Auteur/autrice : BLOmiG

  • L’hygiène du langage d’Orwell

    L’hygiène du langage d’Orwell

    Je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous un très beau texte de George Orwell, datant de 1946, et consacré aux liens entre langage et pensée. On connait la réflexion d’Orwell dans 1984 sur le langage, avec la « novlangue« . Pour penser juste, il faut utiliser correctement le langage. Mode d’emploi.

    Parler bien pour bien penser

    Si vous lisez ce blog, vous savez qu’il correspond à  un effort que j’essaye de faire pour penser correctement.

    Travaillons donc à  bien penser : voilà  le principe de la morale.

    Blaise Pascal (1623 – 1662)mathématicien, physicien, inventeur, philosophe, moraliste et théologien français

    Penser correctement, cela veut dire, bien sûr, être conscient des biais cognitifs susceptibles d’altérer la qualité de notre réflexion. Mais également, sur un plan différent, il faut toujours être conscient que penser ne peut se faire qu’en utilisant le langage, qui est la forme de la pensée (une pensée sans langage est informe).

    Ce matin dans ma boite mail, j’avais la newsletter du site Polémia, et en me baladant sur ce site je suis tombé sur un texte d’Orwell (article de Polémia, citant lui-même une traduction disponible en ligne sur Espace contre Ciment), qui est un très joli petit essai de 1946, La politique et la langue anglaise. Je ne résiste pas à  vous partager, donc, ce texte, essentiel à  mes yeux.

    Quelques extraits pour la route

    Tout d’abord quelques règles d’écritures que je garde ici :
    Mais il arrive souvent que l’on éprouve des doutes sur l’effet d’un terme ou d’une expression, et il faut pouvoir s’appuyer sur des règles quand l’instinct fait défaut. Je pense que les règles suivantes peuvent couvrir la plupart des cas :
    1. N’utilisez jamais une métaphore, une comparaison ou toute autre figure de rhétorique que vous avez déjà  lue à  maintes reprises.
    2. N’utilisez jamais un mot long si un autre, plus court, peut faire l’affaire.
    3. S’il est possible de supprimer un mot, n’hésitez jamais à  le faire.
    4. N’utilisez jamais le mode passif si vous pouvez utiliser le mode actif.
    5. N’utilisez jamais une expression étrangère, un terme scientifique ou spécialisé si vous pouvez leur trouver un équivalent dans la langue de tous les jours.
    6. Enfreignez les règles ci-dessus plutôt que de commettre d’évidents barbarismes.

    Et puis le début du texte, pour vous donner envie de le lire…
    La plupart des gens qui s’intéressent un peu à  la question sont disposés à  reconnaître que la langue anglaise est dans une mauvaise passe, mais on s’accorde généralement à  penser qu’il est impossible d’y changer quoi que ce soit par une action délibérée. Notre civilisation étant globalement décadente, notre langue doit inévitablement, selon ce raisonnement, s’effondrer avec le reste. Il s’ensuit que lutter contre les abus de langage n’est qu’un archaïsme sentimental, comme de préférer les bougies à  la lumière électrique ou l’élégance des fiacres aux avions. A la base de cette conception, il y a la croyance à  demi consciente selon laquelle le langage est le résultat d’un développement naturel et non un instrument que nous façonnons à  notre usage. Il est certain qu’en dernière analyse une langue doit son (La langue) devient laide et imprécise parce que notre pensée est stupide, mais ce relâchement constitue à  son tour une puissante incitation à  penser stupidement.déclin à  des causes politiques et économiques : il n’est pas seulement dû à  l’influence néfaste de tel ou tel écrivain. Mais un effet peut devenir une cause, qui viendra renforcer la cause première et produira un effet semblable sous une forme amplifiée, et ainsi de suite. Un homme peut se mettre à  boire parce qu’il a le sentiment d’être un raté, puis s’enfoncer d’autant plus irrémédiablement dans l’échec qu’il s’est mis à  boire. C’est un peu ce qui arrive à  la langue anglaise. Elle devient laide et imprécise parce que notre pensée est stupide, mais ce relâchement constitue à  son tour une puissante incitation à  penser stupidement. Pourtant ce processus n’est pas irréversible. L’anglais moderne, et notamment l’anglais écrit, est truffé de tournures vicieuses qui se répandent par mimétisme et qui peuvent être évitées si l’on veut bien s’en donner la peine. Si l’on se débarrasse de ces mauvaises habitudes, on peut penser plus clairement, et penser clairement est un premier pas, indispensable, vers la régénération politique ; si bien que le combat contre le mauvais anglais n’est pas futile et ne concerne pas exclusivement les écrivains professionnels.
    Lire la suite : La politique et la langue anglaise.

  • Autrui oblige

    Autrui oblige

    Je poste ici de modestes recensions des ouvrages que je lis, parfois quelques réflexions qui me paraissent importantes – pour moi – à  structurer. C’est un blog personnel, éminemment confidentiel. Mais il arrive que certains articles soient lus, parfois par l’auteur du livre en question, parfois simplement par les lecteurs plus ou moins réguliers du blog. Cela remet l’accent sur le caractère public de l’écriture sur un blog. A partir du moment où l’on écrit en ligne, on est responsable de ce qu’on écrit. Je ne parle pas ici de l’aspect responsabilité juridique, mais de la responsabilité morale.

    Lorsque j’écris un billet, je me demande souvent ce que les lecteurs éventuels pourraient penser, ou ressentir, à  la lecture. Cela force à  peser chaque mot, bien sûr : il faudra assumer, éventuellement, d’avoir écrit telle ou telle phrase, et l’écrit n’est pas l’oral. Argumenter, expliquer. C’est la fonction de la zone de commentaires.

    Mais cela force à  peser ses mots dans un autre sens : il y a une responsabilité dans l’écriture, comme dans la prise de parole, à  ne pas blesser autrui. Non pas une manière de ne plus dire les choses, ou de ménager les susceptibilités, mais plutôt, comme avec les enfants, apprendre à  choisir la bonne formulation : « je n’aime pas », plutôt que « ce n’est pas bon ». Dire la vérité, crue, sans qu’une personne innocente ou fragile puisse se sentir attaquée ou montrée du doigt. D’ailleurs, non : dire la vérité sans attaquer ou montrer du doigt des personnes. Si certains se sentent attaqués, c’est une autre histoire. Le but est simple : ne pas blesser volontairement, faire attention à  viser la vérité plus que l’effet sur autrui. En miroir, cela implique de dire la vérité sans flagornerie ou volonté de plaire non plus.

    Il y a toute une petite mécanique mentale, une hygiène de la parole, une politesse, à  laquelle la vérité et la présence potentielle d’autrui nous obligent.

  • Les traîtres

    Les traîtres

    Quand je suis arrivé à  Paris, pour faire mes études, je ne m’informais pas beaucoup. J’avais 20 ans, et le monde politique était loin de mes préoccupations. Mais j’achetais tous les vendredis, sans faute, Le Figaro pour lire le petit texte d’Ivan Rioufol.

    Depuis toujours, dans le réel

    Il me parlait, et analysait, contrairement à  beaucoup d’autres journalistes, du réel. Son petit bloc-notes hebdomadaire était ma gazette pour savoir ce qui se passait. J’ai par la suite, avec l’arrivée d’internet et des blogs, mis les mains dans le cambouis en écrivant sur un blog politique et en animant un réseau de blogueurs politiques (LHC, pour Liberté d’expression, Humanisme, et esprit Critique). Nous avions eu le grand plaisir de l’accueillir, un soir, lors de notre réunion mensuelle de blogueurs. Il était venu nous présenter, dans les locaux que Contribuables Associés mettaient gentiment à  notre disposition, son dernier ouvrage.
    Depuis cette époque je continue de suivre ce que fait et écrit Rioufol. « Aujourd’hui, l’urgence est de sortir du mensonge, de la désinformation, de la haine autodestructrice, qui sont devenus les trous noirs de la civilisation occidentale »C’est un intellectuel courageux, et qui a été très souvent en première ligne, malgré les vents contraires. Très tôt lucide sur la menace que faisait peser l’immigration massive et le multiculturalisme érigé en modèle de société, sans jamais se départir de sa tolérance, il est également proche dans sa ligne libérale-conservatrice de ce que je peux penser du monde : Ivan Rioufol fait partie des quelques intellectuels qui savent, quand ils parlent de libéralisme, de quoi ils parlent. Son amitié avec Alain Laurent n’y est peut être pas pour rien. Ivan Rioufol, sur les sujets de société, me semble très proche dans son analyse, des réflexions proposées par Bock-Côté sur le « régime diversitaire » qui est devenu notre politiquement correct.

    Retour sur la colère des Gilets jaunes

    Dans son dernier ouvrage, Les traîtres (aux éditions Pierre Guillaume De Roux), Rioufol nous parle du mouvement des Gilets jaunes, qu’il a vu naître d’un bon oeil, et qu’il a suivi, soutenu, et dont il continue à  se faire volontiers le porte-parole. Le titre, qui désigne les responsables politiques français, ou les élites (prises dans le même sens que dans l’ouvrage remarquable de Pierre Mari, En pays défait) est très dur. Mais il faut bien reconnaitre qu’il est juste. Ce n’est pas le titre qui est dur, de fait, c’est la réalité dans laquelle des années de laxisme politique nous ont plongé. La crise du CoVid19 ne fait, malheureusement, que confirmer ce terrible constat : la France est un pays abimé, et dont la culture, le style de vie, les traditions sont volontairement défaits par les dirigeants. Je ne dirais pas tout avec les mêmes mots que Rioufol, mais je suis d’accord avec ses analyses. J’y retrouve la colère que peut susciter le suivi de l’actualité française (ce que je fais quotidiennement grâce à  Twitter et à  de nombreux sites d’infos). Rioufol ne m’a pas appris tant que cela dans ce livre, parce qu’il fait partie de ceux dont je m’alimente régulièrement : si ce n’est pas votre cas, je vous recommande chaudement la lecture de ce livre qui va droit au but, sans rhétorique, et avec humilité. Je termine ce modeste billet en laissant le mot de la fin à  Ivan Rioufol :
    Les Gilets jaunes l’ont démontré : seule la société civile est encore capable de se rebeller contre les clercs qui, droite et gauche confondues, persistent à  faire de la France un pays amnésique et déculturé, ouvert aux manipulations génétiques et idéologiques. Les âmes fortes sont les bienvenues. La place prise par l’insignifiance et l’émotion dans les grands débats publics laisse voir la paresse qui a envahi les comportements médiatiques, adeptes de la copie conforme et de l’infantilisation des débats. Le monde intellectuel s’est lui-même laissé endormir par le conformisme et le manichéisme de l’utopie mondialiste. Il doit se réveiller. Aujourd’hui, l’urgence est de sortir du mensonge, de la désinformation, de la haine autodestructrice, qui sont devenus les trous noirs de la civilisation occidentale, et de la France tout particulièrement. (…) Le combat à  mener est splendide : il a pour objectif de soutenir l’esprit pionnier des Gilets jaunes et de prendre la relève. Elle passe par le rétablissement de la démocratie confisquée, la redécouverte du patriotisme, le retour à  la liberté de penser, la prise de distance avec l’individualisme. Il s’agit de venir au secours d’une nation maltraitée par une caste corrompue par l’obsession diversitaire et l’argent des puissants. Parce que ces derniers ont trahi la confiance des plus fragiles, ils sont impardonnables.

  • Le Montespan

    Le Montespan

    « Le Montespan », de Jean Teulé, est un roman historique, qui prend le parti de raconter non pas l’histoire archi-connue de la Marquise de Montespan (1640-1707), favorite de Louis XIV (dont elle aura sept enfants), mais de son infortuné mari, le Montespan, c’est-à -dire Louis-Henri de Pardaillan de Gondrin, Marquis de Monstespan. J’ai retrouvé dans ce roman l’esprit de la superbe BD tirée d’un autre roman de Jean Teulé (Je, François Villon) : un mélange de drôlerie, de légèreté, de violence, d’esprit paillard, avec une grande finesse dans la description des personnages, jamais caricaturés dans leurs sentiments. Les chapitres du livre sont très courts, comme de petites saynètes (un reste de l’auteur de BD que fut Jean Teulé ?). On pourrait qualifier le style de Teulé de Rabelaisien.
    Vivre l’histoire du Montespan, romancée par Teulé, c’est découvrir un mari amoureux, qui voit sa femme partir à  la Cour et tomber dans les griffes, de manière consentante, du Roi Soleil. Mais il ne se laisse pas faire. Déjà  moyennement en grâce, il se retrouve carrément en disgrâce, à  force de provoquer celui qu’il ne faut pas provoquer, entouré de sa cour de flagorneurs.
    La page Wikipedia cite ce passage de « Louis XIV pour les Nuls », qui dit bien la situation :
    Au temps du Roi-Soleil, avoir sa femme dans le lit du monarque était pour les nobles une source de privilèges inépuisable. Le jour où Louis XIV jeta son dévolu sur Mme de Montespan, chacun, à  Versailles, félicita le mari de sa bonne fortune. C’était mal connaître Louis-Henri de Pardaillan, marquis de Montespan… Gascon fiévreux et passionnément amoureux de son épouse, Louis-Henri prit très mal la chose. Dès qu’il eut connaissance de son infortune, il orna son carrosse de cornes gigantesques et entreprit de mener une guerre impitoyable contre l’homme qui profanait une union si parfaite. Refusant les honneurs et les prébendes, indifférent aux menaces répétées, aux procès en tous genres, emprisonnements, ruine ou tentatives d’assassinat, il poursuivit de sa haine l’homme le plus puissant de la planète pour tenter de récupérer sa femme…

    Je n’en dis pas plus. Très bon roman, facile à  lire.
    Et j’ai eu le plaisir de découvrir, en écrivant ce modeste billet, le parcours de Jean Teulé. Parcours original, d’une personne qui semble très sympathique, mystérieux, touche-à -tout, fuyant les honneurs, mais ne se cachant pas non plus. BD, roman, cinéma, passionné d’histoire. Et drôle. Voilà  qui donne envie de découvrir d’autres de ses oeuvres, ce que je ne manquerai pas de faire.

  • Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?

    Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?

    J’avoue qu’ayant lu la biographie de Paul Veyne sur Wikipedia, j’avais envie d’aimer son livre. Son parcours d’un milieu modeste jusqu’au Collège de France comme spécialiste de l’antiquité suscite l’admiration et le respect : il a été le premier de sa famille à  obtenir son Bac.
    Je me suis donc accroché, dans ce livre très érudit, tout en nuances, stimulant, mais dont le fil n’apparait pas clairement, au-delà  des questions soulevées sur les « modes de croyances » et « programmes de vérité ». Les auteurs grecs croyaient-ils à  leurs mythes ? Tantôt historiens, tantôt philologues, tantôt critiques, leur rapport à  leurs propres croyances, et à  celles de leurs ancêtres étaient pour le moins complexes. Comme les nôtres.
    Et c’est à  la toute fin que j’ai compris : ce livre est écrit à  l’envers. Ou plutôt : c’est un livre très français dans sa construction. Les anglo-saxons, généralement, récapitulent en début d’ouvrage les thèses principales, quitte à  les caricaturer un peu, pour ensuite rentrer dans le détail et l’argumentation. Ici, c’est l’inverse : on suit un raisonnement sans avoir eu l’exposé de la thèse, pour découvrir, dans le dévoilement final, quel était le propos. J’avoue préférer la méthode anglo-saxonne qui annonce la couleur.
    Le dernier paragraphe (!) du livre donne donc le propos du livre :

    Le propos de ce livre était donc très simple. A la seule lecture du titre, quiconque a la moindre culture historique aura répondu d’avance : « Mais bien sûr qu’ils y croyaient, à  leurs mythes! » Nous avons simplement voulu faire en sorte que ce qui était évident de « ils » le soit aussi pour nous et dégager les implications de cette vérité première.

    Beau programme : pourquoi ne pas l’avoir annoncé au début ? On comprend pourquoi à  la fin : dans le dernier chapitre, Paul Veyne nous explique que la vérité n’existe pas. C’est sûr que s’il nous explique cela au début, nous risquons de reposer le livre instantanément. Pourquoi écouter ou lire les propos d’un homme qui termine son livre par l’énoncé de cette vérité première paradoxale « la vérité n’existe pas » ?
    Plus précisément, sa vision de la vérité et de la connaissance me parait très naïve. « S’il n’y a pas de vérité absolue, certaine, alors la vérité n’existe pas ». Eh bien non. Par ailleurs, Paul Veyne, visiblement, ne comprend pas bien la notion de vérité-correspondance (fondant les sciences), si essentielle pour penser la vérité.
    Il confond, pour faire une analogie, la boussole et son usage. La vérité est la boussole, qui sert à  jauger les connaissances dans leur adéquation au réel. Le doute est un autre outil. Finalement, la conception de la vérité de Paul Veyne est digne d’un enfant … ou d’un marxiste. Et c’est très clairement le cadre de pensée de Paul Veyne dans les dernières pages. Paul Veyne baigne en plein polylogisme : la vérité n’est que le reflet, l’apparence, l’outil, pour pouvoir imposer des idéologies ou un pouvoir (voir mon article sur l’historicisme et le polylogisme). Donc plus aucune vérité n’est possible.
    Il reste de ce livre des exemples intéressants, passionnants parfois, une démarche de doute systématique très riche. Mais l’outil du doute, sans l’outil de la vérité, cela finit en nihilisme. Je n’aimerais pas être dans la tête de Paul Veyne : rationnel, esprit très fin, amoureux de la connaissance, érudit, mais perdu dans un monde mental où la vérité n’est rien.

  • Stevie Wonder

    Stevie Wonder

    Un des usages les plus intéressants de Spotify, c’est de prendre un artiste qu’on aime bien, et d’aller se ballader dans sa discographie, auquel on accède intégralement. Je viens de passer quelques jours à  découvrir tous les morceaux et albums de Stevie Wonder. Tout n’est pas bon dans son oeuvre, mais c’est un sacré génie quand même, avec une voix incroyable. Je ne résiste pas à  partager cette chanson qui m’était totalement inconnue, et que je trouve très belle : « They Won’t Go When I Go ». Sincèrement : installez-vous tranquillement, mettez un casque, fermez les yeux et profitez!