Étiquette : Laïcité

  • Situation de la France

    Situation de la France

    Grâce au commentaire d’un de mes lecteurs (Quentin, pour ne pas le nommer), j’ai découvert et dévoré l’excellent bouquin de Pierre Manent, « Situation de la France« . L’auteur y revient sur les problèmes d’identité qui peuvent se poser aux français, en 2016. Des problèmes qui tournent bien sûr, comme toujours lorsque l’on parle d’identité et de culture (ou de civilisation), autour de la question religieuse, et du fait religieux.

    Situation de la France

    C’est un livre fort, dense, que nous livre Pierre Manent, et qui présente beaucoup de points vraiment positifs et stimulants.

    • en quelques cent pages, il dresse un constat sans appel d’un certain nombre de problème posés par l’islam dans une société chrétienne, en termes de chocs de valeurs. Pas de chichis, pas de politiquement correct pour se protéger de – fort prévisibles – attaques de la bien-pensance. C’est clair, à  la fois respectueux des personnes, et sans concession pour les idées.
    • Pierre Manent amène des idées fortes, et des questions clés à  cette question épineuse. Il constate par exemple que la laïcité, sous la forme qu’on lui connait, c’est-à -dire sous une forme ayant consisté à  vider l’espace public du « fait religieux », n’est pas efficace pour « réformer » l’islam. Force est de lui donner raison, même si pour ma part, je mettrais un bémol. Il me semble qu’une conception stricte de la laïcité, libérale, vise simplement à  séparer le politique du religieux, et non pas à  cacher, ou à  empêcher l’expression religieuse dans l’espace public. Notre société, en partie d’ailleurs, sous les provocations de radicaux, a eu tendance récemment à  vouloir lutter contre cette radicalisation par une sorte d’oubli des signes religieux (ce qui se défend), mais aussi à  une forme d’effacement du religieux.
    • Cet effacement du fait religieux a conduit à  nier longtemps le problème posé par l’islam. Ce n’est pas que nous ne voulions pas, collectivement, voir les problèmes posées par l’idéologie islamique, c’est simplement que nous ne voyions pas cela comme une religion, c’est-à -dire à  la fois comme élément identitaire fort, et comme corpus idéologique structuré
    • Il propose des éléments intéressants également sur nos racines et notre culture : assumons donc d’être une culture chrétienne, qui accueille un certain nombre de cultures différentes, mais qui pour autant n’en demeure pas moins chrétienne. assumons que notre histoire, et nos valeurs peuvent nous permettre d’assumer que la Nation joue un rôle intégrateur, en tant qu’idéal, à  la fois structurant et inclusif.
    • Les pistes proposées par Pierre Manent sont vigoureuses, et « simples » : l’Etat et la Nation doivent « forcer » (« commander » est le terme qu’il utilise) les responsables musulmans à  couper les ponts avec toutes les sources de financement extérieures. Par ailleurs, la communauté musulmane et le reste du pays doivent faire une sorte de « pacte », une sorte de geste de bonne volonté, de main tendue de part et d’autre. Pour cela, un certain nombre de concessions doivent être faites, de part et d’autres, et un certain nombre d’éléments fondamentaux, non négociables, doivent être rappelés. Liberté de conscience, bien sûr. Et d’autres éléments fondateurs d’une société ouverte et libre. Cela me rappelle un de mes billets, parlant d’un Sanhédrin de l’Islam.

    Je ne saurais assez vous recommander la lecture de ce livre indispensable pour alimenter la réflexion politique, la vraie. Pas celle des courses de lévriers électorales, mais celle qui touche à  l’identité, à  ce que nous voulons construire, ensemble, comme société.

    Concessions, ou Egalité ?

    Deux points me posent problème dans le livre de Manent, et mériteraient d’être approfondis par des échanges (en commentaire?). D’une part, Pierre Manent semble prêt à  des concessions sur la place de la femme chez les musulmans, et cela me parait, à  moi, inacceptable. Et incompatible avec l’idée que je peux me faire d’un pays dont la devise comporte le mot ambitieux et exigeant d’ »Égalité ». Et d’autre part, après avoir constaté que la laïcité ne permet pas d’aider l’islam à  se réformer, Pierre Manent semble considérer que la Nation peut le faire. Cela soulève bien des questions, car il me semble que notre Nation, et notre culture française, comporte justement dans ses gènes une forme de laïcité (qui peut être un outil). De plus, après décrit l’Etat et ses institutions comme passablement affaiblis, ils semblent finalement capable de réaliser un tour de force exceptionnel, que seuls une volonté forte et une capacité d’action durable peuvent rendre possible.
    Un dernier point aveugle dans l’ouvrage (mais ce n’est pas une critique, c’est un appel) : si une telle évolution – souhaitable – était possible, elle ne pourrait se faire qu’en ayant au préalable ou en parallèle réduit fortement les flux migratoires entrants dans notre pays. Comment intégrer bien si l’on est trop ouvert ? Qu’en pensez-vous ? L’islam peut-il, en France, se réformer ? Nos institutions sont-elles suffisantes ? Quelles modalités de mise en France ? N’hésitez pas à  partager vos commentaires, idées et suggestions en commentaire !

  • Une affaire de liberté

    Fanny Truchelut, ça vous dit quelque chose ? Non ? Alors, découvrez l’histoire de cette femme prise au piège par une militante islamiste dans son propre gîte, et condamnée pour « discrimination religieuse ». Son procès en appel aura lieu le 03 septembre, à  Nancy. Une affaire de laïcité, bien sûr, mais aussi de liberté et de respect de la propriété privée.
    (suite…)

  • Interview d’Alain Boyer : cinquième partie

    Suite de l’interview d’Alain Boyer, professeur de philosophie politique à  la Sorbonne. Après avoir discuté de l’histoire de son article paru dans le Figaro (entre les deux tours de la présidentielle), et expliquant la différence entre morale de responsabilité et morale de conviction, Alain Boyer nous explique aujourd’hui un de ses thèmes de cours « Tyrannie, Despotisme et Dictature ». On y parle, bien sûr, de démocratie et de droits de l’homme. Et on aborde – en fin de partie -, le sujet de la sixième partie (à  venir) : l’Islam et les religions.

    Puisque nous étions sur l’Université, j’aimerais rebondir sur ton sujet de cours (sur le site de la Sorbonne) « tyrannie, despotisme et dictature » ? pourquoi ce thème pour un cours ?

    C’était un sujet de cours de l’année dernière. J’ai changé cette année en Master: « Impérialisme, colonialisme et esclavagisme » (toujours le problème de la liberté, mais je fais aussi un cours de licence sur « l’autorité », qui me met directement en cause ! ) d’une part, et ”Art, morale et Politique » de l’autre : je rêve depuis toujours de parler d’Antigone, de Macbeth ou du Baroque.. Il y a beaucoup de philo et de politique là  dedans… Mais il est vrai que j’ai donné ce cours sur la tyrannie deux ans de suite, et il a apparemment intéressé les étudiants (et les auditeurs libres, que j’aime tant !) . Je recevais hier un étudiant marocain qui veut faire une thèse, et il m’a dit que c’était un sujet de cours qui intéressait beaucoup les gens qui viennent d’Afrique du Nord ou centrale, pour qui cette question est vraiment actuelle, malheureusement, il y avait aussi en cours des Sud-américains (j’adore avoir des étudiants étrangers..), qui ont connu la dictature, et qui savent ce que c’est.

    C’est presque plus intéressant d’aborder la démocratie libérale en étudiant ses contraires. Il m’est arrivé de faire des cours qui s’appelaient « démocratie et libéralisme », mais ça a moins de « succès » que si j’aborde le problème en décrivant le « Mal ». Comme en littérature. Décrire la tyrannie, contrairement à  cette idéologie dont on parlait tout à  l’heure consistant à  décrire les usines comme des camps de concentration, c’est montrer qu’une tyrannie c’est tout à  fait autre chose que ce que nous vivons. J’ai sans doute une méthode particulière pour faire des cours, qui doit d’ailleurs un peu à  68, je ne suis pas (j’espère!) démagogue (le cours n’est pas un échange, c’est moi qui parle, et réponds aux questions) mais ils peuvent intervenir quand ils veulent. Je ne lis pas de texte, j’improvise à  partir de ce que j’ai préparé pendant les « vacances », et avec quelques notes pour le plan et les références, et je me promène, et j’essaye d’animer le cours. C’est en général ce qui plait, ou parfois déplait! (je fais trop de parenthèses !) je ne suis pas quelqu’un qui se surestime, ou qui se croît autorisé à  parler d’un ton ”grand seigneur », comme aurait dit Kant, mais on m’a dit que j’avais cette ”originalité ». L’idée c’est qu’un jour je leur parle de la critique de la tyrannie chez J.-J. Rousseau, un autre de la notion de dictature (institution républicaine romaine pour les situations exceptionnelles, ce qui est passionnant pour un philosophe !) chez Machiavel, ou Carl Schmitt, grand penseur anti libéral malheureusement devenu nazi, des choses techniques en philosophie, à  partir de textes, et beaucoup d’histoire aussi.

    Pour dire ce qu’était la tyrannie en Grèce, ce qu’était la dictature Romaine, qui était donc une institution, avant que Sylla et César ne la transforment en ce que c’est devenu, c’est à  dire en despotisme, plus ou moins ; je me met à  un moment à  leur dire « dans un tyrannie, » – je suis allé moi-même en Chine à  l’époque communiste ”dure », en 88, un an avant le massacre de Tien An Men— « quand je voulais parler avec des gens que j’avais rencontrés par hasard, de sujets politiques, je voyais que ces personnes se retournaient dans la rue pour vérifier s’il y avait quelqu’un derrière, ou au restaurant, me montrant qu’on ne pouvait pas parler de ces sujets. Je leur dit, à  mes étudiants, avez-vous cette expérience ici ? » Ou, si à  11h du soir quelqu’un frappe chez vous violemment, vous pensez « c’est mon voisin qui a des problèmes d’inondation », ou vous pensez « c’est la police politique »? Ils me répondent, bien sûr, ”c’est le voisin ». C’est là  un critère évident. Nous ne sommes pas dans une tyrannie. Dans une tyrannie, c’est la police politique qui frappe à  la porte la nuit… ou qui écoute les conversations libres dans les jardins….

    J’avais trouvé ce sujet intéressant, c’est utile de préciser ce que sont les choses réellement, parce qu’on s’en rappelle, avant les élections, certaines personnes disaient que Sarkozy était presque un fasciste, ou un dictateur en puissance….

    Oui, quels ridicules procès d’intention ! C’est minable… Le vrai problème, c’est celui des réformes. Celle des 35 heures a été une énorme erreur. Mais il n’est pas facile de prévoir à  l’avance les effets d’une réforme. Je leur ai dit, lors d’un autre cours sur ”Réforme ou Révolution? » (un titre venant de ..Rosa Luxemburg…), que dans les pays démocratiques, le problème des réformes, c’est ce qu’on appelle la ”courbe en J ». Il y a une temporalité du politique en démocratie, qui est en général de 4 ou 5 ans. Le peuple, en démocratie moderne, ne dirige pas lui-même, mais est capable d’éliminer les dirigeants s’ils n’ont pas fait leur boulot (Popper), et s’il y en a de potentiellement meilleurs qui se présentent. Donc il faut un contrôle démocratique tous les 4 ou 5 ans, en plus évidemment des droits de la presse, de manifester, etc.. Une réforme difficile à  instaurer, a, au départ, peut-être pendant plusieurs années, des effets négatifs sur la majorité de la population. Ce qui fait que l’élection peut se produire au moment où la courbe est au plus bas (le point le plus bas du ”J »). Peut-être que c’est dans 10 ans seulement que les effets positifs se verront. Le cas le plus évident est le problème des retraites. Si on met à  nouveau, contrairement à  ce qu’avait fait Mitterrand, la retraite à  65 ans ou les régimes spéciaux à  40 ans, voire un peu plus, on ne verra pas tout de suite les effets bénéfiques de cette réforme, mais si on ne la fait pas, on ne pourra pas survivre, nos enfants ne pourront pas payer. Ils nous en voudront à  juste titre parce qu’ils auront un poids énorme sur leurs épaules pour payer NOS retraites.

    LE problème du politique, et les Français ne sont pas tous assez sensibles à  ça, c’est de prévoir : or, dès qu’on leur parle de réformes un peu dures à  avaler, ils attribuent ça au « fascisme » (!), à  l’extrême droite. C’est un vision de la politique que je ne partage pas du tout. En démocratie, on ne doit plus envisager la politique interne comme une guerre. Et la, la France est marquée par la Révolution française. La gauche, c’était Danton, Robespierre, la droite c’était les monarchistes. La gauche et la droite, ça a commencé avec la guerre civile ! Mais je pense qu’il faut cesser de considérer le nécessaire conflit politique comme une guerre, c’est ce que Sarkozy a essayé de faire en jouant l’ouverture. C’est aussi pour cela, en plus des réformes essentielles, vitales, qu’il veut faire passer, que, malgré certaines réserves, je soutiens son gouvernement, sans évidemment perdre ma liberté de penser et donc de critiquer. Paradoxalement, je crains qu’il n’arrive pas à  réduire suffisamment nos dettes … Mais il faut négocier des compromis, chercher l’intérêt général, pas se faire la guerre.

    à‡a rejoint ce que tu disais concernant le Droit, et la ”compossibilité » des libertés. La mission noble de la politique, c’est de pouvoir traiter des problèmes sans aller jusqu’au conflit armé ?

    Les Grecs ont inventé la politique, Castoriadis le disait toujours : ils n’ont pas inventé ”Le » politique, parce qu’il y a toujours eu plus ou moins du politique, du pouvoir, mais ”La » politique, la vie politique, c’est à  dire la discussion sur les principes mêmes de l’organisation de notre vivre ensemble. à‡a c’est les Grecs, c’est au 5ème siècle avant JC, avec Clisthène, Périclès, Protagoras, etc. que ça s’est produit. Cette politique ”polémique » mais pacifique, ne doit pas être pensée en terme de guerre, nous sommes sur un crête de montagne, comme quand on fait de l’alpinisme, avec le vide des deux côtés, si on est encordés et que quelqu’un tombe d’un côté, il faut soi-même tomber de l’autre côté. Sauter de l’autre côté pour ne pas tomber tous. Mais il faut absolument ne pas tomber, en politique, parce qu’il n’y a plus de corde … Cette image de la crête est néanmoins valable pour la démocratie libérale : il y a deux abîmes, il ne faut pas dire, la démocratie c’est un acquis. Non, non. C’est toujours assez fragile. L’un des deux abîmes c’est la guerre civile, et l’autre la tyrannie. Deux atrocités. Eschyle et Sophocle le disaient déjà . Comment éviter les deux ”maux » politiques ? Ce qui implique d’ailleurs, par rapport à  la réflexion que nous avons eue tout à  l’heure sur la gauche et la droite, qu’il faut bien s’apercevoir que cet ordre horizontal (extrême gauche, gauche, centre, droite, extrême droite) est simplificateur et doit être complexifié au moins par un axe vertical : partisans de la dictature (d’un seul ou d’un parti), et partisans du pluralisme. Il y a une gauche à  tendance dictatoriale, qui pense que la droite « c’est l’ennemi à  abattre ». Bon, Robespierre (la gauche de la gauche, même s’il a fait guillotiner son « extrême-gauche », comme Lénine le refera), on dit « les conditions, les conditions » (la guerre contre la France), mais il a quand même instauré la « grande Terreur » APRES les victoires décisives de la République (Fleurus), c’était une vision « puritaine », et le puritanisme est toujours un totalitarisme en puissance.

    L’idée de « pureté » est toujours une idée dangeureuse ?

    Oui, presque toujours, mais c’est une belle idée, car il y a des saloperies dans le monde, la corruption, etc., mais dangereuse si elle est érigée en dogme intolérant La pureté morale est un noble idéal, et je suis loin de vouloir prêcher le laissez faire total, mais de nobles idéaux peuvent conduire à  vouloir les imposer par la force : « La Terreur et la Vertu », disait Robespierre « l’incorruptible »… Que les « purs » indignés par le mal et incapables de proposer des réformes (nécessairement imparfaites !) allant dans le sens de l’honnêteté qu’ils prisent tant aillent dans des couvents ! J’étais à  Prague la semaine dernière, en Septembre : une anecdote : ils m’ont raconté que les étudiants en 1989, au moment de la ”révolution de Velours », avaient un panneau « Le communisme pour les communistes ! ». Humour noir et profond ! Les puristes dans des couvents, dans des communautés, s’ils veulent rester purs, mais qu’ils n’imposent pas ce « purisme » aux autres. En revanche, je suis évidemment en faveur de la lutte pied à  pied contre la corruption et les mafias. Mais la Gauche a elle-même engendré bien des dictateurs. Lénine, c’était un homme « de gauche » ! Fidel Castro c’est un dictateur et homme « de gauche », adulé par la très naïve Mme Mitterand… Mao et Pol Pot étaient de gauche, d’extrême gauche, or c’était l’horreur ! Il faut que la gauche tout entière prenne conscience de ça. Et du fait que la distinction libéralisme / totalitarisme est plus importante que la distinction gauche-droite.

    Cette distinction enrichit effectivement la scission habituelle gauche / droite, de même que celle que tu rappelais entre morale de conviction et morale de responsabilité. Peux-tu nous en dire deux mots ?

    Mon article est trop bref, j’ai dû opposer les deux, alors qu’il faut les combiner, ce qui n’est pas une mince affaire ! une authentique morale de la responsabilité n’est possible qu’avec des convictions, mais des convictions elle-mêmes ouvertes à  la discussion. à‡a c’est du Popper… Avoir des convictions morales, mais admettre qu’on puisse les discuter, car une conviction à  elle seule ne donne pas immédiatement les moyens de la défendre au mieux. Il faut raisonner. Par exemple, une conviction que j’ai, depuis que je m’intéresse à  la politique, et je pense que je l’aurai toujours, c’est qu’il ne faut pas laisser des gens « dans le caniveau », c’est moralement inacceptable. L’ultra-libéralisme (rien à  voir avec ce qui se fait en France avec Sarkozy…) est à  mon sens moralement inepte. Donc il faut tout faire pour faire en sorte qu’il y ait un filet de sûreté. à‡a c’est un conviction ! Mais si je fais n’importe quoi en son nom, qu’au moins j’écoute les critiques, et que j’y réponde !

    Quand tu parles de conviction ouverte, il y a quand même presque une antinomie dans l’expression ? Il y a là  un paradoxe qu’il faut que les gens soient capables d’expliciter ?

    Tout à  fait ! C’est le point le plus délicat, sur lequel tu mets l’accent de manière très pertinente. Comment avoir des convictions morales fortes mais ouvertes à  la discussion ? C’est un grave problème philosophique. Que Popper a posé, que Habermas a lui même étudié, dans son « éthique de la discussion ». Parce que si tout est en permanence ouvert à  la critique effective, ce n’est pas possible. Il faut qu’il y ait des choses considérées comme inacceptables. Torturer un enfant, c’est inacceptable. Avoir pour conviction de ne jamais torturer, c’est essentiel, mais des philosophes prennent souvent un exemple, qui pourrait devenir réel : imaginons un fou qui ait installé une bombe atomique quelque part, et qui va détruire l’humanité, elle va exploser dans heure. Faut-il le torturer pour le faire parler ? Il est fou, et convaincu et suicidaire. On ne peut le convaincre et on n’a pas le temps de le soigner, si cela était même possible. On doit, malheureusement, le torturer. Mais torturer un enfant, non. En tout cas, comme je ne pense pas qu’il existe une morale qui ait une réponse à  tous les cas possibles, il faut tenter politiquement d’agir de telle manière que de tels choix ne puissent pas se produire. Essayer, car rien n’est jamais acquis dans ce domaine, comme dans d’autres…

    Mais sur ces convictions fortes, j’ai l’impression que disons, entre personnes modérées, ceux qui se gardent de la guerre civile et de la tyrannie, ces convictions fortes sont partagées, et les autres convictions sont accessibles à  la raison, à  la discussion ?

    Il y a une conviction qui me parait absolument forte et moderne, c’est l’égalité en droit de tous les êtres humains.

    La déclaration des droits de l’homme ?

    Oui. Celle de 1789. Sauf que la Constitution qui a suivi était « machiste », puisque les femmes n’avaient pas le droit de vote. Il a fallu attendre en France 1945 pour que les femmes soient des citoyens à  part entière !! Donc l’égalité en droit, et surtout, autant que possible (car cela prend plus de temps …), en fait : il faut la promouvoir, pas seulement la proclamer. C’est pour ça que je suis provisoirement favorable à  l’idée de discrimination dite « positive », en anglais c’est mieux : « affirmative actions », actions positives. Une action positive en faveur de minorités qui sont, provisoirement espérons-le !, dans un équilibre précaire, pour de mauvaises raisons. Dans le trou… il faut pour elles une accélération, un coup de pouce, pour les faire sortir de l’eau. Passer le col. Et ensuite l’égalité de droit suffit. à‡a ne peut être que provisoire. Je suis, oui je crois « dogmatiquement », attaché à  cette idée d’égalité de Droit. Je ne vois pas comment on pourrait dire « oh non,les femmes, ou telle catégorie de citoyens, n’auront pas les mêmes droits ». C’est intolérable.

    C’est l’idée forte qui est dans la démocratie ?

    Oui, et ça a une conséquence sur les religions. Parce que si il y a des religions qui disent « les homosexuels n’ont pas les mêmes droits que les autres », que c’est un péché (le catholicisme actuel), ou que les femmes n’ont pas le même poids (dans l’Islam d’après la Charia, il faut je crois 3 femmes pour contrer le témoignage d’un homme), c’est inacceptable ! Pas de concession. C’est à  eux d’adapter leur système de pensée au Droit laïc égalitaire que nous avons. Et nous ne devons pas faire de concessions. Je ne suis rien qu’un citoyen comme les autres, mais je suis persuadé qu’avoir renoncé en toute conscience à  certaines idées, comme celle d’autogestion socialiste, ne saurait me pousser à  me complaire dans des idées nihilistes, qui condamnent toute action comme étant vaine. On doit accepter les contraintes du réel. Mais on doit aussi tenter de l’améliorer, de défendre en lui ce qu’il a de beau, et d’essayer de le rendre moins mauvais, plus juste, pour ”nous, mortels », comme disaient nos maitres Grecs.

    Retrouvez les autres parties de l’interview dans le sommaire !

  • Sarkozy dans le piege des islamistes

    Sarkozy et l'IslamophobieSarkozy tombe dans le piège sémantique tendu depuis longtemps par les islamistes. En mettant au même niveau, dans son discours en Algérie, islamophobie et antisémitisme, il rentre dans le jeu des intégristes qui veulent rendre illégitime la critique du dogme religieux. La LICRA s’en émeut à  juste titre, et rappelle les arguments déjà  mis en avant par Redeker, et bien d’autres.
    (suite…)

  • Riposte Laïque

    Le logo du siteA suivre, l’apparition d’un nouveau média : Riposte Laïque. Riposte à  l’offensive contre la laïcité menée par les religions, Islam en tête. Loin du politiquement correct de bon aloi, tolérant tout et même n’importe quoi, ce site me semble excellent. A partager, donc.
    (suite…)

  • Journée de la Femme : levons le voile !

    Aujourd’hui se tenait la journée de la femme. Comme j’étais au travail, je ne sais pas trop ce qui s’est organisé ou dit. Lors d’occasions comme ça, je suis toujours partagé : à  quoi sert une journée symbolique face à  des sujets aussi vastes et longs à  changer ? n’est-ce pas du bruit médiatique, oublié le lendemain ? Peut-être. Il y a des chances.
    Mais bon là , je suis allé fouiner un peu, et on ne peut pas taire ce qui se passe, en France, en 2007 ! Donc je profite de la journée de la Femme pour dire ce qui me révolte sur ces sujets…
    Je ne parle pas ici de la situation de la femme dans le monde : c’est là  qu’il y a le plus de travail (un exemple sur Fraternet, avec quelques chiffres sur l’Ethiopie), mais commencons par balayer devant notre porte…
    Un extrait du livre coordonné par Christine Ockrent, Le livre Noir de la condition de la femme, permet de pointer du doigt les principales violences faites aux femmes en France :

    Brimades, précarité, violences conjugales, prostitution, criminalité, chômage, sexisme : les femmes sont toujours les premières victimes. Pire, il existe chez nous des zones d’ombre où des femmes vivent en état de subordination totale, sinon d’esclavage, dans ces milieux immigrés où les coutumes défient la loi. Les filles ont beau fréquenter l’école de la République, elles sont excisées, voilées, mariées de force, violentées dans leurs choix les plus intimes. Pour celles-là  comme pour les autres, l’exemple de la France et surtout des pays scandinaves le prouve, seule la loi et son imprégnation dans le tissu social améliorent le sort des femmes. Il reste néanmoins beaucoup à  faire, ne serait-ce que pour exiger l’application effective de ce qui a été obtenu.

    Qu’il est monstrueux de penser qu’en France, en 2007, on n’applique pas la loi, pourtant garde-fou le plus élémentaire pour assurer l’intégrité corporelle des personnes ! Comment accepter ça ?
    Il faut rappeler ce qu’est l’excision : une mutilation ! Comment peut-on mutiler sa propre fille ? Quelle tolérance est possible concernant celà  ?
    Il faut rappeler ce qu’est le mariage forcé : un viol ! Comment peut-on livrer sa propre fille aux mains d’un vieillard qui a trois fois son âge ?
    Trouvé par le biais de l’article Femme de Wikipedia :

    L’excision est l’ablation de la partie externe prépondérante du clitoris et de son capuchon, et des petites lèvres (clitoridectomie). Elle est considérée comme une mutilation génitale féminine (MGF) dans la plupart des pays du monde, y compris ceux où elle est pratiquée. De nombreuses organisations militent pour son abolition mondiale.

    Pour finir, l’ Espace Action sociale, Intégration et Parité du Ministère de l’Emploi, de la cohésion sociale et du logement donne un état des lieux qui résume « bien » la situation chiffrée, sur la base d’estimations, de la situation des femmes en France sur ces sujets choquants :

    • Mariage forcés : 70000 jeunes filles concernées ou menacées / an
    • Polygamie : entre 8000 et 20000 foyers concernés
    • Mutilation sexuelle féminine : 30000-35000 fillettes excisées ou menacées

    Les chiffres parlent d’eux-mêmes…
    En fouinant sur Internet, je suis tombé sur un article extrêmement choquant du Monde Diplomatique : sous prétexte que les chiffres ne sont que des estimations, l’article conclut, en substance, que ceux qui colportent ces chiffres sont simplement des islamophobes ! Quand bien même tous les chiffres ci-dessus seraient divisés par deux (et ils semblent être plutôt sous-évalués), qu’est ce que ça changerait à  la réalité de l’horreur dont on parle ici ? Refuser à  ce point de regarder la réalité, c’est au mieux de l’aveuglement, au pire de l’idéologie forcenée et capitularde.
    Quittons ces intellectuels parisiens, et allons donc voir du côté de celles(ceux) qui connaissent le terrain, et la réalité de ces régressions sociales insupportables (2 associations parmi d’autres) :

    Pour finir cet article déjà  trop long, une citation de la présidente de Regards de Femmes, Michèle Vianès, pour nous rappeler à  la vigilance, et ne pas laisser la tolérance devenir une faiblesse dangereuse :

    Imposer dans l’espace public la nécessité pour les « bonnes musulmanes » de se cacher, donc une séparation visible dans l’espace commun, entérine l’idée d’une différence fondamentale entre les « bonnes musulmanes » et les autres. Cela engendre des représentations des femmes, aussi bien par les filles que par les garçons, totalement contradictoires avec le principe constitutionnel d’égalité entre les hommes et les femmes. Cela enferme les personnes dans une unique identité religieuse. Les ravages de cette séparation sont dramatiques dans les pays multiculturalistes, tels la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas, qui voudraient dorénavant affirmer un socle de valeurs communes. Si les intéreÌ‚ts particuliers priment sur l’intéreÌ‚t général, comment s’étonner ensuite de l’absence de lien social avec la communauté nationale, du non-respect des reÌ€gles essentielles du vivre ensemble dans la République? Le port du voile manifeste un pur et simple refus des principes républicains et une tentative de désintégration de l’espace commun.