Catégorie : 📚 Livres

  • Penser contre soi-même

    Penser contre soi-même

    Nathan Devers (dont la fiche wikipedia donne un peu le profil) est un intellectuel. Dès son plus jeune âge, il ne vibre que pour la spiritualité et les rituels, lectures et chants qu’il peut entendre dans sa synagogue. Boulimique de lecture, surdoué, brillant, il se destine à devenir rabbin, et a visiblement toutes les qualités pour ce faire. Mais, et c’est ce que raconte magnifiquement son livre « Penser contre soi-même », c’était sans compter sur la littérature, et sur la philosophie.
    Car son parcours tout tracé pour continuer à progresser dans l’étude de la Torah, du Talmud, et dans les textes de Maïmonide s’est heurté, fracassé même, sur l’évolution spirituelle de l’auteur, supportée par la découverte de la littérature, puis grâce à un ami de sa synagogue, de la philosophie. Nathan Devers en a fait sa vie.
    Je ne dirais pas, d’ailleurs, que Nathan Devers a perdu la foi, comme le dit le quatrième de couverture. Je pense qu’il était beaucoup plus intéressé par le mystère, et par l’acquisition du savoir que par Dieu. Par les acrobaties intellectuelles et sémantiques, les raisonnements, que par la croyance ou la foi. Ce n’est que mon avis et j’interprète peut-être à tort ce qu’il en raconte.
    Quoi qu’il en soit, c’est dans un français magnifique que l’auteur nous décrit son parcours spirituel et philosophique, d’une manière profonde et drôle, détachée et en même temps incandescente. Paradoxe apparent, il se plonge dans la philosophie pour le doute radical, et la capacité à sortir de ses déterminations, préjugés et certitudes : mais il finit par comprendre qu’on ne pense réellement qu’à partir d’un point de vue particulier, d’un ancrage dans un parcours, et il finit par accepter dans sa manière de philosopher son héritage judaïque. Il philosophe à proprement parler « en juif » : je retrouve dans sa méthode et sa manière d’articuler doute, questionnement, décalages systématiques dans le point de vue, une part du ton et de l’esprit de Levinas, lisible dans ses Quatre Lectures Talmudiques.
    C’est un livre que j’ai dévoré, facile à lire, captivant. Nathan Devers a perdu la foi, peut-être, mais je vois aussi, dans son style, dans sa manière de penser en quoi il est toujours, finalement, religieux. Bien sûr pas dans le monde des idées, où il pratique le doute radical et cherche, toujours, à se réinventer, à questionner les vérités considérées comme acquises. Il n’y a pas beaucoup de place pour Dieu dans ce monde. Mais sa fibre personnelle, sa liberté, sa sensibilité, radicale, intense, tourmenté, et son engagement total dans ce qu’il fait montre une personnalité hors-norme, et un parcours très particulier, proche de l’ascèse religieuse.
    A titre personnel, j’aurais envie de lui conseiller d’être un peu moins cérébral, d’utiliser plus ses mains, son corps, et de faire des enfants, pour équilibrer un peu ce tempérament de feu, inlassablement en quête d’un sens qu’il a philosophiquement déjà abandonné.

  • De Gaïa à l’IA

    De Gaïa à l’IA

    Sous-titré « pour une science libérée de l’écologisme », le dernier ouvrage de Jean-Paul Oury, docteur en histoire des sciences et technologies, De Gaïa à l’IA, est remarquable par son ampleur, sa profondeur, et la rigueur de son analyse. Malgré quelques petits défauts, je ne saurais assez en recommander la lecture.

    L’Humanité menacée par les idéologies

    Comme toujours, ce sont les idéologies qui, portées par des personnalités radicales et excessives, sont la plus grande menace pour l’humanité. Que ces idéologies soient religieuses, technocratiques, scientistes, ou autre, cela ne change pas grand-chose : leur manière de nier le réel, et les faits, et de classer les sceptiques dans le camp du Mal, en font des leviers d’oppression et de violence. Le quatrième de couverture résume très bien le propos du livre.

    L’humanité est à la croisée des chemins. D’un côté, les idéologues de l’écologisme (l’écologie politique) nous promettent le retour à un état de nature idyllique. Ce nouveau totalitarisme cherche à imposer la décroissance et ses militants les plus extrêmes en appellent à la disparition de l’espèce humaine, considérée comme un cancer pour la planète. Les arguments scientifiques sont alors soigneusement choisis, instrumentalisés, pour correspondre à leurs conclusions. De l’autre côté, une foi aveugle dans le tout-technologique incarnée par le courant post-humaniste du transhumanisme, pourrait bientôt façonner un monde tout aussi dangereux. Celui-ci serait contrôlé et surveillé par ceux qui maîtrisent les algorithmes. Cette société de contrôle mettrait en péril nos libertés, mais également l’humanité tout entière avec le projet de la fusionner avec les machines. Après nous avoir plongé dans deux dystopies, la Collapsocratie, dictature verte décroissante, et l’Algorithmocratie, monde hyper-technologique vide de sens, cet essai cherche une voie de sortie pour l’individu. L’auteur s’interroge sur les limites de la science des ingénieurs et celle des législateurs, et nous propose un manifeste de politique scientifique en dix points dans l’objectif d’échapper aux idéologies de ce nouveau monde et retrouver la libre-responsabilité.

    Laboureur inlassable

    Vous pourrez trouver un excellent « résumé » du livre dans l’article détaillé de Francis Richard, pour le site Les Observateurs. L’ouvrage est dense, très documenté, et Jean-Paul Oury, visiblement passionné par son sujet, le travaille en profondeur. L’auteur est, dans le bon sens du terme, un laboureur. Cette thématique (libérer la science des idéologies) il la travaille depuis longtemps, et a écrit des dizaines de tribunes, papiers, et plusieurs ouvrages (dont un recensé ici : Greta a tué Einstein). Et ce travail a conduit à en faire un terrain fertile, propice à faire pousser de belles choses.
    Et c’est ce qui donne la très grande force à l’ouvrage : d’une part son auteur ne fait jamais l’économie d’aller regarder de près, en en épousant la logique pour mieux les désamorcer, les arguments de ses adversaires. Il ne fait jamais l’économie non plus, d’aller regarder et comprendre les oppositions philosophiques sous-jacentes aux discussions, pour mieux comprendre les grands paradigmes de pensée qui sont à l’œuvre. Il se dégage toujours de ces réflexions une position rationnelle, scientifique et ouverte, cherchant la voie du milieu, réaliste, pragmatique sans négliger les idéaux de liberté. Et sachant toujours séparer les disciplines : la politique et la science, la philosophie et l’épistémologie, et en fin d’ouvrage, la politique scientifique (à l’échelle d’un pays) et la science. Cette rigueur intellectuelle est probablement ce qui rend cet ouvrage indispensable.

    Petits défauts ?

    Comme je connais l’auteur, et après avoir partagé les raisons de lire cet ouvrage, il me paraît important de souligner quelques faiblesses (à mes yeux) de l’ouvrage, et quelques points de désaccords. Ils sont minimes :

    • Les œuvres comme les gens ont toujours (?) les défauts de leurs qualités. Le côté très documenté, très systématique du livre, le rend aussi un peu touffu, foisonnant, pleins de circonvolutions. Je ne parle pas du style, qui est très clair et facile à suivre, mais du cheminement de pensée et du plan général. Il manque à mon sens un travail d’édition à ce livre, pour en canaliser la force, et le rendre un peu plus synthétique.
    • A certains moments, et je pense dans un louable souci de transparence, l’auteur partage des motivations personnelles. C’est à la fois intéressant et utile, mais cela aurait mérité d’être regroupé dans une section spécifique.
    • Sur le sujet du CO2 et de son impact sur le climat, l’auteur, écrit un chapitre assez drôle puisqu’il commence par faire comme s’il s’était converti à une nouvelle religion pour finir par faire une démonstration magistrale qu’a minima un esprit lucide doit constater que débat scientifique il y a sur la question. Seulement, ce faux aveu, s’avère n’en être pas un. En fin d’ouvrage Jean-Paul Oury écrit que l’énergie doit être « décarbonée ». Ce qui montre, à mon avis, que malgré le débat scientifique réel sur le sujet, l’auteur a choisit un « camp ». Et ce faisant il se tire une balle dans le pied. Tout l’édifice « décroissant » de l’écologisme repose, in fine, sur cette entourloupe intellectuelle et scientifique, financée à coup de milliards et de censure. Il s’agit là d’un point de profond désaccord : où est passé l’esprit rationnel si, sur un sujet où les scientifiques ne sont pas d’accord, on prend des décisions politiques en faisant comme s’ils l’étaient ?

    A mettre entre toute les mains

    Ces petits points de discussions ne changent pas vraiment la donne : ce livre est remarquable, et l’on souhaiterait qu’il trouve une audience large, des relais médiatiques (parmi ceux, nombreux, que JP Oury cite), et que des politiciens (certains comme David Lisnard, cité dans l’ouvrage, sont déjà visiblement dans la même logique) prennent en compte ce Manifeste pour une vraie politique scientifique, débarrassée de l’idéologie, pragmatique et au service des citoyens.

  • Meursault, contre-enquête

    Meursault, contre-enquête

    Kamel DaoudJ’utilise dans mon article des liens vers Wikipedia. Soyez prudents avec les informations que l’on y trouve, surtout sur des sujets ayant un lien avec la politique. est un écrivain et un journaliste courageux. Ses prises de parole contre le fanatisme religieux, sa prise de distance avec la langue et la culture arabe, sa réflexion humaniste sur la Maghreb et le monde arabe, font de lui un « traître » parfait pour les islamistes.
    Son roman, « Meursault, contre-enquête », couvert de prix littéraires, est un étrange livre. Il fait référence, bien sûr, à « L’étranger » de Camus, et part de l’idée, intéressante, de se demander qui est l’homme que Meursault tue sur la plage. C’est le frère de la victime qui est le narrateur du livre. Daoud se place au point de rencontre de deux mondes, l’islam et l’occident, incarné par l’Algérie et la France. Dans ce monde, post-colonial, l’auteur raconte sa vie, avec sa mère, et leurs recherches pour comprendre pourquoi son frère a été tué.
    J’ai failli lâcher le livre au début, car je trouvais le style assez surfait, un peu ampoulé ou utilisant des expressions, des métaphores un peu grossières, un peu trop visiblement poétiques. Mais j’ai bien fait de m’accrocher : peu à peu, comme un dessinateur dont le trait s’affermit au fur et à mesure des tomes, et converge vers une forme plus sûre, la narration devient plus intéressante, le style plus précis. Et on voit se dessiner le projet littéraire : « Meursault, contre-enquête » est un livre miroir. A ce point précis de rencontre entre ces deux civilisations, Kamel Daoud place comme un plan d’eau, ou un miroir, et son livre est une sorte de reflet algérien et musulman de « L’étranger ». Alors commence le jeu des différences et des ressemblances.
    Kamel Daoud livre le récit d’un être déchiré, prisonnier dans une culture oppressante et dans la relation avec une M’ma qui tourne en boucle sur son fils mort, écartelé entre son envie de pouvoir être amoureux de Meriem, et son incapacité à s’en considérer digne. Le rejet d’une vision religieuse de la vie est le point commun philosophique majeur entre Daoud et Camus : l’absurde si bien décrit par Camus dans ses différents ouvrages est au centre de l’attitude philosophique du personnage de « Meursault, contre-enquête ».
    C’est un roman étrange, dérangeant, avec un peu de grandiloquence et quelques belles fulgurances. Je comprends que ce premier roman ait fait parler de lui. C’est mérité, même si ce sont, à mon avis, les thèmes qu’il traite, son positionnement, son auteur, et ses qualités littéraires, qui l’ont rendu célèbre plus que son histoire. Un bel exercice de style, très personnel. Il s’agit plutôt d’un essai déguisé en roman. Comme « L’étranger » ? Livre miroir, jusqu’au bout.

  • L’idolâtrie de la vie

    L’idolâtrie de la vie

    Ce court essai d’Olivier Rey, mathématicien et philosophe, membre de l’Institut d’histoire et de philosophie des sciences et techniques (IHPST), commence par une réaction aux excès (dans tous les sens) de la période Corona Circus. Après ce démarrage un peu de bric et de broc, mêlant passages que l’on dirait écrit à chaud, sans recul, et réflexions plus profondes, l’essai s’ouvre heureusement sur un approfondissement des causes qui font que l’on a d’une part, accepté collectivement de rendre « responsables » de tout et de n’importe quoi les dirigeants politiques (comme s’ils étaient omnipotents et omniscients), et, d’autre part, sacralisé la vie, de manière à la fois biologique et technique, en la dépossédant de tout ce qui en fait le charme.
    Ce dernier point est relié par l’auteur à la perte de « transcendance ». J’en suis d’accord avec lui, même si je ne mets pas dans ce terme autant de choses en lien avec la religion que lui. Certainement une question de point de vue. Mais que la transcendance soit une réalité, c’est une évidence : tout, dans l’univers, dépasse par son échelle et sa complexité nos capacités d’entendement. Il faut un singulier manque d’humilité, et une bonne dose d’idéologie aveugle pour ne pas s’en rendre compte11. Cette transcendance sera d’ailleurs l’objet d’un des chapitres de mon essai, dont la première partie sera terminée en 2025..
    Cet essai, je l’ai dévoré : il est très bien écrit, et porté par un souffle de quelqu’un qui, visiblement, joue et rejoue, peaufine ses vues et ses arguments comme un musicien travaillerait ses gammes et ses phrases et ainsi, se rendrait capable d’improvisation magistrale sur tout type de thème.
    Un auteur de plus à découvrir. Je lui laisse, comme j’essaye souvent de le faire, le mot de la fin.
    C’est ce qui est décourageant avec ceux qui nous gouvernent. D’un côté, ils se voient accuser de maux dont ils ne sont pas responsables, et auxquels ils ne sauraient que très partiellement remédier. De l’autre, ils nous accablent de maux de leur fabrique. Au moment où l’on mesure la dose d’infantilisme qu’il y a, à s’exagérer la puissance des gouvernant pour ensuite requérir contre eux à tort et à travers, ils ne cessent, en retour, de prendre à notre endroit des mesures infantilisantes. Triste situation. Pour y échapper, il nous faudrait enfin abandonner notre condition de « dépendants à prétention d’indépendance »22. Marcel Gauchet, La démocratie contre elle-même, Gallimard, Coll « Tel », 2002, p. 21 – la figure dominante de l’époque. Il nous faudrait réapprendre, collectivement et individuellement, à compter sur nous-mêmes. Bien entendu les dirigeants politiques et économiques n’ont pas l’intention d’encourager ce genre de fantaisies, ni même à les autoriser. Cela ne devrait pas empêcher de nous y mettre – alors que les glapissements contre l’incapacité des « grands » dans des crises qui les dépassent est une façon de se maintenir en position de servitude.

  • Le déclin du courage

    Le déclin du courage

    En 1978, quatre années après avoir été déchu de sa nationalité par le pouvoir communiste, et expulsé de son pays, Alexandre Soljenitsyne prend la parole devant les étudiants de Harvard. Son discours est un discours de vérité, tranchant comme un couteau, sans fioritures, sans pincettes. Il n’est pas venu passer de la pommade aux étudiants, ou au monde occidental. Non : il vient expliquer qu’il est atterré par ce qu’il voit depuis qu’il est arrivé en Occident, à commencer par le manque de courage :
    Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l’Ouest aujourd’hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays, et bien sûr, aux Nations unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d’où l’impression que le courage a déserté la société toute entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel, mais ce ne sont pas ces gens-là qui donnent sa direction à la vie de la société. Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et, plus encore, dans les considérations théoriques qu’ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d’agir, qui fonde la politique d’un Etat sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu’on se place. Ce déclin du courage, qui semble aller ici ou là jusqu’à la perte de toute trace de virilité, se trouve souligné avec une ironie toute particulière dans les cas où les mêmes fonctionnaires sont pris d’un accès subit de vaillance et d’intransigeance, à l’égard de gouvernements sans force, de pays faibles que personne ne soutient ou de courants condamnés par tous et manifestement hors d’état de rendre un seul coup. Alors que leur langue sèche et que leurs mains se paralysent face aux gouvernements puissants et aux forces menaçantes, face aux agresseurs et à l’Internationale de la terreur. Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant-coureur de la fin ?
    Les pages consacrées à la tolérance vis-à-vis de la violence et de la criminalité, comme celles où il expose – en 1978! – à quel point les médias sont de véritables propagateurs de mensonges, sont tout simplement incroyables. Son constat est implacable, et son analyse des causes le conduit à identifier une vision dogmatique de l’humanisme qui a perdu de vu la spiritualité et la transcendance.
    Nous avions placé trop d’espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu’on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. A l’Est, c’est la foire du Parti qui la foule aux pieds ; à l’Ouest, la foire du commerce : ce qui est effrayant, ce n’est même pas le fait du monde éclaté, ce n’est que les principaux morceaux en soient atteints d’une maladie analogue. Si l’homme, comme le déclare l’humanisme, n’était né que pour le bonheur, il ne serait pas né non plus pour la mort. Mais corporellement voué à la mort, sa tâche sur cette terre n’en devient que plus spirituelle : non pas l’accomplissement d’une quotidienneté, non pas la
    recherche des meilleurs moyens d’acquisition, puis de joyeuse dépense des biens matériels, mais l’accomplissement d’un dur et permanent devoir, en sorte que tout le chemin de notre vie devienne l’expérience d’une élévation avant tout spirituelle : quitter cette vie en créatures plus hautes que nous n’y étions entrés. Il est impératif que nous revoyions à la hausse l’échelle de nos valeurs humaines. Sa pauvreté actuelle est effarante.

    On peut, bien sûr ne pas partager l’intégralité de l’analyse de Soljénitsyne. Mais sa force, la lucidité de son regard posé sur notre société en 1978, voyant le délitement à l’œuvre, nous oblige à la considérer. Elle devrait faire partie des textes à faire lire et à discuter au Lycée.
    Le texte du discours est en ligne (je l’ai lu pour ma part dans l’édition des Belles Lettres). Pour ceux qui voudraient le découvrir tout de suite, la vidéo de ce discours est disponible sur Youtube :

  • L’étincelle Bitcoin

    L’étincelle Bitcoin

    J’ai beaucoup appris en regardant les vidéos du Youtuber Jon Black sur le sujet du Bitcoin. C’est donc tout naturellement que j’ai acheté son ouvrage récemment publié « L’étincelle Bitcoin ». Bien m’en a pris : c’est un excellent livre d’introduction et de plongée dans la « révolution pacifique » Bitcoin.

    Pédagogique

    A la lecture, il se confirme que la pédagogie, il y a des gens doués pour ça, et que ça se travaille. Le ton et le format de ses vidéos (courtes, synthétiques, méthodiques) se retrouve dans le livre. Les chapitres ont une structure identique (ils se terminent tous par une des 21 façons de changer le monde), et ils sont faciles à lire comme tout, passionnants, documentés. Plus le livre avance et plus on progresse en difficulté aussi. C’est très agréable à lire, et j’ai appris plein de choses (sur le système bancaire, sur l’influence néfaste du FMI et d’une forme de colonialisme monétaire).

    Inspirant et réaliste

    Le parti pris par Jon Black d’éclairer en quoi le Bitcoin est en train de changer le monde, et quel monde cela permet d’imaginer est une super idée. Le livre est, du coup, animé d’un souffle « randien », et est très inspirant et positif. D’autant plus que l’auteur a évité le piège de la projection un peu gratuite vers un idéal, en démarrant toujours les chapitres par le fait de bien poser le problème, pour ensuite montrer en quoi Bitcoin résoud tout ou partie de ce problème.

    Ma seule petite critique serait une forme d’emballement optimiste à deux endroits du livre où Jon Black explique que le Bitcoin est une forme de réserve de valeur inviolable/involable. Je crois que c’est faux : c’est certainement plus sûr que de la monnaie fiat laissée sur un compte en banque, mais il est toujours possible pour des bandits (Etat autoritaire, truands, etc.) de venir menacer un propriétaire de Bitcoin avec un flingue sur la tempe et lui demander ses clefs privées.

    21 façons de transformer le monde

    J’avais prévu de re-lister ici les 21 phrases de conclusion qui clôturent chaque chapitre, mais ça ne serait pas très utile. C’est le raisonnement, l’analyse des problèmes et leur mise en perspective avec la formidable invention qu’est Bitcoin qui fait l’intérêt du livre. Je partage le point de vue de l’auteur, point de vue d’ailleurs partagé par tous ceux qui adoptent Bitcoin : il s’agit d’un changement de paradigme majeur, comme il en arrive une ou deux fois par siècle. La monnaie, est omniprésent dans nos vies, tous les jours : réserve de valeur, moyen d’échanges, unité de compte. Comment un tel bouleversement – la création de la première monnaie digitale dure – pourrait se produire sans changer totalement le regard que nous portons sur un certain nombre de sujets ?
    Non sans vous avoir recommandé chaudement de vous procurer cet ouvrage indispensable, frais, structuré et rigoureux, pédagogique, je laisse le mot de la fin à l’auteur, avec un extrait du Chapitre 20 : le rééquilibrage humain.
    Si le système monétaire a été aussi peu remis en question jusqu’à aujourd’hui, c’est principalement parce que nous avons été maintenus habilement dans un état de confusion quant à son fonctionnement. En effet, ceux qui profitent le plus de la création monétaire ont une forte incitation financière à masquer, autant que possible, la réalité spoliatrice du système dont ils bénéficient. Pour permettre à ce système de perdurer le plus longtemps possible, il est essentiel que la plupart des gens ne comprennent pas comment il fonctionne. Ainsi, dirigeants de banques centrales, responsables gouvernementaux, et économistes rémunérés par les Etats contribuent activement à maintenir une matrice de mensonges sur le fonctionnement de la monnaie.
    Le plus grand de ces mensonges est que l’inflation est un phénomène naturel et souhaitable émergeant spontanément dans toute économie saine, et que les manipulations de la monnaie pour diriger l’économie d’une pays sont bénéfiques à la société au sens large. En réalité, c’est exactement le contraire : l’inflation n’est pas un phénomène naturel, mais une politique délibérée de confiscation de richesse au travers de l’expansion de la masse monétaire.
    Ironiquement, alors que les banques centrales prétendent « lutter » contre l’inflation et se donnent pour mission de maintenir le pouvoir d’achat de la monnaie, elles sont en réalité la cause directe de l’inflation par leurs politiques monétaires. Le simple fait que les banques centrales aient un « objectif d’inflation » (généralement de 2% par an) signifie qu’elles ont pour but déclaré de veiller à ce que le pouvoir d’achat de la monnaie soit dilué en moyenne de 2% chaque année. Ces manipulations monétaires sont directement responsables d’effets secondaires catastrophiques pour notre société.
    De plus, l’état naturel d’une économie est en réalité la déflation, car sans création monétaire, les prix diminueraient au fil du temps en raison de la nature déflationniste des progrès technologiques.
    Les populations sont délibérément maintenues dans un état d’ignorance et d’inculture financière sur ce sujet : nombreux sont ceux, par exemple, qui pensent que c’est une bonne chose que le prix de leur maison augmente au fil du temps, car ils pensent ainsi s’enrichir. La plupart des gens ne réalisent pas qu’il ne s’agit pas d’un enrichissement, mais d’une dévaluation de la monnaie, et que tous les prix augmentent au fil du temps en réponse à l’expansion de la masse monétaire (c’est pour cela que la courbe à long terme des prix des actifs suit exactement la même forme exponentielle que celle de la quantité de monnaie en circulation).
    Bitcoin nous pousse à remettre en question ces mensonges monétaires. En effet, c’est un système si différent de ce que nous avons connu jusqu’à présent que pour comprendre son fonctionnement, nos sommes obligés d’élargir notre champs de connaissances. En apprenant d’avantage sur l’économie, l’histoire monétaire, la politique, la psychologie et les mathématiques, nous sommes incités à mieux comprendre le fonctionnement réel du monde et à nous interroger sur la nature même de la monnaie :
    – D’où vient l’inflation ? Pourquoi la vie devient-elle plus chère au fil du temps alors que nous devenons de plus en plus efficients ?
    – Quand de la nouvelle monnaie est créée, qui reçoit cette monnaie fraichement imprimée ? Quelles en sont les conséquences ?
    – Si l’Etat peut créer de la monnaie pour financer ses dépenses, pourquoi devons-nous payer des impôts ?
    La réponse à ces questions nous amènent à découvrir la sombre vérité cachée derrière les mensonges monétaires : la monnaie n’est pas seulement utilisée come un outil d’oppression financière, mais aussi comme un mécanisme de confiscation cachée. La principale raison pour laquelle nous devons travailler toujours plus pour joindre les deux bouts est que les bénéficiaires du système monétaire actuel volent systématiquement notre pouvoir d’achat à travers la création monétaire. (…)
    En d’autres termes, Bitcoin est à la fois la lunette qui nous permet de mieux voir les mensonges du système monétaier actuel et la seule alternative crédible à celui-ci. Cela explique en grande partie pourquoi l’adoption de Bitcoin a augmenté de façon spectaculaire au cours de ces dernière années : à mesure que des millions de personnes à travers le monde découvrent chaque année à quel point le système des monnaies fiat est brisé et spoliateur, de nouveaux participants rejoignent le camp des « bitcoiners convaincus ». Ils sont à leur tour plus susceptibles de partager cette prise de conscience avec d’autres, contribuant ainsi à une révolution pacifique contre le système des monnaies fiat.