (réfuté en force par les électeurs) tombe à  l’eau. Malgré les journalistes qui ont souvent mis le focus sur les membres du MoDem dans cette campagne, et malgré un score relativement important aux présidentielles, le centre « à  la Bayrou » a vécu. Une carte interactive des résultats est disponible sur le site du Parisien.
    Plus pertinente et plus juste, la vision d’Hervé Morin dimanche soir concernant la notion de centre. Il est convaincu de sa nécessité, mais contrairement à  Bayrou, Hervé Morin – fondateur du Nouveau Centre – considère que le centre politique doit se positionner comme un courant dans le cadre du bipartisme. Le centre semble être à  ses yeux la voix de la modération et du compromis au sein des grands partis (PS et UMP).
    Il a appelé d’ailleurs à  ce que tout le monde travaille dans le sens de moderniser la France, sur de nombreux aspects évidents – au vu de la situation des autres pays Européens – : plein emploi, réformes structurelles de l’Etat, diminution de la dette publique. Son discours est clairement d’expliquer que les solutions sont – au moins partiellement – connues, et qu’il convient d’avoir un minimum de sens de l’intérêt général pour oeuvrer dans ce sens. Discours frais, pragmatique, et ô combien plus fédérateur que celui, idéologique au point d’être dogmatique, du MoDem. Voilà  ce que doit être le vrai centre, et voilà  pourquoi Bayrou a tué son parti mort-né.

  • A chaud

    Xavier BertandVoilà  mon petit compte-rendu personnel, à  chaud, du débat télévisé qui avait lieu le jeudi 14/02. Beaucoup de temps perdu à  disséquer la vie privée de Sarkozy, à  aider les journalistes à  se gratter le nombril, niveau peu élevé. Bertrand et Dati semblent plus intelligent que le PS, mais est-ce une suprise ? Bayrou est mort. Et le libéralisme, le capitalisme ne sont pas près d’être le cadre de pensée des français…
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  • Interview d’Alain Boyer : quatrième partie

    Nous avons vu la dernière fois l’analyse d’Alain Boyer sur la position idéologique du PS, et celle de Sarkozy. Suite de l’interview aujourd’hui, centrée sur le fameux article qu’Alain Boyer avait publié (dans le Figaro) entre les deux tours de la présidentielle pour soutenir Sarkozy. Historique de l’article, réactions, et quelques mots sur l’université. Si vous prenez cette série d’articles en cours de route, je vous conseille de commencer par le début, ça facilitera votre lecture.

    Pour toutes ces raisons, je vois bien pourquoi, avant la campagne, tu avais appelé dans ton article a voter pour Sarkozy ! Cet article, tu l’avais soumis d’abord au Monde, qui l’avait refusé. Quelles raisons t’avaient-ils donné ?

    Aucune. Une lettre impersonnelle disant que l’article était intéressant, mais que les contraintes de la rédaction, etc…Ce qui m’a amusé, parce que ,en 1969, le Monde avait publié un tableau des groupuscules d’extrême gauche en trois groupes : maoistes, trotskistes, anarchistes. Tous les groupes dont j’ai parlé tout à  l’heure, ils les avaient répartis un peu partout. Ils avaient mis l’International situationniste (l’IS …) avec les anars, et puis SouB avec les trotskistes (ils avaient mis également Spartacus parmi les trotskistes). Alors j’avais pris ma plume d’élève de 3ème, et j’avais écrit au rédacteur en chef du service politique du Monde qui ensuite devenu directeur du cabinet de Mauroy, pour leur dire qu’il fallait 4 catégories. Et tout étonné, 8 jours après j’ai reçu une lettre de lui : « Monsieur, vous avez tout à  fait raison… ». La différence est flagrante ; 30 ans après, j’écris en tant que professeur de philosophie politique et cette fois on me répond de manière presque anonyme. Cet article, pourtant à  l’époque, n’avait aucune conclusion politique. Il disait simplement qu’il il fallait des réformes dites « libérales ». Je disais que, tout en ayant des valeurs, des convictions, il est nécessaire d’avoir une morale de la responsabilité. Ce que tu avais rappelé sur ton blog. Essayer de savoir ce que seront les conséquences probables de mon action, et pas seulement se dire « j’ai bien agi, si ça se passe mal, c’est de la faute du monde ou de la société ».

    La morale de la responsabilité, c’est le contraire d’une citation latine « Fiat Justicia, pereat Mundus », et qui veut dire : »qu’advienne la justice, le monde dût-il en périr. » à‡a c’est la morale de la conviction absolue. Et c’est terrible. Non, il faut maintenir le monde en existence, l’améliorer, mais surtout pas le sacrifier au nom de valeurs pures. Il faut avoir des valeurs, mais que ces valeurs soient des sortes de contrôle, si tu vois ce que je veux dire…

    Des garde-fous ?

    Oui, des gardes-fous pour ne pas tomber dans l’immoralisme politique. Mais en même temps, la responsabilité : si je fais les 35 heures, qu’est-ce que ça va donner ? si je garde la retraite à  60 ans, comment financer les retraites dans 20 ans ? ça c’est la morale de la responsabilité, et c’est ce que je voulais dire à  tous les politiques. Je pense que DSK, par exemple, aurait été d’accord. J’avais auparavant envoyé mon article (sans l’appel à  voter Sarko !) à  Michel Rocard, qui m’avait dit qu’il était d’accord. Donc le Monde a refusé cet article pour des raisons que j’ignore.

    Ensuite tu as fait la démarche de le soumettre au Figaro ? entre les deux tours ?

    Pas exactement. Dans la foulée, un an avant sa parution, je l’ai envoyé au Figaro, juste après le refus (immédiat) du Monde, et le journaliste du Figaro, tous les mois, m’écrivait « je n’ai pas encore pu le faire publier, etc. etc.. ». J’ai donc fini par abandonner l’espoir d’être publié. Et puis, le journaliste a changé, c’est tout à  fait contingent comme histoire, et deux autres journalistes ont repris cette page « débats opinions », et c’est eux qui, un jeudi matin m’ont téléphoné, entre les deux tours : « On prend votre article, si vous rajoutez la conséquence logique qui est : votez Sarkozy. » Comme je m’apprêtais à  voter Sarkozy, c’était logique, mais j’ai malgré tout hésité, mais ils m’ont donné une demi-heure. Je n’ai pas hésité longuement, puisque après tout c’était ce que je pensais. Je l’avais dit à  tous mes amis, que je voterai Sarkozy et pas Ségolène. C’aurait été DSK, j’aurais attendu les débats, et j’aurais jugé « sur pièce ». Mais là , il m’apparaissait franchement que Ségolène n’avait pas de cohérence idéologique et politique. J’essaye, ce qui normalement est une qualité que doit avoir tout philosophe, d’être conséquent. C’est Kant qui disait ça, c’est trivial en un sens, conséquent avec soi-même. Quand on a une idée, il faut la poursuivre et en tirer les conséquences logiques. Et la conséquence logique, c’était d’appeler à  voter Sarkozy, puisque Bayrou avait un programme qui correspondait un peu à  ma vision, mais qu’il n’était pas au deuxième tour. Je le citais d’ailleurs dans l’article. Le programme économique de Bayrou a été fait en partie par quelqu’un que je connaissais depuis la fin des années 70, dans les milieux rocardiens : Jean Perlevade. Qui était rocardo-mauroiste, puis conseiller de Mauroy. Il a été également patron du Crédit Lyonnais. C’est quelqu’un qui connaît l’entreprise, et l’économie. Et les coups durs. Donc Perlevade avait concocté, avec d’autres, le programme économique de Bayrou qui était plus libéral que celui de Sarkozy ! Il proposait tout simplement d’interdire le déficit budgétaire, ce qui est d’ailleurs, me semble-t-il, excessif. Ce qui m’a fasciné dans cette campagne, c’est de voir que la politique vraiment politicienne l’a emporté contre le débat d’idées, parce que cette idée d’alliance Ségolène-Bayrou entre les deux tours, avec leur sorte de tango, était idéologiquement inconsistante. Puisque le programme de Bayrou était plus libéral que celui de Sarkozy…

    Avec le peu de recul que j’ai, je le vois comme ça : face à  la solidité et à  la cohérence du programme de Sarkozy, ceux qui restent essayent de s’associer pour récupérer les miettes, sans cohérence idéologique.

    Oui c’est ça, et ça n’a pas marché d’ailleurs. Les électeurs n’y ont pas cru. Et donc voilà  pourquoi j’ai publié cet article ; j’ai réfléchi une demi-heure, et j’ai rajouté le titre et la conclusion.

    Je reviens ce sur que tu avais dit sur le blog : tu disais t’être fait des ennemis en te positionnant pour Sarkozy ?

    J’exagère. Disons qu’un certain nombre d’amis ne me parlent plus, ou plus comme avant, ou avec une certaine distance. Pas d’ennemis, donc, mais une forme d’éloignement, de déception de la part de gens qui doivent penser : « oh là  là  lui aussi !  » comme si j’allais à  la soupe, alors que je ne demande aucun poste. J’en serais d’ailleurs bien incapable…. Je ne sais qu’enseigner la philo, avec mon style personnel, et qu’écrire dans ce domaine.

    Et parmi les universitaires ? j’ai une vision, certainement déformée, d’une université assez ancrée à  gauche, et de manière plutôt dogmatique. Comment a été perçue cette prise de position dans ton environnement à  l’Université, parmi tes collègues ?

    Cela a quand même évolué depuis 20 ans. A l’Université, l’opposition frontale entre la bonne gauche qui a toutes les qualités, et la mauvaise droite qui a tous les défauts, bien des gens se rendent compte que c’est quand même plus compliqué. Les universitaires, il y en a qui sont socialistes, d’autres centristes, d’autres proches de l’UMP, et on arrive à  travailler ensemble pour transmettre, chacun à  sa manière, les « fondamentaux » nécessaires. Même si elle en train de connaitre un petit renouveau, la pensée marxiste révolutionnaire a quand même largement disparu. Mais la sensibilité « de gauche », à  laquelle je me sens toujours attaché (la justice sociale), est assez dominante, mais de manière plus ouverte. Quand j’ai fait mes études à  la Sorbonne, on savait que tel ou tel Prof était communiste, trotskiste ou « mao » ou « de droite ». Maintenant c’est plutôt plus modéré. Et c’est un bienfait pour la liberté et la démocratie. Le pluralisme, le débat, le refus de la violence et de l’intimidation, la compréhension de la nécessité des réformes (par définition discutables, mais que l’autorité démocratiquement élue a le droit et le devoir de faire passer) sont en train, je l’espère, de faire des progrès.

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