Ce texte est le premier d’une série consacrée au décryptage et à l’analyse critique des messages véhiculés par les médias. Et c’est également le premier article « invité » sur ce blog, puisqu’il a été écrit par Zorro.
Revue Prescrire
Septembre 2007, page 697-98
Auteur : « la revue Prescrire »
(suite…)
Étiquette : Santé
-
Le mythe de l'indépendance
-
Le progres existe, et il se mesure
Comment savoir si le progrès existe ? Peut-être en se demandant ce qui pourrait caractériser le développement des populations dans le monde. C’est ce que font les Nations Unies depuis longtemps. L’indice qui est calculé pour évaluer cela est l’Indice de Développement Humain. Il est calculé en moyennant 3 indices quantifiant le savoir, la santé et le niveau de vie. Et depuis 30 ans, il augmente dans toutes les régions du monde. Le progrès existe !
(suite…) -
Pensée du matin : le meilleur des mondes n’est pas loin !
Alors que Sanofi-Aventis
s’est vu refuser son nouveau médicament (l’Acomplia, ou Zimulti aux USA) contre l’obésité par la Food&Drug Admnistration aux USA, le jeu économique est rude pour le groupe pharmaceutique. Visiblement, cet échec va lui faire perdre son avance sur ses concurents américains (Pfizer notamment). Le médicament en question semble avoir des effets secondaires psychiques importants (pensées suicidaires..).
Alors que l’obésité progresse (aux USA comme en France), on en vient donc à inventer des médicaments contre l’obésité. Plutôt que de prévenir l’obésité, par la nutrition, par la sensibilisation aux comportements addictifs que la nourriture peut provoquer, par la pratique régulière d’un exercice corporel, on va fabriquer des pillules pour aider les obèses à maigrir. Je ne connais pas les mécanismes exacts de ce médicament mais, visiblement il bloque des récepteurs spécifiques présents dans le cerveau, les tissus adipeux et le foie, et le médicament joue donc sur le métabolisme du glucose et des lipides, c’est-à -dire sur la façon dont le corps utilise ou stocke les sucres et le graisses, et sur la sensation de satiété.
On va donc pouvoir bouffer comme des gorets, car une pillule magique viendra modifier la manière dont notre corps va stocker tout ça. Bouffons du sucre et de la graisse !
Et puis les effets secondaires semblent liés à une augmentation des pensées suicidaires chez les utilisateurs. Mais ça ne change pas grand chose : l’obésité n’est-elle pas une forme de suicide à la bouffe, comme la cigarette peut l’être avec la nicotine et les goudrons. Dormons tranquilles, la pharmacie veille sur notre bien-être ! Ne perdons pas trop de temps à réflechir au mal-vivre qui cause l’obésité, puisque nous saurons bientôt en soigner les symptômes. -
Encore l’Etat, toujours l’Etat…
J’aime bien Nicolas Sarkozy. Je le trouve juste, plein d’énergie et capable de remettre pas mal de choses en bon ordre de marche s’il est élu. Et je l’ai trouvé convaincant lundi soir, dans l’émission qui le mettait face aux questions d’un « échantillon » de français…J’ai également apprécié sa lettre de soutien à Charlie Hebdo, dans l’affaire qui oppose le journal satirique aux abrutis extrémistes du CFCM…
Mais il y a certaines de ses réponses qui ne me satisfont pas. Lorsqu’une personne lui pose la question du manque de médecin dans les petits villages de campagne, Sarkozy répond … qu’il donnera des subventions aux médecins qui vont s’installer dans les régions « désertés »…réponse pleine de pragmatisme ? non : réponse imbibée de la logique habituelle de l’Etat providence. Pour conserver intacte l’illusion que la santé ne coûte rien, et que tout le monde y accède de la même manière (ce qui n’est pas vrai), on préserve le dogme de la consultation à prix fixe.
Pour surtout ne pas annoncer une libéralisation de la médecine (pourtant censée être déjà libérale), les efforts à fournir — payés par le contribuable, bien sûr – vont être les suivants :- payer des fonctionnaires pour collecter l’impôts et les cotisations
- payer des fonctionnaires pour évaluer quelles zones doivent bénéficier de subventions, et pour distribuer les subventions aux médecins
- maintenir en continu la surveillance : si la mesure porte ses fruits, la répartition des médecins va changer, et il faudra régulièrement réévaluer quelles zones doivent ou non bénéficier des subventions
Que d’efforts pour essayer de reproduire, en moins bien, les effets qu’une libéralisation du service « médecine » auraient eus de manière naturelle et régulatrice. Pourquoi autant de méfiance vis-à -vis des effets régulateurs de la libre évolution de l’offre et de la demande ? Pourquoi ne pas comprendre que c’est le prix fixe de l’acte médical qui crée cette désertification : si je touche 20€ par consultation, je vais aller m’installer là où il y a le plus de clients possible, non ? c’est logique…
En effet, imaginons un instant (horreur!) que le prix de la consultation soit complètement libre : chaque médecin fixe le prix qui lui chante pour la consultation — ou n’importe quel acte médical, d’ailleurs. Qu’est-ce qui serait choquant à cela, d’ailleurs ? Est-ce que quelqu’un s’étonne que les prix des voitures ne soient pas tous identiques ? Est-ce que quelqu’un propose que les prix des appartements soient les mêmes quel que soit l’emplacement ? non, bien sûr. On va me répondre que la médecine n’est pas un produit, ou un service comme un autre ; je reviendrais là -dessus dans un prochain billet, mais notons dès à présent que si la médecine n’est pas un service comme un autre, il ne faut pas non plus vouloir la faire fonctionner à rebours de tous les mécanismes économiques connus, et qui sont sources de régulation. Par ailleurs, le fait d’être un produit différent des autres, ce dont je suis d’accord, n’impose pas pour autant que ce produit doivent avoir un prix unique partout et pour tous !
Continuons donc l’expérience de pensée : le prix des actes médicaux est librement fixé par les médecins. Les effets d’offre et de demande vont donc jouer :- le médecin qui ira s’installer dans une zone de campagne un peu désertée fera payer plus cher sa consultation (ce qui est rare est cher)
- Il sera donc incité à s’installer là , puisque sa balance financière sera assurée : moins de clients, mais plus d’argent par client ; mais cette incitation ne coûtera pas un sou aux Français (sauf qui iront se faire soigner chez lui)
- Cela désengorgera les villes, saturées en médecin
- Cela permettra aussi, avantage important, aux bons médecins de faire payer la qualité de leurs services
On me dira : oui, mais alors, les pauvres gens qui habitent dans ce village vont payer plus cher que les autres ! oui, mais c’est déjà le cas : s’il n’y a pas de médecin dans leur village, il faut bien qu’ils payent leur essence pour aller en trouver un dans la ville voisine, non ? Par ailleurs, la régulation par le marché aura lieu : plusieurs médecins pourront avoir la même idée, et du fait de leur nombre, ils seront obligés d’ajuster au plus près le prix de la consultation pour garder leurs clients…
Pourquoi ne pas économiser alors tous ces coûts de fonctionnement de collecte de cotisations et de redistribution, alors que l’offre et la demande feraient le travail plus efficacement et de manière plus durable ? C’est être dogmatiquement anti-libéral. Je ne m’attendais franchement pas à une réponse comme celle-là de la part de Sarkozy.
Un souhait, et une remarque, en guise de conclusion :- le souhait : que ce discours de Sarkozy soit purement d’ordre pragmatique, et de campagne, et qu’il sera — s’il est élu — plus libéral que ce qu’il peut se permettre de dire maintenant. C’est l’impression que j’avais eu en écoutant François Fillon. Nous verrons après les élections. Mais si on dit qu’on veut « tout dire avant, pour tout faire après », alors il faut aussi commencer le travail d’éducation économique des français, pour expliquer ce que le libéralisme a d’efficace.
- la remarque : libéraliser les prix des actes médicaux n’implique pas un manque de solidarité, au contraire ! Il faut bien entendu aider les plus nécessiteux à accéder aux soins. Mais je préfère que mes cotisations aillent à une aide directe et efficace d’accès aux soins, plutôt qu’à une sorte de redistribution généralisée – du saupoudrage – menant à une aide mal donnée, à une médecine de mauvaise qualité, et à une inflation du nombre de fonctionnaires.
[ratings]
-
L’hà´pital en France : le désastre …
Expérience
A l’occasion de l’accouchement de ma femme, nous avons découvert le fonctionnement d’une des maternité les plus réputées de France : celle de Cochin/Port Royal. Autant le dire tout de suite, nous avons été attérés par :
- le niveau de l’accueil pendant la grossesse (quasiment aucune information, gynécologue à la limite du désagréable)
- le niveau de qualité de l’environnement après l’accouchement, qui fluctuait entre médiocre et pitoyable (informations contradictoires, bruits, taille des chambres, ronde du personnel en fin de garde qui réveille tout le monde, non-assistance à ma femme lors d’une baisse de tension, locaux délabrés) : comment se reposer après avoir accouché dans ces conditions stressantes ?
Questions directes
Cela pose tout de suite deux questions :
- où est cette super maternité que tout le monde vante ? est-ce cela le « super hôpital » français, que des réformes viendrait mettre à mal ?
- pourquoi ne pas faire payer aux clients de l’hôpital le service qu’ils utilisent, pour améliorer celui-ci ? cela n’empêche pas d’aider ceux qui n’ont pas les moyens, que je sache
Réponse brutale ?
Une voie me parait très efficace pour sortir de cet état désastreux : changer le statut des hôpitaux afin que chaque hôpital puisse être géré comme une entreprise autonome. Chaque client doit être rentable ; et les hôpitaux sont en concurrence les uns avec les autres…Bien sûr, une proposition ce style déclenche forcément des cris de chouettes « mais, c’est livrer la santé au marché ! » (comme si l’économie n’avait pas sa place dans la gestion des hôpitaux) ou « c’est exclure les pauvres et créer une santé à deux vitesses » (comme si rendre les hôpitaux profitables excluaient d’aider ceux qui n’ont pas les moyens, et comme si la santé en France n’était pas déjà à deux vitesses…).
Avantages d’un peu de libéralisme … intelligent
Détaillons un peu les avantages d’un système un peu plus libéral :
- amélioration sensible de la qualité du service (public) rendu : c’est le but même. Pour rendre un service correct, il faut avoir les moyens de le financer, et un mode de fonctionnement dont le but est de l’améliorer ! C’est le seul moyen pour replacer le patient au coeur des préoccupations de l’hôpital.
- diminution des coûts indirect liés à ce service : si le client paye directement l’hôpital, il n’y plus besoin d’utiliser des fonctionnaires pour collecter les impôts liés à la santé, ni pour redistribuer cet argent
- meilleure justice globale du système : au lieu d’aider tout le monde mal pour un service médiocre, on pourra aider ceux qui en ont besoin, bien, et pour un service de qualité ! Nous avons payé, alors même que nous avons un niveau de vie comfortable, la même chose à l’hôpital qu’une personne seule qui touche le Smic ! Où est la justice ?
- Payer mieux le personnel hospitalier : si l’hôpital redevient rentable, le personnel sera mieux payé, mieux formé, et aura plus de perspectives d’évolution
Mon père, qui connait bien le milieu hospitalier, m’a expliqué à cette occasion que l’hôpital n’est pas organisé pour les patients, mais pour le corps médical ! Peut-être un peu provocateur, mais cela correspond à ce qu’on y a vu : quand vous venez de réussir endormir votre bébé, qu’il est 1h du matin, que vous avez accouchée la veille, et qu’une infirmière débarque dans la chambre en réveillant tout le monde pour demander si le bébé a mangé, il y a tout de même lieu de se demander si sa préoccupation principale est le repos de la mère, la nourriture du bébé ou la fin du tour de garde de l’infirmière avec l’esprit tranquille !
Il y a du boulot, mais c’est possible : il suffirait (quels sont les freins à celà ?) de rendre chaque hôpital autonome financièrement, et responsable de ses résultats. Si chaque patient est un client qui paye, il sera en droit d’être exigeant quant au service rendu, non ?Quelques constats de J. Marseille
Dans son excellent – et flippant – livre « Le grand gaspillage« , Jacques Marseille donne quelques exemples et explications du dysfonctionnement de l’hôpital, dans le chapitre « Le gaspillage de l’Etat médecin ». En très gros résumé (il faut lire ce livre absolument!) :
- la France dépense 10% de son PIB dans la santé, contre 8% en moyenne dans les autres pays de l’UE. La France a donc le meilleur système de santé ? non : une étude comparative avec le Danemark, la Suède, l’Allemagne et la Grande-Bretagne montre, sur un panel relativement large de pathologie fréquentes, que la France est la moins bien dotée…les principales raisons sont :
- surconsommation de médicaments
- nombre élévé d’actes chirurgicaux
- le système de santé français, malgré ce que peuvent en dire les farouches défenseurs de l’immobilisme, est injuste et répartit mal son effort selon les classes sociales et selon les régions : que ce soit pour la mortalité, ou pour l’accès aux soins il y a de très fortes inégalités dans le système français (pour une dépense donnée, l’ouvrier a quatre fois moins recours à un spécialiste que le cadre sup)
- le système français favorise, par sa non distinction, les comportements à risques : le fumeur alcoolique qui roule bourré le soir paye la même chose que la mère de famille sage qui mène une vie rangée et peu risquée
Il faut lire ce livre, qui détaille tous les audits réalisés sur le système de santé (Cour des Comptes et Inspection générale des affaires Sociales), et donne beaucoup de chiffres choquants, symptomatiques du gaspillage organisé qu’est le système de santé public en France. Un exemple, 56 administratif pour 100 lits sur les grands hopitaux parisiens, et pourtant – dixit la Cour des Comptes, parlant de l’Assistance Publique – Hopitaux de Paris – l’AP-HP:
…gestion peu rigoureuse sans clarté comptable, marchés publics illégaux, budget d’exploitation gonflé artificiellement de plusieurs milliards, gestion stratégique absente, fragilité périlleuse…
Pendant ce temps les internes bossent 60h par semaine, payé 1500€ !
Après avoir listé et passé en revue les gaspillages et les fraudes, J. Marseille conclue (c’est moi qui met en gras):Autant dire qu’il n’exite aucune contradiction entre la volonté de diminuer les gaspillages et celle d’assurer la santé et la solidarité des Français. Mais, dans ce système à guichet ouvert qu’est devenue la « Sécu », trop d’intérêts poussent à l’augmentation de la dépense : les présidents des conseils d’administration des hôpitaux, qui sont les maires de leurs communes, soucieux, à ce titre, de maintenir l’emploi et de satisfaire lerus électeurs ; les directeurs d’hôpitaux qui s’opposent à la fermeture des établissements vétustes ou inutiles (le dixième d’entre eux) qu’ils dirigent ; le patronat, soucieux du devenir des cliniques privées et de l’avenir des industries pharmaceutiques ; les médecins qui confondent trop souvent contrôle des dépenses et atteint à l’éthique médicale; les syndicats de salariés, majoritaires aux conseils d’administration de la CNAMTS et qui y placent leurs permanents, multipliant les stages de formation dont nous avons vus au chapitre précédent à quoi ils servaient réellement […les milliards collectés pour la formation professionelle servent largement à financer les organisations syndicales…]. « Médecine à deux vitesses », « rationnement », « tiers payant inflationniste », « défense des personnels de santé », autant de formules creuses et incantatoires qui masquent l’alliance contre-nature des syndicats de salariés et des médecins libéraux pour s’opposer à un réel débat démocratique, celui qui porterait sur la nécessité de garantir le droit aux soins tout en contrôlant l’usage des prélèvements qui pèsent sur les assurés et les contribuables.