Étiquette : Politique

  • Citation #177

    Quoi qu’en disent certains, ce sont les circonstances qui donnent à tout principe de politique sa couleur distinctive et son effet caractéristique. Ce sont les circonstances qui font qu’un système civil et politique est utile ou nuisible au genre humain. Si l’on reste dans l’abstrait, l’on peut dire aussi bien du gouvernement que de la liberté que c’est une bonne chose.

    Edmund Burke (1729-1797)
    Homme politique et philosophe irlandais.

  • Climat : le film

    Climat : le film

    En terminant mon article précédent, je me suis plongé dans les « Community Notes » sur X, et de fil en aiguille je suis tombé sur ce film très bien fait « Climate : the movie » (réalisé par Martin Durkin), à côté duquel j’étais passé. Je ne peux résister au plaisir de le partager ici. C’est un film avec des intervenants scientifiques très intéressants (et courageux). Comme Steven Koonin.

    Et, en regardant le film, j’ai eu envie d’en savoir un peu plus sur les auteurs de l’article sur l’impact du soleil sur le climat terrestre, Svensmark & Shaviv (autour de la 58ème minute dans le film).
    Et de fil en aiguille, je suis tombé sur cette interview du remarquable Lindzen (dont je vous avais déjà parlé ici). Que je ne résiste pas non plus à partager ici. On y apprend beaucoup de choses, notamment (ce que je n’avais jamais entendu avant) que l’effet de serre détermine le climat seulement dans la partie équatoriale de la Terre et beaucoup moins ailleurs. Désolé, celle-ci est en anglais non sous-titré…

  • Sommes nous toujours en démocratie ?

    Sommes nous toujours en démocratie ?

    A la lecture, dans l’excellent magazine L’incorrect, de l’interview croisée de Marcel Gauchet et Pierre Manent, j’ai eu un sentiment contrasté. Cet article pointe vers des liens Wikipedia : faites attention à la qualité des informations que vous pouvez y trouver, notamment celles ayant des résonnances politiques.Bien sûr, ces deux là sont intelligents, lucides, et très habiles pour exprimer leur pensées. Mais j’ai eu aussi le sentiment d’un décalage entre leurs propos, et la manière dont je perçois la réalité. Comme si une sorte de voile politiquement correct couvrait leur discussion, dont ressort à mes yeux une forme d’euphémisation de la situation, à force de la présenter de manière elliptique. J’ai donc eu envie, en rebond, de creuser la question du titre, car elle résonne avec les débats qui émaillent la campagne présidentielle aux US, où – je trouve – les débats sont d’un autre niveau, plus virulents, plus vrais (est-ce une conséquence du 1er amendement ?). Elon Musk explique clairement en interview la fragilité de la démocratie, et expose les mensonges éhontés des médias. JD Vance (interview extraordinaire), ou Vivek Ramaswami (celle-là aussi), sont d’une grande clarté, d’une grande précision, mais également d’une grande force dans leurs propos. Le monde politique français, en comparaison, parait bien terne, bien mou, et à vrai dire exaspérant de répétitions et de contorsions.

    La voix du peuple ?

    Chacun le sait, Démocratie signifie étymologiquement le « pouvoir du peuple », et notre constitution le redit autrement en précisant le principe de la République : « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Répondre à la question « Sommes nous encore ou toujours en démocratie ? » consiste donc à se demander si notre organisation sociale, nos institutions, sont toujours réellement au service du peuple, des citoyens, et si ce que pensent majoritairement les citoyens est représenté dans ces institutions, si leur voix porte et influe sur les évolutions politiques. Mon avis, que je vais argumenter ci-dessous, est que nous ne sommes plus vraiment en démocratie : les apparences sont là, une partie des institutions est encore là, le jeu se joue, à la manière d’une pièce de théâtre, mais cela a tout de ce qu’on peut observer dans l’excellent film The Truman Show. Sous les apparences, la réalité est que le démocratie est devenu un mot un peu creux, porteur d’idéaux pour tous, mais incarné réellement nulle part.

    Etat et gouvernement

    Dans un remarquable essai (disponible gratuitement en ligne), Milton Friedman avait expliqué en 1993 pourquoi c’était le Gouvernement et l’Etat bureaucrate les source du problème. En prenant des exemples concrets dans tous les secteurs d’activité, il démontrait qu’à peu près tout ce que prenait en main le gouvernement était désastreux. Trop de dépenses, bureaucratisation, inefficacité endémique, perte du sens de l’intérêt général. Vous pouvez prendre n’importe quel champ d’action du gouvernement et de l’Etat, leur action est catastrophique et ne sert les intérêts que de la caste au pouvoir. Les « serviteurs de l’Etat » sont bien nommés : ils ne servent plus l’intérêt du peuple, mais bien celui de la bureaucratie, toujours plus occupée de tout, de tout règlementer, de taxer. Pour le dire plus crûment, et justement avec moins de pincettes que Gauchet et Manent : une clique de parasites se gave sur le dos du pays, en faisant mine de se préoccuper du sort du peuple. Friedman expliquait que les actions du gouvernement devraient être limitées à 4 sujets : défense nationale (protection contre les pays ennemis), sécurité intérieure (protection des citoyens contre les atteintes des autres citoyens), législation (définir les règles avec lesquelles on s’organise), judiciaire (arbitrer les disputes autour du respect des ces règles). Le reste n’a rien à faire dans les mains de l’Etat. Je suis d’accord avec cela. Et voilà ce que l’on peut dire de manière très factuelle, sur ces 4 points.

    • Les gouvernements ont systématiquement diminués l’argent injecté dans l’armée. Il reste un corps probablement encore très digne de sa fonction, mais complètement dénué de moyens, et l’on a en plus consciencieusement laissé partir des savoir-faire de défense à l’étranger
    • la sécurité intérieure est totalement en berne. Sous l’effet d’une immigration incontrôlée, de civilisations différentes, toutes les conditions de la guerre civile continuent d’être mises en place. Taper sur les gilets jaunes, ça oui, mais expulser les étranger en situation irrégulière, les criminels, ça non.
    • Le fonctionnement du système législatif est une catastrophe : les réglementations s’empilent, dans tous les secteurs et rendent quasiment impossible le fonctionnement normal de la société. Comme par ailleurs, des lois fondamentales ne sont pas appliquées, on marche sur la tête. Mesurer la taille de la barrière qu’un particulier a installé chez lui, ça oui, mais punir de prison les multiples délits et méfaits des racailles, ça non.
    • Que dire de la justice ? Politisée, remplie d’idéologues, n’appliquant plus la Loi, tant de multiples aménagements sont prévus à tous les niveaux, on a l’impression d’une mascarade glaçante et inquiétante.

    Ajoutons deux points à cela, tout d’abord, nous avons placé une part de notre souveraineté dans les mains de l’UE, c’est-à-dire que nous l’avons en partie perdue. La souveraineté ne se partage pas. Ensuite, l’Etat s’occupe maintenant de tellement d’autres sujets qu’il fait tout mal, intervient partout, souvent pour des raisons totalement injustifiées. Les « bidules », les ministères ridicules se multiplient, et personne n’y trouve rien à redire.

    Donnez moi tort

    Je ne demande rien de plus qu’à revoir mon jugement, et à me laisser convaincre que si, nous sommes encore en démocratie. Mais le referendum de Maastrich, suivi du traité de Lisbonne pour refaire passer en force ce que le peuple avait rejeté, ou les récentes élections législatives, où nous avons du accepter de nous faire, une nouvelle fois, expliquer que plus de 10 millions de français ne pouvait pas participer à la « démocratie » montrent bien, en plus de tout le reste, à quel point le bateau est pourrie de part en part. Il faut revenir aux fonctions régaliennes listées ci-dessus, virer des fonctionnaires, arrêter de distribuer de l’argent au monde entier, mettre fin à toutes les fraudes et à tous les crimes, privatiser des pans entier de l’action de l’Etat, stopper brutalement l’immigration et reposer ensuite le sujet de l’assimilation et de la remigration, reposer une doctrine législative et judiciaire saine, non politisée, faire appliquer la Loi de manière intraitable, supprimer la plupart des règlementations débiles qui bloquent la liberté d’agir, d’entreprendre et de faire prospérer le pays, couper toutes les formes de subventions aux médias et aux associations (tous), refaire de la liberté d’expression un principe fort, faire cesser la gabegie généralisée, dénoncer le socialisme pour ce qu’il est (du vol auquel on donne le nom de justice social), assumer notre histoire et notre culture. Une fois ce programme enclenché et mis en œuvre nous pourrons peut-être nous dire que nous redevenons une démocratie. En attendant cela, il parait très clair que nous sommes dans une forme d’oligarchie de fait.
    La réponse à la question du titre est donc clairement non. J’attends des contre-arguments, je serai heureux de les lire, et de les faire miens. Voilà ce que j’aurais voulu lire dans l’interview, au lieu d’une ridicule défense de principe de l’Arcom par Gauchet, ou la mention par Manent que nos « élites » sont « compétentes », mais déconnectées. Non, ils ne sont pas compétents, et s’ils le sont, ce sont alors d’horribles menteurs et de vils traitres, et ils ne sont pas déconnectés : ils nous volent et tuent le pays à petit feu depuis trop longtemps. Il est temps de se dire les choses.

  • Vote et démocratie

    Vote et démocratie

    Dans les commentaires du dernier billet consacré à Milei, j’avais partagé cette interview d’Etienne Chouard, car je l’avais trouvé très intéressante.

    Vote et élection

    Il y a pose notamment, dès le début, une distinction qui me parait essentielle entre élection11. Election : Procédure par laquelle des électeurs portent leurs suffrages sur les candidats qu’ils chargent de les représenter dans des assemblées administratives de ressort et de compétence variables. et vote. Dans sa conception, c’est très limpide : voter, c’est donner son avis sur un sujet précis (on est dans le processus de décision), et élire, c’est choisir quelqu’un qui va nous représenter, et donc choisir pour nous. Je rejoins Chouard dans son analyse : l’élection est assez antidémocratique, et le vote l’est. Il en tire les conséquences, et je invite à regarder la vidéo pour suivre le raisonnement, notamment l’importance du tirage au sort (dossier sur son site).
    Pour être plus précis, dans le système actuel, nous ne votons que pour élire, et presque jamais pour donner notre avis (et quand on nous le demande, c’est soit sur des sujets subalternes ou ridicules, soit pour faire semblant et nous la faire à l’envers quelques temps plus tard). Notre avis, l’avis du peuple n’intéresse pas les « élites ».

    Constitution et démocratie

    Un autre point, qui parait évident en y réfléchissant un peu, est que la Constitution22. Loi fondamentale ou ensemble des principes et des lois fondamentales qui définissent les droits essentiels des citoyens d’un État, déterminent son mode de gouvernement et règlent les attributions et le fonctionnement des pouvoirs publics., en tant que « loi fondamentale », faisant référence pour juger de la pertinence des lois & réglementations, ne devrait pas pouvoir être modifiée sans un vote d’accord du peuple. Or, c’est constamment le cas. Nous ne sommes donc pas à proprement parler, en démocratie. On peut faire semblant, bien sûr, de considérer que tout cela n’est pas très grave, et que ce sont somme toute des arguties juridiques sans importance. Mais je crois, au contraire, que c’est central dans les combats politiques qui, je l’espère, vont venir. Rétablir ce lien sacré entre « constitution » et « peuple » parait être un point central d’un retour à une démocratie véritable.

  • Je n’ai pas dit mon dernier mot

    Je n’ai pas dit mon dernier mot

    Eric Zemmour partage dans « Je n’ai pas dit mon dernier mot » son éclairage et son analyse de l’année de campagne pour les élections présidentielles. C’est une belle manière de « conclure » le précédent ouvrage, « La France n’a pas dit son dernier mot« . Ce livre est très agréable à lire, fluide, percutant.

    Toujours là !

    Eric Zemmour parvient à éviter très simplement deux écueils qui auraient pu rendre ce livre inutile, voire insupportable : le narcissisme, et le règlement de compte. Il reste égal à lui-même : direct, fin analyste, sincère sur tous les sujets, mêlant humilité et ambition. Et c’est une très intéressante plongée dans la réalité d’une campagne présidentielle.
    J’ai trouvé son analyse historique et géopolitique sur le conflit russo-ukrainien tout à fait passionnante, et riche. Je continue à penser que cet homme-là, doit avoir une place dans la vie politique. Nous verrons de quoi l’avenir des boutiques & partis politiques sera fait. Mais les idées, les constats, les solutions que proposent Zemmour, sans nécessairement toutes me satisfaire, me semblent adossées, et articulées, avec le seul vrai sujet structurant, et dont tous les autres dépendent : le Grand Remplacement, autre nom de la déferlante migratoire qui transforme notre pays depuis 40 ou 50 ans. Identitaire, culturelle, civilisationnelle, je partage avec Zemmour l’idée que c’est LE combat à mener. Avec deux-trois autres sur lesquelles je pense pouvoir adhérer aussi à ses pistes de solutions (souveraineté, industrialisation, éducation). On voit bien, à la lecture, que Zemmour a décidé d’inscrire son action et celle de Reconquête! dans la durée, avec son triptyque idées-actions-élections.

    Glaçant

    L’éclairage apporté de l’intérieur par le candidat à la présidentielle est assez glaçant car il confirme, pour ceux qui auraient pu encore en douter, que les journalistes, dans leur ensemble, sont là pour désinformer, orienter, manipuler l’opinion, au service du pouvoir ou du politiquement correct. Il faut supprimer toutes formes de subventions aux médias. La somme de petites bassesses, de petits accommodements avec la vérité fait froid dans le dos, et je trouve le chapitre « Vérité ou radicalité ? » tout à fait excellent.

    Extrait

    Pour vous donner envie de lire cet ouvrage, je vous en partage pour finir un extrait.

    « N’est pas le général de Gaulle qui veut. » Je lis l’interview accordée par Laurent Fabius au Parisien et je n’en reviens pas. En pleine campagne, le président du Conseil constitutionnel est sorti de la réserve qui doit être la sienne. Et de quelle manière ! Laurent Fabius prévient sans ambages : contrairement à ce qu’avait osé le général de Gaulle avec ses référendums, le président élu en 2022 ne fera pas tout ce qu’il voudra, le peuple ne sera pas souverain, le Conseil constitutionnel veillera au grain. Je comprends tout de suite que je suis visé. C’est d’ailleurs ainsi que les journalistes l’ont présentée et c’est pourquoi j’y ai tout de suite répondu : « Ce sera le peuple qui décidera, et pas le président du Conseil constitutionnel. »
    Depuis le début de la campagne, et même bien avant, j’avais inlassablement dénoncé le dévoiement de l’Etat de droit par les juges. C’est un sujet qui me passionne depuis des années ; je le perçois comme le noeud gordien qu’il faudra trancher ; j’y ai même consacré un livre, intitulé Le coup d’Etat des juges, dès 1997.
    L’argumentaire du président du Conseil constitutinnel ici est d’ailleurs la preuve éclatante de ce que j’avançais alors. Selon lui,  » l’une des caractéristiques des démocraties avancées comme la nôtre, c’est que la loi, qu’elle soit votée par le Parlement ou le fruit d’un référendum ne peut pas faire n’importe quoi (c’est qui souligne) et qu’elle doit être conforme à la Constitution et aux grands principes. C’est le rôle du Conseil constitutionnel mis en place par la Ve République de veiller et de contrôler cette conformité. »
    Il faut décortiquer avec soin le propos de Laurent Fabius pour comprendre ce qu’il contient de scandaleux. Le président du Conseil constitutionnel nous dit que le peuple souverain, qui exprimerait sa voix par référendum, pourrait faire « n’importe quoi » ; c’est donc à lui, et aux huit autres juges non élus, de déterminer si, oui ou non, le peuple a fait n’importe quoi. Comprenez bien : 99,99% des Français pourraient voter pour une réforme que Laurent Fabius continuerait de se réserver le droit de censurer leur volonté. Et il ose utiliser le mot « démocratie » pour défendre une telle aberration. (…)
    Si j’avais été au second tour, j’aurais fait de cette question l’un des sujets majeurs du débat avec le président sortant : sommes-nous toujours une démocratie, c’est-à-dire un régime où le peuple a le dernier mot, ou sommes-nous dirigés par une oligarchie technocratique et juridique ? La question est cruciale pour nos institutions, pour notre souveraineté économique et pour la protection de nos entreprises. Elle est brûlante pour tout ce qui a trait aux droits des étrangers. Pour les juges, les droits de l’homme supplantent désormais les droits des citoyens. Cette orientation mondialiste du droit contemporain interdit toute politique qui voudrait bloquer les flux migratoires et combattre enfin sérieusement le Grand Remplacement àl’oeuvre.
    Il reste une ultime résistance à cette mainmise du droit sur la démocratie : le référendum. C’est le seul moyen d’instaurer une véritable politique d’immigration qui ne soit pas empêchée par les innombrables « droits » accordés aux étrangers par les jurisprudences successives. Bref, de rendre à l’Etat, donc au peuple français, la maîtrise de sa politique d’immigration concédée aujourd’hui aux immigrés eux-mêmes. Je le propose depuis vingt-cinq ans et l’ai défendu tout au long de la campagne. Il faut dire qu’en matière d’immigration, ne pas utiliser l’arme du référendeum signifie ne toucher à rien. Après la tribune de Laurent Fabius, j’eus une conversation intéressante avec mon équipe. Nous nous étions dit que le programme que nous portions ne pouvait s’imposer que si nous étions, au pouvoir, en mesure de convoquer un référendum. Avoir un groupe à l’Assemblée nationale ne nous servirait à rien, car nos travaux, même s’ils étaient acceptés par les autres députés (ce qui était déjà fort peu probable), seraient de toute façon censurés par le Conseil constitutionnel. Que la seule arme dont notre peuple disposait contre son remplacement, c’était sa propre voix, via le référendum.
    Ce 25 janvier, Laurent Fabius n’avait pas parlé au hasard. En fermant cette ultime issue démocratique qu’est le référendum, Laurent Fabius interdisait d’avance à notre pays d’échapper au Grand Remplacement, qui l’étreint chaque année d’avantage, et pour cela, il changeait subrepticement la nature de nos institutions.
    Il disait en quelques mots que l’élection présidentielle ne servait à rien, et que la campagne qui la précédait était vaine. Ils appellent cela « l’Etat de droit », j’appelle cela un coup d’Etat.
  • Le Design

    Le Design

    En 2015, Stéphane Vial, philosophe et chercheur en design français (maintenant émigré au Canada), a publié aux Editions PUF le Que Sais-je ? » « Le Design ». C’est un remarquable ouvrage, passionnant et d’une grande clarté. Il donne un éclairage à la fois historique, philosophique et épistémologique sur le Design en tant que discipline.

    Méthodes de conception

    Si le Design est en général associé à l’essor de l’industrie et aux arts décoratifs au XIXe siècle, Stéphane Vial montre que ses racines sont fondamentalement liées à la naissance du projet architectural à la Renaissance, et notamment dans les travaux de Brunelleschi. Ce dernier formalise la séparation entre conception et réalisation.

    Voilà pourquoi l’invention du projet en architecture n’est rien d’autre que la naissance de la méthode dans le domaine de la conception. Désormais, la conception est une travail méth-odique, c’est-à-dire un cheminement (odos, « la route, la voie ») séquencé, fractionné, découpé et encadré par la raison. Stéphane Vial

    Si l’histoire du Design montre bien que les batailles idéologiques et philosophiques sont nombreuses autour du sens même de la discipline, l’auteur montre bien que cette racine perdure et constitue la colonne vertébrale du Design. Par exemple, il cite plus loin Roger Tallon, grand designer français :

    Le design n’est ni un art, ni un mode d’expression, mais bien une démarche créative méthodique qui peut être généralisée à tous les problèmes de conception.

    Roger Tallon (1929 – 2011) designer français, considéré comme le père du design industriel français

    Tension idéologique

    Il y a une tension intrinsèque dans le Design liée à son essence, à ses racines et à son histoire : approche méthodique, qui a participé à l’essor industriel formidable de la fin du XIXe et du XXe, il s’est également structuré comme discours critique et esthétique en réaction à l’industrialisation massive, à la standardisation et au consumérisme. Stéphane Vial montre bien cela en l’illustrant avec des designers emblématiques de certains de ces courants, en précisant avec une rare clarté les « modèles philosophiques » (et visions du design) dont ils sont les porteurs : William Morris pour le Arts & Craft (1860), Henry Van de Velde pour l’Art nouveau (1900), Walter Gropius pour le Bauhaus (1919), Raymond Loewy pour l’Industrial design (1929) ou encore Jacques Viénot pour l’Esthétique industrielle (1951).
    L’ouvrage est sur point tout à fait passionnant : il parvient à esquisser les grandes lignes de ce vastte tableau en restant très clair, et suffisamment détaillé. Cette histoire est fascinante.

    Extension du domaine du Design

    Stéphane Vial montre ensuite comment le Design – et c’est bien naturel compte tenu de ses racines – a vu ses limites s’étendre dans un mouvement d’ »éclipse de l’objet » (Findeli & Bousbaci) :

    L’éclipse ne signifie pas une disparition de l’objet, mais un changement de priorité, l’objet devenant secondaire au sein d’une expérience au service des acteurs.


    Source de l’image : Projekt
    L’auteur décrit de manière très claire différents modèles du projet en design (Conception-réception, Double Diamant, modèle de projet selon D. Newman, Design Thiking). Je connais mieux cette partie, et j’ai été un peu surpris de voir que, si Armand Hatchuel et le CGS de l’Ecole des Mines était cité dans l’introduction, les travau du CGS n’étaient pas mentionnés dans cette partie sur les théories & méthodes en Design. Compte tenu de la qualité de l’ouvrage, j’en déduis qu’il existe des guerres de chapelles. Ce n’est qu’une hypothèse.

    Manifeste trop ambitieux ?

    Le livre termine sur un « Manifeste pour le renouveau social et critique du design« . Je trouve à titre personnel qu’il est clair et bien construit et j’en partage les intentions, même s’il oublie un peu, à mon sens, de parler explicitement de méthode créative, et de pragmatisme qui à mon sens sont indissociables du Design. D’une manière générale, je pense que ce manifeste n’a pas complètement clarifié le sens du mot « social » : prétendant dépasser le clivage créé par son usage, il en reconduit le caractère « tautologique ». Toute activité humaine est sociale. J’y vois la marque du constructivisme11. Par exemple, on peut s’appuyer sur le concept de catallaxie qui caractérise notre époque, injectant de la politique dans tout et dans toutes choses, et perpétuant l’illusion funeste que les humains « structurent » le monde, en oubliant que le monde, ses lois, son organisation, sont en grande partie hors de notre portée. Tout n’est pas « design-able ». Le design doit savoir, même sur les aspects sociaux, connaître ses limites.
    Ce ne sont que des remarques tout à fait marginales : j’ai trouvé cet ouvrage splendide, extrêmement bien structuré et clair, passionnant. A lire en priorité par tous ceux qui, de près ou de loin, ont des activités de conception.