Auteur/autrice : BLOmiG

  • Sociologie du conflit

    Sociologie du conflit

    « Sociologie du conflit » de Julien Freund est un excellent essai sur les conflits, leur nature, et ce qu’une analyse approfondie (historique, philosophique, sociologique) permet d’en dire. Julien Freund est un grand intellectuel, injustement ostracisé par les intellos de mai 68 (pour ses références trop « à  droite »).

    Peut-on toujours éviter de choisir un camp ?

    J’ai décidé de le lire à  la suite de la lecture et des échanges avec Philippe Silberzahn, qui m’avaient conduit à  me questionner sur le sujet. Le propos était tout à  fait pertinent : la logique du « choisis ton camp! » nous empêche de transformer le monde. C’est vrai. Et je faisais simplement la remarque que la logique « binaire », par moment, n’était pas évitable : lorsque nous sommes en situation de conflit, il faut effectivement choisir son camp (c’est notamment le cas lorsque l’on est désigné comme ennemi).

    Si vis pacem, para bellum

    Julien Freund est un penseur d’une grande clarté, et d’une très agréable précision. Je vous invite à  lire ce livre remarquable, et indispensable. J’ajouterai dans ma collection un certain nombre de citation de Julien Freund, car beaucoup de passage sont très forts, et très bien formulés. Je partage ici quelques idées fortes que j’en retiens. Freund part d’un constat simple et incontestable : le conflit a toujours fait partie de l’histoire humaine, de tout temps. Au lieu de porter un jugement moral sur le conflit, il convient plutôt de le regarder pour ce qu’il est, d’en décrire les caractéristiques : comprendre comment les conflits émergent et se forment, comment ils se développent ou se désamorcent, et comment ils se déroulent et s’arrêtent. C’est très exactement le programme du livre de Freund. Il s’appuie beaucoup sur Clausewitz, Schmitt, Simmel, et aussi sur Weber et Aron. Il y apporte visiblement sa contribution éclairée.
    Les conflits se caractérisent par la bipolarisation : la tension entre deux pôles opposés, qui structurent l’ensemble des rapports d’acteurs autour d’un conflit, et qui rendent impossible l’existence d’un autre point de vue. On rejoint le « Choisis ton camp, camarade! ».
    J’ai presque terminé la lecture. J’en suis au chapitre sur la paix qui est dans le même esprit : on ne peut faire la paix qu’avec des ennemis, ce qui indique bien que « conflit » et « paix » sont les deux faces d’une même médaille, d’un même ensemble de phénomènes proprement humains. Si vis pacem, para bellum contient donc une réelle sagesse stratégique, bien sûr, mais également philosophique, que nous aurions tort d’oublier.

    Changement de perspective

    La lecture de cet essai force à  se poser des questions, et à  changer la manière de se poser un certain nombre de questions. Si penser un monde humain sans conflit relève largement du fantasme ou de l’utopie, voire peut conduire à  oublier que les conflits permettent de résoudre des problèmes, il faut bien l’intégrer dans notre manière de penser le monde. C’est difficile pour moi, qui suis de nature pacifique, et avec une tendance à  éviter les conflits.
    Comme pour le poison (« C’est la dose qui fait le poison ») où il s’agit de remplacer l’idée de qualité par celle de quantité, il faut opérer un changement de perspective. Le conflit fait partie du monde et des humains. Notre rêve d’un monde sans conflit nous fait louper une partie du réel, et probablement conduit à  ne pas voir un certain nombre de conflits, car nous en nions simplement l’existence. C’est un renversement de perspective difficile pour moi, et je crois pour notre époque. Il faut repenser le conflit. C’est ce que Sociologie du conflit, de Julien Freund, permet de faire. Qu’en pensez-vous ? Cela m’a donné envie, en tout cas, de lire son ouvrage majeur « Qu’est-ce que la politique ? », dont est tiré cette phrase :

    On a beau ironiser sur le concept de patrie et concevoir l’humanité sur le mode anarchique et abstrait comme composée uniquement d’individus isolés aspirant à  une seule liberté personnelle, il n’empêche que la patrie est une réalité sociale concrète, introduisant l’homogénéité et le sens de la collaboration entre les hommes. Elle est même une des sources essentielles du dynamisme collectif, de la stabilité et de la continuité d’une unité politique dans le temps. Sans elle, il n’y a ni puissance ni grandeur ni gloire, mais non plus de solidarité entre ceux qui vivent sur un même territoire. […] Dans la mesure où la patrie cesse d’être une réalité vivante, la société se délabre non pas comme le croient les uns au profit de la liberté de l’individu ni non plus comme le croient d’autres à  celui de l’humanité ; une collectivité politique qui n’est plus une patrie pour ses membres cesse d’être défendue pour tomber plus ou moins rapidement sous la dépendance d’une autre unité politique. Là  où il n’y a pas de patrie, les mercenaires ou l’étranger deviennent les maîtres. Sans doute devons-nous notre patrie au hasard de la naissance, mais il s’agit d’un hasard qui nous délivre d’autres.
    Julien Freund (1921 – 1993) philosophe, sociologue et résistant français
  • Citation #126

    Les mots justes trouvés au bon moment sont de l’action.

    Hannah Arendt (1906 – 1975) politologue, philosophe et journaliste allemande naturalisée américaine

  • Septentrion

    Septentrion

    Jean Raspail a écrit le roman Septentrion en 1979. C’est un roman étrange, mystérieux, et métaphysique. J’y ai retrouvé avec plaisir la plume incroyable de Jean Raspail (je ne connaissais que Le camp des saints). Il a un style puissant et simple, touchant sans jamais être mièvre, tendre et viril à  la fois.
    Le roman démarre avec des scènes très fortes : une partie de la population devient presqu’ahurie, par un phénomène inexpliqué, tandis que les différents canaux de communication se coupent. Un groupe de personnes, qui sont restées lucides, sentent le danger et décident de fuir à  bord d’un train. Ce démarrage trompe le lecteur sur la nature du roman, car on n’entendra plus vraiment parler de tout cela par la suite : ce n’est que le contexte de départ. Un groupe de volontaires, constitué par les circonstances et le hasard, circule à  bord d’un train. C’est une belle troupe, mêlant femmes et enfants, militaires, aventuriers, une prostituée, et un écrivain qui est le narrateur.

    Le Septentrion, pays absurde ?

    Au fur et à  mesure de la lecture, nous comprenons que ce train sera le reste de leur vie. Le train et ses habitants deviennent une métaphore de la vie. L’issue est connue. Je n’en dis pas plus pour ne pas déflorer l’histoire. Le charme de ce livre ne tient pas à  l’histoire, mais au style, et à  ce qui arrive aux personnages. Leurs arrêts pendant le trajet, à  différents endroits – villes abandonnées, rivières splendides, forêts pleine de mystères – sont les points d’accroches de ce périple absurde. Absurde au sens Camusien, bien sûr. Leur fuite aussi, et leur volonté de préserver ce qui fait leur identité et leur humanité, face à  l’ennemi qui les pourchasse, structure le récit. Le rapport au mystère du narrateur n’est pas univoque, et il laisse une grande place à  l’interprétation du lecteur. C’est ce qui fait de ce roman une très belle oeuvre métaphysique : très personnelle, émouvante et lyrique à  certains moments, décrivant à  la perfection ce qui fait la beauté de la vie, et son absurdité, elle laisse le lecteur, comme dans un tableau, contempler et attraper ce qui lui parlera le mieux. On n’est pas vraiment tenu en haleine, mais c’est un choix qui était le bon. Vous le verrez si vous lisez Septentrion, de Jean Raspail.
    Il ne me reste qu’à  courir lire L’anneau du pêcheur qui, d’après Jean Raspail, est son chef d’oeuvre.

  • Citation #125

    Soyez résolus à  ne plus servir, et vous voilà  libres.

    Etienne de La Boétie (1530 – 1563) écrivain humaniste et un poète français

  • Absurde et désobéissance

    Absurde et désobéissance

    Délire obsessionnel

    J’ai beau tourner le sujet dans tous les sens, le regarder sous différents angles : le gouvernement, et une partie de la population est en plein délire obsessionnel, encouragé en cela par la plupart des médias. Les décisions et les règles absurdes s’enchainent, au mépris des faits. Devrons-nous désobéir ? J’aimerais me tromper : j’aimerais comprendre qu’ils ont raison, que les mesures sont sensées, qu’on les évalue avec les bons indicateurs. Je voudrais croire que j’ai tort, et qu’ils ont raison. Cela me faciliterait la vie, et je m’en remettrai à  leur intelligence et à  leur bon sens. Mais ce n’est pas le cas.
    Avec le recul, nous savons maintenant que :

    • la COVID n’est pas une maladie grave pour la plupart des gens. Notamment les jeunes, chez qui elle n’a aucun caractère de gravité. Les plus impactés, et c’est bien malheureux, sont les malades et les vieux. Pourquoi s’exciter autant alors ?
    • les masques dans la rue ne servent à  rien : pourquoi continuer à  les imposer ?
    • la seule chose qui compte avec un virus et une maladie, c’est le nombre de morts par million d’habitant. Ou pour faire plus précis le taux de mortalité/létalité et le fameux R0 coefficient de transmissibilité. Pourquoi regarder un coup le nombre de morts, un coup le nombre de cas, un coup le nombre de gens en réa ? Pourquoi ne pas simplement montrer l’actualisation du taux de mortalité ?
    • les confinements ne servent à  rien, ou pas à  grand-chose (du côté des bénéfices), mais ils sont dévastateurs (du côté des risques) pour la liberté, pour l’économie, pour la psychologie, pour la sociabilité : pourquoi continuer à  en imposer malgré cette balance bénéfices/risques désastreuse ?

    Les émotions au pouvoir

    Je ne fais pas partie de ceux qui pensent que les gouvernants soient malveillants. Je pense qu’ils sont incompétents, et qu’ils manquent de courage. Je pense qu’ils gouvernent presqu’uniquement en surfant et en jouant avec les émotions médiatiques, tant ils ont baissé les bras et renoncé à  se coltiner le réel. Autant de communication, et d’énergie, sur un sujet comme la COVID le montre assez : comme s’ils avaient été élu pour gérer une sorte l’hôpital géant à  ciel ouvert. Au passage, pas un n’en a profité pour souligner l’extrême désorganisation de l’hôpital et du système de soin français. Système où l’on laisse des cliniques privées vides tandis que les services de réa hurlent à  l’urgence, et où l’on écarte les traitements et les médecins libéraux pour tout envoyer à  l’hôpital, soi-disant déjà  surchargé.

    Une mauvaise histoire

    Il y a tant de postures, et si peu de recherche de vérité. L’opposition brille par son absence. A part quelques rares élus et responsables, la grande majorité d’entre eux se contente de critiquer la mauvaise gestion technocratique (pas assez de masques, pas assez de vaccins, pas assez vite), sans jamais remettre en question la narration du gouvernement. Car le sens est toujours histoire de narration. Celle de Macron est une catastrophe : « nous sommes en guerre ». Contre un virus, qui s’avère maintenant être peu dangereux. Ce serait drôle, si ce n’était pas aussi triste. L’armistice aurait dû être sonné depuis longtemps. Cette narration guerrière, outrancière, porte en elle tous les germes du jusqu’au-boutisme technocratique que l’on peut constater depuis. Et elle induit de fausses alternatives : le choix n’est pas entre « avoir vacciné tout le monde » ou « reconfiner ». C’est pourtant cette narration qui est reprise en boucle, par les médias, et par les gens. Reconfiner ne sert à  rien, et vacciner n’a de sens que pour ceux qui sont très à  risques.
    Je disais que le sens est toujours affaire de narration : le problème de nos politiciens actuels, encouragé en cela par le prisme d’immédiateté médiatique, c’est qu’ils ont l’outrecuidance et la bêtise de croire que l’histoire commence avec eux. La narration, pour le peuple français, commence à  différents moments de l’histoire lointaine, enracinés eux-mêmes jusque dans la plus ancienne antiquité. Quelle absurde et incroyable hybris, en 2020, de croire que l’histoire peut-être faite par quelques technocrates, s’occupant du nombre de lits d’hôpitaux disponibles, plutôt que du sort de la Nation. N’ont-ils donc dans leur entourage que d’affreux lèche-bottes qui les confortent en permanence dans l’espoir de grappiller un petit morceau du sacro-saint pouvoir ?

    Faut-il désobéir aux règles absurdes pour retrouver le sens ?

    Et le plus absurde dans tout cela, c’est que nous avons tellement l’habitude de suivre les règles imposés – de force – par l’Etat, que nous suivons tout cela sans broncher. La désobéissance devrait s’imposer à  nous, devant tant d’absurdités et de délires. Mais nous obéissons, nous courbons l’échine, avec un mélange de crainte et de rage. Nous sommes nous-mêmes, en ne désobéissant pas à  des injonctions si débiles, promoteur de cet absurde qui contraint et tue le pays à  petit feu. C’est peut-être là  encore ce qu’il y a de plus absurde. La prise de position de Didier Maïsto me parait courageuse et salutaire. Qu’en pensez-vous ? Devrions-nous afficher des formes plus ou moins nettes de désobéissance pour contrer ce délire ?

    C’est bien le peuple qui délaisse la liberté, et non pas le tyran qui la lui prend.

    Etienne de La Boétie(1530 – 1563) écrivain humaniste et poète français

  • Citation #124

    Le vrai miroir de nos discours est le cours de nos vies.

    Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592) philosophe français, humaniste et moraliste de la Renaissance