Étiquette : Droits de l’Homme

  • Le Bien et le Mal

    En parcourant hier le nuage de mots clefs[1. C’est très beau, un nuage de tags, je vous conseille d’aller y jeter un coup d’oeil] correspondant aux articles publiés ici, je me suis rendu compte que deux mots sortent du lot : libéralisme et islam[2. si on enlève Sarkozy qui ressort bien aussi, mais c’est plus un effet lié à  la présidentielle passée qu’à  ma « ligne éditoriale » actuelle].
    Et je me suis dit que ça collait assez bien avec mes réflexions du moment : le libéralisme me parait être le modèle de société le plus en phase avec ma vision des rapports entre les humains. C’est notre société actuelle, à  peu de choses près. Qu’il y ait des efforts à  faire pour aller vers plus de libéralisme, n’empêche pas que la structure de notre société est tout de même libérale : individualisme, respect de la propriété privée, liberté et responsabilité. Certains veulent surfer sur le rejet, sur la misère, et sur la méconnaissance pour se positionner sur l’échiquier politique : il faut les combattre, redire la vérité, toujours éduquer. Mais ils sont minoritaires, et plutôt en déclin.
    L’islam me semble être la pire des idéologiesLe Bien c’est le libéralisme, et le Mal c’est l’islam., et conduit à  des sociétés violentes, totalitaires, et foulant au pied les droits de l’homme chaque jour. Et c’est la seule chose, finalement, qui m’inquiète vraiment : l’islam est un danger pour les sociétés libres et ouvertes. Il suffit de voir les sociétés islamiques, et la manière dont elles se « construisent« …Dans la vidéo postée l’autre jour, Robert Spencer[3. Spécialiste de l’islam, et directeur de JihadWatch.org] dit en substance, preuves à  l’appui :

    Il y a des musulmans modérés, mais il n’y a pas d’Islam modéré.

    Les questions qui se posent à  moi sont donc les suivantes : comment promouvoir le libéralisme, sous toutes ses formes ? Comment combattre l’obscurantisme et la violence, sous toutes ses formes ? Ce qui est sûr, c’est qu’ils sont incompatibles. Et ce qui est sûr aussi, c’est qu’il faudra bien se comporter en « anti-libéral », ponctuellement, pour lutter contre ceux qui n’aiment pas la liberté individuelle…
    Ces deux mots, finalement, décrivent bien ma morale : le Bien c’est le libéralisme, et le Mal c’est l’islam.


  • Le fleuve et la flamme

    Sur un grand fleuve tel que l’Amazone, ou le Mississipi, comment appeleriez-vous un gars sur un canoë qui rame à  contre-courant, en espérant remonter le fleuve ? Un fou, ou un idiot. Il ne vous viendrait pas à  l’esprit de saluer son courage. Vous pourriez même, par compassion, lui conseiller d’orienter son esquif dans le sens du courant, et puis de naviguer à  droite à  gauche en utilisant la force du flux.
    Comment appeleriez-vous ceux qui veulent stopper le parcours de la flamme olympique ? Des fous, ou des idiots ?
    C’est la force du symbole, vous répondront-ils, convaincus. « En stoppant la flamme, on montre au monde entier que l’on condamne l’action chinoise au Tibet ». Comme si cette ridicule et pitoyable posture avait une quelconque chance de changer ce qui se passe au Tibet. Comme si un boycott des Jeux avait une quelconque chance de se produire. Vouloir systématiquement mettre du politique partout, c’est ramer à  contre-courant.
    La Chine change, bien plus vite que la France. Empêcher le commerce avec la Chine est la position de ceux qui rament dans le mauvais sensVoilà  la réalité. Elle a obtenu les Jeux Olympiques. Voilà  la réalité. Les Jeux Olympiques sont une affaire de sport, et de commerce. Le commerce change la Chine bien plus durablement et solidement que toutes les actions dénuées de sens de ceux qui veulent se battre contre un flamme, en dénonçant des atteintes – réelles – aux droits de l’homme. Empêcher le commerce avec la Chine : c’est la position de ceux qui rament dans le mauvais sens, et qui n’ont décidement pas compris ce qu’est le commerce. Ce que je crois, c’est que la machine commerciale des Jeux sera profitable aux Chinois, que les journalistes présents en Chine seront profitables à  l’éclosion – même restreinte – d’une part de vérité, et que tout cela va dans le bon sens. Les Jeux n’ont rien à  voir avec le Tibet. Voilà  la réalité.
    Edit : visiblement, Le Chafouin n’est pas de mon avis. Monsieur Pingouin non plus, d’ailleurs. Authueil a, quand à  lui, parfaitement exprimé le sentiment que je voulais dire.

  • L’égalité : outil de justice ou de normalisation ?

    Quelle égalité voulons-nous ? Une égalité devant la Loi, telle que l’entend la déclaration des droits de l’homme, ou une égalité de fait entre les humains ? La réponse est évidente, car une stricte égalité entre les humains n’est ni possible, ni souhaitable. Le respect de la liberté ET de l’égalité implique de bien définir ce qu’on entend par « Egalité ».

    Je suis toujours surpris par le statut que prend l’égalité quand on entend un débat à  la radio, ou à  la télévision. Dans le discours de la plupart, ce qui est visé est une égalité de fait : réduire les inégalités semble être un but ultime pour définir une société juste. La dernière fois que j’ai entendu cette idée mise en avant, l’orateur faisait référence à  la devise révolutionnaire « Liberté, Egalité, Fraternité« , devenue la devise de la France.
    Cela est choquant, car Egalité, dans cette devise, signifie « égalité des citoyens devant la Loi ». C’est ce qui ressort de la lecture de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 :

    • Article premier – Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.
    • Article 2 – Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à  l’oppression.
    • Article 6 – La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à  sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à  ses yeux, sont également admissibles à  toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

    Rien à  voir, donc avec une quelconque affirmation d’une nécessaire égalité dans les faits des différents individus, cette notion implique simplement que la Loi mise en place garde toujours un caractère général et applicable à  tout individu. C’est un outil de justice : personne ne peut, en vertu de ce principe, être traité d’une manière particulière (liée à  une quelconque de ses qualités) en bien ou en mal, par la Justice. Sans ce principe, on a vite fait de basculer dans une société arbitraire, et portant le germe du totalitarisme.
    Faire dériver le sens du mot « Egalité » de cette devise vers un autre sens que l’égalité devant la loi est donc une atteinte à  l’esprit de la Loi. L’égalité des être humains, dans les faits, n’est pas possible, ni même souhaitable. Ce qui est souhaitable, c’est que les plus démunis puissent vivre décemment, pas que tout le monde connaisse les mêmes conditions. Comment cela serait-il possible sans une formidable contrainte collective, normalisatrice, écrasant les individus ? Comment rendre les hommes égaux dans les faits, sans au passage complètement détruire la liberté individuelle ?

    L’égalitarisme doctrinaire s’efforce vainement de contraindre la nature, biologique et sociale, et il ne parvient pas à  l’égalité mais à  la tyrannie.

    Raymond Aron (1905 – 1983) philosophe, sociologue, politologue, historien et journaliste français.

    Alors, oui à  l’égalité devant la Loi, et non à  l’égalité à  tout prix ! L’égalité à  tout prix, c’est le communisme et c’est le totalitarisme. Et c’est un prix bien trop lourd à  mes yeux…

  • Interview d’Alain Boyer : cinquième partie

    Suite de l’interview d’Alain Boyer, professeur de philosophie politique à  la Sorbonne. Après avoir discuté de l’histoire de son article paru dans le Figaro (entre les deux tours de la présidentielle), et expliquant la différence entre morale de responsabilité et morale de conviction, Alain Boyer nous explique aujourd’hui un de ses thèmes de cours « Tyrannie, Despotisme et Dictature ». On y parle, bien sûr, de démocratie et de droits de l’homme. Et on aborde – en fin de partie -, le sujet de la sixième partie (à  venir) : l’Islam et les religions.

    Puisque nous étions sur l’Université, j’aimerais rebondir sur ton sujet de cours (sur le site de la Sorbonne) « tyrannie, despotisme et dictature » ? pourquoi ce thème pour un cours ?

    C’était un sujet de cours de l’année dernière. J’ai changé cette année en Master: « Impérialisme, colonialisme et esclavagisme » (toujours le problème de la liberté, mais je fais aussi un cours de licence sur « l’autorité », qui me met directement en cause ! ) d’une part, et ”Art, morale et Politique » de l’autre : je rêve depuis toujours de parler d’Antigone, de Macbeth ou du Baroque.. Il y a beaucoup de philo et de politique là  dedans… Mais il est vrai que j’ai donné ce cours sur la tyrannie deux ans de suite, et il a apparemment intéressé les étudiants (et les auditeurs libres, que j’aime tant !) . Je recevais hier un étudiant marocain qui veut faire une thèse, et il m’a dit que c’était un sujet de cours qui intéressait beaucoup les gens qui viennent d’Afrique du Nord ou centrale, pour qui cette question est vraiment actuelle, malheureusement, il y avait aussi en cours des Sud-américains (j’adore avoir des étudiants étrangers..), qui ont connu la dictature, et qui savent ce que c’est.

    C’est presque plus intéressant d’aborder la démocratie libérale en étudiant ses contraires. Il m’est arrivé de faire des cours qui s’appelaient « démocratie et libéralisme », mais ça a moins de « succès » que si j’aborde le problème en décrivant le « Mal ». Comme en littérature. Décrire la tyrannie, contrairement à  cette idéologie dont on parlait tout à  l’heure consistant à  décrire les usines comme des camps de concentration, c’est montrer qu’une tyrannie c’est tout à  fait autre chose que ce que nous vivons. J’ai sans doute une méthode particulière pour faire des cours, qui doit d’ailleurs un peu à  68, je ne suis pas (j’espère!) démagogue (le cours n’est pas un échange, c’est moi qui parle, et réponds aux questions) mais ils peuvent intervenir quand ils veulent. Je ne lis pas de texte, j’improvise à  partir de ce que j’ai préparé pendant les « vacances », et avec quelques notes pour le plan et les références, et je me promène, et j’essaye d’animer le cours. C’est en général ce qui plait, ou parfois déplait! (je fais trop de parenthèses !) je ne suis pas quelqu’un qui se surestime, ou qui se croît autorisé à  parler d’un ton ”grand seigneur », comme aurait dit Kant, mais on m’a dit que j’avais cette ”originalité ». L’idée c’est qu’un jour je leur parle de la critique de la tyrannie chez J.-J. Rousseau, un autre de la notion de dictature (institution républicaine romaine pour les situations exceptionnelles, ce qui est passionnant pour un philosophe !) chez Machiavel, ou Carl Schmitt, grand penseur anti libéral malheureusement devenu nazi, des choses techniques en philosophie, à  partir de textes, et beaucoup d’histoire aussi.

    Pour dire ce qu’était la tyrannie en Grèce, ce qu’était la dictature Romaine, qui était donc une institution, avant que Sylla et César ne la transforment en ce que c’est devenu, c’est à  dire en despotisme, plus ou moins ; je me met à  un moment à  leur dire « dans un tyrannie, » – je suis allé moi-même en Chine à  l’époque communiste ”dure », en 88, un an avant le massacre de Tien An Men— « quand je voulais parler avec des gens que j’avais rencontrés par hasard, de sujets politiques, je voyais que ces personnes se retournaient dans la rue pour vérifier s’il y avait quelqu’un derrière, ou au restaurant, me montrant qu’on ne pouvait pas parler de ces sujets. Je leur dit, à  mes étudiants, avez-vous cette expérience ici ? » Ou, si à  11h du soir quelqu’un frappe chez vous violemment, vous pensez « c’est mon voisin qui a des problèmes d’inondation », ou vous pensez « c’est la police politique »? Ils me répondent, bien sûr, ”c’est le voisin ». C’est là  un critère évident. Nous ne sommes pas dans une tyrannie. Dans une tyrannie, c’est la police politique qui frappe à  la porte la nuit… ou qui écoute les conversations libres dans les jardins….

    J’avais trouvé ce sujet intéressant, c’est utile de préciser ce que sont les choses réellement, parce qu’on s’en rappelle, avant les élections, certaines personnes disaient que Sarkozy était presque un fasciste, ou un dictateur en puissance….

    Oui, quels ridicules procès d’intention ! C’est minable… Le vrai problème, c’est celui des réformes. Celle des 35 heures a été une énorme erreur. Mais il n’est pas facile de prévoir à  l’avance les effets d’une réforme. Je leur ai dit, lors d’un autre cours sur ”Réforme ou Révolution? » (un titre venant de ..Rosa Luxemburg…), que dans les pays démocratiques, le problème des réformes, c’est ce qu’on appelle la ”courbe en J ». Il y a une temporalité du politique en démocratie, qui est en général de 4 ou 5 ans. Le peuple, en démocratie moderne, ne dirige pas lui-même, mais est capable d’éliminer les dirigeants s’ils n’ont pas fait leur boulot (Popper), et s’il y en a de potentiellement meilleurs qui se présentent. Donc il faut un contrôle démocratique tous les 4 ou 5 ans, en plus évidemment des droits de la presse, de manifester, etc.. Une réforme difficile à  instaurer, a, au départ, peut-être pendant plusieurs années, des effets négatifs sur la majorité de la population. Ce qui fait que l’élection peut se produire au moment où la courbe est au plus bas (le point le plus bas du ”J »). Peut-être que c’est dans 10 ans seulement que les effets positifs se verront. Le cas le plus évident est le problème des retraites. Si on met à  nouveau, contrairement à  ce qu’avait fait Mitterrand, la retraite à  65 ans ou les régimes spéciaux à  40 ans, voire un peu plus, on ne verra pas tout de suite les effets bénéfiques de cette réforme, mais si on ne la fait pas, on ne pourra pas survivre, nos enfants ne pourront pas payer. Ils nous en voudront à  juste titre parce qu’ils auront un poids énorme sur leurs épaules pour payer NOS retraites.

    LE problème du politique, et les Français ne sont pas tous assez sensibles à  ça, c’est de prévoir : or, dès qu’on leur parle de réformes un peu dures à  avaler, ils attribuent ça au « fascisme » (!), à  l’extrême droite. C’est un vision de la politique que je ne partage pas du tout. En démocratie, on ne doit plus envisager la politique interne comme une guerre. Et la, la France est marquée par la Révolution française. La gauche, c’était Danton, Robespierre, la droite c’était les monarchistes. La gauche et la droite, ça a commencé avec la guerre civile ! Mais je pense qu’il faut cesser de considérer le nécessaire conflit politique comme une guerre, c’est ce que Sarkozy a essayé de faire en jouant l’ouverture. C’est aussi pour cela, en plus des réformes essentielles, vitales, qu’il veut faire passer, que, malgré certaines réserves, je soutiens son gouvernement, sans évidemment perdre ma liberté de penser et donc de critiquer. Paradoxalement, je crains qu’il n’arrive pas à  réduire suffisamment nos dettes … Mais il faut négocier des compromis, chercher l’intérêt général, pas se faire la guerre.

    à‡a rejoint ce que tu disais concernant le Droit, et la ”compossibilité » des libertés. La mission noble de la politique, c’est de pouvoir traiter des problèmes sans aller jusqu’au conflit armé ?

    Les Grecs ont inventé la politique, Castoriadis le disait toujours : ils n’ont pas inventé ”Le » politique, parce qu’il y a toujours eu plus ou moins du politique, du pouvoir, mais ”La » politique, la vie politique, c’est à  dire la discussion sur les principes mêmes de l’organisation de notre vivre ensemble. à‡a c’est les Grecs, c’est au 5ème siècle avant JC, avec Clisthène, Périclès, Protagoras, etc. que ça s’est produit. Cette politique ”polémique » mais pacifique, ne doit pas être pensée en terme de guerre, nous sommes sur un crête de montagne, comme quand on fait de l’alpinisme, avec le vide des deux côtés, si on est encordés et que quelqu’un tombe d’un côté, il faut soi-même tomber de l’autre côté. Sauter de l’autre côté pour ne pas tomber tous. Mais il faut absolument ne pas tomber, en politique, parce qu’il n’y a plus de corde … Cette image de la crête est néanmoins valable pour la démocratie libérale : il y a deux abîmes, il ne faut pas dire, la démocratie c’est un acquis. Non, non. C’est toujours assez fragile. L’un des deux abîmes c’est la guerre civile, et l’autre la tyrannie. Deux atrocités. Eschyle et Sophocle le disaient déjà . Comment éviter les deux ”maux » politiques ? Ce qui implique d’ailleurs, par rapport à  la réflexion que nous avons eue tout à  l’heure sur la gauche et la droite, qu’il faut bien s’apercevoir que cet ordre horizontal (extrême gauche, gauche, centre, droite, extrême droite) est simplificateur et doit être complexifié au moins par un axe vertical : partisans de la dictature (d’un seul ou d’un parti), et partisans du pluralisme. Il y a une gauche à  tendance dictatoriale, qui pense que la droite « c’est l’ennemi à  abattre ». Bon, Robespierre (la gauche de la gauche, même s’il a fait guillotiner son « extrême-gauche », comme Lénine le refera), on dit « les conditions, les conditions » (la guerre contre la France), mais il a quand même instauré la « grande Terreur » APRES les victoires décisives de la République (Fleurus), c’était une vision « puritaine », et le puritanisme est toujours un totalitarisme en puissance.

    L’idée de « pureté » est toujours une idée dangeureuse ?

    Oui, presque toujours, mais c’est une belle idée, car il y a des saloperies dans le monde, la corruption, etc., mais dangereuse si elle est érigée en dogme intolérant La pureté morale est un noble idéal, et je suis loin de vouloir prêcher le laissez faire total, mais de nobles idéaux peuvent conduire à  vouloir les imposer par la force : « La Terreur et la Vertu », disait Robespierre « l’incorruptible »… Que les « purs » indignés par le mal et incapables de proposer des réformes (nécessairement imparfaites !) allant dans le sens de l’honnêteté qu’ils prisent tant aillent dans des couvents ! J’étais à  Prague la semaine dernière, en Septembre : une anecdote : ils m’ont raconté que les étudiants en 1989, au moment de la ”révolution de Velours », avaient un panneau « Le communisme pour les communistes ! ». Humour noir et profond ! Les puristes dans des couvents, dans des communautés, s’ils veulent rester purs, mais qu’ils n’imposent pas ce « purisme » aux autres. En revanche, je suis évidemment en faveur de la lutte pied à  pied contre la corruption et les mafias. Mais la Gauche a elle-même engendré bien des dictateurs. Lénine, c’était un homme « de gauche » ! Fidel Castro c’est un dictateur et homme « de gauche », adulé par la très naïve Mme Mitterand… Mao et Pol Pot étaient de gauche, d’extrême gauche, or c’était l’horreur ! Il faut que la gauche tout entière prenne conscience de ça. Et du fait que la distinction libéralisme / totalitarisme est plus importante que la distinction gauche-droite.

    Cette distinction enrichit effectivement la scission habituelle gauche / droite, de même que celle que tu rappelais entre morale de conviction et morale de responsabilité. Peux-tu nous en dire deux mots ?

    Mon article est trop bref, j’ai dû opposer les deux, alors qu’il faut les combiner, ce qui n’est pas une mince affaire ! une authentique morale de la responsabilité n’est possible qu’avec des convictions, mais des convictions elle-mêmes ouvertes à  la discussion. à‡a c’est du Popper… Avoir des convictions morales, mais admettre qu’on puisse les discuter, car une conviction à  elle seule ne donne pas immédiatement les moyens de la défendre au mieux. Il faut raisonner. Par exemple, une conviction que j’ai, depuis que je m’intéresse à  la politique, et je pense que je l’aurai toujours, c’est qu’il ne faut pas laisser des gens « dans le caniveau », c’est moralement inacceptable. L’ultra-libéralisme (rien à  voir avec ce qui se fait en France avec Sarkozy…) est à  mon sens moralement inepte. Donc il faut tout faire pour faire en sorte qu’il y ait un filet de sûreté. à‡a c’est un conviction ! Mais si je fais n’importe quoi en son nom, qu’au moins j’écoute les critiques, et que j’y réponde !

    Quand tu parles de conviction ouverte, il y a quand même presque une antinomie dans l’expression ? Il y a là  un paradoxe qu’il faut que les gens soient capables d’expliciter ?

    Tout à  fait ! C’est le point le plus délicat, sur lequel tu mets l’accent de manière très pertinente. Comment avoir des convictions morales fortes mais ouvertes à  la discussion ? C’est un grave problème philosophique. Que Popper a posé, que Habermas a lui même étudié, dans son « éthique de la discussion ». Parce que si tout est en permanence ouvert à  la critique effective, ce n’est pas possible. Il faut qu’il y ait des choses considérées comme inacceptables. Torturer un enfant, c’est inacceptable. Avoir pour conviction de ne jamais torturer, c’est essentiel, mais des philosophes prennent souvent un exemple, qui pourrait devenir réel : imaginons un fou qui ait installé une bombe atomique quelque part, et qui va détruire l’humanité, elle va exploser dans heure. Faut-il le torturer pour le faire parler ? Il est fou, et convaincu et suicidaire. On ne peut le convaincre et on n’a pas le temps de le soigner, si cela était même possible. On doit, malheureusement, le torturer. Mais torturer un enfant, non. En tout cas, comme je ne pense pas qu’il existe une morale qui ait une réponse à  tous les cas possibles, il faut tenter politiquement d’agir de telle manière que de tels choix ne puissent pas se produire. Essayer, car rien n’est jamais acquis dans ce domaine, comme dans d’autres…

    Mais sur ces convictions fortes, j’ai l’impression que disons, entre personnes modérées, ceux qui se gardent de la guerre civile et de la tyrannie, ces convictions fortes sont partagées, et les autres convictions sont accessibles à  la raison, à  la discussion ?

    Il y a une conviction qui me parait absolument forte et moderne, c’est l’égalité en droit de tous les êtres humains.

    La déclaration des droits de l’homme ?

    Oui. Celle de 1789. Sauf que la Constitution qui a suivi était « machiste », puisque les femmes n’avaient pas le droit de vote. Il a fallu attendre en France 1945 pour que les femmes soient des citoyens à  part entière !! Donc l’égalité en droit, et surtout, autant que possible (car cela prend plus de temps …), en fait : il faut la promouvoir, pas seulement la proclamer. C’est pour ça que je suis provisoirement favorable à  l’idée de discrimination dite « positive », en anglais c’est mieux : « affirmative actions », actions positives. Une action positive en faveur de minorités qui sont, provisoirement espérons-le !, dans un équilibre précaire, pour de mauvaises raisons. Dans le trou… il faut pour elles une accélération, un coup de pouce, pour les faire sortir de l’eau. Passer le col. Et ensuite l’égalité de droit suffit. à‡a ne peut être que provisoire. Je suis, oui je crois « dogmatiquement », attaché à  cette idée d’égalité de Droit. Je ne vois pas comment on pourrait dire « oh non,les femmes, ou telle catégorie de citoyens, n’auront pas les mêmes droits ». C’est intolérable.

    C’est l’idée forte qui est dans la démocratie ?

    Oui, et ça a une conséquence sur les religions. Parce que si il y a des religions qui disent « les homosexuels n’ont pas les mêmes droits que les autres », que c’est un péché (le catholicisme actuel), ou que les femmes n’ont pas le même poids (dans l’Islam d’après la Charia, il faut je crois 3 femmes pour contrer le témoignage d’un homme), c’est inacceptable ! Pas de concession. C’est à  eux d’adapter leur système de pensée au Droit laïc égalitaire que nous avons. Et nous ne devons pas faire de concessions. Je ne suis rien qu’un citoyen comme les autres, mais je suis persuadé qu’avoir renoncé en toute conscience à  certaines idées, comme celle d’autogestion socialiste, ne saurait me pousser à  me complaire dans des idées nihilistes, qui condamnent toute action comme étant vaine. On doit accepter les contraintes du réel. Mais on doit aussi tenter de l’améliorer, de défendre en lui ce qu’il a de beau, et d’essayer de le rendre moins mauvais, plus juste, pour ”nous, mortels », comme disaient nos maitres Grecs.

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