Étiquette : Politique

  • Etats d’âme à  cause d’un Etat sans âme

    J’allais consacrer un peu de temps pour écrire un petit billet sur les dangers pour la santé des téléphones portables. J’ai vu passer une vidéo chez Digiboy, et je voulais faire un petit dossier pour expliquer ce qu’on sait à propos des téléphones portables, des rayonnements. Utiliser un peu mes compétences scientifiques, et un peu le « Kit de détection d’idioties » pour démêler le vrai du faux, et montrer comment, en l’état actuel de nos connaissances, les portables ne présentent aucun danger pour l’être humain. Je le ferai plus tard.
    En effet, j’ai lu un billet de René Foulon consacré aux réactions du monde politique à  propos de l’augmentation du prix du pétrole : il qualifie à  juste titre de scandale cette manie de vouloir taxer de manière arbitraire les acteurs de l’économie pour caresser le « peuple » dans le sens du poil. Et je ne peux pas ne pas réagir : j’ai envie de dormir ce soir, et ne pas ruminer.
    Je suis quelqu’un d’ouvert, de tolérant. Je suis optimiste, et j’aime la vie : en ce moment plus que jamais. J’ai la chance d’avoir une vie sentimentale bien remplie, un travail épanouissant, une famille, des amis. Et je ne voudrais pas donner l’image de quelqu’un d’aigri, ou qui passe son temps à  pester contre tout. Mais je ne comprends pas cette « culture » anti-fric, anti-réussite, qui pense que toute solution ne peut venir que de l’État, qui pense que l’on peut prendre dans la poche de l’un pour donner aux autres, qui ne supporte pas l’utilisation de la force par certains, mais qui légitime son utilisation par l’État quand elle est dirigée vers des sociétés privées (ouh! capitalistes, horribles profiteurs qui sucent le sang des pauvres en se vautrant dans le cynisme) !
    En commentaire de ce billet de René, quelqu’un (Mathieu L.) expliquait très proprement son désaccord. La fin de son commentaire m’a permis de bien cerner ce qui me hérisse :

    Par contre, je reste totalement persuadé que l’État, à  travers son parlement qui représente le peuple, peut très bien, s’il le décide, se saisir de biens ne lui appartenant pas, comme il le fait d’ailleurs tous les jours par la taxation. La légitimité de la décision sera ensuite jugée par le peuple aux élections suivantes…

    Je lui ai répondu, sans agressivité, que la justice est une chose plus importante à  mes yeux que la légitimité démocratique. Comme le disait Ludwig Von Mises :

    Croire en la démocratie implique que l’on croie d’abord à  des choses plus hautes que la démocratie.

    Ludwig von Mises

    Quel sens peut bien avoir une démocratie où les décisions légitimes sont sanctionnées par le peuple aux prochaines élections, si entre deux élections l’État s’autorise, pour des raisons fluctuantes, non partagées, et toujours arbitraires, de confisquer des biens à  certains pour les donner à  d’autres. Quelle justice dans cette démocratie ?
    Sur la forme, c’est stupide : c’est le meilleur moyen de faire fuir Total à  l’étranger, et de s’assurer qu’au lieu de participer à  la logique de redistribution des richesses, les propriétaires du groupe décident d’installer leur lucrative activité ailleurs. Bien joué ! Très fin : cela s’appelle couper la branche sur laquelle on est assis.
    Mais ce n’est pas pour cette raison bassement utilitariste qu’il faut critiquer ce genre d’attitude. C’est au nom du respect de la propriété privée : les actionnaires de Total ont acquis leurs titres de propriété de manière légitime, lors d’un échange libre. De quel droit un individu, un groupe d’individu, ou à  plus forte raison l’État, vient-il confisquer une partie de cette propriété ? Cela s’appelle de la spoliation. C’est du vol. Appelons les choses par leurs noms, puisque les apprentis sorciers pensent pouvoir saupoudrer par-ci, ce qu’ils ont subtilisé par-là . J’enrage de ces réactions médiatiques, opportunistes, sans états d’âmes. Moi, ça m’en donne, des états d’âmes. Comme une envie de se casser de ce pays gouverné par des ignares suffisants, égoïstes, et repus de leur incroyable prétention à  vouloir tout contrôler, tout diriger, et faire semblant d’avoir réponse à  tout.
    On observe la qualité du résultat produit depuis 30 ans par ces politiques. C’est le propre des idiots de ne pas reconnaitre leurs erreurs.
    Edit : Certains, comme le Chafouin ou Authueil, vont même jusqu’à  nous expliquer que c’est dans l’intérêt de Total que le gouvernement a créé cette « prime à  la cuve ». On croit rêver…Je cite Authueil :

    […] En créant cette « prime d’aide à  la cuve », le gouvernement aide Total, en lui offrant le moyen de maximiser l’effet symbolique des versements qu’il est obligé, politiquement, de faire. […]

  • Libéralisme économique et libéralisme politique

    Retour sur la distinction entre libéralisme économique et libéralisme politique. Quelles sont les différences ? Une rapide recherche fait tomber sur un article très intéressant et précis de François Guillaumat. Qui définit le libéralisme économique, et montre ses liens forts avec la philosophie politique libérale.
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  • Le chaud et le froid

    Le chaud et le froid

    La chaire de santé de sciences Po organise les « Tribunes de la santé« . Le Dr. Martin Winckler, médecin généraliste à  temps partiel au centre de planification de l’hôpital du Mans, et écrivain, a été l’invité de cette tribune pour y décrire les obstacles et les enjeux relatifs à  son métier (13 février 2008, « La crise de la médecine générale »). Bon nombre de ses constats de base trouvent un écho en odontologie : « les études de médecine sont trop élitistes, technicistes et autoritaires » ; ou encore : « les facultés de médecine françaises apprennent aux généralistes à  penser en spécialistes alors qu’elles devraient enseigner aux spécialistes à  penser en généralistes ».

    Attention chaud devant !

    Malheureusement notre confrère médecin se prend les pieds dans le tapis en affirmant : « L’idéal du médecin n’est pas de diagnostiquer les maladies mais de faire en sorte que la santé en général de la population soit la meilleure possible ». Quelle confusion ! N’est ce pas au politique de faire en sorte que la santé générale de la population soit la meilleure possible ? Et qui doit se charger de « diagnostiquer les maladies » si ce n’est pas au médecin ? Un tel dérapage ne fait-il pas froid dans le dos ? Martin Winckler n’est qu’un politique déguisé en médecin. Il n’y a pas de honte à  ce que tout citoyen donne son avis politique. Mais il ne faut pas le faire comme médecin ès qualité. A vouloir jouer à  contre sens (Sciences Po invite un médecin), on décrédibilise, et le médecin, et le politique. Si Winckler ne veut pas diagnostiquer les maladies, qu’il évite de parler au nom des professionnels de santé.
    Zorro

  • Ouvrir l'assurance maladie a la concurrence européenne

    Pascal SalinDans le très bon dossier du Figaro Magazine de ce week-end consacré aux réformes, figure une liste de 12 idées pour réformer la France. 12 intervenants prestigieux proposent chacun, dans un format très court, une idée forte pour réformer la France. Aujourd’hui je vous livre celle de Pascal Salin : « Ouvrir l’assurance maladie à  la concurrence européenne ». Tout un programme, politiquement incorrect !
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  • La propagande du Monde Diplomatique

    CouvertureLe hors-série du Monde Diplomatique consacré à  l’environnement est un sommet de désinformation. Escamotage du débat scientifique encore à  l’oeuvre sur ces sujets, présentation des enjeux selon une grille de lecture d’extrême-gauche, choix des sujets particulièrement orientés…C’est un vrai monument, et je le garde chez moi bien précieusement. Décryptage de l’édito et de la grille de lecture…Mensonge et idéologie au programme !
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  • Interview d'Alain Boyer : première partie

    Première partie de l’interview d’Alain Boyer. Il y est question de son parcours politique, de mai 68, de mouvements d’extrême gauche, jusqu’à  son évolution vers le PSU de Michel Rocard.

    BLOmiG : Peux-tu nous raconter un peu ton parcours politique, et expliquer comment un intellectuel universitaire en vient à  s’exprimer dans les grands médias nationaux ?

    Alain Boyer : ce parcours politique commence assez tôt parce que j’appartenais à  une famille de militants politiques, associatifs et syndicalistes. Mon père était un militant de la CFTC, puis il fut l’un des fondateurs de la CFDT,et c’est pour ça que nous sommes « montés » à  Paris en 1964, j’appartenais à  une famille typique de « chrétiens de gauche » (comme Edmond Maire, ou Michel Rocard, que j’ai croisé dans les années soixante, avec mon père, quand il avait encore un pseudo).

    J’étais donc dans une famille de gauche, très politisée, très humaniste, progressiste et anti-totalitaire déjà  (on n’en connaissait pas le mot, mais c’était ça), avec déjà  cette idée un peu naïve qu’il fallait combiner ce qu’il y avait de bien dans le système occidental — c’est à  dire la liberté — et ce qu’il y avait de bien – ce qu’on croyait qu’il y avait de bien – dans le système communiste – c’est à  dire l’égalité – . « Nous, on a la liberté, mais pas l’égalité, eux ils ont l’égalité, mais ils n’ont pas la liberté. Il faut trouver une troisième voie, un socialisme à  visage humain (slogan du « Printemps de Prague en 68 ») ».

    Un certain nombre d’événements ont eu lieu pendant mon enfance, dont j’ai un souvenir très clair, en particulier la guerre d’Algérie, où j’ai cru comprendre le sens du mot « anti-colonialisme », et puis Mai 68 où j’étais adolescent (mon frère aîné était dans les manifs, et mon père était dans les négociations type « Grenelle », pour les Postes et Télécommunications). J’ai fait ma « crise d’adolescence », je trouvais que mes parents n’allaient pas assez loin, qu’ils n’étaient pas assez radicaux, je suis passé du côté de la « révolution ».

    La première fois que j’ai mis les pieds à  la Sorbonne, c’était le 20 mai 1968, sans imaginer que, 30 ans plus tard, j’y serais professeur ! Quand je suis arrivé à  la Sorbonne, il faut dire que c’était extraordinaire pour un gamin politisé et « romantique » ! Toutes les fenêtres étaient couvertes de portraits de Marx, Engels, Lénine, Mao, ou de l’autre côté Trotsky, Che Guevara, mais aussi Bakounine avec drapeaux noirs et des drapeaux rouges partout. Il y avait des « communiqués » sur l’état des luttes, un type qui jouait du piano (j’ai appris après que c’était Higelin), des inscriptions de type « situationniste », qui m’ont beaucoup plu à  l’époque : « Soyez réalistes, demandez l’impossible », des choses comme ça…

    Une ambiance enthousiaste ?

    Oui, oui. Pour moi c’était des « grands », qui remettaient tout en question. Pour dire sur 68 quelque chose, puisque ça a été un enjeu dans la campagne électorale (quand Sarkozy a fait un discours anti-68), je pense que le bilan doit être, comme pour beaucoup d’événements révolutionnaires, nuancé.

    Il y a les aspects négatifs (une remise en cause beaucoup trop radicale de toute autorité, donc de toute institution), c’est tout à  fait vrai. Je me souviens qu’il y avait cette idée d’avant-gardisme, c’est-à -dire d’être toujours un peu plus à  gauche, remettre tout en cause, la famille, l’Eglise (j’ai perdu la foi en Mai), mettre en cause l’université, le professeur, l’idée qu’il faudrait que les cours soient des sortes d’échanges, l’idée que les étudiants avaient eux-mêmes un savoir à  apporter à  leurs professeurs, tout ça était enthousiasmant, mais, à  dire vrai, excessif (il n’y a pas d’éducation sans transmission de savoir). Même si ça doit être fait avec l’autorité du professeur, mais sans autoritarisme : c’est un aspect positif de mai 68. C’est ça qu’on confond souvent. Avant 68, il était impensable qu’un étudiant osât s’adresser à  un professeur ! à‡a a provoqué un adoucissement des rapports, une amélioration du dialogue entre professeurs et étudiants. à‡a c’est stabilisé, maintenant, de sorte que les étudiants prennent des notes, parce qu’ils savent qu’ils auront à  apprendre, il y a une asymétrie. C’était ça, c’était l’asymétrie — entre le « savant » et l’ »étudiant » – qui était remise en cause en 68. Or, si on met en cause cette asymétrie, il n’y a plus de transmission. En revanche, cette asymétrie n’est plus une hiérarchie rigide avec une différence abyssale. On peut parler. Je dis à  mes étudiants, ne m’écrivez pas en disant « salut mon pote », bien sûr, mais j’ »ai pas besoin non plus de « monsieur le grand professeur ». En général, ils me disent « bonjour ».

    Une juste distance ?

    Oui, je préfèrerais qu’ils me disent « bonjour, monsieur », mais bon c’est « bonjour ». Je leur donne mon mail. La rigidité des rapports sociaux, avant 68, par exemple à  la télévision, sous de Gaulle, c’était assez invraisemblable ! Je me rappelle qu’une « speakerine » avait été renvoyée à  la demande de Mme de Gaulle, parce qu’elle avait montré son genou. C’est dire…

    Donc : un contexte, pour mai 68, d’anti-autoritarisme anarchique certes excessif, qui a pu faire du mal à  l’école, mais qui était porteur d’une idée forte de liberté et d’émancipation. Deuxièmement, des mouvements d’extrême gauche, au contraire eux, pas du tout anarchistes, mais de tradition léniniste, voire stalinienne. Un jour, en 71, j’ai failli me faire casser la figure par leur service d’ordre, les maoïstes chantaient (à  la Mutualité), « Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao », je rajoutais « Beria !« , le chef de la police politique de Staline, et quand ils m’ont vu, pfiout!, on était deux, on a du se sauver !

    Alors, comment je me situais ? J’ai tout de suite pensé que l’anarchisme était une impasse. Ca me paraissait d’une grande naïveté de dire (comme l’anarchisme radical – drapeau noir – tel qu’on le voyait à  l’époque dans des associations anarchistes comme la Fédération anarchiste ou l’ORA) : l’idée c’était on détruit tout — l’Etat — immédiatement, et puis rien, plus d’autorité du tout, plus de règles, etc. C’est le sens exact d’ »anarchia » en grec, littéralement « absence de pouvoir ».

    La table rase…

    La table rase. J’acceptais le slogan de Blanqui « ni Dieu ni maître », mais en revanche l’idée de tout renverser, comme ça d’un seul coup, me paraissait complètement naïve. En revanche, les groupes marxiste-léninistes me paraissaient, certainement parce que j’avais eu cette éducation anti-totalitaire, accorder à  Lénine et Trosky ou Castro et Ho-Chi-Min — voire à  Staline et à  Mao — des qualités qu’ils n’avaient pas. J’avais très peur politiquement du stalinisme. Alors, les gens qui renchérissaient sur le parti communiste, traité de « révisionniste », en disant « il faut revenir à  Staline » me paraissaient complètement délirants. (Il y avait aussi des « maos » plus libertaires, qui se faisaient des illusions sur la pseudo « Révolution Culturelle », mais qui étaient « anti-autoritaires », « spontanéistes », les « mao-spontex » ! avec qui je m’entendais mieux – par exemple le groupe VLR : Vive la Révolution – ).

    C’est de là  qu’est partie la rupture avec ces mouvements ?

    Non, pas tous, parce que j’ai trouvé dans mon adolescence une stabilisation dans un courant que je ne renie pas totalement parce qu’il me paraît au fond le moins dangereux pour les libertés, et je vois que les nouveaux « révolutionnaires » (Clémentine Autain par exemple) s’y réfèrent ; il s’agit des luxembourgistes, « spartakistes » ou « conseillistes » L’héroïne en était Rosa Luxemburg, assassinée en 1919 à  Berlin, pendant la semaine sanglante, la révolution communiste ratée (spartakiste : le terme me plaisait beaucoup ! Spartacus était l’un de mes héros quand j’étais gosse…). Elle fut tuée avec son amant Karl Liebknecht. C’était assez romantique, en plus. Et c’était un marxisme non-léniniste. Rosa Luxembourg était marxiste « pure et dure », fondatrice du PC allemand (novembre 1918), donc une vraie révolutionnaire, d’extrême gauche, mais elle avait dit « Camarade Lénine, la liberté, c’est celle de celui qui pense autrement ». Cette phrase voltairienne m’avait énormément plu. Tandis que Lénine a très vite imposé par la violence la seule voix du parti bolchevik.

    On ne sait pas ce qu’aurait donné Rosa Luxemburg si elle n’avait pas été assassinée, bien sûr. Ce courant se réclamait aussi de la révolte des marins de Kronstadt en 1921, qui avaient été l’instrument militaire qui avait permis aux bolcheviks de prendre le pouvoir pendant leur putsch d’octobre 1917. Mais en mars 1921, les marins de Kronstadt, les ouvriers de la révolution, si j’ose dire, ceux qui avaient pris la « Bastille » (le palais d’hiver de St Petersbourg), se sont révoltés parce que Lénine avait promis tout le pouvoir aux soviets (soviets, ça veut dire « conseil ouvrier », donc autogestion), mais qu’en fait c’était le Parti qui avait tout le pouvoir. Lénine et Trotsky ont décidé le massacre des marins (dont le slogan était « tout le pouvoir aux soviets, et non pas au parti »). Donc, ni les maoïstes (se réclamer de Mao ou pis encore de Staline, c’était pour moi l’abomination des abominations), ni Lénine et Trotsky (qui avaient fait massacrer les marins) et qui avaient fondé le Goulag (acronyme voulant dire « direction centrale des camps de prisonniers »), et qui ont mis tout de suite en un an dans les camps plus de prisonniers que les tsars pendant tout le 19ème siècle ! Et fondé la sinistre Tchéka, ancêtre du KGB.

    Je me trouvais bien dans ce courant, dont les deux phares qui étaient les plus connus, et qui recommencent à  être connus, étaient « Socialisme ou barbarie » (S ou B) fondé par 3 philosophes (dont un seul est toujours vivant), Castoriadis, Claude Lefort (théoricien de la démocratie à  l’heure actuelle) et puis Jean-françois Lyotard, fondateur plus tard de l’idée de « post-modernité » en philosophie. Il y avait aussi Edgar Morin dans cette mouvance. J’allais à  la « Vieille Taupe« , qui était la librairie luxembourgiste, et qui est malheureusement tombée dans le révisionnisme le plus abject à  la fin des années 70. Négationnisme des chambres à  gaz, une horreur. De Rosa Luxemburg à  Faurisson ! Je pourrais expliquer mais c’est trop long, la dérive paranoïaque qui consistait à  penser que si on dit qu’à  Auschwitz, c’était l’Enfer, les capitalistes vont dire « vous voyez ! les usines, c’est bien mieux », donc il faut montrer qu’à  Auschwitz c’est moins mal que ce qu’on dit. Pour montrer que le capitalisme libéral, c’est pas mieux que le fascisme. D’où l’idée « il n’y a pas eu de chambres à  gaz » !!! Là  dessus s’est greffé le problème qui existe malheureusement toujours aujourd’hui, le problème palestinien. Beaucoup de gens ont identifié Israël, le sionisme, et l’idée qu’Israël c’est du colonialisme, fondé sur l’idée de la Shoah, donc c’est un mensonge. Toute cette dérive, j’ai détesté. Mais dans les années 60-72, il y avait donc « S ou B », et un petit groupe qui s’appelait « Noir et Rouge« , auquel appartenait les deux frères Cohn-Bendit, et puis ce qui me fascinait le plus, c’était les numéros de l’Internationale situationniste. Les « situs ». Les vrais grands slogans, et la vraie idéologie libertaire de 68, elle est situationniste, fondamentalement. C’était des gens assez dogmatiques eux-mêmes, et qui se sont déchirés, mais qui avaient un certain style (Raoul Vaneigem, Guy Debord). Des sortes de surréalistes ayant décidé que le seul art possible, c’était de changer la vie, sa vie, et de détruire la « société du spectacle » et de la « marchandise ».

    Si je peux me permettre de rebondir là -dessus, dans ce que tu dis, dans ce que tu écris, le dogmatisme est quelque chose que tu fuis.

    Toujours. Enfin, j’essaye…

    Dans ces mouvances là , où il y a justement toujours une part de dogmatisme, de déformation de la réalité, comment toi, tu as évolué là -dedans ?

    D’abord le courant le moins dogmatique de tous, c’était celui auquel je me référais. Parce qu’il n’y avait pas vraiment d’organisation. Au contraire des Mao, par exemple, qui avaient une organisation militaire. La Ligue, c’est-à -dire l’actuelle LCR, (on disait « La ligue a tort, c’est caïman sûr ! »), dirigée par Alain Krivine (toujours en coulisse), c’était des mouvements quasiment militarisés. Léninistes ! Le révolutionnaire professionnel doit être discipliné comme un militaire. Même si n’est pas d’accord, c’est l’organisation, c’est le parti qui décide. Dans les mouvances « conseillistes », c’était l’auto organisation généralisée. à‡a m’a permis en 74 de comprendre que la révolution c’était un mythe (« le grand soir »), ça permit d’abandonner ça, mais tout en gardant l’idée d’autogestion. Je me suis donc retrouvé à  être séduit par le PSU, puis par l’entrée de Rocard et des « rocardiens » au PS (en 1974).

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